La nation hollandaise Jan Frederik Helmers Aug. J.Th.A. Clavareau Dit bestand biedt, behoudens een aantal hierna te noemen ingrepen, een diplomatische weergave van La nation Hollandaise van Jan Frederik Helmers, in een vertaling van Aug. J.Th.A. Clavareau uit 1825. p. 213: in het origineel is pagina 213 genummerd als 215. In deze digitale editie is het paginanummer aangepast naar 213. helm006lana01_01 DBNL-TEI 1 2017 dbnl exemplaar Koninklijke Bibliotheek Den Haag, signatuur: 9212 A 15 Jan Frederik Helmers, La nation hollandaise (vert. Aug. J.Th.A. Clavareau). P.J. de Mat, Brussel 1825 Wijze van coderen: standaard French La nation hollandaise Jan Frederik Helmers Aug. J.Th.A. Clavareau La nation hollandaise Jan Frederik Helmers Aug. J.Th.A. Clavareau 2017-08-09 VD colofon toegevoegd Verantwoording Dit tekstbestand is gebaseerd op een bestand van de Digitale Bibliotheek voor de Nederlandse Letteren (https://www.dbnl.org) Bron: Jan Frederik Helmers, La nation hollandaise (vert. Aug. J.Th.A. Clavareau). P.J. de Mat, Brussel 1825 Zie: https://www.dbnl.org/tekst/ques002lauw01_01/colofon.php In dit bestand zijn twee typen markeringen opgenomen: paginanummering en illustraties met onderschriften. Deze zijn te onderscheiden van de rest van de tekst door middel van accolades: {==13==} {>>pagina-aanduiding<<} {==Figuur. 1: Onderschrift van de afbeelding.==} {>>afbeelding<<} {==I==} {>>pagina-aanduiding<<} La nation hollandaise, Poème. {==II==} {>>pagina-aanduiding<<} Les formalités exigées par la loi ayant été remplies, et les exemplaires déposés, je poursuivrai tout contrefacteur ou colporteur de cet ouvrage, suivant la rigueur des lois. {== afbeelding ==} {>>afbeelding<<} P.J. de Mat, à Bruxelles. {==III==} {>>pagina-aanduiding<<} La nation hollandaise, Poème Eu six Chautec, avec des notes; Traduit de Helmers, d'après La sixième édition; Par Aug. Clavareau. {== afbeelding ==} {>>afbeelding<<} Bruxelles, P.J. de Mat, à la librairie française et étrangère, grande place, no 1188. M.DCCC.XXV. {==IV==} {>>pagina-aanduiding<<} {==1==} {>>pagina-aanduiding<<} Liste Des Souscripteurs. S.M. Le roi des Pays-Bas. Gr. pap. vél., 6 exempl. S.A. le prince Frédéric. Gr. pap. vél., 2 exempl. MM. Arntzenius (D.J.A.), candidat en droit à Utrecht. Arnould, contrôleur à Peruwelz. Arkens, receveur à Vliermaal (Limbourg.) Assche (Van), contrôleur à Mastricht. Aelbroek (F. Van), à Gand. Gr. pap. vélin, un exempl. Aubremé (S.E. d'), commissaire général de la guerre à Bruxelles. Gr. pap. vél., un exempl. Appelius (S.E.), ministre des finances. Gr. pap. vél., un exempl. {==2==} {>>pagina-aanduiding<<} MM. Aebinge Van Humalden (J.), gouverneur de la Frise à Leeuwarde. Gr. pap. vélin, un exempl. Accarain (A.), à l'université de Louvain, à Louvain. Bennebroek Gravenhorst (J.), avocat à Amsterdam. Bourlard, contrôleur à Ath. Beauduin, receveur à Mons. Babut du Marès, vérificateur de la comptabilité à Bruxelles. Gr. pap. vél., un exempl. Blaes, inspecteur du cadastre à Bruxelles. Gr. pap. vél., un exempl. Brugman, visiteur à Tournai. Boecop (baron Van), colonel à Namur. Gr. pap. vélin, un exempl. Bogaert (Van), receveur à St.-Nicolas. Bloemaerts, référendaire, bourgmestre à Venlo. Gr. pap. vél., un exempl. Barre, capitaine de la douzième division à Namur. Barre, second lieutenant de la douzième division à Namur. Bernaert, entreposeur à Gand. {==3==} {>>pagina-aanduiding<<} MM. Bibliothèque (la) du régiment suisse de Ziegler à Namur. Gr. pap. vél., un exempl. Blykaerts, receveur à Venlo. Bourquin, vérificateur de la comptabilité à Namur. Beunen, capitaine quartier-maître de la douzième division à Liège. Gr. pap. vél., un exempl. Bibliothéque (la) de la première division infanterie à Bruxelles. Gr. pap. vél., un exempl. Brouckère (de), procureur du roi à Ruremonde. Baillet (comte de), ancien receveur-général à Anvers. Gr. pap. vél., un exempl. Beckers (L.G.J.), avoué licencié à Liège. Beelaests Van Blokland, membre des États-Généraux à Rotterdam. Benedetti, commis de la comptabilité à Mastricht. Berman, membre de la commission permanente du syndicat à Amsterdam. Gr. pap. vél., un exempl. Béthune (comte de), membre de la première {==4==} {>>pagina-aanduiding<<} MM. chambre à Tournai. Gr. pap. vélin, un exempl. Bibliothèque (la) de l'école de Delft. 2 exempl. Billehé (baron de), à Mastricht. Gr. pap. vél., un exempl. Bioul (Moreau de), membre de la première chambre à Namur. Gr. pap. vélin, un exempl. Boekeren (Van), libraire à Groningue. Boers, contrôleur à St.-Hubert. Borgesius Winter, directeur des fonds de pensions à La Haye. Gr. vélin, un exempl. Bossaert, directeur des postes à Tournai. Bourgeois, directeur des postes à Menin. Boyaval Holvoet, receveur à Menin. Brandès, greffier des états à Liége. Gr. pap. vél., un exempl. Brandt (X.E.), pasteur à Middelbourg. Brade, colonel commandant la place de Mastricht, à Mastricht. Gr. pap. vél., un exempl. Brouckère (de), conseiller d'état, gouverneur à Mastricht. Gr. pap. vél., un exempl. Capitaine, contrôleur du cadastre à Mastricht. Castille, inspecteur de l'enregistrement à Namur. Gr. pap. vél., un exempl. {==5==} {>>pagina-aanduiding<<} MM. Cavelier, receveur à Kerkrode (Limbourg.) Cecil (baron de), à Hasselt. Ceva (de), capitaine, aide-de-camp de monsieur le général baron Ghigny à Liége. Chalons, inspecteur à Mons. Gr. pap. vél., un exempl. Chandon, à Sittard (Limbourg.) Gr. pap. vél., un exempl. Claus, inspecteur d'arrondissement à Tournai. Clavareau (Félix), vérificateur de la comptabilité à Tournai. Coart, contrôleur à Tongres. Colignon, receveur à Gennep (Limbourg). Collaes, contrôleur à Hamont (Limbourg). Collard (J.L.), receveur à Geul (Limbourg.) Coninck (S.E. de), ministre de l'intérieur à Bruxelles. Gr. pap. vél., un exempl. Conrad (M.H.), ingénieur du Waterstaat à Helmond (Brabant septentrional.) Coppieters, contrôleur à Bruges. Coppin (baron de) de Falain, commis d'état à Namur. Corthouts, substitut procureur à Hasselt. Cox, receveur à Amby (Limbourg.) Criquillion, contrôleur à Tournai. {==6==} {>>pagina-aanduiding<<} MM. Croes (de), vérificateur de la comptabilité à Bruges. Croiset (A), lieutenant - général du génie à Mastricht. Gr. pap. vél., un exempl. Cruts (N.J.T.), procureur criminel du roi à Mastricht (Limbourg.) Daumeries, contrôleur à Mouscron près de Courtrai. Deaerric, vérificateur de la comptabilité à Mons. Deformanoir, receveur à Tournai. Delevingue-Duvivier, receveur à Tournai. Delvaux, premier commis de la comptabilité à Mons. Delerue, receveur à Ostende. Delvaux (Théodore), notaire et échevin à Tirlemont. Deporter Van Negro, libraire à Ypres, 5 ex. Derduyn Van Maasdam (comte Van), conseiller d'état gouverneur à La Haye. Gr. pap vél., un exempl. Deschuyfeleer (J.), étudiant à l'université à Louvain. Descressonnières fils, à Moelenbeck. {==7==} {>>pagina-aanduiding<<} MM. Deschamps, à Namur. Gr. pap. vél., un exempl. Devits (P.), administrateur du trésor à Anvers. Devrière, directeur à Bruges. Gr. pap. vél., un exempl. Dewez, inspecteur des athénées et des colléges à Bruxelles. Dibbetz, général - major commandant de la province de Limbourg. Gr. pap. vél., un exempl. Diederichs (frères), libraires à Amsterdam, 4 exempl. Digand, receveur à Alken (Limbourg.) Directeur (le) des accises à Leeuwarde. Dodelé (J. Constant), notaire à Hal. Doigny, receveur à Hasselt. Doorn (Van), gouverneur à Middelbourg. Gr. pap. vél., un exempl. Dubois, receveur à Bonsecours. Dufour, inspecteur à Philippeville. Dufour et Ce (G.), libraire à Amsterdam, 6 exempl. Dupon (J.B.), imprimeur à Bruxelles. Dussen (Van der), commis d'état à La Haye. Duvivier (Auguste), directeur à Anvers. Dyk (J.J. Van), à Heythuysen (Limbourg.) {==8==} {>>pagina-aanduiding<<} MM. Eerens (de), général - major à Bois-le-Duc. Gr. pap. vél., un exempl. Elout (S.E.), ministre d'état à Bruxelles. Gr. pap. vél., un exempl. Elten (Van), premier lieutenant à la douzième division à Namur. Emminghaus Frederking (baron Van), à Mastricht. Engelen (Van), jaugeur de navires à Gand. Engels, inspecteur à Bruxelles. Gr. pap. vél., un exempl. Ertwegh (Van der), receveur à Heythuysen (Limbourg.) Falck (S.E.), ambassadeur de S.M. le roi des Pays-Bas à Londres. Gr. pap. vél., un exempl. Favrod de Fellens (J.P.S.), à Mastricht. Focke (H.C.), candidat en droit à Utrecht. Forck Van Roosendael (A.), étudiant en droit à Utrecht. Franquen (de), conseiller à la cour supérieure de justice à Bruxelles. Gr. pap. vél., un ex. Frische, receveur à St.-Trond. Gaffé (J.), commis greffier au tribunal civil de Bruxelles. {==9==} {>>pagina-aanduiding<<} MM. Ganderheyden-Moritsz, avocat à Bois-le-Duc. Gr. pap. vél., un exempl. Gavre (S.E. le prince de), grand-maréchal de la cour à Bruxelles. Gr. pap. vél., un ex. Gaussoin, professeur émérite à Bruxelles. Gr. pap. vél., un exempl. Gelle, greffier des états à Luxembourg. Gericke, conseiller d'état, administrateur de l'enregistrement et des loteries à La Haye. Gr. pap. vél., un exempl. Gerber, agent du département de la guerre à Mastricht. Gr. pap. vél., un exempl. Ghigny (baron), général-major à Liége. Gisius Maning, lieutenant du génie à Delft. Goedecke (de), général-major à Luxembourg. Gr. pap. vél., un exempl. Goeman, inspecteur à Gand. Goethals, contrôleur à Kerklaville(Limbourg.) Goethals Fraeys, receveur à Bruges. Goudriaan (B.H.), ingénieur du Waterstaat à Bois-le-Duc. Gr. pap. vél., un exempl. Grandgagnage, inspecteur à Liége. Greind'l (Charles), avocat à la cour supérieure à Bruxelles. Gruaff (A.E.), avocat à Mastricht. {==10==} {>>pagina-aanduiding<<} MM. Grunne (comte de), à Francfort sur le Mein. Guerris, avocat à Bois-le-Duc. Gr. pap. vél. un exempl. Guillaume, inspecteur à Ath. Gumoens (de), major de l'état-major à Gand. Gr. pap. vél., un exempl. Haeren (F.H. Van), à Eysden (Limbourg.) Halloy (D'Omalius de), gouverneur à Namur. Gr. pap. vél., un exempl. Hanegraaff, conseiller d'état, administrateur des droits d'entrée, de sortie et des accises à La Haye. Gr. pap. vél., un exempl. Happé, sergent-major à la quatorzième division à Mastricht. Harencarspel Eckardt (Van), directeur de l'enregistrement à Bois-le-Duc. Gr. pap. vél., un exempl. Hart (de), lieutenant-colonel à Namur. Hartt, 2e lieutenant de la 12e division, à Namur. Heengracht d'Oosterland à La Haye. Heerdt (le baron C.L. de), lieutenant des dragons no 4 à Mastricht. Gr. pap. vél., un exempl. Heldewier (C.G.), lieutenant de marine première classe. Gr. pap. vél., un exempl. {==11==} {>>pagina-aanduiding<<} MM. Helmers (F.), à Amsterdam. Gr. pap. vél., un exempl. Herla, directeur des contributions à Bruxelles. Gr. pap. vél., un exempl. Hermsen, contrôleur à Gennep (Limbourg.) Heshusius, contrôleur à Venlo. Heuvel (Van den), commissaire de la société de l'Aigle noir à Bois-le-Duc. Gr. pap. vél., un exempl. Heyermans (G.J.), à Namur. Hogendorp (G.C. Van), à La Haye. Honken, vérificateur de la comptabilité à La Haye. Gr. pap. vél., un exempl. Holvoet, conseiller d'état, gouverneur à Bruges. Gr. pap. vél., un exempl. Holvoet (Victor), à Dadizèle (près de Menin.) Hontes, receveur à Houthaelen (Limbourg.) Hora Siccama (L.J.), à Winschoten. Gr. pap. vél., un exempl. Hora Siccama (J.), candidat en droit à Utrecht. Howen, général-major, à Namur. Huart, commis de la comptabilité à Mons. Huybrechts (G.), greffier à Louvain. Gr. pap. vél., un exempl. Huysmans (P.), à Hasselt. {==12==} {>>pagina-aanduiding<<} MM. Inspecteur (l') en chef des accises à Leeuwarde. Inspecteur (l') de l'arrondissement des contributions directes, droits d'entrées, et des sorties et accises à Sneek (Frise.) Immerzeel (J.) junior, à Rotterdam. Gr. pap. vél., 2 exempl. Ittersum (F.A.S.A. Van), avocat à Utrecht. Ising, à Gand. Janessen, secrétaire au département du culte protestant à La Haye. Janessen, secretaris en adviseur van het departement voor de zaken van den hervormde eeredienst, den Haag. Gr. pap. vél., un exempl. Jansen, receveur à Sittard. Gr. pap. vél., un exempl. Janssens, receveur à Cortessem (Limbourg.) Jourez, régent du collége à Ath. Kellermann (J.C.E.), capitaine au troisième bataillon d'artillerie de campagne à Mastricht. Kempees, capitaine à la douzième division à Namur. {==13==} {>>pagina-aanduiding<<} Kerens de Wolfradt, membre des états-généraux à Mastricht. Keverberg d'Aldengoor (baron de), membre de la première chambre, président de l'ordre équestre et chevalier de l'ordre du Lion belgique à Mastricht. Gr. pap. vél., un exempl. Kluyskens, professeur à l'université à Gand. Gr. pap. vél., un exempl. Koster, à Termonde. Kruyf (de), ingénieur du Waterstaat à Mastricht. Lagrange, à Gand. Lainé, chef de service à Heythuysen (Limbourg.) Lameere, à Courtrai. Lannoy (de), inspecteur-général des recettes à Bruxelles. Gr. pap. vél., un exempl. Lasarraz (de), colonel d'artillerie à Mons. Gr. pap. vél., un exempl. Latour, inspecteur à Liége. Gr. pap vél., un exempl. Laveleye (de), receveur à Courtrai. Lebrun, inspecteur à St.-Hubert. Gr. pap. vél., un exempl. {==14==} {>>pagina-aanduiding<<} MM. Leeuw (L.G. Van der), à Harlem. Lens (Ph. comte de), gouverneur à Gand. Gr. pap. vél., un exempl. Leurs, inspecteur en chef à Luxembourg. Lichtervelde (de), rue de la Vallée à Gand. Liedekerke (comte de), conseiller d'état, Gouverneur à Liége. Gr. pap. vél., un exempl. Lightenveld (L.A.), avocat à Bois-le-Duc. Gr. pap. vél., un exempl. Longrée (chevalier de), procureur criminel à Luxembourg. Longuespée, contrôleur à Leuze. Loo (Van der), docteur en médecine à Bois-le-Duc. Gr. pap. vél., un exempl. Loots (C.), à Amsterdam. Lutz (A.), maréchal-des-logis-chef au régiment de dragons légers no 4. Lynden (comte Van), conseiller d'état, gouverneur à Arnhem. Gr. pap. vél., un exempl. Lyssens, à Mastricht. Maanen (S.E. Van), ministre de la justice à Bruxelles. Gr. pap. vél., un exempl. Maes, contrôleur à Sittard (Limbourg.) {==15==} {>>pagina-aanduiding<<} MM. Maesen (Van der), de Sonbreffe, à Mastricht. Mailly, employé à Mechelen (Limbourg.) Malingreau, inspecteur à Binch. Gr. Pap. vél., un exempl. Man (de), contrôleur à Venlo. Marneffe (H. de), major au régiment de dragons no 4 à Mastricht. Marnix (comte de), grand veneur à Bruxelles. Gr. pap. vél., un exempl. Martini, membre de la première chambre à Bois-le-Duc. Gr. pap. vél., un exempl. Marle (Van), homme de lettres, inspecteur à Bruxelles. Gr. pap. vél., un exempl. Massart, négociant à Bois-le-Duc. Gr. pap. vél., un exempl. Matthieu (Y.J.U.M.), professeur de langues à Liége. Maurissens (de), receveur à Stevensweert (Limbourg.) Gr. pap. vél., un exempl. Méan (S.A. le prince de), archevêque de Malines. Gr. pap. vél., un exempl. Mertens, receveur à Schilberg (Limbourg.) Gr. pap. vél., un exempl. Mesdach, directeur à Gand. Gr. pap. vél., un exempl. {==16==} {>>pagina-aanduiding<<} MM. Meuwen (E. Van), avocat à Bois-le-Duc. Gr. pap. vél., un exempl. Meydrecht (baron d'Yvoy de), grand-officier de la maison du roi. Gr. pap. vél., un exempl. Mockel (C.), fils cadet, avocat à Mastricht. Molérus (S.E.), secrétaire d'état, vice-président du conseil d'état. Gr. pap. vél., un exempl. Montaigne (de), rentier à Mastricht. Montforts, contrôleur à Froyennes (Tournai.) Moons, inspecteur à Anvers. Morel de Zinzerling, précepteur à Gand. Morel (A.), receveur à Ypres. Morjoux (C.M.D.), directeur des postes à Ostende. Mouw (der), contrôleur à Ruremonde. Nahuys (P.C.), candidat en droit à Utrecht. Naus (A.), receveur à Thorn-Limbourg. Neujean, contrôleur à Mastricht. Nihoul, chef de service à Hamont(Limbourg.) Olbrechts (F.), inspecteur à Termonde. Olivier (l'), contrôleur à Mons. Onkoop, libraire à Breda. {==17==} {>>pagina-aanduiding<<} MM. Palmaert, receveur à Bocholt (Limbourg.) Palmers, receveur à Diepenbeck (Limbourg.) Panhuys (Van) de Haeren, à Mastricht. Panhuys (J.L. Van), à La Haye, 4 exempl. Panhuys (F. Van), receveur des droits d'entrées, de sortie et des accises, et membre de la régence à Mastricht. Panhuys (H. Van), substitut procureur du roi à Mastricht. Panhuys (Van), à La Haye. Papeleu (E.), rue Neuve St.-Pierre à Gand. Pasdeloup (N.J.), à Bruxelles. Passenbrounder, directeur des postes à Neuwied. Périn, vérificateur de la comptabilité à Liége Gr. pap. vél., un exempl. Philipse (M.A.W.), procureur général à La Haye. Pichot, colonel de la garde bourgeoise à Mastricht. Gr. pap. vél., un exempl. Piesens, à Menin. Pierssens (P.), notaire à Zittard. Plétinckx, visiteur à Gand. Poissonier, employé de première classe à Froyennes (Tournai.) {==18==} {>>pagina-aanduiding<<} MM. Polus, receveur à Looz (Limbourg.) Power, contrôleur à Liége. Gr. pap. vél., un exempl. Power (C.), receveur à St.-Trond. Prisse, capitaine d'état-major à Mastricht. Puydt (de), directeur des contributions à Mons. Gr. pap. vél., un exempl. Ramaer, inspecteur-général des recettes à La Haye. Gr. pap. vél., un exempl. Ramaeker, receveur à Achel (Limbourg.) Raoux, conseiller d'état à Bruxelles. Gr. pap. vél., un exempl. Rappard (de J.A.E.G.), membre du corps équestre de la province de Gueldres, échevin de la ville d'Arnhem, à Arnhem. Rappard (Van), capitaine ingénieur à Mastricht. Gr. pap. vél., un exempl. Recq Benoit, rue Neuve St.-Pierre à Gand. Reede Van Oudtshoorn (J.F. Van), étudiant en droit à Utrecht. Régence (la) de la ville de Mons. Gr. pap. vél., un exempl. Riedesel d'Eisenbach (la baronne de), née comtesse de Hompesch, à Mastricht. Reiffenberg (F. baron de), à Louvain. {==19==} {>>pagina-aanduiding<<} MM. Reintjens, employé à Kerklaville (Limbourg.) Remmen (P.A.), receveur à Weert (Limbourg.) Rengers (E.H.), étudiant en droit à Utrecht. Repelaer Van Driel (S.E.), ministre d'état à Bruxelles. Gr. pap. vél., un exempl. Roberti, inspecteur du cadastre à Mastricht. Roberti, à Hasselt. Rochemont (de), contrôleur à Sittard. Gr. pap. vél., un exempl. Roisin (baron H. de), lieutenant - colonel, membre des états-généraux à Malines. Rossignol (J.F.), contrôleur des contributions, etc., à Lessines. Rossins (de), inspecteur à Menin. Royen (Van), capitaine de la douzième division, à Namur. Ruys (C.), à Hasselt. Ryckevorsel (A. Van), receveur à Bois-le-Duc. Gr. pap. vél., un exempl. Ryckevorsel (Van), membre des états-députés à Bois-le-Duc. Gr. pap. vél., un exempl. Rysterborgh (L.), ingénieur du Waterstaat à Mastricht. Saalberg, receveur à Meersen (Limbourg.) {==20==} {>>pagina-aanduiding<<} MM. Santbergen (Louis Van), à Weslervoort (près d'Arnhem.) Sassen (J.J.), avocat à Mastricht. Sassen, jurisconsulte, membre de la députation à Bois-le-Duc. Gr. pap. vél., un exempl. Saxe Weymar (S.A. le prince de), à Gand. Gr. pap. vél., un exempl. Schaetzen, avocat à Mastricht. Schwartz (de), contrôleur à Heerlen (Limbourg.) Schetberg, libraire à Leeuwarde, 2 exempl. Schanus, receveur à Locht (Limbourg.) Schutters (C.E.), libraire à Middelbourg, 6 exempl. Serraris, chef de bataillon à Bois-le-Duc. Gr. pap. vél., un exempl. Servatius (B.), substitut de l'officier civil près le tribunal de première instance séant à Assen. 'Sgravesand Guicherit, à Delft. Sitter (R. de), notaire à Winschoten. Sloet (L.A.J.W.), étudiant en droit à Utrecht. Société (la) de lecture, à Bruxelles. Soudain de Niederwerth (Ch.), à Bruxelles. Stael Van Holstein, capitaine de la douzième division à Namur. {==21==} {>>pagina-aanduiding<<} MM. Stassart (baron de), membre de la seconde chambre des états-généraux à Namur. Gr. pap. vél., un exempl. Steengracht (N.J.) fils, à la Haye. Steenhuysen (de), receveur à Meyel (Limbourg.) Stingthamber, inspecteur en chef à Tournai. Streefkerk (S.E. De Mey de), ministre secrétaire d'état. Gr. pap. vél, un exempl. Swart (J.M.), avocat à Mastricht. Gr. pap. vél., un exempl. Tarte (X.), employé du Waterstaat près de Mastricht. Tarte fils, avocat à Bruxelles. Tets Van Goudriaan (Van), conseiller d'état, gouverneur à Haarlem. Gr. pap. vél., un ex. Teveldt, premier lieutenant adjudant de la douzième division à Namur. Thoe Schwartzenberg en Hohenlansberg, premier lieutenant au régiment de dragons légers no 4, à Mastricht. Thieme (J.F.), libraire à Nimègue. 2 exempl. Tilleman, capitaine du régiment de dragons légers no 4, à Mastricht. Gr. pap. vél., un exempl. {==22==} {>>pagina-aanduiding<<} MM. Timmermans, receveur à Peruwelz. Tinant, vérificateur de la comptabilité à Luxembourg. Tinne (H.R.), receveur à Eysden (Limbourg.) Tock, directeur des contributions à Luxembourg. Toers (Van), conseiller d'état à Gand. Gr. pap. vél., un exempl. Van Boelens (J.H.), à Leeuwarden. Vanbenthem, libraire à Middelbourg. 2 exempl. Vandriessche, employé à la comptabilité à Gand. Vandersloot, deuxième lieutenant quartiermaître de la douzième division à Namur. Vandersloot, capitaine de la douzième division à Namur. Van Hoogstraaten, libraire à La Haye. Vander Haer (D.B.), greffier des états de la Frise à Leeuwarde. Vandevelde, premier commis de la direction des courtiers à Gand. Van der Heim (J.A.), à Middelbourg. Vanderstichelen, vérificateur de la comptabilité à Gand. Vanhexstoven, avocat à Anvers. {==23==} {>>pagina-aanduiding<<} MM. Van der Heyden (N.), président du tribunal de première instance à Hauzeur, demeurant à Huy. Vanderfosse (C.), gouverneur à Mons. Gr. pap. vél., un exempl. Vanderstraeten (F.), à Hasselt. Vandeweegh, receveur à Welden (Limbourg.) Vandensantheuvel, contrôleur à Looz (Limbourg.) Van Ittersum (E.H.), étudiant en droit à Utrecht. Vaquette, premier commis de la division des contributions à Liége. Gr. pap. vél., un exempl. Verstraeten, contrôleur à Menin. Verney Mejan (J.J.) candidat en droit à Utrecht. Verlooen (J. Ph.), candidat en droit à Utrecht. Verheyen, receveur à Nederweert (Limbourg.) Verster (H.J.L.), juge de paix à Eindhoven. Villeneuve (de), lieutenant d'artillerie à Mastricht. Vivier (baron du), général-major à Mons. Gr. pap. vél., un exempl. {==24==} {>>pagina-aanduiding<<} Vloten (A.A. Van), candidat en droit à Utrecht. Vloten (Van) fils cadet, à Mastricht. Gr. pap. vél., un exempl. Vloten (Van), directeur des contributions directes, des droits d'entrée, de sortie et des accises dans les provinces (Limbourg.) Gr. pap. vél., un exempl. Voordt Pieck (Van der), premier commis de direction des contributions directes, droits d'entrée, de sortie et des accises à Mastricht. Gr. pap. vél., un exempl. Vorstenbosch, premier lieutenant, pour la bibliothéque de la douzième division à Namur, 2 exempl. Vranken, receveur à Bockolt (Limbourg.) Vrebosch, entreposeur à Venlo. Vredenburg (Van), gouverneur à Bois-le-Duc. Gr. pap. vél., un exempl. Vreede (P.), négociant à Tilbourg. Gr. pap. vél., un exempl. Vrythoff, inspecteur à Mastricht. Gr. pap. vél., un exempl. Wal (S. Van de), à Amsterdam. Waten Beegemann, ministre protestant à Stevens Weert (Limbourg.) Gr. pap. vél., un ex. {==25==} {>>pagina-aanduiding<<} MM. Webbers, secrétaire général du département des recettes à La Haye. Gr. pap. vél., un exempl. Weber (A.D.), capitaine de la douzième division à Namur. Wenstenraad fils (Th.), à Mastricht. Wessem (Van), receveur à Venlo. Westrenen (J.A. Van), étudiant en droit à Utrecht. Wied (S.A.R. le prince régnant de), à Neuwied (Prusse.) Gr. pap. vél., un exempl. Wildanger (A.J.), à Namur. Wilkens, capitaine de la douzième division à Namur. Willeumier, chef de division au gouvernement à Namur. Willigen (Van), membre des étals provinciaux à Klasselt. Wilmar (J.F.), receveur à Beck (Limbourg.) Wilmar, conseiller d'état, gouverneur à Luxembourg. Gr. pap. vél., deux exempl. Woldringh (J.G.), inspecteur des contributions directes, droits d'entrée, de sortie et des accises dans l'arrondissement, à Appingadam. Wouters, contrôleur à Hasselt. {==26==} {>>pagina-aanduiding<<} MM. Wyk (J. Van) hoelands, instituteur à Hattem. Wyns, directeur de l'octroi à Mons. Wurth (F.X.) le jeune, avocat à Luxembourg. Zoutman (J.A.A.), à Bruxelles. fin de la liste des souscripteurs. {==*1==} {>>pagina-aanduiding<<} {==*2==} {>>pagina-aanduiding<<} {==I==} {>>pagina-aanduiding<<} Préface du traducteur. C'était sans doute une entreprise bien hardie que d'essayer de faire passer dans la langue française les beautés du poème de Helmers. Je suis loin de penser que j'aie eu assez de talent et de bonheur pour remplir une pareille tâche; mais glorieux de l'emploi de mes loisirs, j'ose compter sur l'indulgence de mes compatriotes. La Nation Hollandaise est un chef-d'oeuvre de patriotisme et de génie. Qui n'admire avec quel art notre poète sait reproduire l'éloge de sa patrie sous mille formes différentes? Comme il saisit toutes les occasions de relever sa grandeur abattue et d'immortaliser les exploits de nos aïeux! Son poème, il est vrai, rentre quelquefois dans le genre descriptif; mais l'intérêt s'y soutient toujours. Helmers a suivi l'histoire, et a répandu une teinte {==II==} {>>pagina-aanduiding<<} dramatique sur tout son ouvrage. Plusieurs épisodes pleins d'élévation et de sensbilité, l'embellissent et rompent l'uniformité qui règne ordinairement dans un poème sans action. Personne n'a lu sans une profonde émotion le récit de la mort héroïque de Byling, et les malheurs d'Egéron et d'Adéka. Ceux qui chercheront à disséquer mon ouvrage avec le scalpel d'une critique sévère, y pourront trouver des passages où je m'écarte un peu de l'original; mais je supplie ces aristarques de se rappeler, dans leurs comparaisons, que je n'ai pas la prétention de donner mon travail comme une traduction littérale, et d'avoir la bonne foi de convenir qu'il est souvent impossible de suivre Helmers fidèlement. Un traducteur, qui s'est imposé la tâche de faire connaître le génie d'un écrivain, doit s'occuper surtout du fond des idées, s'il veut approcher de l'effet que produit l'original. Quoiqu'il en soit, je recevrai toujours avec un véritable plaisir les conseils et les observations des amis de l'art que je cultive, persuadé que leurs critiques auront pour but de m'éclairer sur les défauts de mon ouvrage. {==III==} {>>pagina-aanduiding<<} Préface de l'auteur. Ce n'est qu'avec crainte, mes chers compatriotes, que je vous présente ce poème. S'il suffisait d'être plein de l'objet que l'on traite pour réussir, mon ouvrage ne serait pas indigne de vous être offert; mais je sens combien je suis resté au-dessous de mon sujet: rarement j'ai été content de moi-même. Là, où mon âme aurait dû s'enflammer, où le sentiment et l'admiration auraient dû guider ma plume, je me suis exprimé beaucoup trop faiblement. Quel est celui qui peut rester froid et indifférent au souvenir de toutes les grandes et nobles actions de nos ancêtres? S'il existe, je ne veux pas le connaître; je ne désire pas qu'il lise mon ouvrage. Mon {==IV==} {>>pagina-aanduiding<<} sujet est riche; oui, trop riche pour la poésie. Ce que j'avance ici ne doit pas être regardé comme un paradoxe: tout poète en conviendra facilement. Il n'est pas de sujet, quelque pauvre, quelque mince qu'il soit, que la poésie ne puisse embellir et rendre intéressant, s'il tombe entre les mains d'un véritable poète. Son imagination brûlante enflamme son coeur; il verse dans l'âme de ses lecteurs ou de ses auditeurs, le sentiment qui le remplit tout entier. C'est surtout quand la matière n'est pas assez riche d'ellemême, que son génie se développe d'une manière brillante; c'est alors qu'il peut en effet être poète, c'est-à-dire, créateur. Mais si le sujet est grand par lui-même, plein de faits intéressans par la diversité, le poète est surpassé par la grandeur des objets qu'il veut retracer à notre imagination. A quoi servent les fictions ingénieuses, les ornemens de la poésie, quand le simple exposé du fait porte avec soi son mérite et sa louange? Croyez-vous que le plus beau poème sur Léonidas et ses trois cents Spartiates eût parlé plus fortement au coeur des Grecs, que la sublime et simple inscription des Thermopiles? Plût à Dieu que cha- {==V==} {>>pagina-aanduiding<<} cun pût trouver mon ouvrage inutile, et m'adresser ces paroles: ‘Poète quelle folie est la tienne? tu veux nous raconter les actions de nos ancêtres, les peindre à notre imagination? apprends qu'elles sont imprimées dans nos coeurs avec plus de force que ton faible pinceau n'est en état de les reproduire. Éloigne-toi avec ton poème!’ Mais je connais mes contemporains; l'éloge de la nation hollandaise, ne peut leur être indifférent; ils ne le liront pas sans fruit. C'est la vénération que je porte à nos ancêtres, c'est l'amour que j'ai pour mon pays, qui me mirent la plume à la main. Avec quel transport je m'écriai: O sol, où je vis la lumière, Objet de mon amour, objet de tous mes voeux! C'est ici qu'une tendre mère, Me porta dans son sein en des temps plus heureux; C'est ici qu'émue et craintive, Elle sécha mes premiers pleurs; Ici, que sa main attentive Entoura mon berceau de fleurs. O cher pays! ô ma patrie! Oui, je veux à jamais garder ton souvenir. Quels biens surpasseraient, dans mon âme attendrie, Le bonheur de t'appartenir? {==VI==} {>>pagina-aanduiding<<} Sous ton ciel, ô terre chérie, Mon épouse reçut le jour; Sous ton ciel, la parque ennemie Ravit ma fille à mon amour; Demain, demain peut-être, au bout de ma carrière, Mon fils me fermera les yeux; Sa pieuse douleur cachera ma poussière Près des tombeaux de mes aïeux; Et comme un insensé, témeraire et parjure, Je t'oublierais, ô sol divin! Non! je monte ma lyre, et fier de mon destin, Je goûte à te chanter une volupté pure. De nos ancêtres vertueux, Voilà les cendres adorées: Dans ces enceintes révérées L'écho redit leurs noms fameux. C'est ici que mon fils, souriant à sa mère, Bégaya doucement le nom sacré de père. Sous les yeux paternels, ici, formant son coeur, Aux antiques vertus il instruit sa jeunesse, Et dans le sentier de l'honneur, Suit le flambeau de la sagesse. {==VII==} {>>pagina-aanduiding<<} Et je méconnaîtrais ce séjour précieux! J'oublierais sa splendeur et sa gloire immortelle! Non, non: pays de mes aïeux, Jusqu'au dernier soupir je te reste fidèle! N'attendez pas, ô mes compatriotes, que je vous rappelle toutes les belles actions de nos ancêtres, que je vous cite tous leurs progrès dans les beaux-arts et les sciences, en un mot, que je mette sous vos yeux leur histoire: c'est la tâche de l'historien et non celle du poète. Guidé par l'élan de mon coeur, le souvenir de ces grands hommes, tels que la terre n'en avait pas encore vu et n'en verra peut-être plus jamais, m'a fait éprouver tous les sentimens que je voulais faire passer dans l'âme de mes contemporains. Heureux, si j'ai pu atteindre ce but! plus heureux encore, si mes lecteurs jugent, avec fondement, mes expressions trop faibles, mon enthousiasme trop froid, mes idées et mes vers au-dessous de leur attente! Comme poète, j'y perdrai sans doute; mais puis-je m'en plaindre? quelle haute idée n'aurai-je pas alors de vous, ô mes compatriotes? comme je vous trouverai dignes de vos ancêtres! avec que plaisir ne sacrifierai-je pas ma gloire poétique à l'intime conviction que vous n'avez pas dégénéré de ces héros? {==VIII==} {>>pagina-aanduiding<<} On sait avec quelle louange Tacite a parlé des anciens habitans de ces contrées, en les considérant comme les plus vaillans des peuples germains. Sans doute, ceux-ci avaient droit à mon hommage; mais mon intention était de chanter uniquement la nation hollandaise. Je ne pus cependant me taire tout-à-fait sur ce sujet. J'ai donc, pour ne pas rompre l'unité de mon poème, dans une ode ou chant des Bardes, célébré cette terre et ses premiers habitans. J'ai placé ce chant en tête mon ouvrage, comme un avant-propos. Quelques lecteurs, familiarisés avec l'histoire de notre pays, se rappelleront peut-être les noms de plusieurs grands hommes qui se sont distingués tant au conseil qu'à la guerre, tant dans les arts que dans les sciences, et dont je n'ai fait aucune mention: que cette omission ne soit attribuée ni à l'ignorance, ni au mépris: un poète ne peut, ni ne doit tout dire; il faut qu'il se garde surtout d'épuiser sa matière. Au jugement des uns, j'aurai quelquefois été trop concis; au jugement des autres, trop prolixe; mais qu'on ne prononce pas trop légèrement. On se souvient du passage suivant de Middleton, dans sa préface de la vie de Cicéron: ‘There is ano- {==IX==} {>>pagina-aanduiding<<} ther reflection likewise very obvious, which yet seldom has it 's due weight; that a writer on any part of history, or poetry, which he has made his particular study, may be presumed to be better acquainted with it than the generality of his readers; and when he asserts a fact, that does not seem to be well grounded, it may fairly be imputed, till a good reason appears to the contrary, to a more extensive view of his subject; which, by making it clear to him self, is apt to persuade him, that it is equally clear to every body else; and that a fuller explication of it would consequently be unnecessary.’ Avec une réflexion approfondie, on me rendra justice; j'ose m'en flatter. Des observations fondées me seront toujours agréables. Jamais nous n'avons vu notre poésie monter à un si haut degré qu'aujourd'hui! Puisqu'il en est ainsi (j'ai de bonnes raisons pour le croire, et il me serait même très-facile de le prouver), de quelle crainte ne doit-il pas être agité, celui qui se présente dans la lice comme poète? Ce qui a été dit par le législateur du Parnasse français, Il n'est point de milieu du médiocre au pire, {==X==} {>>pagina-aanduiding<<} restera toujours une vérité dans l'empire du Beau. Cette sentence aurait dû m'engager à ne pas publier mon ouvrage. Je l'ai cependant hasardé. Mes vers ont été parfois accueillis avec quelque faveur; mais il y a une bien grande différence entre une petite production, fruit d'une inspiration heureuse, mais momentanée, et un poème de longue haleine, où toutes les parties doivent être enchaînées, où le même feu doit partout se faire sentir! Quoiqu'il en soit, puissiez-vous, ô mes compatriotes, en lisant cet ouvrage, jouir d'autant de plaisir que j'en ai goûté moi-même en le composant! Alors, je me croirai doublement récompensé; alors je n'aurai plus qu'à former des souhaits pour votre bonheur et pour votre prospérité. {==XI==} {>>pagina-aanduiding<<} Chant Des Bardes. {==XII==} {>>pagina-aanduiding<<} {==1==} {>>pagina-aanduiding<<} Chant Des Bardes. Eloge de l'île des Bataves. Choeur de bardes. Réveillez-vous, cordes sacrées! Un concert de louange est monté jusqu'aux cieux. Bardes! que vos harpes dorées Enfantent sous vos doigts des sons harmonieux: Ministres de Wodan, vous chantez nos aïeux! {==2==} {>>pagina-aanduiding<<} Deux bardes. Périsse le mortel impie Dont le coeur corrompu méconnaît sa patrie, Qui répand sur les lieux où son oeil vit le jour Les poisons de la calomnie, Et, lâchement parjure, avilit le séjour Où dort de ses aïeux la cendre qu'il renie! Qu'il meure sous le joug! que son nom fasse horreur! Que son corps des vautours devienne la pâture, Et que sur ses enfans, rebut de la nature, Pèse un éternel déshonneur! Le Rhin, dans sa course féconde, Promène de ses flots la noble majesté; Mais c'est sous nos climats qu'il verse avec fierté Les doubles tributs de son onde. Quel ciel, mieux que le nôtre, offre à l'oeil enchanté Le riant émail des prairies? Cérès protége ici nos plaines embellies; Sous nos chênes touffus bondit l'hôte des bois, Et poussant vers nos bords ses vagues asservies, Neptune courroucé se soumet à nos lois. De tes champs de lauriers, Rome, sois glorieuse; De Bacchus vante les trésors: {==3==} {>>pagina-aanduiding<<} Le chêne lève ici sa tête audacieuse, Et le Rhin abreuve nos bords. Esclaves! vantez-nous vos superbes théâtres, Où vous-mêmes, lâches acteurs, Vous osez sans rougir, bassement idolâtres, D'un tyran abhorré mendier les faveurs. Nous aussi, nous avons et nos jeux et nos danses; Mais l'arène est plus noble, et le fer de nos lances, Nos dards aigus, nos pesans boucliers Sont de ces jeux les appareils guerriers. L'orgueil des monumens ne fait pas notre gloire; Un modeste gazon couvre ici nos aïeux; Mais gravés dans notre mémoire, Ils restent parmi nous, nous vivons avec eux; Mais éternellement notre âme enorgueillie Sait révérer le sein qui nous donna la vie. Dans les étroits parvis d'un temple injurieux, Nous ne renfermons pas la suprême puissance: Sous le dôme d'un chêne immense, Nous offrons à Wodan notre encens et nos voeux. Jaloux de notre gloire et fiers d'être Bataves, Nous brûlons d'égaler nos ancêtres divins: Ah! leurs restes sacrés, sur la terre des braves, Ne tomberont jamais au pouvoir des Romains. {==4==} {>>pagina-aanduiding<<} Il est doux de mourir où reposent nos pères, Sur le sol où nos fils ouvrirent leurs paupières, Où l'objet adoré de nos premiers amours Épancha ses aveux dans notre âme sincère, Où la compagne de nos jours Reçut le tendre nom de mère! Quels que soient les climats que le soleil éclaire, Réchauffe-t-il de plus beaux lieux Que les champs de la Batavie? C'est ici le berceau fameux, C'est ici l'heureuse patrie De ces nobles guerriers, de ces héros vengeurs, Des vils brigands du Tibre immortels destructeurs! Choeur. Réveillez-vous, cordes sacrées! Un concert de louange est monté jusqu'aux cieux. Bardes! que vos harpes dorées Enfantent sous vos doigts des sons harmonieux: Ministres de Wodan, vous chantez nos aïeux! Comme une flamme radieuse Nos voix s'élèvent dans les airs! Pensent-ils ces Romains, cette race odieuse, Nous ravir notre gloire et nous charger de fers? {==5==} {>>pagina-aanduiding<<} Un amas de brouillards, une vapeur grossière Peuvent-ils voiler la lumière De ce soleil majestueux Qui de la Germanie a su fixer les yeux? Non, non: fiers descendans d'un lâclie fratricide, Envain vous implorez vos dieux: Vous n'accomplirez pas votre dessein perfide. Et toi, fils de Saturne, en tes puissantes mains, Tu laissas dormir ton tonnerre, Quand le fer de Brennus épouvantant la terre, Comme un faible roseau renversa les Romains! Choeur de bardes. Réveillez-vous, cordes sacrées! Un concert de louange est monté jusqu'aux cieux. Bardes! que vos harpes dorées Enfantent sous vos doigts des sons harmonieux: Ministres de Wodan, vous chantez nos aïeux! Deux bardes. Dieu du Rhin, bientôt sur nos plages, Au bruit glorieux de tes flots, Tu verras ces altiers bourreaux Enchaînés, guider nos troupeaux {==6==} {>>pagina-aanduiding<<} Vers nos fertiles pâturages. Dans la misère ensevelis, Brigands méprisés, race impie, Vous serez à jamais de nos fils Le jouet et la raillerie! Courbés sous le poids des entraves, Vous sentirez nos fouets sanglans, Et vos troupes de vils esclaves Obéiront à des enfans! Dans vos orgueilleux murs respirant le carnage, Vous vous croyez les dieux de ce vaste univers: Nos fidèles héros ont armé leur courage; Tremblez! devant vos pas des gouffres sont ouverts. Vous descendez en vain vos Alpes éternelles: Approchez, voici vos tombeaux! Écoutez, écoutez ces voraces oiseaux! Ils attendent leur proie, ils agitent leurs ailes; De vos dépouilles criminelles Ils réclament déjà les horribles lambeaux! Voyez le chêne antique étalant son ombrage, Pour les fils de Batton déployer sa splendeur! Dans les bois de Wodan son superbe feuillage Doit orner le front du vainqueur. De vos habits sacrés, vierges, parez vos charmes! Jeunes guerriers, prenez vos armes; {==7==} {>>pagina-aanduiding<<} Entendez-vous le signal des combats? L'arbre divin frémit, et, fier de vos conquêtes, Déjà s'est incliné pour couronner vos têtes: Marchez! voici l'instant de signaler vos bras. Choeur de bardes. Réveillez-vous, cordes sacrées! Un concert de louange est monté jusqu'aux cieux. Bardes! que vos harpes dorées Enfantent sous vos doigts des sons harmonieux: Ministres de Wodan, vous chantez nos aïeux! Qu'un hymne solennel ici se fasse entendre! Le Rhin, prodigue de ses flots, Sur nos sillons aime à répandre La fécondité de ses eaux, Et, de son char de feu, l'astre qui nous éclaire Verse sa plus pure lumière Sur le rivage des héros! Deux bardes. Oui! oui! nous sommes vains de nos titres de gloire. Bataves! c'est ici, dans vos vastes forêts, Qu'invisible aux mortels, sur un trône d'ivoire, La belle Hertha brille de mille attraits; {==8==} {>>pagina-aanduiding<<} Ici, ses fiers taureaux se reposent en paix; Ici, pour la rendre propice, Le sang des animaux ruisselle en sacrifice, Quand aux charmes du bain confiant son bean corps, Loin des profanes yeux, vierge pure et timide, Dans les flots d'un cristal limpide, Elle vient dévoiler ses célestes trésors. Heureux, heureux celui qu'un destin tutélaire A fait naître sous notre ciel! Pressé sur le sein maternel, Ici, le jeune enfant sourit mieux à sa mère; Les rayons du matin sont plus doux sur nos bords; Ici, le rossignol redit mieux ses accords; Ici, vous répandez des larmes moins amères; Ici, la lumière des cieux Dore avec plus d'éclat le tombeau de vos pères; Ici paisiblement la mort ferme vos yeux! {==9==} {>>pagina-aanduiding<<} La Nation Hollandaise, Poème. {==10==} {>>pagina-aanduiding<<} {==11==} {>>pagina-aanduiding<<} La Nation Hollandaise, Poème En six Chants. Chant premier. Les moeurs. Muse, reprends ta lyre! une étoile ennemie A désolé les champs où je reçus la vie; J'ai vu fuir tes beaux jours, ô pays malheureux, Mais de t'appartenir mon coeur est glorieux! Feu sacré, qui brûlait dans le sein de nos pères, Viens animer mes chants dans ces temps de misères, Viens répandre sur moi tes célestes clartés, Souvenirs immortels de nos prospérités. Ah! j'en fais le serment, si jamais je partage De nos divins aïeux le brillant héritage, {==12==} {>>pagina-aanduiding<<} O pays adoré, mes vers reconnaissans Élèveront vers toi mes timides accens; Jusqu'à ma dernière heure, au nom de ma patrie, On verra tressaillir mon âme enorgueillie. Daigne prêter l'oreille aux accords de ma voix; Je vais chanter tes fils, leurs vertus, leurs exploits, Leur amour pour les lieux où s'ouvrit leur paupière, Leur grandeur, leur génie et leur ardeur guerrière. Apprends-moi par quel art, par quels hardis travaux, Savans dominateurs de l'empire des flots, Leur audace aborda des plages ignorées, Et fit sortir des eaux de fertiles contrées. Grand dans l'adversité, simple dans le bonheur, Le Batave aux revers oppose un noble coeur. Fier au sein du danger, sa valeur peu commune Sut purger d'ennemis les gouffres de Neptune. Je dirai ses talens, sa sagesse au conseil, Son coup-d'oeil qui, semblable aux rayons du soleil, Lut les secrets des cieux sur le front des étoiles, Et soumit la tempête au pouvoir de ses voiles. Navigateur habile, intrépide guerrier, Partout dans le combat il cueillit le laurier, Et les dieux tour à tour, des palmes de la gloire, L'ont couronné vainqueur au temple de mémoire. O vous, qui m'entendez, vous qui, les yeux en pleurs, Sur nos tombeaux sacrés exhalez vos douleurs, {==13==} {>>pagina-aanduiding<<} Bataves, qui sentez, dans le fond de votre âme, Brûler de vos aïeux la généreuse flamme, C'est pour vous que je chante, illustres rejetons, Dont la postérité révèrera les noms. Vous tous, qui rougissez du sort qui nous opprime, Familie de héros, ô race magnanime, Vous qui, secrètement, dans le calme des nuits, A vos fils consternés confiez vos ennuis, Qui gardez dans les fers la fermeté des braves, C'est vous seuls que mon coeur reconnaît pour Bataves! Si vos mâts ont perdu l'empire de Thétis, D'un antique renom conservez les débris, Prouvez, dans le malheur qui pèse sur vos têtes, Que vous savez encor maîtriser les tempêtes. Élevez vos enfans, et gravez dans leurs coeurs L'amour de leur pays, la sagesse, nos moeurs. Ces jeunes arbrisseaux si tendres, si fragiles, A vos soins paternels se montreront dociles; Leurs rameaux s'étendront; et leurs fronts ombrageux Braveront des autans le vol impétueux. Sous leur feuillage épais, sous cet abri tranquille, Le bonheur exilé choisira son asile, Et quand le froid des ans aura glacé vos pas, Sous cette ombre paisible attendant le trépas, Préservés des serpens de la hideuse envie, Vous vous endormirez pour renaître à la vie. {==14==} {>>pagina-aanduiding<<} Toi qui sais, à ton gré, par tes charmes divers, Animer les ressorts de ce vaste univers, Imagination! le feu de mon génie N'attend pas aujourd'hui ta féconde magie; Par tes illusions, par tes rêves brillans, Séduis une autre lyre, embellis d'autres chants; Je méprise tes dons. La vérité sévère, Dans mon vol courageux m'enhardit et m'éclaire. D'un frivole ornement j'affranchis mes pinceaux: La vérité suffit à mes riches tableaux. Pur rayon descendu de la voûte suprême, Amour de la patrie émané de Dieu même, Par toi, du Kamtschatka les habitans glacés, Errans, au sein des nuits, sur leurs bords délaissés, Privés de vêtemens et nourris de baleines, Adorent leur rivage et chérissent leurs peines. Jamais les feux du jour n'ont réchauffé leur ciel: Mais quel vallon d'Enna vaut le sol maternel? Sublime sentiment, tes vives étincelles Répandront sur mes vers tes lueurs immortelles: Fais résonner ma lyre; et que mes chants heureux Soient encore entendus par nos derniers neveux! Bataves! connaissez votre tâche sacrée: Consolez par vos soins la patrie éplorée; Aspirez en héros à des faits glorieux, Et portez dignement le nom de vos aïeux. {==15==} {>>pagina-aanduiding<<} Puissé-je, vers le but où l'homme enfin succombe, Au bruit de vos succès descendre dans la tombe! Payé de mes travaux et fier de mon pays, Je bénirai mon sort: mes voeux seront remplis. Comme une jeune épouse, au front chaste et timide, Abandonne sa main à l'époux qui la guide, Et, l'oeil baissé, cédant à son heureux vainqueur, Voile en vain ses appas de sa tendre pudeur; De même, nos aïeux, modestes dans leur gloire, Ont cru de leurs exploits nous cacher la mémoire: Leur grandeur méprisait un inutile encens. Mais tels que cet époux, de ses bras caressans, Rassasiant ses feux, dans sa brûlante ivresse, Serre contre son coeur l'objet de sa tendresse, Ivres de souvenirs, possesseurs orgueilleux, Jouissons des trésors légués par nos aïeux, Et sachons, de leur gloire admirateurs fidèles, Imiter en vertus ces sublimes modèles. Quel peuple plus que nous, dans sa noble fierté, Peut vanter ses aïeux et sa prospérité? Tout nous atteste ici leurs talens, leur courage. Le sol que nous foulons n'est-il pas leur ouvrage? Voyez-vous cette mère, en son ardent amour, Embrasser son enfant, qui vient de voir le jour? Ciel! avec quels transports ses soigneuses alarmes {==16==} {>>pagina-aanduiding<<} Cherchent à deviner la cause de ses larmes! Le couvrant tout entier des baisers les plus doux, Elle aime dans ses traits à revoir son époux, Et toute à cet objet, éperdue, attendrie, D'amour et de bonheur alimente sa vie. Avec quel intérêt, protégeant son sommeil, Elle vient doucement épier son réveil! Respirant pour lui seul, nulle main étrangère N'usurpe le pouvoir, ni les soins d'une mère; Mais quels nouveaux plaisirs pour son coeur enivré, Quand des sons bégayés par ce fils adoré, Pour la première fois remplissent ses oreilles! Ce moment a payé ses peines et ses veilles, Et l'amour filial, dans cet être naissant, Déjà montre à sa mère un fils reconnaissant. Avec les mêmes soins, la même idolâtrie, Nos aïeux ont créé le sol de la patrie: La nature toujours fut marâtre envers nous: Habiles conquérans de Neptune en courroux, Leur féconde industrie et leurs mains triomphantes Ont bâti sur les flots nos cités opulentes. Parcourez l'univers; voyez comme en tous lieux Le ciel a répandu ses présens généreux! Des feux de Sirius, jusqu'aux pôles de glace, Partout de ses bienfaits on reconnaîl la trace. Sous l'étoile du Nord, le chêne audacieux {==17==} {>>pagina-aanduiding<<} S'élève séculaire et menace les cieux, Et l'hôte des forêts, au roi de la nature, Donne des vêtemens ou sert de nourriture. Là, dans ses beaux jardins, sous un climat plus doux, Du nectar de Bacchus le Gaulois est jaloux. Plus loin, en festons d'or, les pommes d'Hespérie Couvrent les vastes champs de la riche Ibérie. Là bas, du Tibre altier embellissant les bords, Voyez comme l'olive étale ses trésors! Aux plaines de Sicile épandant l'abondance, Cérès du laboureur surpasse l'espérance. Là même, où le Cancer, d'un déluge de feux, Brûle de l'Africain les déserts sabloneux, Le docile chameau, guide sûr et fidèle, Sans craindre de la soif la souffrance cruelle, Serviteur patient, content de peu de soins, De son maître absolu protége les besoins. Suivez mes pas; venez sur les rives du Gange: La nature y versa ses faveurs sans mélange. Voyez, dans cet Éden, tout ce que l'univers Possède de beautés et de charmes divers! Un sol toujours fertile, un ciel exempt d'orages; Contre les feux du jour de frais et verts ombrages; Et Cérès et Bacchus, de leurs dons précieux, Remplissant à l'envi ces bords délicieux. Ainsi chaque pays, ainsi chaque contrée Obtint de ces trésors une part assurée. {==18==} {>>pagina-aanduiding<<} La Hollande elle seule, abandonnée aux flots, Ne reçut en naissant que de frêles roseaux: Tel l'enfant, fruit tardif d'une longue culture, Doit tout à ses parens et rien à la nature. Telle on vit Astérie, avec un front fangeux, S'élever tout à coup sur les flots écumeux, Retraite des vautours, jouet des mers profondes, Impratiquée, inculte et flottant sur les ondes; Mais quand Latone, en butte au courroux de Junon, Y déposa d'un dieu l'illustre rejeton, La fange s'y durcit, le sol ingrat, stérile, A la voix de Cybèle offrit un champ fertile; Le jonc céda sa place à l'arbre d'Apollon, Tout y changea d'aspect, Délos devint son nom, Et du dieu des beaux-arts honorant la patrie, La Grèce y fit briller le flambeau du génie. Ainsi les Pays-Bas, sortis du fond des mers, Se montrèrent jadis aux yeux de l'univers. Le maître du trident, de ses vastes domaines, Entourait nos vergers et menaçait nos plaines; Dans leur cours déréglé les fleuves mugissans S'élançaient de leur lit et dévaslaient nos champs; Le peuple consterné, dans cet affreux ravage, Exilé sur un mont, échappait à leur rage. Mais quand la liberté, l'objet de notre amour, {==19==} {>>pagina-aanduiding<<} Eut choisi nos climats pour son heureux séjour, Alors, de tous côtés, sur nos rives humides, Sortirent de nos mains des travaux intrépides; Tout dissipa pour nous les ombres du chaos, Et le monde étonné vit une autre Délos. Le Rhin, le Rhin terrible, arrêté dans sa course, Indigné de ses fers, rebroussa vers sa source; Les fleuves égarés reconnurent leurs bords. Le monarque des mers, par d'impuissans efforts, Excitant la fureur de ses eaux vagabondes, Dans l'orage et la nuit fit bouillonner ses ondes. Nos pères courageux, sur l'abîme grondant, A Neptune irrité ravirent le trident, Et devant ses états, d'un bras inébranlable, Osèrent élever un mur impénétrable. Oui! quand les vents rivaux, luttant contre les airs, Amoncèlent l'orage au milieu des éclairs, A travers ce rempart le dieu cherche un passage, Mais son courroux envain assiége le rivage. Voilà de nos aïeux les immenses travaux! Admirez avec moi ces jardins, ces côteaux, Ce lis majestueux, cette rose odorante Étalant aux regards leur beauté ravissante! Là, jadis l'épervier, tourmenté par la faim, Avec des cris joyeux dévorait son butin; Où l'oeil ne découvrait qu'un océan immense, {==20==} {>>pagina-aanduiding<<} Où régnait sur les eaux un funèbre silence, Maintenant le berger, auprès de son troupeau, S'assied sur l'herbe épaisse à l'ombre d'un ormeau, Tandis qu'autour de lui les nymphes bocagères Foulent, d'un pied léger, les naissantes fougères. Sur le déclin du jour, quand la saison des fleurs Varie en nos bosquets ses riantes couleurs, Que Vondel à la main, cherchant la solitude, Je m'abandonne en paix aux charmes de l'étude, Quand l'oiseau, près de moi, fait entendre ses chants, Que je suis d'un ruisseau les détours caressans, Sous le tranquille abri des tilleuls et des chênes, Un moment éloigné des vanités humaines, A moi-même rendu, mes esprits isolés Reportent ma pensée aux siècles écoulés; Le souvenir s'éveille, et mon âme plus fière Consacre à nos aïeux une heure solitaire. Je me dis: dans ces lieux aujourd'hui pleins d'attraits, Jadis penché sur l'eau d'un immonde marais, Au crédule habitant de la plaine liquide L'immobile pêcheur tendit l'appât perfide. Où sont ces lacs fangeux et ces dormantes eaux? Partout des prés fleuris et de rians tableaux; Vénérables aïeux! partout de vos ouvrages L'oeil surpris reconnaît d'éternels témoignages. Ces tapis émaillés où paissent des troupeaux, Jadis furent ravis au souveram des flots; {==21==} {>>pagina-aanduiding<<} Ces présens de Cérès, ces campagnes fécondes Lèvent leurs épis d'or où grondèrent les ondes. Tout parle à notre coeur; tout répète en ces lieux: ‘Aimez votre patrie, adorez vos aïeux!’ Ils ont créé le sol où votre pied repose; Où le roseau croissait ils ont planté la rose. Oui, tant que l'on verra, dans nos fertiles champs, Une digue arrêter les flots retentissans, Oui, tant que le pêcheur, dans sa hutte sauvage, Foulera satisfait les sables du rivage, Nous saurons, du passé gardant le souvenir, Consoler le présent et charmer l'avenir. Le soleil brûlera les monts hyperborées, Les poissons peupleront les voûtes éthérées, Le Rhin, sous notre ciel, tarira ses trésors, La mer aux flots dorés inondera nos bords, Avant que le Batave, infidèle à sa gloire, Puisse de ses aïeux oublier la mémoire! Muse, élève ta voix, seconde mes transports; A mes chants solennels viens unir tes accords. Puisse le noble feu qui brûle dans mon âme, Porter dans tous les coeurs sa pénétrante flamme! Une audace intrépide, un courage indompté Seuls ne suffisent pas pour l'immortalité: Non, non, sans la vertu, guide austère et sublime, Je ne reconnais pas de mortel magnanime. {==22==} {>>pagina-aanduiding<<} Que le chantre d'Élis, d'un superbe vainqueur, Proclame, en vers fameux, la farouche valeur, A l'athlète meurtri, tout couvert de poussière, Qu'il offre le laurier au bout de la carrière, Je chante des héros dont les fails éclatans Sortiront immortels du naufrage des temps. Et toi, ville éternelle, ô Rome belliqueuse, De tes enfans de Mars ne sois pas orgueilleuse, Ils étaient grands sans doute; et leurs mâles exploits Ont long-temps fatigué la déesse aux cent voix; Mais leur bouillante ardeur, trop semblable au tonnerre, Ne leur servit jamais qu'à désoler la terre. Leur aigle audacieux, tel qu'un vautour sanglant, Au coeur des nations plongea son bec brûlant; Planant sur des débris de sceptre et de couronne Aux horreurs du carnage il anima Bellone, Du peuple des hameaux ravagea les moissons, Et lui donna la mort au sein de ses sillons. Loin de moi ces brigands dont la rage féconde Contempla sans frémir les ruines du monde, Et recouvranl d'éclat leurs exécrables faits, Les rendit immortels à force de forfaits! Vertu, fille du ciel, ô toi, dont la puissance Peut seule élever l'homme, ennoblir son essence, Toi, qui sais épurer ses désirs, ses penchans Et calmer sans effort la fougue de ses sens, {==23==} {>>pagina-aanduiding<<} De la divinité, toi qui m'offres l'image, Égide des humains, objet de leur hommage, Que souvent en secret admire un criminel, Ton empire est partout, ton culte est éternel! Chez cent peuples divers les parfums d'Idumée Montent, de tes autels, vers la nue embaumée; Le Grec, l'Ibérien, le Breton, le Gaulois, Tous chantent ta louange et révèrent tes lois; Mais c'est dans nos climats, dans l'âme de nos pères, Que tu traças surtout de profonds caractères! Comme aux premiers rayons de notre liberté, Tu parus dans ton lustre et dans ta majesté! Tu remplaças pour nous l'éclat et la fortune, Et guidas nos Lions sur les champs de Neptune. Au sortir du berceau, plein de zèle et d'ardeur, Le Batave, ô vertu! te dévoua son coeur. C'est toi qui de ses jours filais l'heureuse trame. Sobre dans ses foyers, pur au fond de son âme, Loin du vice étranger, loin du luxe imposteur, De sa religion fidèle défenseur, Ce peuple industrieux, simple, jamais frivole, Pour garant de sa foi n'avait que sa parole; Jusqu'à l'idolâtrie aimait la liberté, Et respectant toujours l'auguste vérité, Courageux, doux, créé pour un bonheur tranquille, Voyait sans vains désirs ses pénates d'argile. {==24==} {>>pagina-aanduiding<<} Aimé de sou épouse et cher à ses enfans, Il naviguait ainsi sur le fleuve des ans. De nos antiques moeurs les semences divines Jetèrent parmi nous de fécondes racines; En rameaux élevés, ces germes créateurs Nous donnèrent les fruits qu'avaient promis leurs fleurs. Dans un combat sacré, soutenu seize lustres, Nos pères triomphans se rendirent illustres, Et le monde put voir, admirant nos aïeux, L'école des vertus sur nos bords glorieux. Symbole d'un coeur juste, ô douce tolérance! Du fanatisme affreux la cruelle démence, Pour refuge assuré ne t'offrait qu'un tombeau; Ta tête allait tomber sous le fatal couteau; Le Batave te voit, et son âme attendrie T'appelle dans ses bras et te sauve la vie! Le peuple d'Abrabam, rebut de l'univers, Ou pleure dans l'exil, ou meurt chargé de fers. Implacables chrétiens! soulagez leurs misères. Hélas! ces malheureux ne sont-ils pas vos pères? Et vous les massacrez! par le fer et le feu, Vous livrez à la mort ces fils d'un même Dieu! Ce Dieu, dont vous osez altester les maximes, Qui souffrit, qui mourut pour racheter vos crimes, {==25==} {>>pagina-aanduiding<<} Qui donna des leçons de vertus et d'amour, Chez ces premiers élus n'a-t-il pas vu le jour? Descendans de Jacob! ô race infortunée, De climats en climats, errante et condamnée! Le monde conjuré te proscrit de son sein. Où te sauver? où fuir? quel sera ton destin?..... Sèche, sèche tes pleurs: le Batave, avec joie, A tes bourreaux cruels va dérober leur proie. Ici, point d'échafauds, point de supplice affreux: Viens, viens servir en paix le souverain des cieux, Et que la terre enfin, en voyant sur nos rives, Des enfans d'Israël les tribus fugitives, Apprenne, en détestant ces sanglantes fureurs, Que Dieu seul a le droit de lire au fond des coeurs. O des infortunés consolante espérance, Tendre soeur de la paix, sensible bienfaisance, Toi, besoin et plaisir de l'homme vertueux, Qui changes d'un souris le sort d'un malheureux, Qui sais par tes bienfaits accroître les richesses, Dont les soins généreus surpassent les promesses, Qui couvres de tes dons, qui nourris de ta main Le débile vieillard, l'innocent orphelin; Quel peuple plus que nous, touché de ton exemple, Sut honorer ton culte et t'ériger un temple? Des bouts de l'univers amassant des trésors, Le Batave hardi sut enrichir ses ports; {==26==} {>>pagina-aanduiding<<} Mais loin de s'endormir au sein de la mollesse, Cet or entre ses mains accumulé sans cesse, Soulagea le malheur, répandit les bienfaits, Pour nourrir l'indigence éleva des palais, Et l'étranger surpris vit, dans notre patrie, L'abondance et les moeurs, les arts et l'industrie. Cette antique vertu, cette austère équité Qui guidait nos aïeux à l'immortalité, N'est pas de notre sol entièrement bannie; Je vois dans le lointain sa lumière affaiblie. Nos vertus ont pâli; nos trésors amassés Par un injuste bras sont ravis, dispersés; Mais il existe encor de fidèles Bataves Qu'un destin ennemi n'a pas rendus esclaves, Qui noblement émus par de grands souvenirs, A l'aspect de nos maux exhalent des soupirs. Appui des malbeureux, notre âme libre et fière Gémit en soulageant le poids de leur misère, Et, dans ces tristes jours, ce n'est jamais en vain Que l'infortune en pleurs nous demande du pain. Voyez, quand le soleil dispense sa lumière, Sur les bords africains, la bruyante vipère Étinceler de feux, d'opale et de rubis! D'un faisceau de rayons les yeux sont éblouis; L'hôte léger des airs, d'une aile confiante, {==27==} {>>pagina-aanduiding<<} S'approche, et disparaît dans sa gueule brûlante. Voyez l'arbre fatal, à Java redouté, De sa feuille attrayante étaler la beauté! Abaissés vers le sol, sur cet ardent rivage, Ses perfides rameaux offrent un doux ombrage: Que je plains l'imprudent qui, cherchant le repos, Du sommeil, sous sa tige, appelle les pavôls! Soudain, la prompte mort vient fermer sa paupière: Hélas! le malheureux étendu sur la terre, Se débat et s'épuise en efforts superflus, Se lève en frissonnant, retombe et ne vit plus! Ainsi, par son éclat, le luxe, au front perfide, Lance sur les mortels son poison homicide. Malheur, malheur au peuple, à ses pas enchaîné, Qui suit son char brillant vers l'abîme entraîné! Bientôt, plus de vertus, de moeurs ni de courage, Et la nuit du néant est son seul héritage. Ah! loin du luxe, idole et tyran des humains, Nos aïeux ont fondé leurs fortunés destins; Bravant, dans leurs travaux, la tempête et les ondes, Leur génie a conquis les trésors des deux mondes. Mais riche sans orgueil, le Batave opulent Ne coula point ses jours dans un faste insolent: Modeste citoyen, bon père, époux fidèle, Il présenta des moeurs le précieux modèle, {==28==} {>>pagina-aanduiding<<} Et le coeur ennobli des plus purs sentimens, Au sentier des vertus précéda ses enfans. Combien de Curius, soutiens de la patrie, Pour défendre nos droits prodiguèrent leur vie! Dans les champs de l'honneur, que de grands Scipions, Et combien au conseil de vertueux Catons! Bataves! leur grandeur réclame vos hommages. A ces noms révérés de héros et de sages, Je mêlerai le tien, esprit vaste et fécond, Divin Cats! tour à tour ingénieux, profond, Appui des dogmes saints, des lois docte interprète, Intègre magistrat et séduisant poète. Sous ces arbres épais que tes mains ont plantés, Je redirai mes vers à ces lieux enchantés; Là, je veux, loin du bruit, ombre chère et sacrée, Enflammer les accens de ma muse inspirée; Prêtre de la vertu, je veux, sur nos malheurs, Y répandre avec toi d'intarrissables pleurs; Là, mon âme navrée, en sa douleur amère, Te viendra consacrer un tertre solitaire; J'y graverai ces mots: ‘O génie immortel! Oui, tant que le Batave encensa ton autel, Exemple des vertus, il fut heureux et libre; Mais lorsque, de l'État détruisant l'équilibre, Il délaissa ton culte; alors, chargé de fers, Le Batave cessa d'étonner l'univers.’ {==29==} {>>pagina-aanduiding<<} Toi, que l'antiquité, dans sa reconnaissance, Eût mis au rang des dieux; toi qui, par ta vaillance, Tes talens, tes vertus, te couvris de splendeur; De Ruiter! ô héros, qui sus, d'un bras vengeur, Au pavillon batave enchaîner la victoire; Toi dont avec respect nous gardons la mémoire, Vois, vois, dans ses transports, le peuple agenouillé Embrasser ton tombeau que ses pleurs ont mouillé! Ah! celui que ton nom fait tressaillir de joie, Du sort qui nous poursuit n'est pas encor la proie: Ton souvenir sacré vient ranimer nos coeurs Et d'un rayon d'espoir consoler nos douleurs. Que le vaillant Breton soit fier de son courage; Que le Gaulois s'élève et vante son partage; J'estime leurs vertus, leur gloire, leurs travaux: Quel que soit leur pays, j'honore les héros; Mais où sont ces vertus, ces courages sublimes Qui n'ont point ennobli nos aïeux magnanimes? Méprisez leurs hauts faits, ravalez leur grandeur; Sur le gouffre des ans leur nom reste vainqueur. Ainsi, lorsque Phébus répand partout la vie, Les affreux habitans de l'aride Lybie Insultent par leurs cris le monarque du jour: L'astre majestueux, du céleste séjour, Méprisant les clameurs de leur rage stupide, Verse sur ces brigands des torrens d'or fluide, {==30==} {>>pagina-aanduiding<<} Et monté sur son char, brillant et radieux, Remplit les champs de l'air d'un océan de feux. J'admire un peuple ardent, intrépide à la guerre, Qui porte ses succès aux confins de la terre; Je veux que ses héros, le front ceint de lauriers, Au rang des nations se montrent les premiers: Les rayons de la gloire illustrent la patrie; L'État, sans la valeur, languit sans énergie; Mais si la seule audace a droit à votre encens, Si vous donnez la palme à des exploits sanglans, Allez, courez aussi prodiguer vos hommages A ces hordes du Nord, à ces bandes sauvages, Qui foulant les beaux-arts à leurs pieds abattus, S'enivrent de plaisir dans le sang des vaincus. Aux yeux des conquérans enflammés par la gloire, Quelque brillant que soit le prix de la victoire, Son éclat, trop stérile, au sein de la terreur, Des peuples triomphans ne fait pas le bonheur. Non! la religion et les vertus du sage, Les talens, un coeur noble et calme dans l'orage, Voilà les vrais trésors, les précieux bienfaits Que Mars et ses lauriers n'égaleront jamais. Chantres de mon pays! que vos vers énergiques Rehaussent la splendeur de nos faits héroïques! Donnez un nouveau lustre à nos fastes brillans: La voix de l'univers se mêle à vos accens. {==31==} {>>pagina-aanduiding<<} Humble religion, qui, loin du fanatisme, N'eus point à déplorer le funeste athéisme; O sainteté des lois que, pour nous rendre heureux, Le ciel dicta jadis à nos sages aïeux, Qui, fixant parmi nous la paix, la discipline, Surent nous rapprocher de leur source divine; Eh quoi! sur notre terre indignement trahi, Votre culte tombé serait-il avili? Loin de moi ces pensers! non, non; la calomnie Ne doit pas de son souffle infecter ma patrie. L'équité règne encor dans nos coeurs ulcérés; L'infortune sur nous garde ses droits sacrés; La vertu révérée en ces jours de misères, Est encore fidèle à la foi de nos pères; Le crime fait horreur, et le vice odieux Dans l'ombre de la nuit cache son front honteux. D'où vient qu'un peuple faible, enseveli sous l'onde, A peine distingué sur la carte du monde, Au faîte de la gloire éleva ses destins? Qui moissonna cet or en des pays lointains? Puissant dieu de l'Amstel, sur cet autre Pactole, Quel pouvoir merveilleux bâtit ton capitole? De cités en cités qui creusa ces canaux? Qui planta ces remparts dominant sur les flots? D'où naquit, dans nos champs, le bonheur, l'abondance? Qui nous donna la paix, l'ordre, la tolérance, {==32==} {>>pagina-aanduiding<<} Biens précieux et chers que, d'un oeil curieux, Admire en nos climats l'étrauger envieux? Qui répandit les arts, les talens et la vie? Deux verlus: l'équité, l'amour de la patrie. C'est cet amour brûlant, excité par l'honneur, Qui créa notre sol, nos biens, notre grandeur, Des fleuves courroucés réprima la licence, Et mit un frein vainqueur à l'Océan immense. Muse, tu ne dois pas, pour ennoblir mes chants, Dérouler à mes yeux les annales des temps. Si je veux dans mes vers célébrer un grand homme, Pourquoi citer toujours ceux d'Athène ou de Rome? J'admire Régulus, dans un noble transport, Quittant Rome et les siens pour voler à la mort; Mais comment t'oublier, généreuse victime, O courageux Hambroek, ô héros magnanime! Ah! tant que de Thétis les gouffres jaunissans De l'île de Formose entoureront les flancs, De ta mâle vertu la clarté tutélaire Versera sur nos pas des torrens de lumière. Que dis-je? quand le dieu qui règne sur les flots, Engloutirait Formose au vaste sein des eaux, De tes exploits fameux la durable mémoire Vivrait dans tous les coeurs ainsi que dans l'histoire. Pourquoi des monumens, aux siècles à venir, Ne transmettent-ils pas ton brillant souvenir? {==33==} {>>pagina-aanduiding<<} Ah! quel marbre imposant, dans sa pompe orgueilleuse, Égalerait jamais ta vertu courageuse? La pierre de Paros, tout l'art des Phidias, Du temps qui détruit tout ne triompheront pas; Mais la seule vertu, sur sa base éternelle, Comme Dieu qui l'inspire est assise immortelle. Au pied de cette tour qui menace les cieux, La foule frappe l'air de cris tumultueux. O noble Schaffelaar! on demande ta vie: Ton dévoûment sublime apaise leur furie. Bataves! soyez fiers du nom que vous portez, Et n'oubliez jamais le sang d'où vous sortez. O combien de la paix faisant ma douce étude, Dans le calme des nuits j'aime la solitude, Quand je crois près de moi voir tous ces demi-dieux, Quand mon esprit rêveur s'entretient avec eux! Alors, alors le sol, berceau de mon enfance, Vient doubler le tribut de ma reconnaissance; A ces mânes chéris, à ces morts immortels, Dans mon coeur glorieux j'élève des autels; Mon ami, mes enfans, une épouse adorée, Alors, tout m'est plus cher; cette terre sacrée Avec magnificence étalant sa splendeur, S'embellit à mes yeux de lustre et de bonheur; Alors, je sens brûler dans mon âme agrandie, L'amour de mon pays et le feu du génie. {==34==} {>>pagina-aanduiding<<} Mais quel grand souvenir vient réclamer ma voix? Ma lyre obéissante a frémi sous mes doigts. O Byling! que ta mort, dans mes chants célébrée, De nos derniers neveux soit encore admirée! En butte aux factions, nos climats désolés Offrirent trop long-temps deux partis aveuglés. Des deux côtés, la haine, avide de vengeance, Sur un affreux succès fondait son espérance. Le vainqueur, le vaincu, l'un sur l'autre excité, Tour à tour du combat sortait ensanglanté. La rage en tous les coeurs allumait sa furie: Tel court et se déploie un rapide incendie. Byling, mélange heureux de valeur, de bonté, Seul, dans ces différens, connut l'humanité. Vers ces lieux où Flessingue, assise sur les ondes, Lève son front antique au sein des mers profondes; Dans ces champs où Cérès, prodigue de ses dons, De la riche Zélande embellit les sillons, Éloigné du fracas, du tumulte des villes, Fuyant les factions, les discordes civiles, Près d'un fils, d'une épouse objets de tous ses voeux, Byling dans le repos coulait des jours heureux. Là, tranquille, oubliant, sous un abri champêtre, Le vain faste des cours, la faveur de son maître, Son âme douce et tendre et pleine de fierté, Digne de la fidèle et noble antiquité, {==35==} {>>pagina-aanduiding<<} Tantôt de son bonheur lui retraçait l'image, Tantôt, d'un peuple libre admirait le courage. Terrible aux ennemis, son bras victorieux Abattit sous le fer des bataillons nombreux; Mais après le combat, sa valeur protectrice, Aux victimes du sort tendait sa main propice. Des publiques fureurs ennemi déclaré, D'un peuple turbulent il vivait ignoré, Détestant ces fléaux enfantés par la rage, Qui changent un pays en un champ de carnage, Détruisent en courant le germe des vertus, Et perdent sans retour les peuples corrompus. Sans regrets du passé, sans projets, sans envie, Il remplissait ainsi le cercle de la vie. O combien son amour désire avec ardeur L'instant où de son fils formant le jeune coeur, Déjà fier des vertus qu'il doit faire paraître, Dans cette tendre fleur il se verra renaître! Mais l'arrêt du destin a troublé son bonheur: Gémissant en secret il cède à sa rigueur; Il obéit; il vole où son prince l'ordonne, Et va cueillir encor les lauriers de Bellone. Sur les rires du Lek, défendu par les eaux, Apparaissent d'un fort les antiques crénaux. C'est là que de Byling l'indomptable vaillance Au choc des ennemis doit faire résistance. La fille de Guillaume, avec ses bataillons, {==36==} {>>pagina-aanduiding<<} Comme un torrent fougueux a couvert les sillons, Et Byling renfermé dans ses murs qu'on menace, A défaut de soldats a redoublé d'audace. Ses rangs sont peu nombreux; mais lui, mais ses héros Sauront avec honneur mourir sous leurs drapeaux. En vain les ennemis que l'horreur accompagne, A flots tumultueux ravagent la campagne; Inébranlable chef, intrépide soldat, Il attend sans frémir le moment du combat. Il excite les siens; et son âme enflammée Seule vaut à leurs yeux une invincible armée. On attaque: soudain, tombe sur les remparts Une grêle de traits, de pierres et de dards. De son robuste front, le bélier formidable Frappe à coups redoublés le fort inexpugnable. Impuissante fureur! de ses guerriers suivi, Byling sort de ses murs et marche à l'ennemi. Partout vole sans frein la vengeance cruelle; Partout plane la mort; partout le sang ruisselle. Mais hélas! de Byling les soldats entourés Sans fruit et sans espoir vont être massacrés. Il s'éloigne en triomphe; et sa retraite habile Sauve ses compagnons d'un trépas inutile. Rentrés dans leurs remparts, l'impitoyable faim Vient épuiser leur force et déchirer leur sein. Le peuple est abattu; de farouches cohortes Du château sans défense ont enfoncé les portes. {==37==} {>>pagina-aanduiding<<} Par ces tigres joyeux à l'instant enchaîné, Aux horreurs du trépas Byling est condamné. Leur lâche barbarie invente des supplices. Ses vertus, sa valeur, ses nobles cicatrices, Rien n'arrête leur rage; et ce vaillant héros Va descendre vivant dans la nuit des tombeaux. Il écoute indigné son horrible sentence, Et, grand dans ses revers, rompt ainsi le silence: ‘La fortune ennemie a décidé mon sort; Je mourrai; mais du moins qu'on diffère ma mort. Soldats, vous le savez, je suis époux et père; Je ne veux qu'une grâce à mon heure dernière: Que je puisse revoir, presser contre mon coeur Mon épouse et mon fils! J'en jure par l'honneur, Quand le trentième jour nous rendra la lumière, Je serai dans ces lieux.’ On cède à sa prière; Ses fers tombent. Il part; et dans un trouble affreux, Il arrive où l'attend un couple malheureux. Il arrive! ô momens d'horreur et de tendresse! Le sombre désespoir fait place à l'allégresse. O joie! ô doux retour! ô transports ravissans! Mais quel coup douloureux vient ébranler ses sens, Lorsqu'au sein de l'ivresse une épouse attendrie Lui vante le bonheur d'une union chérie, Serrant entre ses bras le fruit de leurs amours, Bien loin dans l'avenir ne voit que de beaux jours, Et lui parle du terme où le destin prospère, {==38==} {>>pagina-aanduiding<<} D'un nouveau rejeton bientôt le rendra père! O qui peindra jamais l'excès de sa douleur! Combien chaque parole ajoute à son malheur! Il l'écoute, grand Dieu! mais un trompeur sourire Malgré tous ses efforts sur ses lèvres expire, Quand un fils adoré, de ses bras caressans, L'invite à partager ses plaisirs innocens, Ou qu'avide déjà d'enrichir sa mémoire, Des faits de nos aïeux veut connaître l'histoire, Et tout enorgueilli de ses jeunes progrès, Attend en souriant le prix de ses succès. A ce coeur inflexible, à cette âme égarée, Nature, fais sentir ta puissance sacrée! Byling n'est-il pas libre? est-ce avec des brigands Que l'on doit respecter le lien des sermens? Eh quoi! ne sait-il pas que ce coup redoutable Prépare à ceux qu'il aime une mort effroyable?..... Il le sait; mais fidèle aux sermens qu'il a faits, Le véritable honneur ne balance jamais. Le temps fuit; chaque instant rapidement s'envole. Enfin le jour fatal marqué par sa parole, Vient éclairer ses yeux. La vengeance l'attend. Ciel! quel trouble s'élève en son sein palpitant! Ah! comment annoncer cette atroce infamie Sans hâter le trépas d'une épouse chérie? Comment la fuir? comment s'arracher à ses cris, Voir mourans à ses pieds son épouse et son fils? {==39==} {>>pagina-aanduiding<<} Hélas! dissimulant sa tristesse cruelle, D'un air calme et tranquille, il se place près d'elle. Père trop malheureux, retenant ses soupirs, Il se rappelle encor de touchans souvenirs, Et d'un fils, d'une épouse, objets de ses tendresses, Déjà la mort dans l'âme, accueille les caresses. ‘Cher époux, lui dit-elle! ah! quel pressentiment Me remplit malgré moi d'un long saisissement? Ton bras va de nouveau tenter le sort des armes....’ De ses yeux, à ces mots, s'échappent quelques larmes. ‘Eh bien! pars, j'y consens; mais que ton prompt retour Dans ces lieux désolés rassure mon amour. Redoute, loin de moi, la fortune jalouse: Tu sais dans quel état tu laisses ton épouse!’ Il veut parler; sa voix rentre au fond de son coeur. Ah! comment découvrir ce secret plein d'horreur? ‘Si de Dieu, lui dit-il, la volonté suprême..... O chère et tendre amie! ô moitié de moi-même!... Eût voulu qu'enchaîné dans les fers ennemis.... J'eusse fait un serment..... - Juste ciel! je frémis. Quels sinistres accens! ah! Dieu! que veux-tu dire?’ Il la presse en ses bras; toute sa force expire. Mais reprenant bientôt son courage ébranlé, Ce funeste secret est enfin dévoilé. Horrible désespoir! affreuse destinée! L'oeil égaré, muette et d'effroi consternée, {==40==} {>>pagina-aanduiding<<} Elle écoute immobile, et, d'un songe imposteur, Elle croit éprouver l'importune terreur. Elle sourit, regarde et tout à coup s'écrie: ‘Quel rêve douloureux, quelle horreur m'a saisie? Non, je n'ai rien appris; je n'ai rien entendu. Non, non! ce n'est qu'un songe! ah! grand Dieu! pourrais-tu M'abandonner, me fuir lorsque mon coeur succombe, Pour t'engloutir vivant dans la nuit de la tombe? Eh quoi! ne veux-tu pas dissiper ma douleur? Tes larmes, ton silence attestent mon malheur. Cher et cruel époux! par le noeud qui nous lie, Par ce fils tant aimé qui doit charmer ta vie, Par le malheureux fruit que je porte en mon sein, Par le ciel qui condamne un odieux dessein, Reste et n'écoute pas ce barbare courage, Reste et de tes bourreaux n'assouvis pas la rage.’ En vain elle s'attache au corps de son époux, Avec des cris aigus se traîne à ses genoux; En vain son fils, versant des larmes suppliantes, L'appelle et le retient de ses mains innocentes; Le constant souvenir de son bonheur passé A ses esprits émus est en vain retracé: Inutiles efforts! il demeure inflexible. ‘Dieu! plus d'espoir, dit-elle! ô ciel, est-il possible? Dieu! prends pitié de moi... Je me meurs!...’ A ces mots, Elle tombe sans vie. Étouffant de sanglots, Il la rappelle au jour. Dans l'excès de sa peine, {==41==} {>>pagina-aanduiding<<} Il voit en frémissant cette effrayante scène. ‘Chère épouse! dit-il, deux êtres malheureux Vont réclamer tes soins: tu dois vivre pour eux...’ Elle ne l'entend pas! ‘Mon amour t'en supplie; C'est un dépôt sacré que mon coeur te confie. Puisse de l'Éternel l'équitable bonté Te rendre le bonheur qu'avec toi j'ai goûté!’ Elle ne l'entend pas! Dans sa douleur mortelle, L'univers tout entier a disparu pour elle. Son fils même s'écrie, en lui tendant les bras: ‘O ma mère! ma mère!’ Elle ne l'entend pas! Des sons semblent sortir de sa bouche tremblante: Il frissonne.... Aux accens de cette voix mourante, Il veut fuir, il revient... ô moment douloureux! Embrasse encor son fils, et s'échappe à ses yeux. Il vole où ses bourreaux, orgueilleux de leur crime, D'un bras impatient attendent leur victime. A l'aspect de sa tombe ouverte sous ses pas, Sa constante vertu ne l'abandonne pas. Pour la dernière fois sa tranquille paupière Contemple du soleil la brillante lumière; Puis, d'un coeur courageux, invoquant son pays, Il recommande au ciel son épouse et son fils, Et d'un pas assuré, ce héros magnanime, Le front ceint d'un bandeau, s'élance dans l'abîme. fin du premier chant. {==42==} {>>pagina-aanduiding<<} {==43==} {>>pagina-aanduiding<<} Notes Du premier chant. Page 11, vers 1er. Une étoile ennemie A désolé les champs où je reçus la vie. Helmers a écrit son poème pendant la domination de Bonaparte. On rencontrera souvent, dans le cours de cet ouvrage, des passages où il déplore les malheurs de sa patrie. Son pinceau prend alors une couleur sombre et mélancolique; son style est celui d'une âme profondément affectée. Il faut convenir que la Hollande, privée de ses relations extérieures, de son commerce, et pour ainsi dire, de la vie, présentait, à cette époque, aux yeux de celui qui aimait véritablement son pays, un tableau bien triste et bien douloureux. J'ai vu, dans ces temps, quelques-uns de ses ports: ses entrepôts étaient vides; ses chantiers déserts; quelques débris de vaisseaux pourrissaient à l'écart! Si l'on découvrait, par hasard, un navire encore entier, il s'offrait sans voiles, sans cordages, abandonné sans soins et sans espoir aux {==44==} {>>pagina-aanduiding<<} chaleurs de l'été et aux glaces de l'hiver; et quand les regards se reportaient sur ces vastes mers, jadis si souvent sillonnées par les Bataves, l'âme ne pouvait se défendre d'un sentiment pénible: on regrettait les beaux jours d'un peuple qui, par ses talens et son industrie, sut s'élever au premier rang entre les nations. Page 14, vers 11. Pur rayon descendu de la voûte suprême, Amour de la patrie émané de Dieu même. Le coeur de Helmers était tout national: quand il parle de sa patrie, il devient enthousiaste; ses pensées coulent avec abondance comme un torrent enflammé. L'amour de la patrie est un sentiment délicieux pour les grandes âmes. C'est en aimant sa patrie qu'un peuple devient fort et se fait respecter de toutes les nations. L'histoire cite avec fierté ceux des peuples qui ont aimé leur pays et qui ont employé leur existence à l'éclairer, à le servir ou à le venger. Page 18, vers 5. Telle on vit Astérie, avec un front fangeux, S'élever tout à coup sur les flots écumeux. L'auteur veut parler ici de Délos, île de la mer Égée, l'une des Cyclades, qui flottait sur les ondes avant la naissance d'Apollon et de Diane. Latone, poursuivie par Junon, se réfugia dans cette île sous la protection de Neptune. Cette comparaison est fort belle; l'idée en est neuve. Helmers en offre beaucoup de ce genre elles sont presque toutes aussi justes qu'ingénieuses. {==45==} {>>pagina-aanduiding<<} Page, 20 vers 8. Quand Vondel à la main, cherchant la solitude. Vondel, poète hollandais, naquit en 1587. Il abandonna sa boutique de bas pour s'adonner au culte des muses. Inspiré par son génie, il fit d'abord des vers avant de connaître les règles de la poésie. On a de lui des tragédies, des poèmes, des satires et des héroïdes. Page 20, vers 22. Où sont ces lacs fangeux et ces dormantes eaux? Beemster et Purmer, deux lacs immenses, ont été desséchés, et offrent aujourd'hui des champs pleins d'abondance et de vie. Page 21, vers 16. La mer aux flots dorés inondera nos bords. Helmers dit: la mer Jaune. J'ai dû employer un autre tour pour rendre poétiquement l'idée du poète hollandais. Page 22, vers 13. Leur aigle audacieux, tel qu'un vautour sanglant, Au coeur des nations plongea son bec brûlant. Cette idée me paraît sublime. Page 27, vers 2. Voyez l'arbre fatal, à Java redouté, De sa feuille attrayante étaler la beauté! {==46==} {>>pagina-aanduiding<<} C'est l'Upas, arbre de Java, célèbre par le poison qu'il recèle, et par le merveilleux dont il a été l'objet. Dict. d'Hist. nat. Les naturalistes, et entre autres, M. Leschenault, ont donné des descriptions exactes de cet arbre; mais les poètes aiment toujours à lui conserver sa réputation exagérée. Il découle de l'Upas un suc vénéneux qui, introduit dans le sang, donne promptement la mort. Tout ce que rapportent plusieurs dictionnaires géographiques sur l'impossibilité d'approcher de ce végétal à plus de vingt toises de distance, sur la grâce qu'on accordait aux criminels qui parvenaient à renfermer son poison dans une boîte d'argent, est faux et fabuleux; mais il ne serait pas prudent de se reposer longtemps sous son ombre. Page 28, vers 8. A ces noms révérés de héros et de sages, Je mêlerai le tien, esprit vaste et fécond! Divin Cats! Cats naquit en 1577 à Brouwershoven, en Zélande, de parens honnêtes et fort estimés. Il fréquenta d'abord l'Académie de Leyde. Jeune encore, il s'adonna à l'étude de la poésie. Il passa ensuite à Orléans où il reçut le grade de docteur en droit. Il revint en Zélande, et fut le premier qui osa défendre une femme accusée de sorcellerie. C'est près de Middelbourg qu'il composa la plus grande partie de ses oeuvres. Il fut créé grand-pensionnaire et chevalier de St.-Georges. Sa carrière fut longue et glorieuse. {==47==} {>>pagina-aanduiding<<} Page 29, vers 1er. Toi, que l'antiquité, dans sa reconnaissance, Eût mis au rang des dieux! Michel de Ruiter, le plus grand homme de mer qui ait jamais paru, naquit à Flessingue en 1607. Il fut d'abord simple mousse. Après plusieurs voyages, il fut nommé contre-amiral. Envoyé au secours des Portugais contre les Espagnols, du roi de Danemarck contre les Suédois, partout il se couvrit de gloire, obtint les honneurs du triomphe, fut pensionné et ennobli par les rois étrangers. Créé amiral-général, il remporta la fameuse victoire dans le combat des quatre-jours, soutenu contre les forces supérieures des Anglais. Dans trois batailles navales, il vainquit les Anglais et les Français réunis en 1673. Il mourut à Syracuse, des suites de ses blessures, à l'âge de 59 ans, regretté même de ses ennemis. Son corps fut transporté à Amsterdam, où la reconnaissance publique lui érigea un monument. Louis XIV déplora la perte de ce grand homme. Page 29, vers 21. Ainsi lorsque Phébus répand partout la vie. Le danger qu'il y avait de s'exposer ici à la comparaison entre ce passage et la belle strophe de Lefranc de Pompignan sur la mort de J.B. Rousseau, m'avait d'abord engagé à supprimer ce morceau; mais puisque le poète hollandais a traduit presque littéralement cette strophe, j'ai pensé que je ne devais pas l'omettre, quelque inférieurs que fussent mes vers. J'ai tâché, bien à regret {==48==} {>>pagina-aanduiding<<} sans doute, de ne pas trop me servir des mêmes mots que le poète français, pour diminuer autant que possible les conséquences d'un vol inévitable. Voici cette strophe célèbre: le lecteur jugera. Le Nil a vu sur ses rivages De noirs habitans des déserts Insulter, par leurs cris sauvages, L'astre éclatant de l'univers. Cris impuissans! fureurs bizarres! Tandis que ces monstres barbares Poussaient d'insolentes clameurs, Le Dieu, poursuivant sa carrière, Versait des torrens de lumière Sur ses obscurs blasphémateurs. Pompignan avait d'abord mis: crime impuissant. Ce fut La Harpe qui corrigea cette faute grossière en récitant ces vers à Voltaire qui, malgré toute son inimitié contre Pompignan, les trouva sublimes. Page 32, vers 15. Mais comment t'oublier, généreuse victime, O courageux Hambroek, ô héros magnanime! En 1661, Hambroek (1) ayant été fait prisonnier par Coxinga, pirate chinois, dans l'île de Formose, fut député par le vainqueur {==49==} {>>pagina-aanduiding<<} pour sommer la garnison du fort de Zélande de se rendre: sa vie ne lui était garantie que si le fort capitulait. Mais Hambroek, connaissant l'état de détresse des troupes de l'ennemi, engagea le commandant du fort à se défendre, en lui assurant que Coxinga devrait bientôt lever le siége. Ses filles le conjurèrent de ne pas retourner dans le camp ennemi; mais fidèle à sa promesse, il revint et trouva la mort. Page 33, vers 7. Au pied de cette tour qui menace les cieux, La foule frappe l'air de cris tumultueux. Avec un petit nombre de braves, le capitaine Schaffelaar s'était emparé de la tour de Barneveldt, et la défendait contre les efforts de l'évêque d'Utrecht. Des batteries dirigées contre cette tour forcèrent bientôt Schaffelaar à demander à capituler. On lui répondit que ses soldats seraient tous passés au fil de l'épée, s'ils ne le précipitaient eux-mêmes du haut de la tour. Tous jurèrent de mourir plutôt que d'obéir à cet ordre affreux. Soudain l'intrépide Schaffelaar paraît sur les crénaux, adresse quelques mots à ses braves, et se précipite du haut de la tour. Page 34, vers 3. O Byling! que ta mort, dans mes chants célébrée, De nos derniers neveux soit encore admirée! Après la mort de Guillaume IV, en 1346, Marguerite femme de Louis de Bavière, lui succéda. Elle remit bientôt le gouverne- {==50==} {>>pagina-aanduiding<<} ment à son fils Guillaume; mais le comte peu reconnaissant laissa sa mère dans la plus grande détresse. Marguerite voulut reprendre les rênes de ses états, et deux partis se formèrent. On les distingua, à leur naissance, sous la dénomination burlesque de Hoeks et Cabéliaux, par suite d'une querelle, dit-on, qui s'était élevée entre eux, à un dîner, sur la question de savoir si le cabéliau prenait l'hameçon, ou si l'hameçon prenait le cabéliau. Les tètes se montèrent; chaque parti prit une couleur particulière, et la guerre s'alluma. Les Hoeks, du côté de Marguerite, portèrent des bonnets rouges, et les Cabéliaux, du côté de Guillaume, prirent des bonnets gris. Byling se trouvait alors au service du duc Jean de Bavière, oncle de Jacqueline qui, après la mort de son père, Guillaume VI, fut reconnue souveraine de la Hollande. Le duc, ennemi des Cabéliaux, envahit une partie des états de Jacqueline pendant son absence pour les fêtes de son mariage: elle dut faire la guerre pour y rentrer. C'est dans cette guerre sanglante que Byling fut fait prisonnier et enterré tout vif par les féroces satellites de Jacqueline. fin des notes du premier chant. {==51==} {>>pagina-aanduiding<<} Chant Second. {==52==} {>>pagina-aanduiding<<} {==53==} {>>pagina-aanduiding<<} Chant second. Héroisme sur terre. Sur l'antique sommet des Alpes sourcilleuses Qui lèvent jusqu'aux cieux leurs têtes orgueilleuses, A travers les frimas, sous d'énormes glaçons, Sorti des larges flancs de ces arides monts, Le Rhin, calme d'abord, dans sa course incertaine, Comme un faible ruisseau serpente sur l'arène; Mais accrus en roulant, ses flots tumultueux Se creusent, à grand bruit, un lit audacieux, Et fiers et menaçans, du plus haut de la cime, Comme un tonnerre affreux s'élancent dans l'abîme; De rochers en rochers et d'écueil en écueil, Il promène vainqueur sa force et son orgueil; De ses rapides eaux il couvre les campagnes, Et traîne avec fracas les débris des montagnes; L'habitant menacé par ses fougueux bouillons, {==54==} {>>pagina-aanduiding<<} S'épouvante à l'aspect de ses noirs tourbillons. Obéissant enfin à de féconds rivages, Il s'apaise en grondant, il cesse ses ravages, Et sous des cieux plus doux, ses tributs bienfaisans De l'amant d'Érigone arrosent les présens. De la cime des monts qui couronnent ses ondes, Le voyageur, au bruit de ses vagues profondes, Contemplant de son cours la fière majesté, Salue avec respect sa sublime beauté. Mais suivez jusqu'aux mers son onde souveraine: Avili, dégradé, lentement il se traîne; Ce n'est plus ce beau fleuve, altier, impétueux: Il rampe dans la fange et disparaît aux yeux. L'étranger qui naguère admirait son audace, De son superbe lit en vain cherche la trace. Il s'arrête en ces lieux d'un air triste et rêveur; De lugubres pensers il entretient son coeur, Et songeant aux débris de l'antique Carthage, Du néant des grandeurs il reconnaît l'image. Pays de mes aïeux! d'un rapide pinceau, N'ai-je pas de ton sort reproduit le tableau? Jadis ton sol étroit, envahi par Neptune, D'aucun peuple étranger n'appelait la fortune; Mais du limon impur de tes profonds marais, L'oeil vit bientôt sortir des cités, des palais. Par tes mâles vertus, par ta valeur guerrière, {==55==} {>>pagina-aanduiding<<} Tu secouas le joug que t'imposait l'Ibère: Intrépides lions, sur les champs de Thétis, Quels lauriers tes enfans n'ont-ils pas recueillis? Tels que ce fleuve altier, resplendissans de gloire, Ils marchaient, pleins d'orgueils, de victoire en victoire. Que les temps sont changés! et combien ta grandeur Aux yeux de l'univers a perdu sa splendeur! Hélas! déshonorés, couverts d'ignominie, Verrons-nous à jamais notre gloire flétrie? Non, non! ô mon pays, l'éclat de nos aïeux Jette encore sur nous quelques traits lumineux, Et ces grands souvenirs, ces superbes courages Ne sont pas engloutis dans le torrent des âges. Équitable Clio, dont l'éloquente voix Honore la vertu, rehausse les exploits, Et des peuples divers illustre la mémoire, Viens ouvrir à mes yeux les fastes de l'histoire! Quel éclat m'éblouit? sur son livre éternel, Mnémosyne a gravé notre nom immortel, Et le fier étranger, dans sa vaine arrogance, D'effacer tant d'honneur a perdu l'espérance. Mais quel sol se présente à mes pas égarés? Où suis je? quel silence en ces lieux révérés! D'où naissent mes frissons? qui m'agite et m'enflamme? C'est ici que vers Dieu l'homme élève son âme! Quel est ce monument? quels faisceaux radieux {==56==} {>>pagina-aanduiding<<} Égalent en splendeur la lumière des cieux? Des casques et des dards, appareils de la guerre, Ont oublié Bellone et gisent sur la pierre. Sur ce marbre doré quels sont ces traits inscrits? ‘Ici dort un héros, sauveur de son pays!’ Tandis que dans les fers notre gloire succombe, Oui, je veux, ô Guillaume, appuyé sur ta tombe, A mes contemporains racontant tes hauts faits, Par des chants solennels soulager mes regrets. Reçois, reçois ici le tribut de mes larmes, Pour tes mânes sacrés ces pleurs auront des charmes. Idole du Batave, auguste liberté, Chez nos divins aïeux ton culte respecté Fit pâlir les tyrans, épouvanta le crime Et sut nous arracher aux horreurs de l'abîme: De la divinité rayon pur et brillant, C'est toi qui conduisis le Batave vaillant, Lorsqu'au sein du malheur changeant sa destinée, Tu sauvas du néant la patrie enchaînée. Tel qu'un torrent fougueux, dansles champs inondés, Renverse, détruit tout de ses flots débordés, César sur les Gaulois fondit d'un pas rapide, Abattit les vaincus sous son bras intrépide, Et les fils de Brennus, dévorant leur affront, Devant l'Aigle romain abaissèrent leur front; {==57==} {>>pagina-aanduiding<<} Le Breton, entouré de ses rochers sauvages, Par cet altier vainqueur vit fouler ses rivages; Mais le peuple batave, ardent et courageux, N'apprit pas à fléchir sous ce maître odieux: Indompté, luttant seul contre une immense armée, Donnant un grand exemple à la terre opprimée, Au conquérant du monde il unit ses destins, Et se fit reconnaître allié des Romains. Mais lorsque ces brigands, altérés de carnage, Sur nos bords indignés exercèrent leur rage, Alors, de la vengeance arborant les signaux, La patrie enfanta d'innombrables héros, Et l'Aigle de César, arbitre du tonnerre, Dont les regards de feu faisaient trembler la terre, Banni honteusement, et l'oeil épouvanté, Respecta notre sol et notre liberté! Parlez, peuples fameux que renomme l'histoire, Parlez; quelle splendeur égale notre gloire? Tous, cédant au destin, ou vaincus, ou trahis, Aux chaînes d'un vainqueur vous vous êtes soumis; Mais le Batave seul, échappant au naufrage, Sut briser à ses pieds le joug de l'esclavage. Muse sacrée, ô toi, qui, près de nos aïeux, Célébras de Wodan les Bardes belliqueux, De ta brûlante flamme embrase mon génie; {==58==} {>>pagina-aanduiding<<} Viens, viens me rappeler ces temps de tyrannie, Où, vengeurs de nos droits, citoyens et soldats Soutinrent sans fléchir un siècle de combats; Où le fier Espagnol, respirant la vengeance, Devant nos étendards vit tomber sa puissance; Ces temps où du Lion l'invincible valeur Et de Rome et d'Athène éclipsa la grandeur! Ah! lorsque mon pays, dans la course des âges, De Saturne vainqueur éprouvant les outrages, Ne laissera de lui que son nom immortel, ( Sur ce globe orageux quel peuple est éternel?) Quand le dieu du trident, de ses eaux vagabondes, Couvrira nos cités, nos campagnes fécondes, On dira nos exploits; et nos derniers neveux Croiront prêter l'oreille à des faits fabuleux. Le tyran espagnol, dans sa rage insensée, A proféré ces mots: ‘Quoi! la terre abaissée Obéit à mon sceptre et tremble de respect; Le front même des rois se courbe à mon aspect; Et dans son fol espoir, dans sa fière démence, Un peuple audacieux rêve l'indépendance! Il ose insolemment, réclamant de vains droits, Méconnaître mon nom, s'opposer à mes lois! Dans des fleuves de sang que ces traîtres périssent!’ A ces sermens affreux les enfers applaudissent. De spectres entouré, pour servir son dessein, {==59==} {>>pagina-aanduiding<<} Le duc d'Albe s'avance; il paraît; et soudain Se montre sur ses pas le cortège des crimes: La noire perfidie étouffant ses victimes, La lâche trahison, la froide cruauté Excitant aux forfaits le meurtre ensanglanté, La ruse, les soupçons, l'atroce violence, Et, pour comble de maux, la sombre intolérance! Il arrive! partout le sang coule à grands flots, Et la terre a frémi sous les pas des bourreaux. Dieu! qui peut arrêter ce monstre insatiable? Sans espoir de salut sa rage nous accable: Les plus illustres fronts ont déjà succombé: Tels tombent les épis sous le fer recourbé. Ah! comment écarter ces horribles tempêtes, Ces foudres menaçans qui brûlent sur nos têtes? C'est vous, braves aïeux, vrai peuple de héros, Qui sauverez l'État d'un abîme de maux. Chef habile et prudent, dans ces affreux ravages, L'intrépide Nassau va guider vos courages. Il commande; à sa voix, dans les rangs ennemis, Nos fidèles soldats portent des coups hardis. Jours de gloire et d'honneur! mémorables batailles! Triomphes obtenus par tant de funérailles! Exemples éclatans d'audace et de valeur! O souvenirs! combien vous enflammez mon coeur, Quand, témoin indigné de nos longues misères, Je foule un sol rougi par le sang de nos pères! {==60==} {>>pagina-aanduiding<<} Grecs, vantez vos guerriers, héros de Marathon: Salamine, Platée ont retenu leur nom. Dans ces lieux illustrés, votre mâle énergie Repoussa vers les mers les forces de l'Asie; Oui, vous fûtes vainqueurs! mais les Perses domptés Préparèrent leur chute au sein des voluptés, Tandis que le Batave, unique dans sa gloire, Au plus puissant des rois arracha la victoire. Beaux jours évanouis! éternels monumens! De ma lyre inspirée animez les accens. Que vois-je? dans nos champs, en miracles fertiles, D'autres Léonidas aux pieds des Thermopyles! Chaque fleuve à mes yeux retrace l'Archipel; Tout brille et m'éblouit d'un éclat immortel. Partout d'illustres faits, des pompes triomphales Ornent de mon pays les antiques annales. Quel héros le premier recevra mon encens? Ah! pour ma faible voix ces exploits sont trop grands! Ces combats, ces récits, ces sublimes merveilles Ont rempli dès long-temps nos coeurs et nos oreilles. Qui de nous, dans Haarlem, dans ses murs invaincus, Ne sent naître l'orgueil en ses esprits émus? Près d'Alkmaar, de Naarden, jusqu'au fond de son âme, Qui de nous n'a brûlé d'une divine flamme? Et quel être, insensible à tant de souvenirs, Sur Leyde et ses malheurs n'exhala des soupirs? {==61==} {>>pagina-aanduiding<<} Lorsque du fier Brennus l'horrible barbarie, Par le glaive et le feu ravagea l'Italie, Qu'écroulés à grand bruit, les murs de Romulus Au fer de l'ennemi livrèrent les vaincus; Il était grand de voir un sénat vénérable Abandonner sa tête au Gaulois implacable, Et revêtu de pourpre, à la face des dieux, Se laisser égorger par un bras furieux; Mais j'admire encor plus l'intrépide constance Qui d'un peuple assiégé soutenait la vaillance, Lorsque Leyde, livrée aux horreurs de la faim, Résolut de périr les armes à la main. Ses braves citoyens, près de perdre la vie, Souffraient avec courage une affreuse agonie: Fantômes décharnés, se dévorant entre eux, Ils préféraient la mort à des fers odieux. Sous les murs de Nieuwport, dans ces dunes sanglantes, Suivez tous avec moi nos armes triomphantes. Tel qu'on nous peint de Dieu l'ange exterminateur, Maurice agite ici son glaive destructeur. Venez: entendez-vous retentir son tonnerre? Le sang des Espagnols rougit encor la terre. Bataves! c'est ici que Mendoze abattu Aux chaînes du vainqueur se soumet éperdu! Suivez, suivez mes pas dans ces plaines sacrées, Où dorment à jamais des cendres adorées. {==62==} {>>pagina-aanduiding<<} Du feu de nos aïeux ressentez-vous l'ardeur? Vers l'arbitre suprême élevez votre coeur. Là, sur ces bords fameux, jurez, peuple de braves, Jurez d'être fidèle à berceau des Bataves; Dans l'excès du malheur qui nous accable tous, L'oeil tourné vers les cieux, fléchissez les genoux; Implorez l'Éternel; qu'il abatte l'impie, El, propice à vos voeux, qu'il sauve la patrie! Comme l'astre du jour, dans nos riches guérêts, Fait croître par ses feux les germes de Cérès, Jaunit l'or des moissons, et, versant l'abondance, Du joyeux laboureur vient combler l'espérance; Ainsi la liberté, sur notre sol heureux, Jadis donna la vie à des héros nombreux. Ah! quand les yeux remplis de douloureuses larmes, Sur ta tombe, ô Nassau! je célèbre nos armes, Puis-je taire ta gloire, esprit vaste et divin, Ferme appui des vertus, honneur du genre humain, Qui partout fis chérir ta bravoure immortelle, Dont l'univers entier n'offre pas le modèle? A l'aspect d'Attila, sur son char belliqueux, Une indigne rougeur couvre mon front honteux; Je me sens avili!..... Mais lorsque, sur le trône, Je salue un Nassau que son peuple environne, Mon âme s'agrandit; et de tant de splendeur, Avec un noble orgueil je partage l'honneur. {==63==} {>>pagina-aanduiding<<} Mais comment te chanter, toi qui, brisant nos chaînes, De l'état chancelant sus ressaisir les rênes? O grand homme! ô Guillaume! où trouver des couleurs Pour peindre tes vertus, tou courage, tes moeurs, Dans les travaux de Mars ta force et la vaillance, Au conseil, au combat ta sublime prudence, Dans tes hardis projets ta mâle fermeté, Ton austère justice et la fidélilé? Non! ma muse jamais, quelque feu qui m'inspire, Sur un ton assez haut ne montera ma lyre. Frappé de ta grandeur, je t'admire, ô Nassau; De pleurs reconnaissans j'arrose ton tombeau, Et j'adore de Dieu la sagesse infinie Qui voulut, par ton bras, sauver notre patrie. D'un père magnanime illustre rejeton, Maurice, au champ d'honneur, intrépide lion, Qui, jeune, sus guider, au milieu de l'orage, Le vaisseau de l'État échappé du naufrage; Et toi, plusdoux, moins prompt, maisnon moins courageux, Frédéric, digne fils d'un prince vertueux, Que mon coeur, libre encor d'un infâme esclavage, Sur cet autel sacré vous offre un pur hommage. Nos ancêtres, d'abord peu nombreux, mais vaillans, Opposèrent leur force aux coups des Castillans. Voyez sur le sommet des Alpes éternelles, {==64==} {>>pagina-aanduiding<<} L'oiseau, du mouvement de ses rapides ailes, Détacher des frimas: de flocons en flocons, Croît un énorme bloc sur la pente des monts; Il roule; autour de lui s'amoncèle la glace; Bientôt, précipité par sa terrible masse, Contre le front des rocs heurtant ses flancs neigeux, Il tombe dans l'abîme avec un bruit affreux; Dans sa chute effroyable entraînant les montagnes, Il couvre de débris les forêts, les campagnes, Et chargés de glacons durcis par les hivers, Arrache des rochers vieux comme l'univers! Ainsi chez nos aïeux, dans ces temps mémorables, S'accrurent du Lion les forces indomptables: Renversant l'ennemi que sa fierté brava, Des neiges de l'Islande aux sables de Java, La flamme dans les yeux et respirant la guerre, Par ses mugissemens il ébranla la terre. Alors, ô mon pays! tel qu'un cèdre orgueilleux, Tu levais dans les airs ton front majestueux, Et compté dans les rangs des nations guerrières, Qui pour la liberté déployaient leurs bannières, Comme un jeune héros de palmes couronné, Noble et fier, tu brillais de gloire environné! O jours fameux! ô temps d'immortelle mémoire, Que les siècles futurs à peine pourront croire! Les fastes de Clio sont ouverts devant moi: Auguste Vérité, je n'ai recours qu'à toi; {==65==} {>>pagina-aanduiding<<} Viens éclairer mes pas de ta vive lumière, Et prêter à ma voix ton langage sévère. Sur nos bords triomphans, théâtre des combats, L'Europe attend son sort du pouvoir de nos bras. Quel peuple audacieux, entraîné vers sa chute, Osera provoquer une sanglante lutte?... Du féroce Attila les cruels descendans Tombent sur les Danois et ravagent leurs champs. De rapides succès ont comblé leur attente: Le Sund est dans les fers; tout fuit ou s'épouvante! Le Lion en courroux rassemble nos guerriers, Et, vengeur généreux, leur offre des lauriers. On s'attaque, on se bat: l'intrépide Gustave, Qui pensait affronter la valeur du Batave, Cède enfin au Lion, arbitre du destin, Et regagne en fuyant ses montagnes d'airain. Toi, qui sus à ton char enchaîner la victoire, Tour à tour adoré, haï, couvert de gloire, Enivré trop souvent par un encens flatteur, Louis, toi, des beaux-arts fidèle protecteur, De vingt peuples divers réglant la destinée, Tu vis sous ton pouvoir l'Europe prosternée; Seule, la Batavie osa braver tes lois, Combattre son tyran et défendre ses droits. Tes milliers de soldats répandus sur nos plages, Prétendent dans tes fers soumettre nos rivages; {==66==} {>>pagina-aanduiding<<} Du Lion furieux ils troublent le repos: Son terrible réveil a frappé les échos. O monarque insensé! ta téméraire audace Prodigue à ton rival l'insulte et la menace. A vaincre accoutumé, tu crois, dans ta fureur, Sur nos débris fumans te proclamer vainqueur! Dans tes hardis projets la Bretagne attirée Rassemble ses vaisseaux: notre perte est jurée: Et ces grands ennemis, par un coup imprudent, Sous les yeux du Lion vont ravir le trident. Présomptueux espoir! sur l'abîme de l'onde, La tempête se lève et le tonnerre gronde; Mais du sein orageux de cette affreuse nuit, Sur le front du Batave un nouveau lustre luit. En vain ces alliés, dans leur aveugle joie, Dévorent leur butin, se partagent leur proie; L'Amstel reste invincible! en vain, sur nos remparts, On voit flotter les Lis unis aux Léopards: Fiers au sein du danger, braves avec prudence, Nos fidèles héros préparent leur vengeance; Réprimant des mutins les flots séditieux, Ils opposent leur calme aux cris des factieux, Et forts de leur devoir, forts de leur conscience, Détruisent des vainqueurs la superbe espérance. Ainsi, quand l'étendard de la rébellion Livrait aux attentats l'empire du Lion, {==67==} {>>pagina-aanduiding<<} Quand les atrocités d'odieux cannibales Marquaient de notre sang des époques fatales, Habilans courageux des rives de l'Amstel, Ainsi vous avez vu l'intrépide Dédel, Bravant des révoltés l'insolence et la rage, Montrer au milieu d'eux son tranquille courage: On eut dit, à l'aspect de son front assuré, Qu'il marchait en triomphe et d'honneurs entouré. De tes nombreux lauriers, Athènes, sois moins fière! Quand Xercès devant toi vint planter sa bannière, Dans tes rangs ébranlés l'épouvante courut; Tes guerriers, dans la fuite ont cherché leur salut! Athéniens! les lieux, où votre âme attendrie Vous choisit aux autels une épouse chérie, Les lieux, où le souris d'un enfant adoré Fit palpiter d'orgueil votre coeur enivré, Vos dieux, les monumens où dormaient vos ancêtres, Tout tomba lâchement au pouvoir de vos maîtres! La vieillesse tremblante, en vos murs délaissés, Vers les temples déserts traînait ses pas glacés; Les Perses s'avançaient; et des voisins rivages, O ciel! vous avez vu ces terribles ravages, Vos autels abattus, vos remparts écroulés, Et, pour comble d'horreur, vos tombeaux violés! Mais nous, lorsque Louis, au sein de nos contrées, Portait victorieux ses armes abhorrées, {==68==} {>>pagina-aanduiding<<} Que ses foudres d'airain dirigés contre nous, Lui livraient nos cités qui tombaient sous ses coups, Nos chefs, pour nous venger, pour sauver la patrie, Prodiguèrent leurs biens, dévouèrent leur vie; Se reposant sur Dieu, dans ce sanglant combat, Ils guidèrent au port le vaisseau de l'État, Et Louis effrayé, par sa retraite prompte, Dans les murs de Versaille ensevelit sa honte! O triomphe! ô Patrie! en quel lieu, sous quel ciel, N'as-tu pas fait briller ton éclat immortel? Des sables africains aux mers hyperborées, Partout de sa valeur remplissant les contrées, Le Balave aguerri, dans ses puissantes mains, De la terre étonnée a pesé les destins, Et l'altier Léopard, déchu du rang suprême, Dût reconnaître un sceptre imposé par nous-même. Voyez, dans un ciel pur, le superbe Orion De son disque brillant éclairer l'horizon: Élevé dans les airs, son trône diaphane Remplit de ses rayons les plaines de Diane; A ses vives clartés, les astres obscurcis Dans la nuit du néant tombent ensevelis: Ainsi nous avons vu notre heureuse patrie Lever sur l'univers sa tête enorgueillie; {==69==} {>>pagina-aanduiding<<} Enchaîner la fortune, et, de son fier trident, S'emparer en vainqueur de l'empire grondant. Charle expire. Bientôt l'ambition sanglante Déploie en frémissant sa marche dévorante. Partout de noirs forfaits et des scènes d'horreurs De son règne fatal attestent les fureurs! Des quatre points du monde, excités au carnage, Les peuples, l'un sur l'autre, ont aiguisé leur rage. Eh quoi! l'Europe encore, en proie à tant de maux, Va-t-elle succomber sous le fer des bourreaux? Non, non! aux cris perçans qui frappent son oreille, Les armes à la main, la Hollande s'éveille. Malheur à l'ennemi dont l'insolent pouvoir Oserait de la paix anéantir l'espoir! Sous le fardeau des ans conservant son courage, Louis de ses soldats inonde notre plage. Vains efforts! la victoire, infidèle à ses voeux, Accompagne partout nos guerriers valeureux; De contrée en contrée, à nos foudres qui grondent, Avec un bruit affreux de longs échos répondent; Pour la première fois connaissant des vainqueurs, Versailles, dans les airs, voit flotter nos couleurs; La paix descend du ciel; et sa main tutélaire Referme de Janus le temple sanguinaire. Source de tant d'honneur, vénérables aïeux, Dirai-je tous vos faits, illustres demi-dieux? {==70==} {>>pagina-aanduiding<<} De ses frimas glacés quand l'hiver nous assiége, Qui pourrait dans nos champs compter les grains de neige? De chaque instant passé qui peut se souvenir? Comment compter jamais les siècles à venir?... L'amour de la Patrie, en traits ineffaçables, Imprima dans vos coeurs vos devoirs immuables: Par cet amour sacré, soutenu, raffermi, Votre invincible bras renversait l'ennemi, Et faisant de vos jours le noble sacrifice, Vous versiez votre sang sur les pas de Maurice; Par cet amour sacré, sans frémir de son sort, Barneveldt innocent envisageait la mort; Tous enfin, vous saviez, par des exploits sublimes, Ou vaincre glorieux, ou mourir magnanimes. Les marbres de Paros, élevés en tombeaux, Ne sont pas aujourd'hui le prix de vos travaux. Eh! qui peut ajouter à votre récompense? La paix, la douce paix de votre conscience, Vos devoirs accomplis vous assuraient les lieux Que l'Éternel réserve aux mortels vertueux. Où suis-je? à mes regards quel séjour se présente? Puis-je en croire mes yeux? illusion puissante! A ce comble d'honneur quel Dieu m'a réservé? Qui dirige mes pas vers ce rang élevé? Oui! voilà ces héros, ces ombres fortunées Qu'à l'éternelle paix le ciel a destinées! {==71==} {>>pagina-aanduiding<<} Quel air pur et serein ici flatte les sens! Le myrte et le laurier couvrent ces vastes champs; Une essence divine, une odeur d'ambroisie S'exhale en doux parfums de la terre embellie; A travers ces forêts, de limpides ruisseaux Réfléchissent les fleurs dans l'argent de leurs flots; Un soleil sans nuage éclaire ces vallées; D'un nectar précieux ces grappes sont gonflées; Ici, point de saisons: un étemel printemps A ces bocages verts prodigue ses présens; Ici le coeur, rempli d'une volupté pure, Savoure avec transport les biens de la nature. Sous ces ombrages frais, ces mânes révérés, Des terrestres brouillards à jamais délivrés, Sentent brûler en eux une céleste flamme, Et de plus hauts pensers entretiennent leur âme. Là, sont tous ces héros, tous ces vaillans guerriers Tombés pour leur pays au milieu des lauriers; Ici, ces grands talens et ces illustres têtes, Des lois de la Patrie intègres interprètes. O combien, dans ces bois, admis parmi leurs rangs, J'aime à suivre de l'oeil tous ces mânes errans! Quel guerrier, revêtu d'une armure brillante, Porte près d'un vieillard sa démarche imposante? C'est le vaillant Maurice aux côtés d'Annibal, Rappelant les exploits d'un siècle trop fatal; {==72==} {>>pagina-aanduiding<<} Les regards enflammés de haine et de colère, Il lui redit encor la chute de l'Ibère. Barneveldt, les de Wit, et tant d'autres héros, Plus loin, sous des lauriers, jouissent du repos. Sauveur des Pays-Bas, destructeur de nos chaînes, Toi, dont l'éclat remplit ces célestes domaines, O Nassau! tu parais à mes yeux attendris! J'aperçois sur tes pas et Camille et ton fils. Oui, je te reconnais, toi, la gloire du monde, Immortel conquérant de l'empire de l'onde! De Ruiter! comme toi, tes braves compagnons Aux siècles à venir ont tous légué leurs noms, Tous, lions courageux, pleins d'ardeur et d'audace, Au temple de mémoire ont conquis une place; Aux ennemis vaincus ils ont dicté la loi, Mais nul de ces guerriers ne fut si grand que toi. Inspirés, le front ceint d'un lyrique trophée, Là-bas, chantent en choeur nos disciples d'Orphée... Mais quel air abattu, mais quel nuage épais, De ces mânes heureux semble obscurcir les traits? Hélas! désespérés du sort qui nous opprime, Ils voudraient nous sauver sur le bord de l'abîme! De ces pensers amers leur esprit agité Interrompt leur repos et leur félicité. De ces sombres forêts quel poète s'avance? Je reconnais Vondel; il s'approche en silence. Il ouvre, tout ému, le livre des destins; {==73==} {>>pagina-aanduiding<<} Puis, cédant tout à coup à ses transports divins: ‘Levez-vous, ô héros! que des chants d'allégresse Bannissent de vos fronts la lugubre tristesse! Entourez-vous encor de vos mâles vertus, Et ramenez le calme en vos coeurs abattus. Tant de prospérité, fruit de votre génie, Hélas! a disparu du sol de la Patrie; Votre ouvrage est tombé!... Mais des flots lumineux, Un soleil plus brillant s'élance dans les cieux. Du feu de ses rayons la Hollande éclairée De ses fers odieux est enfin délivrée. L'éclair croise l'éclair; le tonnerre mugit; Les tyrans sont frappés; le désordre est proscrit; A nos fils relevés le bonheur va sourire; Tout change, tout s'anime, et le monde respire! Dans nos champs cultivés, je vois l'or des moissons De l'actif laboureur enrichir les sillons. Le commerce renaît: du couchant à l'aurore, Par la paix rassurés, nos mâts voguent encore! Le Lion, reprenant son antique fierté, Nous rend notre grandeur et notre liberté.’ A ces mots, il se tait, plein du Dieu qui l'inspire, Et partout l'allégresse a repris son empire. O donce illusion! pourquoi fuis-tu mes sens? Ah! je perds sans retour tes rêves séduisans; Sur ce globe mortel j'abaisse ma pensée, Et je cherche en pleurant notre gloire éclipsée. {==74==} {>>pagina-aanduiding<<} Honneur de mon pays en des temps plus heureux, Immortel Grotius! ô savant vertueux! Toi, qui me devanças dans la même carrière, A mes pas incertains viens prêter ta lumière. De ton luth courageux l'accent inspirateur Célébra nos aïeux et vengea leur honneur. Tes sublimes leçons dans mon âme agrandie, Ont allumé ce feu dont brûla ton génie. Mais ton vol pour ma muse est trop audacieux: Icare dans les flots tomba du haut des cieux. De l'aigle, roi des airs, qui suit l'aile rapide? Qui ravit sa massue au formidable Alcide? Grotius! quand ta voix seconde tes transports, J'ose à peine essayer de timides accords. Ainsi le rossignol, dans la saison fleurie, Fait redire aux échos sa douce mélodie; La nature s'anime à ses chants amoureux; Il verse l'allégresse au coeur d'un malheureux, Et plongé dans le sein de la mélancolie, Sur le bord d'un ruisseau l'amant rêve et s'oublie: Ses accens ont cessé; mais on l'écoute encor. Vainement le pinson, par un bruyant essor, Du fond de la forêt alors se fait entendre: Ce n'est plus cette voix mélodieuse et tendre. Trop heureux, quand parfois son gosier éclatant Distrait le voyageur qui l'ecoute un instant. fin du second chant. {==75==} {>>pagina-aanduiding<<} Notes du second chant. Page 54, Vers 10. Mais suivez jusqu'aux mers son onde souveraine: Avili, dégradé, lentement il se traîne. Quand Helmers composa son poème, le Rhin n'avait pas d'embouchure; il se perdait dans les sables. Aujourd'hui les belles écluses de Katwyk le précipitent dans la mer. Cette comparaison du Rhin appliquée à la Hollande est regardée, avec raison, comme un des plus beaux morceaux du poème. Page 59 , vers 1er. Le duc d'Albe s'avance; il paraît, et soudain Se montre sur ses pas le cortége des crimes. Les atrocités du duc d'Albe sont connues: il mit les Pays-Bas à feu et à sang, et eut l'insolence de se faire un trophée de ces horreurs. Sur la plate-forme de la citadelle d'Anvers, it se fit con- {==76==} {>>pagina-aanduiding<<} struire une statue, au bas de laquelle on lisait cette inscription: A la gloire de Ferdinand Alvarès de Tolède, due d'Albe, lieutenant de Philippe II roi d'Espagne, en Belgique, pour avoir éteint les séditions, chassé les rebelles, rétabli la religion, jait fleurir la justice, et assuré la paix dans ces provinces. Et cette paix, cette justice, c'était la mort! On ne peut guère pousser plus loin l'effronterie et l'atrocité. Page 60 , vers 21. Qui de nous, dans Haarlem, dans ses murs invaincus, Ne sent naître l'orgueil en ses esprits émus? Les Espagnols perdirent beaucoup de monde devant Haarlem. A la faveur des ombres de la nuit, ils voulurent tenter l'asssaut; mais les valeureux habitans de Haarlem les précipitèrent sur un terrain qui cachait une mine. Elle éclata et fit sauter dans les airs les soldats de Frédéric de Tolède, qui croyaient marcher à la victoire. Les murs se reconstruisaient à mesure que l'ennemi les renversait. Le prince d'Orange faisait de nombreuses sorties: des deux côtés, on ne faisait pas de quartier: les prisonniers étaient tous massacrés ou pendus. Les femmes, les enfans, les vieillards, tout s'armait dans Haarlem. Une dame, d'une naissance illustre, réunit jusqu'à trois cents femmes pour combattre les Espagnols. Haarlem fut assiégée sept mois et demi: la maladie et la famine dévorèrent treize mille de ses habitans. {==77==} {>>pagina-aanduiding<<} Page 60 , vers 25. Et quel être, insensible à tant de souvenirs, Sur Leyde et ses malheurs n'exhala des soupirs? Leyde, lors de son siége en 1573, comptait 14,000 habitans. Les provisions manquèrent, et les communications furent interceptées. Les riches mangèrent la viande de cheval; les pauvres s'arrachèrent celle des chiens, des chats, des rats pour soutenir un reste de ve. Ils dévoraient des feuilles, des racines, des os pourris. Une peste horrible se joignit à la famine pour détruire ce malheureux peuple. On ne put prévenir une sédition; mais la contenance et la fermeté du Bourgemaître Van der Werf appaisèrent les esprits, et on marcha contre les Espagnols. L'amiral Boizot délivra Leyde et l'arracha aux horreurs d'une longue et affreuse famine. C'est pour récompenser ce peuple de sa fidélité que le prince d'Orange fonda, dans cette ville, une université, éternel monument d'une constance et d'une bravoure sans exemple. Page 61 , vers 17. Sous les murs de Nieuwport, dans ces dunes sanglantes, Suivez tous, avec moi, nos armes triomphantes. La bataille de Nieuwport a été chantée par plusieurs poètes. C'est dans cette fameuse journée que Maurice fit des prodiges de valeur. A la tête de sa cavalerie, il commanda une charge qui fit tout ployer devant lui, et renversa le corps le plus redoutable des Esparols. {==78==} {>>pagina-aanduiding<<} Page 63 , vers 25. Voyez, sur le sommet des Alpes éternelles, L'oiseau, du mouvement de ses rapides ailes, Détacher des frimas. Helmers, qui avait beaucoup étudié les poètes français, s'est probablement ressouvenu ici d'un passage de l'Homne des Champs de Delille. Il n'est pas toutefois impossible que ces deux poètes aient eu les mêmes idées, sans que l'un ait traduit l'autre. Le poète français s'exprime ainsi: Souvent sur ces hauteurs l'oiseau qui se repose, Détache un grain de neige. A ce léger fardeau, Des grains dont il s'accroît se joint le poids nouveau. La neige autour de lui rapidement s'airasse; De moment en moment il augmente sa masse: L'air en tremble; et soudain, s'écroulant à la fois, Des hivers entassés l'épouvantable poids Bondit de roc en roc, roule de cime en cime, Et de sa chute immense ébranle au loin l'abîme. Page 65 , vers 23. Seule, la Batavie osa braver tes lois. Louis XIV, en 1667, voulut tenter la conquête de la Hollande. Il fut arrêté dans ses projets, et dut conclure avecl'ambassadeur Van Beuning, un traité de paix qu'il avait bien dessein de rompre plus tard. Ce fut alors que ce peuple courageux n'hésita pas {==79==} {>>pagina-aanduiding<<} de faire les plus grands sacrifices: le laboureur laissa inonder ses champs, le riche détruire ses belles habitations, plutôt que de souffrir l'esclavage. Le prince offrit à l'État le revenu de ses charges; il enflamma tous les coeurs par son courage et sa fermeté; la Hollande fut sauvée! Page 67, vers 4. Ainsi vous avez vu l'intrépide Dédel. Dédel était bourgemaître d'Amsterdam. Sa présence seule réprima les factieux qui dévastaient cette ville courageuse. Page 68, vers 15. Et l'altier Léopard, déchu du rang suprême, Dut reconnaître un sceptre imposé par nous-même. Guillaume III détrôna son père Jacques II, et mit sur son front la couronne d'Angleterre. Page 69 , vers 3. Charle expire. Bientôt l'ambition sanglante... A la mort de Charles II, roi d'Angleterre, le repos de l'Europe fut troublé, et la Hollande parvint à dicter les conditions de la paix. Page 72 , vers 3. Barneveldt, les de Wit et tant d'autres héros. Helmers nomme encore Beverning, Hooft, Fagel. L'impossibilité de faire entrer tant de noms dans des vers, sans les rendre {==80==} {>>pagina-aanduiding<<} souvent durs et bizarres, m'a engagé à supprimer ceux-ci, ainsi que beaucoup d'autres dans la suite; mais par respect pour ces grands hommes, je n'oublierai pas de consigner leurs noms dans ces notes. Page 72 , vers 10. Immortel conquérant de l'empire de l'onde, De Ruiter! comme toi, tes braves compagnons, Aux siècles à venir ont tous légué leurs noms. Swers, Tromp, Everts, Van Hulst ont tous combattu sous De Ruiter, et se sont couverts d'une gloire impérissable. Page 73 , vers 2. Levez-vous, ô héros! Cette prophétie de Vondel aux champs Élysées est d'une grande beauté, et la fin de ce second chant est pleine de la plus touchante noblesse. On raconte que Helmers, ayant présenté son ouvrage à la censure de Paris, on écrivit au-bas de cette page: cette prédiction est accomplie par la réunion de la Hollande à la France. Le poète ajouta: cette note n'est pas de l'auteur. fin des notes du second chant. {==81==} {>>pagina-aanduiding<<} Chant Troisième. {==82==} {>>pagina-aanduiding<<} {==83==} {>>pagina-aanduiding<<} Chant troisième. Héroisme sur mer. Il était nuit: j'errais dans un bois solitaire; Les zéphyrs reposaient sous la feuille légère; Un silence, pareil à celui des tombeaux, Laissait autour de moi sommeiller les échos; Phébé ne régnait plus, et d'épaisses ténèbres Couvraient les vastes cieux de leurs voiles funèbres; Je foulais un sentier à mes pas inconnu; Les champs, les bois, les monts, tout avait disparu. Dans la muette horreur de cette nuit profonde, Il me semblait que seul je veillais dans le monde. Mon coeur, ô mon pays, plein de ton souvenir, Déplorait le présent et sondait l'avenir! Je voyais des mortels la race terrassée, Comme un reptile impur dans la fange enfoncée. L'imagination, brunissant ses pinceaux, Remplissait mes esprits de sinistres tableaux: Je marchais sur un sol stérile, sans culture, {==84==} {>>pagina-aanduiding<<} Marécageux, désert, rebut de la nature. Hélas! c'étaient les lieux, l'infortuné séjour, Où, sous un astre ami, mon oeil s'ouvrit au jour. Je cherchais en pleurant cette ville opulente Qui levait sur l'Amstel sa tête indépendante; Mais je ne voyais plus que des murs démolis, Battus par la tempête et par l'onde engloutis. Des pêcheurs, où jadis dominait l'opulence, Pauvres, sans vêtemens, erraient seuls en silence. Gravissant éperdu ces restes douloureux, Je courais vers l'asile où dormaient mes aïeux: Hélas! plus de tombeaux!!... Un vieillard se présente; Je m'approche et lui dis, d'une voix suppliante: ‘O mon père! est-ce ici que l'Amstel autrefois A l'Europe à genoux fit respecter ses lois?’ - ‘Oui, mon fils, répond-il; une cité superbe Jadis levait son front où croît maintenant l'herbe; Où l'oiseau croassant attriste les échos, S'offrait son capitole entouré par les flots; Ici, des monumens élevés dans la nue, Dans les siècles passés étonnèrent la vue; Là-bas, servant en paix leur culte solennel, Nos pères vertueux adoraient l'Éternel..... Pour nous, livrés sans cesse aux fureurs de Neptune, Nous errons affamés au sein de l'infortune: A peine entendons-nous, sur ce sol malheureux, Le nom de la cité qu'habitaient nos aïenx.’ {==85==} {>>pagina-aanduiding<<} Il se tait; et de pleurs inondant mon visage, Mon oeil épouvanté parcourt ce lieu sauvage. Ainsi, rien n'est durable, ainsi la main du temps Élève et délruit tout dans la course des ans! Où sont tes murs vainqueurs, orgueilleuse Palmire? Le Chakal, l'Africain, dans son cruel délire, Pousse des hurlemens sur les restes épars, El d'informes débris affligeant les regards, Attestent seuls, hélas! la gloire évanouie De la ville pompeuse où régna Zénobie. O que dans ces momens, le sort de mon pays De regrets et d'amour remplissait mes esprits! Tout à coup, ô terreur! sur ces vastes décombres, La nuit, la sombre nuit vient redoubler ses ombres, Et du sein de la terre un bruit sourd est sorti. Un spectre m'apparaît; je reste anéanti! Il s'avance, entouré d'une lumière pâle, Et m'adresse ces mots d'une voix sépulcrale: ‘Rends l'espoir à ton coeur; un destin élevé A ces bords malheureux est encor réservé. Mortel, rassure-toi: les vertus de tes pères Sur ce sol fécondé seront héréditaires. Un éclatant soleil doit y luire à jamais: De tes divins aïeux chante les nobles faits. Au sentier de l'honneur, fiers de ces grands modèles, Leurs glorieux enfans se montreront fidèles.’ {==86==} {>>pagina-aanduiding<<} Il dit; et le tonnerre, en longs sillons de feux, Sembla me confirmer cet oracle des cieux. Je sentis en moi-même une force nouvelle. L'ombre cessa; Phébé, plus brillante et plus belle, Reparut dans les airs sur son trône argenté, Et je guidai ines pas à sa douce clarté. Oui, je veux célébrer les faits d'un peuple illustre, Sur ses fils abattus répandre un nouveau lustre. L'amour de la Patrie, en mon âme imprimé, Inspire, dans son vol, mon génie enflammé. Paraissez tous, ô vous, qui, d'un coeur intrépide, Affrontiez le trépas sur la plaine liquide! Ma muse, avec transport, va chanter vos exploits. Mais par où commencer? quels accens, quelle voix A tant de traits fameux pourront jamais suffire? Qui peut compter les flots sur l'orageux empire? Parcourons l'univers: sous les pôles glacés, De nos vaillans héros les faits sont retracés: En leurs puissantes mains le trident de Neptune A leurs mâts triomphans attacha la fortune. Sous la zône de feu, des champs où meurt le jour Aux lieux où le soleil annonce son retour, Partout, le monde a vu notre valeur guerrière Planter des Pays-Bas l'invincible bannière. Quel courage étonnant a signalé nos bras! {==87==} {>>pagina-aanduiding<<} Que de ports attaqués! que d'immortels combats! Dans chaque flot des mers retentit notre gloire. Sans doute un Dieu pour nous enchaîna la victoire. Le laurier, à nos yeux, s'éleva sur les flots, Et le sein de Téhtis enfanta nos héros. Les Pays-Bas, vainqueurs aux jours de leur naissance, Jusqu'aux sables d'Égypte ont porté leur puissance; Damiette, de ses bords nous repoussant en vain, Vit tomber sous nos coups sa barrière d'airain. Oui! ces premiers momens d'une gloire inouïe, Annonçaient la splendeur qui couvrit la patrie. Tel, d'un faible ruisseau, naît un fleuve orgueilleux: Ainsi le laboureur, interrogeant les cieux, Voit de loin les beaux jours où la terre empressée Prodiguera ses dons à sa grange entassée. Peuple, dont la grandeur étonna l'univers, Dont l'éclat obscurci jette encor des éclairs, Dans les siècles lointains, Salamine, Platée Rediront à nos fils ta gloire méritée; Mais par de plus hauts faits, nos aïeux invaincus Ont frappé leurs tyrans à leurs pieds abattus. Profanes, loin d'ici, vous, qui vantez sans cesse Les vertus des Romains, les exploits de la Grèce! Voyez, dans cette lutte, entouré d'ennemis, Le Batave affronter les gouffres de Téthis; {==88==} {>>pagina-aanduiding<<} Suivez-le triomphant dans la plus noble voie; Approuvez mes transports et partagez ma joie! Fier de t'appartenir, ô pays adoré, Un feu brûlant pénètre en mon coeur inspiré; Viens me dicter mes vers; que ma lyre fidèle Célèbre tes héros et leur race immortelle. Pays-Bas, écoutez! Disciples d'Apollon, Élevez vos accens dans le sacré vallon; Illustrez nos exploits, chantez, nouveaux Orphées, Et couronnez vos fronts de lyriques trophées! Et toi, de l'Océan et le maître et l'effroi, Toi qui, de tes rochers, fais au monde la loi, Orgueilleux Léopard! qui, sur les mers profondes, Nous ravis le trident du monarque des ondes, Qui sus, dominateur de l'empire des eaux, Abattre sans retour tes superbes rivaux, Dont le coup-d'oeil perçent, jusques sur leur rivage, Va de tes ennemis enchaîner le courage; Tu fus grand, je l'avoue, et les siècles passés, Quand nos ardens lions, sur l'océan lancés, A tes nombreux guerriers arrachaient la victoire, Ont vanté ta vaillance, ont admiré ta gloire! Défiant les périls et tes mille vaisseaux, Nos mâts te poursuivaient en tonnant sur les flots. Effrayé, rassemblant tes flottes fugitives, Tu nous vis en triomphe approcher de tes rives. {==89==} {>>pagina-aanduiding<<} En vain, dans ta fureur, tu redoublas d'efforts: Tu cherchas ton salut sous l'abri de tes ports. De Ruiter attaqua tes puissantes armées, Dispersa sur les mers tes poupes alarmées, Et son nom, sur tes bords répandant la terreur, Devint de l'univers et la gloire et l'honneur. Sois moins fier, Léopard! abaisse ton audace! De nos foudres, Chattam conserve encor la trace. Sur l'abîme grondant tout prêt à t'engloutir, Devant leur pavillon nos guerriers t'ont vu fuir! Ainsi, dans les déserts de l'Afrique brûlante, Quand le lion, pressé par la faim dévorante, Fait au loin retentir ses longs mugissemens, Les hôtes des forêts égarés et tremblans, Au milieu de la nuit, redoutant son passage, Courent au fond des rocs échapper à sa rage. O vous qui, sur la foi des zéphyrs caressans, Environnés d'amis, aux beaux jours du printemps, Dans un agile esquif sillonnant l'onde amère, Faites gémir nos flots sous la rame légère, Reportez vos esprits vers ces temps reculés, Où nos lions de mer, à la gloire appelés, Du tyran espagnol méprisant la menace, Dans des fleuves de sang ont noyé son audace! Que la reconnaissance attendrissant vos coeurs, {==90==} {>>pagina-aanduiding<<} De vos yeux réjouis fasse couler des pleurs, Et que, de nos guerriers honorant le courage, Leurs mânes satisfaits reçoivent volre hommage! Ce fut là, sur ces bords, que le Lion hardi Pour la première fois renversa l'ennemi. Poussé par le due d'Albe au combat qui s'apprête, Aussi prompt qu'un torrent grossi par la tempête, L'Espagnol furieux attaque nos vaisseaux: Ses flottantes cités couvrent les vastes eaux. Bataves peu nombreux, mais toujours invincibles, Pourrez-vous résister à ces masses terribles? Vous n'avez qu'un seul voeu; par vous tous répété, Vous n'avez qu'un seul cri: Patrie et Liberté! Volez tous au combat! Déjà les foudres grondent; L'onde bouillonne, écume, et les échos répondent. Déjà, de tous côtés, l'ange exterminateur Promène de la mort le glaive destructeur. On se bat, on s'approche, on se serre, on se mêle, Et partout, sans pitié, le sang coule, ruisselle! Enfin, exaspéré de tomber sous nos coups, Le féroce Espagnol redoublant de courroux, Commande qu'à l'instant, sur nos rives sanglantes, Nos hameaux soient livrés aux flammes dévorantes. O spectacle d'horreur! nos soldats ébranlés Frémissent à l'aspect de leurs toits écroulés. L'un croit voir son enfant luttant contre la flamme; {==91==} {>>pagina-aanduiding<<} L'autre sous des débris voit expirer sa femme; Et tous, épouvantés de ce ravage affreux, Jurent d'anéantir ces monstres odieux. L'horreur est à son comble! avec des cris de rage, La haine et la vengeance ordonnent l'abordage. L'acier frappe l'acier, les mâts heurtent les mâts. Sous mille traits hideux l'implacable trépas Vole de rangs en rangs, et sa faux meurtrière Précipite sa proie au fond de l'onde amère. Mais le sort se décide; et nos braves lions Et de gloire et d'honneur couvrent nos pavillons. L'ennemi dans les fers cède à notre vaillance; Ce grand jour du Batave affermit la puissance, Et vainqueurs sans orgueil, nos soldats indomptés Regardent tout surpris les coups qu'ils ont portés. Ainsi quand, jeune encor, le lion téméraire Livre un premier combat au tigre sanguinaire, Sa crinière se dresse, il écume, il rugit; De son oeil enflammé l'éclair au loin jaillit; Méconnaissant sa force, ardent et plein de joie, Ennemi généreux il contemple sa proie: Le tigre fond sur lui; de ses cruelles dents, Le monstre des forêts lui déchire les flancs. Le lion irrité sent croître son courage: Il s'élève, il s'élance, il frissonne de rage; Altéré de vengeance, il s'anime au combat; {==92==} {>>pagina-aanduiding<<} Sous ses ongles de fer, il le presse, il l'abat. Bondissant de fureur sur la mouvante arène, Le tigre se débat sous le poids qui l'enchaîne; Vains efforts! Le lion, oubliant sa douleur, S'abreuve de son sang et lui perce le coeur. Tout fier de sa victoire, et d'une voix terrible, Il remplit les déserts de son triomphe horrible. Alors, jetant les yeux sur ces sanglans débris, De sa mâle valeur il reconnaît le prix; Alors, de ses rivaux il sent qu'il est le maître, Et que, roi des forêts, il est digne de l'être. Ainsi dans ce beau jour les Pays-Bas vainqueurs, Confondant les projets d'insolens agresseurs, Ont prouvé, pleins de gloire, à la face du monde, Que le Batave est né pour commander sur l'onde, Et que, d'un bras vengeur frappant son ennemi, Il ne laisse jamais un affront impuni. Honneur au citoyen qui sert bien sa Patrie, Et qui, pour la venger, sait prodiguer sa vie! Qui, rempli de respect, prononce un nom sacré, Toujours cher à son coeur, en tous temps révéré! De même que l'on voit, au sein de la nuit sombre, Les feux du diamant étinceler dans l'ombre, Sa gloire impérissable, en faisceaux lumineux, Perce la nuit des temps et brille à tous les yeux. {==93==} {>>pagina-aanduiding<<} O valeureux Claassens! le burin de l'histoire Aux siècles à venir transmettra ta mémoire, Et nos derniers neveux, de ton lustre éblouis, Admireront encor tes exploits inouis. Intrépide héros! de tes vertus guerrières, La splendeur rejaillit sur nos têtes plus fières: Ainsi l'or, éclairé par l'astre des saisons, Répand autour de lui des gerbes de rayons. Ce n'était point assez que l'Espagne éperdue Vît tomber sur ses bords sa puissance vaincue: Sous de brûlans climats, sur les flots mexicains, Claassens vole à la gloire et commande aux destins. Vaincre ou mourir! voilà sa devise sacrée. La terreur de son nom, de contrée en contrée, A déjà fait pâlir ses lâches ennemis. Dans ses hardis projets ses soldats affermis Provoquant l'Espagnol sur les eaux mugissantes, Affrontent, courageux, huit poupes menaçantes. Tel qu'un rocher vainqueur des outrages du temps, Brave l'assaut de l'onde et l'effort des autans, Il reste inébranlable. On l'attaque, on le presse: Il excite des siens la fureur vengeresse, Et, sommé de se rendre, isolé, sans secours, Certain de succomber, veut vendre cher ses jours. Il s'apprête au combat: dans sa mâle assurance, Sa Patrie et son Dieu soutiennent sa vaillance. {==94==} {>>pagina-aanduiding<<} Mille bouches d'airain vomissant le trépas, Renversent tout à coup ses voiles et ses mâts. Le vaisseau crie, éclate; et le fougueux Borée Disperse ses débris sur la plaine azurée. Déjà le dieu du jour, sur son trône de feux, Pour la seconde fois reparaît dans les cieux; Claassens combat encore! il assemble ses braves, Et l'oeil étincelant: ‘invincibles Bataves, Vous, dont l'ardent courage et la noble fierté Ont su briser le joug d'un tyran détesté, Vous qui, par vos exploits, à la gloire fidèles, Avez couvert vos noms de clartés immortelles, Voulez-vous aujourd'hui, chargés d'indignes fers, Montrer vos fronts honteux aux yeux de l'univers? Compagnons! voulez-vous, avec ignominie, Implorer vos bourreaux et mendier la vie, Ou, bravant près de moi les caprices du sort, A des jours avilis préférez-vous la mort? Décidez! à l'instant, cette mêche allumée Nous ravit, pleins d'honneur, à leur rage affamée, Et, lancés dans les airs, nos débris embrasés Vont frapper l'ennemi sur ses vaisseaux brisés.’ Il dit; et sur les flots ces mots se font entendre: ‘Nous! céder au vainqueur et lâchement nous rendre! Jamais... La mort! la mort!’ - A ce cri glorieux, Ils adressent au ciel leur prière et leurs voeux. Accusant malgré lui la fortune jalouse, {==95==} {>>pagina-aanduiding<<} Claassens pleure en secret son enfant, son épouse. Il partage leur peine, il voit leur désespoir. O destin rigoureux! ô nature! ô devoir! Il entend les soupirs, les sanglots d'une mère Demander à son fils le retour de son père!..... Mais, chassant des pensers qui font frémir son coeur; Il regarde le ciel, étouffe sa douleur, Et du fatal brandon sa main terrible armée Fait sauter le vaisseau dans la nue enflammée. Malheureux! reposez au vaste sein des mers. Ah! sur vous à jamais tous les yeux sont ouverts. Magnanimes héros, dignes de la Patrie, Vous ne reverrez plus votre terre chérie; La victoire au combat invitant ses guerriers, Ne vous offrira plus des moissons de lauriers. Vos restes, emportés par les vagues profondes, Sur des bords inconnus roulent au gré des ondes; Mais votre souvenir, triomphant du trépas, S'imprime dans les coeurs et ne s'efface pas. Vos étonnans exploits, trop célèbres victimes, Ont immortalisé vos courages sublimes. Ah! sur vous à jamais tous les yeux sont ouverts: Malheureux! reposez au vaste sein des mers. Chantez, Muse! mes vers, ennoblissant mes veilles, Des héros de Thétis célèbrent les merveilles. {==96==} {>>pagina-aanduiding<<} Voyez-vous de Cérès les trésors jaunissans Balancer leurs épis sur ces fertiles champs? De ces riches moissons, où son bonheur se fonde, Le laboureur reçoit la dépouille féconde. Dans ces sillons creusés par ses robustes mains, Naguère son espoir confia peu de grains: Admirez maintenant, dans ces plaines riantes, Rouler autour de lui ces tiges ondoyantes, Ces flots d'or qui, bercés par l'aile des zéphirs, Vont payer ses sueurs et combler ses désirs! De ses humbles foyers échappé dès l'aurore, Sur ses coteaux heureux que le soleil colore, Au sein de la rosée et des brouillards épais, Du soc de sa charrue il ouvre ses guérets. En vain des feux du jour la dévorante haleine Dans son corps épuisé passe de veine en veine, En vain, amoncelé par les vents furieux, S'en vient fondre sur lui l'orage impétueux; Il pense à la récolte, et sa douce espérance Allège ses travaux, adoucit sa souffrance. Ainsi les Pays-Bas, sur la voûte des flots, Virent naître jadis des milliers de vaisseaux; Ainsi de leurs guerriers l'invincible vaillance Reçut de tant d'exploits la juste récompense, Et bravant les périls, leur pavillon heureux Sous le pôle glacé flotta victorieux. {==97==} {>>pagina-aanduiding<<} Vous, dont le coeur respire et bat pour la Patrie, Qui pleurez avec moi notre gloire flétrie, Venez, suivez mes pas sur ces remparts d'airain: Écoutez de ces mers le murmure lointain. Ah! rien n'atteste ici notre splendeur première! O grandeur éclipsée! une barque légère Sur ce vaste Océan paraît seule à nos yeux. Triste et pénible aspect! souvenir douloureux! Quoi! de tant de vaisseaux c'est là le faible reste!.... Imagination! de ce tableau funeste, Par ton art merveilleux viens changer les couleurs; Élève ma pensée et fais cesser mes pleurs. Imagination! que ton prisme magique Transporte mes esprits vers ce temps héroïque, Vers ces jours immortels où nos braves soldats Conduisaient la fortune enchaînée à leurs mâts..... Oui! mes voeux sont remplis; le passé recommence; Des siècles décédés s'offre la chaîne immense; Le présent disparaît; je revois nos aïeux, J'admire leur grandeur, je suis au milieu d'eux! O prodige! soudain, à ma vue éblouie, De l'onde amoncelée une flotte est sortie. Sur la mer qui mugit j'entends les matelots; J'entends l'airain qui tonne et frappe les échos. Le pavillon batave, entouré de sa gloire, Flotte enfin, libre et fier, aux cris de la victoire..... Mais quels sont ces vaisseaux qui s'avancent vers nous, {==98==} {>>pagina-aanduiding<<} Sans pavillons, sans mâts, percés de mille coups? Dans la commune ivresse où le peuple se noie, Le vainqueur apparaît et redouble la joie. Armé de son trident, d'un pas majestueux De Ruiter a touché notre sol orgueilleux. Le voilà, ce guerrier, ce héros magnanime Qui, durant quatre jours, sur l'orageux abîme, Réprima d'Albion l'insolente fierté! Quatre jours, défenseur de notre liberté, Il couvrit l'Océan de souffre et de fumée; Et quatre jours vainqueur, sa redoutable armée, Lançant l'affreux trépas à coups précipités, Fit voler jusqu'aux cieux les flots ensanglantés. On eût dit que l'Etna, de ses bouches ardentes, Vomissant à grand bruit ses entrailles fumantes, Des bords de la Sicile élancés dans les airs, De rochers et de feux couvrît le sein des mers. Mais du fond bouillonnant de ce terrible gouffre, Le Lion, à travers et la flamme et le soufre, Reparut dans sa gloire; et l'Océan calmé Roula, libre de fers, son flux accoutumé. Oh! que n'ai-je des vers harmonieux, sublimes, Pour chanter vos hauts-faits, ancêtres magnanimes! A l'univers entier vantant votre valeur, Que votre souvenir élèverait mon coeur! Des peuples étrangers, du couchant à l'aurore, {==99==} {>>pagina-aanduiding<<} Devant votre grandeur se courberaient encore; Je saurais ranimer vos illustres débris, Et réveiller l'honneur dans l'âme de vos fils. Mais qui pourrait jamais, d'une voix éloquente, Chanter de nos aïeux la mémoire éclatante? Voyez-vous ce héros, digne d'un meilleur sort, S'avancer hardiment vers le pôle du Nord, Braver le feu, percer des montagnes de glace, Et périr dans les flots pour prix de son audace! L'Orient est soumis; et ses rois détrônés Cèdent à leur vainqueur et marchent enchaînés. Le Sund nous est ouvert. Sur l'Océan immense, Les trésors espagnols sont en notre puissance: Aux côtes du Brésil leurs vaisseaux chargés d'or, Vers nos ports enrichis ont déjà pris l'essor. De Ruiter a parlé: ses mots sont des oracles. Sa voix et sa présence enfantent des miracles. Il excite au combat ses braves compagnons, Et déjà la victoire a couronné leurs fronts. La Suède, allumant le flambeau de la guerre, Sur Copenhague en feu dirige son tonnerre; O noble Wassenaar! protecteur de ses droits, Tu meurs victorieux en sauvant le Danois. Siècle à jamais fameux! héros dignes d'envie! Qui de tant de splendeur n'a point l'aine saisie, A l'aspect imposant des lauriers éternels Qui s'élèvent, sacrés, sur vos restes mortels? {==100==} {>>pagina-aanduiding<<} Aux jours de ta grandeur, jamais, ô Grèce antique, Tu ne vis tant d'éclat sur ton sol héroïque! Mais quel est ce guerrier qui, sous le poids des ans, Dans le sein du conseil montre ses cheveux blancs? Bataves, levez-vous! Evertsen qui s'avance, De ses nombreux travaux attend la récompense. Par son bras courageux les Anglais sont domptés. Bataves, levez-vous! il s'approche; écoutez! ‘O que l'insigne honneur de venger ma Patrie Soit le prix que j'implore au déclin de ma vie! Qui meurt pour son pays a rempli son devoir. Quatre frères, mon père, mon fils mon seul espoir, Tous sont morts au combat. Liberté que j'atteste, Ah! pour toi de mon sang je verserai le reste!’ Il part, frappe en héros les Anglais éperdus, Et la mort le rejoint à ceux qu'il a perdus! A ce beau dévoûment, qui du fond de son âme, Ne sent pas s'élever une divine flamme? Eh! qui près du séjour de ses mânes vainqueurs Dans ses yeux attendris ne sent rouler des pleurs? Qui vient, sans être ému, toucher la froide pierre Où la Victoire en deuil enferma sa poussière? Le mortel insensible à ce trait valeureux, Mérite le destin d'un esclave honteux. Toi qui seul peux d'un peuple assurer la mémoire, Toi, dont les nobles faits éternisent la gloire, {==101==} {>>pagina-aanduiding<<} Astre resplendissant sur nos bords radieux, Idole des guerriers, objet de tous les voeux, Idéal de vertus, de talens, de prudence, D'amour de la Patrie ainsi que de vaillance, O de Ruiter! comment chanter tant de grandeur? Quels vers de ton génie atteindraient la hauteur? Ah! ma muse est trop faible; et ma reconnaissance T'admire intimidée et garde le silence.... Mon fils! si quelque jour, sur un sol étranger, Un lâche devant toi nous osait outrager, Et répandre sur nous le venin de son âme, De ton coeur indigné retiens la noble flamme; Entends avec mépris d'injurieux propos, Et venge ta patrie en nommant ce héros. Quel poète, chéri des filles de mémoire, Oserait aspirer à célèbrer ta gloire, A louer tes vertus, toi que le Créateur, Au milieu des dangers, nous donna pour sauveur? Ce sujet est trop grand! Quels accens assez dignes Rappelleront Alger et tes exploits insignes? Ces immortels combats, où, vaincu sur nos bords, Le Léopard tremblant se cache dans ses ports, Ces jours, ces jours fameux, où Londres alarmée, Par nos foudres vengeurs voit Sheernesse enflammée, Où, couvert de lauriers, sur le soir de tes ans, Ajoutant d'autres faits à tes faits éclatans, Aux pieds du mont Etna tu meurs pour ta patrie! {==102==} {>>pagina-aanduiding<<} Qui pourra retracer une si belle vie? Quelle mer, sans trembler, n'a vu ton pavillon? Quel peuple avec respect n'a prononcé ton nom? Feith osa te chanter: les nymphes d'Aonie Ont, dans son vol sublime, inspiré son génie; Mais comment, après lui, faire entendre ma voix? Ma lyre détendue échappe de mes doigts. Ah! courbé sous les coups du sort qui nous opprime, Toi seul, tu peux encor nous laisser notre estime. Assis près de la tombe où tu dors pour jamais, Je veux de tes vertus occuper mes regrets. Heureux, heureux alors, dans ma douleur profonde, Si je puis oublier et moi-même et le monde! On dit, lorsqu'Albion, rassemblant ses vaisseaux, Crut, vers les bords de Sylt, surprendre nos héros, On dit que sur les mers son ombre menaçante S'éleva tout à coup de l'onde mugissante; Telle qu'un Dieu puissant, terrible aux ennemis, Excita le courage en nos rangs enhardis, Porta chez nos rivaux la mort et l'épouvante, Et d'un brillant succès couronna notre attente. L'Europe vit encor nos braves défenseurs, Sur notre sol vengé lever leurs fronts vainqueurs, Détruire d'Albion les sanglantes chimères, Et suivre glorieux les traces de nos pères. Là, de tant de grandeur l'éclat s'évanouit. {==103==} {>>pagina-aanduiding<<} Penché vers l'horizon, le soleil s'affaiblit, Et, le disque entouré de lumières funèbres, Descendit plein d'effroi dans le sein des ténèbres. Mais un jour, triomphant, sur son char radieux, Il doit dans sa splendeur reparaître à nos yeux: Les Bataves, rivaux et d'Athène et de Rome, Seront dignes encor des vertus d'un grand homme. Tel on voit l'aigle altier, d'un rocher sourcilleux, Déployer dans l'Éther son vol impétueux, S'élancer sur sa proie, et, perçant les nuages, La traîner palpitante à travers les orages; Vainqueur audacieux, l'oeil fixe et menaçant, Il soutient du soleil l'éclat éblouissant: Tout à coup, enchaîné dans un piège perfide, Ce n'est plus cet oiseau qui, comme un trait rapide, Avec des cris aigus fondait sar un troupeau, Et frémissant de joie emportait son fardeau; Sa force l'abandonne; il referme ses ailes; L'éclair n'anime plus ses mourantes prunelles; Le peuple ailé des airs, ô comble de malheur! Naguère sa victime, insulte à sa douleur! Mais du réseau rompu s'il dégage sa serre, Terrible, l'oeil ardent, au séjour du tonnerre, Il s'élève, et bravant et la foudre et ses feux, Se plaît dans la tempête et plane dans les cieux. fin du chant troisième. {==104==} {>>pagina-aanduiding<<} {==105==} {>>pagina-aanduiding<<} Notes du troisième chant. Page 87, vers 8. Damiette, de ses bords nous repoussant envain, Vit tomber sous nos coups sa barrière d'airain. Les héros de Haarlem, en 1219, ont eu la gloire de briser la chaîne qui défendait l'entrée du port de Damiette. Page 87, vers 13. Ainsi le laboureur interrogeant les cieux... J'ai réduit de beaucoup cette comparaison qui me paraîssait languir par ses accessoires superflus. Page 89, vers 8. De nos foudres, Chattam conserve encor la trace. Chattam, ville du comté de Kent: son superbe arsenal fut foudroyé par la flotte hollandaise. {==106==} {>>pagina-aanduiding<<} Page 89, vers 17. O vous qui, sur la foi des zéphyrs caressans Environnés d'amis, aux beaux jours du printemps, Dans un agile esquif sillonnant l'onde amère, Faites gémir nos flots sous la rame légère; L'âme nationale de Helmers aimait à s'entourer de glorieux souvenirs: l'auteur rappelle ici le fameux combat de Pampus (banc de sable à quelque distance d'Amsterdam), où les Hollandais battirent complètement les Espagnols, et firent prisonnier l'amiral Bossu, sous les ordres du duc d'Albe. Page 91, vers 7. Sous mille traits hideux l'implacable trépas Vole de rangs en rangs... J'ai supprimé ici une comparaison du lion rugissant après sa proie; parce que cette pensée se reproduisait encore dans la même page. Page 91, vers 16. Ainsi quand, jeune encor, le lion téméraire. Cette comparaison est d'un grand effet; elle se soutient pendant plus de vingt vers. On peut, ce me semble, la mettre en parallèle, pour la beauté, avec celle de Virgile, lorsqu'il assimile Ilion tombant sous les coups des Grecs, à un vieux frène qui cède aux efforts des bûcherons. {==107==} {>>pagina-aanduiding<<} Page 93, vers 1er. O valeureux Claassens! le burin de l'histoire A nos derniers neveux transmettra ta mémoire. Claassens se défendit contre huit vaisseaux espagnols: ce combat est mémorable dans les fastes de la Hollande. Le Vengeur, vaisseau français, préféra de s'engloutir au fond des mers, plutôt que de se rendre à l'ennemi: j'admire un si grand courage; mais alors l'enthousiasme républicain exaltait toutes les têtes; ici, c'est l'amour pour la Patrie qui soutenait l'immortel courage de ces héros. Les vertus de nos ancêtres, dit quelque part Helmers, n'ont cessé de briller sur notre sol. Il aimait à nourrir cette pensée; elle le consolait des maux qui pesaient sur sa chère Patrie. Il ne se trompait pas: nos jours aussi peuvent offrir des traits de courage et d'humanité. Les dunes du Helder retentissent encore des faits héroïques d'intrépides marins, qui naguère ont péri victimes de leur généreux dévouement. Noble chantre des Bataves! ah! si le bruit de leur gloire s'est élevé jusqu'à toi dans le séjour de paix où tu reposes, que ton ombre a dû frémir d'orgueil et d'enthousiasme!.... Un jeune auteur hollandais, M. Gisius Nanning, a chanté ces héros dans un petit poème plein de sentiment et d'énergie. J'en ai essayé une traduction libre; et je crois faire plaisir au lecteur en la transcrivant dans ces notes: c'est un hommage que j'aime à rendre à la mémoire de ces infortunés, ainsi qu'au talent et à la bienfaisance du poète, qui a publié son ouvrage au profit des veuves et des orphelins de ces immortelles victimes. {==108==} {>>pagina-aanduiding<<} Dévouement sublime, ou tableau national. Vers les bords du Helder, sur une aride plage, Où des sables mouvans assiégent le rivage, Non loin de cette mer dont les flots effrayans Menacent d'engloutir, dans leurs gouffres grondans, Cette terre, autrefois arrachée à leur rage, Des enfans de Batton glorieux héritage; Entassé dans l'arène où croît l'humble roseau, Apparaît de Huisduin le modeste hameau. Là, sous des toits épars protégés par la dune, Quelques humains livrés aux fureurs de Neptune, Au sein de l'indigence, isolés, sans secours, Sous le joug du destin comptent leurs tristes jours: Hardis navigateurs, dès leur tendre jeunesse, Ils bravent l'Océan qu'ils sillonnent sans cesse, Et pleins d'humanité, simples et courageux, Gardent fidèlement les moeurs de leurs aïeux. Dans ces sauvages lieux qu'habitent les alarmes, La nature oublia de répandre ses charmes: On n'y voit point les prés, de leurs tapis de fleurs Étaler aux regards les riantes couleurs, Le sol ingrat et sec, rebelle à la culture, Partout languit sans vie et s'offre sans parure. Seulement, vers le soir, lorsque l'astre du jour, Lançant ses derniers feux, va terminer son tour, {==109==} {>>pagina-aanduiding<<} Son disque avec éclat embrasant l'Empyrée, Descend majestueux dans la plaine azurée; Alors, nos yeux émus s'attachant sur les flots, L'Imagination, de ses riches pinceaux, Nous retrace ces temps où, conduits par la gloire, Nos aïeux à leurs mâts enchaînaient la victoire: Alors, comme enchantés, et chers à notre coeur, Ces rivages déserts dépouillent leur horreur. Là souvent, sur ces bords, guidés par l'espérance, Une épouse et son fils se rendent en silence. Leur amour inquiet interroge les mers, Et semble errer au loin sur les gouffres amers. Tout à coup un esquif dans la vaste étendue, Comme un point incertain se présente à leur vue. C'est un père, un époux que le ciel protecteur Va rendre à sa famille, à la joie, au bonheur! Il s'approche, le vent, sur son aile rapide, Porte déjà sa voix à leur oreille avide. L'absence, les douleurs, les craintes, tout a fui: Leur coeur impatient vole au devant de lui. Il touche enfin la rive! et, transporté d'ivresse, Il revoit les objets de toute sa tendresse. Dans sa reconnaissance il regarde le ciel; D'un moment aussi doux rend grâce à l'Éternel, Et, pressant dans ses bras et le fils et la mère, Regagne sa cabane où l'attend son vieux père! Mais ce touchant aspect, mais ces groupes joyeux Ne s'offrent pas toujours sur ce sol malheureux. {==110==} {>>pagina-aanduiding<<} Écoutez! l'Ouragan, tyran des mers profondes, Avec un bruit affreux bouleverse les ondes, Et le sinistre effroi, les noirs pressentimens De funèbres tableaux viennent remplir les sens. Des élémens fougueux l'épouvantable guerre Se joint avec horreur aux éclats du tonnerre. De nuages épais l'horizon s'est voilé: Tout tremble, tout frémit sur ce bord désolé. La mer, la mer terrible, en mugissant de rage, S'agite, se soulève et frappe le rivage. Jusqu'aux cieux élancés ses bouillons en courroux Ébranlent ses remparts de leurs horribles coups. Des torrens désastreux déjà couvrent la plaine, Et du pâle habitant ravagent le domaine! Tous quittent leur asile; et Neptune vainqueur Leur dispute ces champs ravis à sa fureur. O scène déchirante! ô spectacle effroyable! Partout les pleurs! partout la mer impitoyable Entraînant du hameau les fragiles débris! De ces infortunés entendez-vous les cris? Il semble que les vents et les flots et l'orage Menacent l'univers d'un éternel ravage. Le tonnerre redouble; et la voûte des cieux S'embrase et n'offre plus qu'un Océan de feux! Quel lugubre crayon nous peindra l'épouvante Comme un spectre hideux sur ces rives errante! Quel talent énergique et quels sombres pinceaux Montreront à nos yeux, triste jouet des eaux, {==111==} {>>pagina-aanduiding<<} Le malheureux pilote en butte à la tempête, Bravant le feu du ciel qui gronde sur sa tête? Qui peindra ses regrets, son effroi, ses combats? Dans sa barque entr'ouverte il attend le trépas. Qui pourra retracer sa fatale agonie, Hélas! lorsqu'à l'aspect de sa chère Patrie, De fatigue épuisé, cédant aux coups du sort, Dans l'abîme orageux il vient mourir au port? Ah! loin de moi l'horreur que ce spectacle inspire! Un plus noble sujet vient réveiller ma lyre. Quels que soient les dangers et la fureur des vents, Quand un vaisseau, battu par les flots dévorans, Doit sur nos bords amis succomber au naufrage, Le matelot respire et sourit au rivage! Il sait que le Batave, intrépide nocher, Aux plus affreux périls osera l'arracher, Et que de nos aïeux la généreuse race N'a point dégénéré de vertus et d'audace. Au milieu des écueils, sous la faulx de la mort, Il songe aux Narebout, il redouble d'effort, (1) {==112==} {>>pagina-aanduiding<<} Et, plus calme, implorant la céleste justice, Regarde plein d'espoir la rive protectrice! Gloire de ma Patrie, éclatez dans mes chants! Oui! la vérité seule inspire mes accens! Huisduin, de tes héros Ies exploits mémorables Sont gravés dans les coeurs en traits impérissables; Lieu célèbre à jamais, redis-moi leurs vertus: Que dans tout l'univers mes chants soient entendus! Redis-moi leur courage et leur trépas illustre; A leurs faits immortels ajoute un nouveau lustre; Que la postérité, fière de leur splendeur, Avec un noble orgueil admire leur valeur! L'Été ne régnait plus. L'impétueux Borée Parcourait en vainqueur l'empire de Nérée, Et la mer chaque jour funeste aux matelots, Dans ses gouffres roulans dévorait des vaisseaux. La fatale saison qui désole nos plages, Avait déjà partout étendu ses ravages. Dans l'ombre de la nuit la foudre avait grondé; Le nocher frémissait sous son toit inondé, Et des vents déchaînés l'haleine courroucée Redoublait sur ces bords l'épouvante glacée; L'éclair étincelait; du choc des élémens, La terre avait senti de longs ébranlemens; L'habitant à genoux, dans ce malheur extrême, Pâle et le front baissé, priait l'Être Suprême. Soudain, frappant les airs, le sinistre tocsin Se mêle au triple coup du redoutable airain. {==113==} {>>pagina-aanduiding<<} Il se lève, il s'écrie: ‘Un vaisseau fait naufrage! Dieu! calme ta colère et sauve l'équipage! Compagnons! au secours!...’ A pas précipités, Il vole en frissonnant vers ces lieux dévastés, Et son oeil, sur les flots, à travers les ténèbres, Voit des infortunés poussant des cris funèbres. Brisés par l'ouragan, deux vaisseaux entr'ouverts Flottent sans gouvernail à la merci des mers. Le pilote éperdu, succombant de faiblesse, Arbore, plein d'effroi, le signal de détresse. Le peuple du hameau, rassemblé sur le bord, Veut ravir ces nochers aux horreurs de la mort. Vain espoir! quels secours, quelle humaine puissance Pourraient des élémens dompter la violence? Hélas! de nouveaux cris, prolongés sur les eaux, En lamentables sons ont frappé les échos, Et le souffle d'Éole envain a, sur nos rives, Murmuré les accens de leurs voix fugitives. Que dis-je? juste ciel! le sol de nos aïeux Ne produirait-il plus de héros généreux?... Ah! malgré le danger, la mort qui le menace, Rien ne peut du Batave intimider l'audace. A l'instant, un seul cri fait retentir les cieux: ‘Des barques! du secours! sauvons ces malheureux!’ Vingt braves, à ces mots, dans le soin qui les presse, Elancés vers Huisduin disputent de vitesse. Traîné par des chevaux, l'esquif libérateur Arrive, et va des mers affronter la fureur. On s'embarque: la rame a sillonné les ondes. {==114==} {>>pagina-aanduiding<<} Tantôt précipité dans les vagues profondes, Le bateau disparaît; et tantôt aperçu, Sur la cîme des flots il reste suspendu. Inutiles combats! le reflux les ramène. Quand tout doit succomber que peut la force humaine? Les avirons brisés, échappés à leurs bras, Sont au loin autour d'eux dispersés en éclats, Et, tout près de périr, nos héros magnanimes Renoncent à l'espoir de sauver ces victimes. Faibles jouets des vents, maïs non pas ébranlés, Ils regagnent le bord, vaincus et désolés. Là, de froid engourdis, fatigués, tout humides, Ils arrachent leur barque à ces vagues perfides. Tous, oubliant leurs maux, remplis de leurs projets, Réparent leur esquif, remplacent leurs agrès. Tout est prêt; et la mer que l'orage amoncèle, Reçoit en mugissant la fragile nacelle. O comble de vertu! sublime dévoûment! Chacun veut affronter le terrible élément. Un généreux débat sur la rive s'engage, Et seul de ces héros arrête le courage. O siècles décédés, renaissez à ma voix! De cent peuples divers montrez-nous les exploits. Quel célèbre combat, quelle illustre victoire Fut plus digne jamais du burin de l'histoire? Ni le marbre éclatant qui flatte les regards, Ni l'immortel laurier qui brille aux champs de Mars, N'enflamment point ici ces âmes téméraires: La seule humanité, le salut de leurs frères, {==115==} {>>pagina-aanduiding<<} Voilà leur noble but! l'aveu de l'Éternel, Voilà l'unique prix qu'ils attendent du ciel! Mais entr'eux, à la fin, la lutte se décide. Sept héros, les premiers qui, d'un coeur intrépide, (1) Ont tenté vainement d'audacieux secours, Pour la seconde fois vont exposer leurs jours: ‘Déjà nous connaissons la fureur de l'orage; Laissez-nous, disent-ils, essayer l'abordage: Cette gloire est à nous!’ Sur l'abîme, à ces mots, S'élancent, pleins d'orgueil, ces courageux rivaux. L'ouragan est dompté. Ciel! avec quelle joie A l'avide trépas ils vont ravir sa proie! On suit la frêle barque; on espère, on frémit, Et d'un cri prolonge la rive retentit: ‘Dieu puissant! sauve-les!... achève ton ouvrage! Sauve-les!... que ton bras les ramène au rivage!’ Huisduinois! regardez!... vers la voûte des cieux, Que votre âme tremblante adresse tous ses voeux! Voyez-vous ces héros, tout fiers de leur conquête, S'avancer hardiment à travers la tempête? {==116==} {>>pagina-aanduiding<<} Voyez comme la mer, par d'affreux tourbillons, Les couvre tout entiers d'écume et de bouillons! O ciel! elle s'entr'ouvre! et ses vastes abîmes Vont peut-être à jamais engloutir ces victimes! Non. Le flot les relève; et soudain reparus, Ils rendent l'espérance à nos coeurs éperdus. On approche. Déjà, bénissant la fortune, On semble triompher du courroux de Neptune. On triomphe! ô destin! ô moment de bonheur!... Mais de nouveaux périls attendent leur valeur: Il faut, il faut encor, sur la vague indocile, Tenter avec courage un retour difficile. Imagination! prête-moi des couleurs; Viens m'aider à tracer ces sublimes horreurs. Ah! je sens de mes doigts s'échapper ma palette: J'admire, je frissonne, et ma bouche est muette. L'Èternel les seconde. A coups précipités, Leur aviron vainqueur fend les flots redoutés. Dans l'invincible trouble où leur âme est livrée, Ils regardent muets la rive désirée. Après de longs combats, retour inattendu! Aux bords qui semblaient fuir l'équipage est rendu, Et de ces naufragés, Dieu! qui pourra le croire? Onze enfin sont le prix de leur noble victoire. Un murmure joyeux a passé dans les coeurs. O spectacle touchant! l'oeil humide de pleurs, A genoux sur le sol, ces victimes tremblantes Élèvent vers le ciel leurs mains reconnaissantes. {==117==} {>>pagina-aanduiding<<} Les femmes, les enfans, les pères, les amis, Qui, du haut de la dune, alarmés, interdits, Avaient vu ces héros, dans leur mâle vaillance, Arracher à la mort sa barbare espérance, Tous brûlent d'embrasser, de serrer dans leurs bras Ces immortels vainqueurs des flots et du trépas. Mais, ô désir trompé! rien n'arrête leur zèle. Sur le vaisseau brisé leur devoir les rappelle. Inflexibles aux pleurs d'une épouse, d'un fils, Leur stoïque vertu n'écoute point leurs cris. Déjà sur l'Océan leur nacelle élancée, Par le flux orageux loin du bord est poussée. Leur voix, en s'éloignant, fait retentir ces mots: ‘Là-bas, d'autres encor vont périr dans les flots! Là-bas, des malheureux nous demandent la vie!’ Ah! dans le désespoir dont leur âme est saisie, Femmes, enfans, vieillards, sur la terre étendus, Hurlent, en longs sanglots, leurs regrets superflus. Dieu! quels cris déchirans! écoutez cette mère: ‘Cruel! songe à ton fils!... et si je te suis chère, O mon unique appui, songe à moi!...’ Ses accens Vers le fatal esquif sont portés par les vents. Une voix lui répond: ‘Femme, retiens tes larmes! N'est-ce donc que pour toi que tu sens des alarmes? Là-bas, j'entends aussi des pères, des époux, Que l'implacable mort menace de ses coups!’ Et soudain ces héros, redoublant de courage, De leurs derniers adieux ont salué la plage. {==118==} {>>pagina-aanduiding<<} D'abord, jouets des vents, élancés, engloutis, Ils attaquent envain les gouffres de Téthis; Mais leurs hardis travaux, leur sublime constance Au but tant désiré guident leur espérance. O valeur sans exemple! ô prodige éclatant! Trois pilotes, ravis à leur tombeau flottant, Sont reçus dans l'esquif... Une clameur de joie De la rive à l'instant dans les airs se déploie. Malheureux! les dangers ne sont pas tous vaincus. D'un éclair de bonheur quand vos coeurs sont émus, Peut-être cette mort que vous avez bravée, Poursuit encor sa proie et vous est réservée. Ah! ces joyeux momens tout à coup éclipsés, Par un nouvel effroi sont déjà remplacés. L'onde, en montagne humide, assiége la nacelle, Et s'oppose avec rage à la rame infidèle. Plus d'espoir de salut! le pâle matelot Voit, glacé de terreur, la mort dans chaque flot. Sa barque, succombant à la fureur de l'onde, Descend et disparaît sous la vague qui gronde. C'en est fait: ces héros luttent contre la mort, Et nul humain pouvoir ne peut changer leur sort! A cet affreux aspect, à cette horrible scène, D'autres veulent tenter une assistance vaine. Sur l'avide élément un esquif est jeté: On s'empresse, on s'embarque, on vogue épouvanté. La foule, sur le bord, versant d'amères larmes, Par de longues clameurs exprime ses alarmes. {==119==} {>>pagina-aanduiding<<} Ici, crie un enfant; ici, dans les sanglots, Une épouse se meurt sous le poids de ses maux; Là gémit un vieillard; le frère appelle un frère; Le fils verse des pleurs et redemande un père! Et cette mère, hélas! dont le gage d'amour Renfermé dans son sein doit bientôt voir le jour; O ciel! l'entendez-vous?... Sa mortelle tristesse Exhale, en sons aigus, la douleur qui l'oppresse. Plus loin... Arrêtons-nous! Quel lugubre pinceau Reproduira jamais ce déchirant tableau? O muse! retraçons le combat de ces braves, L'honneur de la Patrie et l'orgueil des Bataves. L'esquif qu'un frèle espoir fait voler sur les eaux, S'approche de l'abîme où luttent nos héros. Infructueuse audace! une vague barbare De leurs libérateurs à jamais les sépare. L'espérance un instant semblait luire pour eux; Mais, comme un trait rapide, elle échappe à leurs yeux. Oui! vous succombez tous, ô mortels magnanimes! La mer insatiable a saisi ses victimes. De ce dernier combat qui nous peindra l'horreur? Grand Dieu! je crois les voir... je sens frémir mon coeur. J'entends leurs derniers cris!... Généreux, intrépide, L'un d'eux que soutenait une vague livide, Se soulève et s'écrie: ‘O mon père! là-bas, Périt un malheureux... Sauvez-le du trépas... Je puis lutter encor!...’ Mais l'infortuné père Lui répond d'une voix que la douleur altère: {==120==} {>>pagina-aanduiding<<} ‘Tous nos efforts sont vains, mon fils! il est trop tard!’ L'épouvante a glacé le débile vieillard. ‘Adieu donc, dit le fils; adieu, vous que j'adore! Dans un autre séjour nous nous verrons encore. Consolez tous les miens... Dites-leur...’ Mais ces mots, A peine articulés demeurent sous les flots. Il plonge et disparaît! Envain ce triste père Se penche et veut lui tendre une main tutélaire: La mer avec plaisir redoublant ses regrets, Lui fait revoir son fils qui s'abîme à jamais! Vous, qui cherchez toujours dans les fastes antiques, De glorieux exploits, des vertus héroïques, Quel nom donnerez-vous à ces faits éclatans? Vous parcourez en vain les annales des temps: Rome! Athènes! jamais, sur leur illustre terre, A de plus grands héros n'ont donné la lumière! Un d'entre eux, expirant, au rivage est rendu. On le rappelle au jour: le reste a disparu! Dans ces lieux où déjà s'étendent les ténèbres, Redemandant aux flots ces victimes célèbres, Des épouses en pleurs, d'innocens orphelins, De leur commun désastre accusent les destins. Déjà le sombre deuil, comme un fantôme pâle, Nocturne déserteur de la rive infernale, Parcourt ces tristes bords et murmure aux échos L'impérissable nom de ces dignes rivaux. Vers l'éternel séjour, là s'éleva leur gloire; Là, nous viendrons souvent honorer leur mémoire {==121==} {>>pagina-aanduiding<<} Pleins de reconnaissance, exhalant nos douleurs, A leurs mânes sacrés nous donnerons des pleurs; Nous dirons: ‘C'est donc là, dans cet immense abîme, ’Qu'ont péri le courage et la vertu sublime!’ Ah! que les vents fougueux, que le noir ouragan Rivalisant d'efforts soulèvent l'Océan, Que d'autres mâts brisés soient jetés sur nos plages, Et nous verrons encore, affrontant ces ravages, Ce père, qui d'un fils n'a pu sauver les jours, Au nocher malheureux prodiguer des secours! (1) Héros trop élevés pour les sons de ma lyre, Que l'humanité pleure et que l'honneur admire, Oui, vos concitoyens, avec un juste orgueil, Raconteront long-temps cette scène de deuil; Et si votre renom, transmis d'âges en âges, De l'univers entier n'obtient pas les hommages, Si le modeste asile où vous avez vécu, Sur la carte du monde est à peine connu, Près du Dieu qui reçoit la vertu courageuse, Vous reposez au port d'une vie orageuse. {==122==} {>>pagina-aanduiding<<} A l'aspect de ces mers qui roulent leurs débris, Vous, qui sentez des pleurs dans vos yeux attendris, Marchez avec fierté sur la terre des braves: Le sang de ces héros coule en vos coeurs Bataves! Page 98, vers 20. Et l'Océan calmé Roula, libre de fers, son flux accoutumé. L'auteur employait ici une idée fort belle; mais qui se trouvait déjà exprimée dans ce troisième chant: In ieder golfslag klinkt de lof van Nederland. Dans chaque flot des mers retentit notre gloire. Et comme elle n'ajoutait rien à ce passage, je l'ai fait disparaître pour ne pas l'affaiblir en la répétant. Page 99, vers 6. Voyez-vous ce héros, digne d'un meilleur sort, S'avancer hardiment vers le pôle du Nord? Heemskerk dirigea sa course intrépide à travers les glaces du pôle boréal: il périt près de Gibraltar. Je citerai les noms de tous ces héros chantés par Helmers en cet endroit: l'impossibilité de les faire entrer avec harmonie dans des vers français m'a obligé, comme je l'ai déjà dit, à les renvoyer dans ces notes. Page 99, vers 10. L'Orient est soumis; et ses rois détrônés Cèdent à leur vainqueur et marchent enchaînés. {==123==} {>>pagina-aanduiding<<} Van Goens soumit les rois de l'Orient et les enchaîna au char de triomphe des Pays-Bas. Page 99, vers 12. Le Sund nous est ouvert. Ce fut Kortenaar qui remit en nos mains la clef de la Baltique. Page 99, vers 13. Les trésors espagnols sont en notre puissance. Piet-Hein s'empara d'une flotte espagnole chargée d'argent, et remporta sur l'ennemi une victoire éclatante aux côtes du Brésil. Page 99, vers 16. De Ruiter a parlé:................. Il excite au combat ses braves compagnons, Et déjà la victoire a couronné leurs fronts. Van Nes; Tromp, les Brakels et tant d'autres ont cueilli des lauriers sur les traces de ce grand amiral. Page 101, vers 3. Idéal de vertus, de talens, de prudence. Ideaal van deugd, dit le poète hollandais. Je n'ai pas cru mieux rendre cette expression qu'en l'adoptant tout entière. Remarquez qu'ici toute la beauté de la pensée est dans la force des mots. Page 102, vers 14. On dit, lorsqu'Albion, rassemblant ses vaisseaux, Crut, vers les bords de Sylt, surprendre nos héros. {==124==} {>>pagina-aanduiding<<} L'auteur rappelle le combat de Doggersbank. J'ai substitué à ce lieu celui de Sylt, où l'action s'est également passée, parce que ce nom convenait mieux à l'harmonie du vers. fin des notes du troisième chant. {==125==} {>>pagina-aanduiding<<} Chant Quatrième. {==126==} {>>pagina-aanduiding<<} {==127==} {>>pagina-aanduiding<<} Chant quatrième. La navigation. Sur un trône éclatant, la Patrie adorée Se montre à nos regards de splendeur entourée; L'encens du monde entier brûle sur son autel, Et son coup-d'oeil embrasse et la terre et le ciel. Tous les peuples divers, soumis à sa puissance, Révèrent inclinés sa noble indépendance. L'empreinte du génie et la mâle fierté Relèvent de son front l'auguste majesté. Elle agite en sa main sa lance belliqueuse; Des reflets du soleil la clarté radieuse De sa cuirasse d'or fait scintiller les feux; Son casque est ombragé d'un panache orgueilleux; Sa sublime grandeur, sa prestance divine, Tout révèle en ses traits sa céleste origine. {==128==} {>>pagina-aanduiding<<} Des bouts de l'univers, les coeurs reconnaissans Déposent à ses pieds des parfums, des présens, Et le Gange et l'Indus, sur leurs vagues fécondes, Conduisent dans ses ports les tributs des deux mondes: La perle qui, ravie à des gouffres sans fond, Diadême pompeux, vient couronner son front; La graine de Moka dont l'active ambroisie D'un stérile sommeil délivre le génie; L'odorante muscade et l'arbre de Ceilan Dont la suave essence embaume l'Océan, Richesses, trop souvent par le sang obtenues, De ses puissantes mains en tous lieux répandues! Voyez-la sur les mers lancer ses pavillons, Et braver des autans les fougueux tourbillons! Des lieux où meurt le jour aux portes de l'Aurore, Quelle foule à l'envi la salue et l'honore! Sa présence partout fait naître le bonheur. Vierge pure et sacrée! à ton bras protecteur, Les peuples du couchant foulés, chargés de chaînes, Ont confié leur sort; des hordes inhumaines, Sur ces infortunés exerçant leur fureur, Ont rempli ces climats d'épouvante et d'horreur: Tu parais: ton Lion à l'aspect de ces crimes, Arrache à leurs bourreaux ces sanglantes victimes. Un coup d'oeil a vaincu les cruels Lusitains, Et des bords du Japon aux déserts africains, {==129==} {>>pagina-aanduiding<<} Chez vingt peuples vengés et rendus à la vie, On entend retentir le nom de ma Patrie! O muse! quel éclat! quel brillant appareil! Muse, vole avec elle aux sources du soleil: Que mes vers inspirés des filles de mémoire, En chantant ses hauts faits soient dignes de sa gloire? Et vous, de nos aïeux illustres descendans, Suivez-moi; venez tous écouter mes accens; Famille de héros, venez, avec audace, De l'immense Océan parcourir la surface. De rochers en rochers, et d'échos en échos, Nos immortels exploits sont redits sur les flots. Batave, entendez-vous l'éloge de nos pères? Venez; suivez mon vol aux plages étrangères. Voyez, vers l'Orient, l'intrépide Gama, Que d'une noble flamme un génie anima, Lorsqu'au sein des brouillards, sa valeur héroïque Interrogea les mers sur les rives d'Afrique! Payé de ses travaux, heureux navigateur, Il s'arrête à la fin sous un ciel enchanteur, Sur ces bords où l'Indus, chéri de la nature, D'un éternel printemps étale la parure. Dans ce riant Eden il fixe ses vaisseaux. Enivré de parfums il jouit du repos. Mais quel prompt changement attriste ce rivage? Le Lusitain féroce, avide de pillage, {==130==} {>>pagina-aanduiding<<} Effrayant ces climats de ses crimes affreux, A son sceptre de fer asservit ces beaux lieux. L'Orient opprimé gémit sans espérance: Ses peuples abattus ont demandé vengeance. Qui se présentera pour frapper leurs tyrans? Qui voudra s'opposer à ces fougueux torrens Échappés en courroux de l'Ibère et du Tage? Quels bras pourront jamais arrêter ce ravage?... La Hollande se lève; et ses vaillans guerriers Sur des bords inconnus vont ravir des lauriers. Libres du joug fatal qui pesa sur leurs têtes, Ils vont tenter au loin de nouvelles conquêtes. C'est peu, pour ces lions, que nos aïeux divins Sur l'Espagne vaincue aient fondé leurs destins: Vengeurs audacieux, avec des cris de joie, Jusqu'aux bouts de la terre ils vont chercher leur proie, Affrontant tour à tour et les flots déchaînés, Et du sauvage errant les traits empoisonnés. Vers les lieux embrasés où le jour prend sa source, Les voiles de Houtman ont dirigé leur course. Vainement le Cancer, de la voûte des cieux, Couvre les vastes flots d'un déluge de feux: Il vogue plein d'espoir sur ce brûlant abîme. Déjà de Ténériffe il voit poindre la cîme. L'impérieux besoin assiége ses vaisseaux, Par un calme funeste enchaînés sur les eaux; {==131==} {>>pagina-aanduiding<<} La voile, retombant sur ses longues antennes, Des fils légers d'Éole implore les haleines, Et dans leur sein brûlé les nochers défaillans D'une chaleur mortelle éprouvent les tourmens. Tout à coup, ô terreur! de leur prison profonde, Accourt des vents rivaux la troupe vagabonde; L'horizon s'obscurcit; le sinistre ouragan Avec un bruit confus menace l'Océan. Une nuit ténébreuse étend son crêpe sombre; En livides sillons l'éclair brille dans l'ombre. L'onde mugit; la foudre éclate; et sur les mers L'effroyable trépas sort des gouffres ouverts. Jusqu'aux cieux enflammés les poupes élancées Dans l'abîme sans fond retombent fracassées. Les éclats de la foudre et le feu des éclairs, Les cris des matelots répélés dans les airs, Des navires brisés les craquemens horribles, Tout redouble l'effroi dans ces momens terribles. Le gouvernail rompu, sur les flots écumans, Refuse d'obéir et tourne au gré des vents. Au milieu des écueils et des traits du tonnerre, Bravant des élémens l'épouvantable guerre, Le héros aux périls s'expose le premier, Et de son grand dessein s'occupe tout entier. Cependant la tempête arrêtant ses ravages, Éteint ses feux bruyans dans le sein des nuages. {==132==} {>>pagina-aanduiding<<} Phébus descend dans l'onde; et le Cap africain, Comme un point lumineux paraît dans le lointain. Là, règne des brouillards le monarque livide. Son aspect fait frémir le nocher intrépide: Fantôme monstrueux, sur les cbamps de Téthis, Il lève en grandissant ses humides sourcils: On dirait ces rochers, ces masses immobiles Qui bravent des autans les assauts inutiles. Hautman seul l'aperçoit. Les vents tumultueux Autour de lui pressés agitent ses cheveux; Ses yeux étincelans resplendissent dans l'ombre: Tels on voit deux brasiers briller dans la nuit sombre. Ses traits sont nébuleux: ainsi l'aube du jour Du soleil de l'automne annonce le retour. Géant audacieux, son sceptre redoutable Semble un pin séculaire en sa main formidable; Sa voix, comme un torrent qui fait mugir ses flots, En terribles éclats va frapper les échos: ‘Malheur à l'imprudent qui brave ma puissance! La mort, la prompte mort en est la récompense.’ Le pavillon batave apparaît à ses yeux, Et calme par degré son transport furieux. Alors, adoucissant sa voix retentissante: ‘Héros! que mon aspect n'ait rien qui t'épouvante. Des peuples opprimés généreux défenseur, L'Orient abattu t'a nommé son vengeur. {==133==} {>>pagina-aanduiding<<} Approche; va remplir cette tâche immortelle. Le sort le veut ainsi. Guide sûr et fidèle, Je marche devant toi; je remets en tes mains De l'Ibère dompté les fragiles destins. Les trésors du Levant vont payer ton courage; Mais descends en ami sur l'indien rivage. Les temps sont arrivés: pénètre l'avenir. Je rassure tes pas: c'est à toi d'obéir.’ O prodige! soudain, sur ces rives affreuses, Des monstres des déserts retraites ténébreuses, Sur ces bords dévorés par les feux du soleil, La nature embellie a marqué son réveil. Tout change, tout sourit: de propices ombrages Partout donnent la vie à ces fertiles plages, Et le dieu de Naxos, sur des côteaux joyeux, Étale de ses dons les rubis précieux. Le sol est habité; sur la plaine profonde, D'innombrables nochers fendent le sein de l'onde, Et sous l'abri puissant d'un rempart protecteur, Vont déposer en paix le prix de leur valeur; Sur le sommet des tours nos flottantes bannières Instruisent l'étranger de nos destins prospères. Là, dans des prés fleuris bondissent des troupeaux; Plus loin, le laboureur, fidèle à ses travaux, Et dès l'aube échappé de son champêtre asile, Guide le soc tranchant dans la terre fertile. Houtman de ce tableau reste long-temps ému. {==134==} {>>pagina-aanduiding<<} Le monarque fait signe, et tout a disparu! ‘Tu viens de voir, dit-il, la fortune élevée Qu'ici pour ton pays le sort a réservée. Hâte-toi; le temps presse. Ah! tant que, sur ces monts, Du Batave on verra flotter les pavillons, Partout victorieux, son courage indomptable Couvrira ses exploits d'un lustre ineffaçable. L'Europe et l'Orient, avides de trésors, Pour jouir du repos attirés vers ces bords, Du commerce agrandi serrant la chaîne immense, Appelleront ce lieu: le Cap de l'Espérance.’ Il se tait: et soudain les agiles vaisseaux, Sur les ailes des vents ont sillonné les eaux. On avance. Déjà, dans la vaste étendue, Le rivage indien se découvre à la vue. Peuples, rassurez-vous! le Batave est humain. Loin de lui la fureur de l'affreux Lusitain! Unissant la justice à l'audace guerrière, L'olive de la paix brille sur sa bannière. Le Batave est heureux quand, de son ennemi, A force de bienfaits il peut faire un ami. L'Indien est surpris: il croyait voir encore Ces cruels étrangers qu'il craint et qu'il abhorre, Jusques sous leur climat se frayant un chemin, Pour y porter la mort et ravir leur butin, Semblables à ces feux dont la rapide rage {==135==} {>>pagina-aanduiding<<} Consume les forêts sur son fatal passage, Ou tels que ce fléau, ce monstre redouté, Exhalant le trépas de son flanc empesté. Enfin de nos vaisseaux les flottantes carènes Ont touché de Java les brûlantes arènes. Tout chargé des trésors et des fruits précieux Que la riche nature amassa dans ces lieux, Houtman, exempt de crime et fier de sa victoire, Remporte en son pays sa fortune et sa gloire. Muse, change de ton; que tes accords touchans Sur ma lyre plaintive inspirent mes accens. De deux infortunés redis-moi les alarmes; Sur le sort d'Adéka laisse couler tes larmes, Adéka, jeune fleur, tendre objet du zéphyr, Que les champs de Banda virent naître et mourir. Viens chanter Égeron, l'honneur de ce rivage, Et l'amour malheureux et le noble courage; Déplore la vieillesse, en son fatal destin, Traînant ses faibles jours sous le poids du chagrin; Maudis des Portugais l'affreuse violence, Et du ciel irrité raconte la vengeance. Le peuple de Banda, sous un chef vertueux, Satisfait de son sort, rendait grâces aux dieux. Égeron gouvernait: au feu de la jeunesse Il savait allier la sévère sagesse. {==136==} {>>pagina-aanduiding<<} Par l'arrêt du trépas ses trois fils condamnés, A la fleur de leurs ans sont tous trois moissonnés. Hélas! on voit languir ce père déplorable, Tel qu'un tronc foudroyé renversé sur le sable. Une fille lui reste; et son chagrin amer Se dissipe aux doux soins de cet objet si cher. Dans cette aimable enfant concentrant sa tendresse, Auprès d'elle Égeron goûte encor l'allégresse, Et les traits d'Adéka lui rendent chaque jour L'épouse qui jadis alluma son amour. Belle comme un palmier libre dans son feuillage, Adéka touche à peine au printemps de son âge. Son coeur, ami du bien, sensible, généreux, Pour alléger leurs maux cherche les malheureux. Son sourire est divin; et son âme modeste Se peint dans ses beaux yeux comme un rayon céleste. Que de charmes divers! que d'attraits à la fois! Le chant du rossignol est moins doux que sa voix. Le vieillard, à l'aspect de cette enchanteresse, De ses premiers désirs se rappelle l'ivresse, Et jamais de Timor les guerriers valeureux Sans palpiter d'amour n'ont rencontré ses yeux. Souvent parmi les prés, rose qui vient d'éclore, Elle efface en éclat les élèves de Flore. Elle entre dans cet âge où, doucement ému, Le coeur avec ennui sent un vide inconnu. Dans l'ombre des forêts, profonde solitude, {==137==} {>>pagina-aanduiding<<} Adéka va porter sa vague inquiétude; Elle y rêve en silence... Et lorsque, vers le soir, Pour ranimer ses fleurs elle prend l'arrosoir, De son oeil virginal une larme échappée Rend la mélancolie, à son âme occupée. Dès que l'astre des nuits, de ses pâles reflets, Vient blanchir par degré la rose des bosquets, Elle va confier à ces lieux solitaires Ses soupirs prolongés, ses pleurs involontaires. Le rossignol plaintif attendrit les échos; Il gémit..... Adéka sent redoubler ses maux. Elle veut deviner pourquoi son coeur soupire: De l'invincible amour elle ignore l'empire; Elle vit pour son père, et borne ses plaisirs A charmer sa vieillesse, à combler ses désirs. Mais quel jeune héros, dans le fond du bocage, Apparaît devant elle à travers le feuillage? C'est le vaillant Aymar, prince de Naïra, Que, jeté sur ces bords, la tempête égara. O surprise! il la voit, et ressent, dans son âme, D'une soudaine ardeur la pénétrante flamme. C'en est fait: ce moment a décidé son sort. Du plus brûlant amour c'est le premier transport. Adéka s'abandonne au penchant qui la guide, Et sur Aymar déjà lève un oeil moins timide. Quel hardi Bandanais, jaloux de son destin, {==138==} {>>pagina-aanduiding<<} Oserait d'Adéka lui disputer la main, A lui, prince et guerrier, dont la mâle vaillance Accrut en combattant l'éclat de sa naissance? Adéka de l'amour éprouve tous les feux: La nature s'anime et sourit à ses yeux; Elle aime des oiseaux la douce mélodie; Son coeur enfin respire et jouit de la vie. Ah! l'amour, l'amour seul occupe ses loisirs: Elle entend son amant dans le vol des zéphyrs, Dans le chant des oiseaux, dans l'onde qui murmure. Vient-elle quelquefois, sous un dais de verdure, S'asseoir près d'un ruisseau qui s'enfuit mollement? Chaque flot lui redit le nom de son amant. Le jour, elle le voit dans le miroir de l'onde; Le soir, fixant les cieux, sous leur voûte profonde, Elle le voit encore; et, dans un songe heureux, La nuit revient l'offrir à son coeur amoureux. Elle évite la cour; et le silence même L'entretient de ses feux et de celui qu'elle aime. Enfin est arrivé le fortuné moment Qui les doit réunir par les noeuds du serment. Le palais d'Egeron est orné de guirlandes; Les dieux sur les autels ont reçu des offrandes; Du chant des Bandanais l'air au loin retentit; Sous le couteau sacré la victime gémit. Vers la rive à l'instant, quatre vaisseaux rapides {==139==} {>>pagina-aanduiding<<} S'avancent inconnus sur les plaines liquides. On aborde: et Banda, pour la première fois, De soldats étrangers vient d'entendre la voix. L'avide Lusitain, dans sa perfide adresse, Partage de ce jour les plaisirs et l'ivresse. Déjà la soif de l'or allume dans son coeur L'impatient désir d'assouvir sa fureur. Ses regards affamés considèrent sa proie, Et sa rage infernale en palpite de joie. Il élève un rempart d'où la foudre en éclats Sur le peuple effrayé fait voler le trépas. Sous les drapeaux d'Aymar le Bandanais se range; Aymar vaut une armée! A son aspect, tout change; La frayeur se dissipe; il marche à l'ennemi, Affronte son tonnerre, et, d'un bras affermi, Dans le camp Lusitain répandant les alarmes, Trempe au sang étranger ses redoutables armes. Il sème devant lui l'épouvante et la mort. Envain le Portugais tente un nouvel effort: Jusques dans son rempart battu, sans espérance, Il n'oppose au vainqueur qu'une faible défense, Et la mer qui vomit ces cruels étrangers, Devient leur seul refuge au milieu des dangers. Aymar, armé de feux et d'une main hardie, De leur fort à l'instant fait un vaste incendie. Chassés de toutes parts, atteints de fouets vengeurs, Ils gagnent en fuyant leurs vaisseaux protecteurs. {==140==} {>>pagina-aanduiding<<} Là, vaincus et honteux, leur noire perfidie Pour consommer leur plan lâchement s'humilie, Et sous de faux dehors trompant les Bandanais, Abandonne sa proie et demande la paix. Ah! grands dieux! qu'aisément parjure, sacrilége, A la sincérité la fourbe tend un piége, Et que la trahison, dans ses lacs séducteurs, Des mortels confians sait attirer les coeurs! La ruse a triomphé; la paix est consentie. Aymar revoit enfin son épouse chérie, Et suivi des guerriers que sa valeur guida, Marche l'appui du trône et l'orgueil de Banda. Tout est prêt; et l'instant marqué pour l'alliance, Sur le terrain sacré rassemble un peuple immense. Les prêtres inspirés ont invoqué le ciel. Égeron et son fils s'avancent vers l'autel; Sa fille suit ses pas. Ce vieillard vénérable Prie et rend grâce aux dieux de ce jour mémorable: ‘O vous, divinités propices à nos voeux, Vous, que nous adorons, ô redoutables dieux!....’ A ces mots, le fer brille, et des clameurs sinistres Épouvantent le peuple et troublent les ministres. Le tumulte s'accroît; avec un long fracas, S'élancent, des vaisseaux, de barbares soldats. Partout plane la mort; et le glaive homicide Perce aux pieds des autels le héros intrépide: {==141==} {>>pagina-aanduiding<<} Aymar tombe!... Adéka pousse un cri déchirant, Et vole avec effroi vers son époux mourant. A l'aspect d'Adéka, son coeur palpite encore; Il tourne ses regards vers celle qu'il adore, Et la cherchant, hélas! de ses bras étendus, L'appelle en soupirant, ferme l'oeil et n'est plus! Le peuple dispersé partout a pris la fuite. L'atroce Lusitain que sa victoire excite, Insulte dans sa rage un vieillard chancelant, Et de fers odieux charge son corps tremblant. Égeron enchaîné, sans crainte pour lui-même, Oppose un front tranquille à son malheur extrême; Mais d'un fils qu'il aimait il pleure le destin. Adéka, dérobée au vainqueur inhumain, Confiant aux déserts ses maux et ses alarmes, A l'abri des horreurs va répandre ses larmes. Là, remplissant les airs de lamentables cris, Elle demande Aymar aux échos attendris. Tantôt, près d'un torrent, son oreille attentive Entend le nom d'Aymar expirer sur la rive; Tantôt, dans la forêt, le vol léger des vents Agite le feuillage et fait frémir ses sens. Le soir la voit en pleurs, et les feux de l'aurore Au milieu des sanglots la retrouvent encore. Le temps pour sa douleur semble s'être arrêté, Et chaque jour pour elle est une éternité. Du souvenir d'Aymar son âme possédée {==142==} {>>pagina-aanduiding<<} N'a plus qu'un sentiment, n'entretient qu'une idée: ‘O cher époux, dit-elle!’ et lui tendant les bras, Elle croit voir errer son ombre sur ses pas: Aymar ne répond plus à sa voix qui l'appelle. Le passé, le présent ne sont plus rien pour elle: Seule avec son amour, seule avec sa douleur, Des plus sauvages lieux elle parcourt l'horreur, Et maudit, sans Aymar, une existence arrière. Ah! si son coeur flétri ne tremblait pour un père, Pour un faible vieillard sans appui, sans secours, Déjà son désespoir aurait tranché ses jours! Partout le Portugais obéit à sa rage: Il s'abreuve de sang, il détruit, il ravage. Tout tombe sous ses coups! comme un rapide éclair, Il porte dans les champs et la flamme et le fer. Le zélé serviteur, dont le hardi courage Sut sauver Adéka des horreurs du pillage, Affrontant pour son roi les cachots et la mort, A ces monstres cruels veut soustraire son sort. Le métal corrupteur l'arrache de l'abîme, Et les geoliers vendus ont lâché leur victime: Adéka la reçoit dans son antre ignoré. Mais quels nouveaux chagrins pour son coeur ulcéré! Elle voit Égeron accablé de misère, Égeron pour jamais privé de la lumière. L'ardente soif de l'or a produit ce forfait. {==143==} {>>pagina-aanduiding<<} Père trop malheureux, interdit et muet, Il touche son enfant, il l'embrasse, il la presse: Hélas! il ne voit plus l'objet de sa tendresse. Et vous, murs de Banda, (regrets trop superflus!) Berceau de son enfance, il ne vous verra plus! Dans la nuit du malheur plongé sans espérance, Il traîne lentement un reste d'existence. Des vertus d'Adéka le touchant souvenir Lui donne seul encor la force de souffrir. Sur le sein de sa fille il repose sa tête, Et semble à ses côtés défier la tempête. Antigone nouvelle, appui de ses vieux ans, Adéka sert de guide à ses pas chancelans, Bénit l'infortuné qui soigna sa jeunesse, Et partage, en pleurant, le chagrin qui l'oppresse. Son coeur avec transport lui prodigue ses soins, Devine ses désirs et prévient ses besoins. A travers les rochers, sur le bord des abîmes, Sur les monts, franchissant leurs orageuses cîmes, Chasseresse intrépide, elle va, l'arc en main, Aux monstres des forêts disputer leur butin, Et, d'un air triomphant, revient, l'âme attendrie, Porter au malheureux l'aliment de la vie. Ainsi par son courage et les soins les plus doux, Du sort qui les poursuit elle amortit les coups, Et du coeur d'Égeron refermant la blessure, Sait pleurer en secret et souffrir sans murmure. {==144==} {>>pagina-aanduiding<<} Mais hélas! ces travaux, si chers dans son malheur, Ne doivent pas long-temps distraire sa douleur. Son amour n'ira plus chercher pour son vieux père Ou le fruit savoureux, ou l'onde salutaire..... O comble d'infortune! aux mains de ces brigands, Qui massacrent le peuple et ravagent les champs, Elle tombe, et la mort, son horrible sentence, Près des murs de Banda va finir sa souffrance. Elle expire; et sa voix formant de faibles sons, D'Égeron et d'Aymar prononce les doux noms. Repose, ange du ciel, dans une paix profonde, Tu ne souffriras plus, tu n'es plus de ce monde! Qui peindra d'Égeron le douloureux tourment? Il attend Adéka; le temps fuit vainement. Il compte, avec effroi, les heures éternelles. Qui le délivrera de ses craintes mortelles? Ah! quel bras secourable, en lui perçant le coeur, De ce lâche forfait lui cachera l'horreur? Sa fille ne vient point; tout accroît ses alarmes, Et la voix d'Adéka ne tarit plus ses larmes. Il l'appelle..... L'écho de ces vastes déserts Redit au loin ses cris et ses sanglots amers. Infortuné vieillard, sans appui, sans famille, Ton coeur abandonné n'entendra plus ta fille; Sa main qui, chaque jour, t'offrait tes alimens, Ne t'allégera plus le lourd fardeau des ans, {==145==} {>>pagina-aanduiding<<} Et des flancs entr'ouverts de la roche écumante, Ne t'apportera plus l'onde rafraîchissante. La mort te l'a ravie!.... Enfin, le serviteur Qui déroba son prince au glaive du vainqueur, De la fin d'Adéka s'est chargé de l'instruire. Ah! comment supporter ce coup qui le déchire! Il tombe anéanti! trop heureux si la mort, En ce fatal moment eût terminé son sort! Le Destin envieux le rappelle à la vie; Mais il n'est plus d'espoir pour son âme flétrie. Au rivage, aux rochers, qui guidera ses pas? Comme un bienfait du ciel il attend le trépas. Lassé de tant de maux, dans sa retraite obscure, Il reçoit à regret sa faible nourriture. Mais quel bruit, tout à coup, quels cris inattendus Ont ébranlé les airs sur ces bords inconnus? Pour la première fois, près de ce lieu sauvage, Le pavillon batave a touché le rivage. On approche. Égeron, qu'assoupit le sommeil, Entend des étrangers qui troublent son réveil. ‘Barbares, leur dit-il, dont l'atroce furie Osa porter le fer sur ma fille chérie; Finissez mon supplice, achevez mon destin; Frappez! qu'attendez-vous? frappez; voilà mon sein!’ A peine délivré d'une erreur importune, Il fait le long récit de sa longue infortune. {==146==} {>>pagina-aanduiding<<} Tant d'insignes revers ont touché ces héros: Tous jurent de punir ses infâmes bourreaux. ‘Prince, lui dit leur chef, trop illustre victime, Venez être témoin du feu qui nous anime. Suivez-nous: votre fille est perdue à jamais; Mais ces vils Lusitains paîront cher leurs forfaits!’ Il cède: transporté sur leurs voiles rapides, Il vole aux bords sanglans foulés par des perfides. On débarque; on se bat: ces brigands sans valeur Tombent comme l'épi sous l'acier moissonneur. Tout se calme: Égeron remonte sur le trône. Mais quels charmes pour lui peut avoir la couronne? Sans sa chère Adéka que lui sert la grandeur? Pour lui ne brille plus l'étoile du bonheur. Il n'entend plus la voix de sa fille adorée: Au milieu des honneurs son âme est déchirée. A qui confîra-t-il sa joie ou ses soupirs? Qui saura partager sa peine ou ses plaisirs? La mort, qui doit unir et l'enfant et le père, Est son unique voeu dans sa tristesse amère. Rien ne peut désormais calmer son désespoir; Mais avant de mourir il remplit son devoir: Il veut que ses bienfaits, que sa reconnaissance Do ces braves guerriers égalent la vaillance. Dépouillé de son sceptre, il confie à leurs bras Ses fidèles sujets, ses fertiles États. {==147==} {>>pagina-aanduiding<<} Épuisé de douleur, doucement il succombe, Et son coeur va rejoindre Adéka dans la tombe. On dit que, sur les bords du limpide ruisseau Qui serpente et murmure autour de leur tombeau, Le zéphyr est plus doux, que la fleur parfumée S'ouvre avec plus d'éclat sur la terre embaumée. A l'heure de minuit, dans ces funèbres lieux, Aymar fait retentir des accens douloureux, Et le nom d'Adéka, dans la sombre vallée, Éveille tristement l'écho du mausolée. Bataves, jouissez du prix de vos travaux! Voyez ces Indiens, saluant vos vaisseaux, Sur la foi des traités, par un heureux échange, Vous combler des trésors de l'Indus et du Gange! L'un à l'autre enchaînés par le noeud des bienfaits, Vos pavillons vainqueurs sont unis pour jamais. Ainsi, soumis aux lois de Saturne et de Rhée, Vécurent les humains sous l'empire d'Astrée. Pour les dons de Cérès, l'intrépide chasseur Adandonna sa proie à l'actif laboureur. On ne vit point alors la force et la puissance Opprimer sous le joug le faible sans défense; Le ciel également répandait ses faveurs; La paix, l'aimable paix régnait dans tous les coeurs; Et la raison enfin, toujours victorieuse, {==148==} {>>pagina-aanduiding<<} Calmait des passions la fougue impétueuse. Tel l'enchanteur Hayden, par les plus doux accens, Apaise sur son luth l'orage de nos sens, Quand, peignant tour à tour les plaisirs, les alarmes, Il élève notre âme, ou fait couler nos larmes. Mais l'Ibère et le Tage, irrités contre nous, Ne laissent pas long-temps sommeiller leur courroux: Comme on voit deux torrens, dans leurs chutes profondes, Écumer sur des rocs, bondir, mêler leurs ondes, Rouler avec fracas leurs flots retentissans Et traîner avec eux la dépouille des champs; Ils se jettent sur nous, et l'Orient paisible S'épouvante à l'aspect de leur flotte terrible! Que de combats sanglans et combien d'ennemis Dans les mers de Java tombent ensevelis! Vainement l'Espagnol tente encor la fortune, Il cède furieux l'empire de Neptune; Et bravant, hors des fers, un pouvoir détesté, L'Orient retentit des cris de liberté. Les peuples délivrés, dans leur commune ivresse, Font monter vers les cieux des hymnes d'allégresse. Gange, réjouis-toi! roule en paix sur tes bords: Il n'est plus d'Espagnols pour ravir tes trésors! Le glaive du Batave a sauvé ces contrées, Et purgé de tyrans tes rives éplorées. {==149==} {>>pagina-aanduiding<<} Indien, qui du Tage as dû subir la loi, Libre sous tes climats, chante, réjouis-toi! Les présens que le ciel t'a donnés en partage, Ne seront plus livrés à l'horrible pillage; Tu ne porteras plus à de vils oppresseurs Les produits de ton sol, le prix de tes sueurs, A des maîtres cruels qui, forts du droit des armes, S'abreuvent de ton sang et méprisent tes larmes. La perle, ensevelie au vaste sein des flots, N'ira plus enrichir tes odieux bourreaux! Inde, réjouis-toi! tes vierges immolées Sous les pieds des vainqueurs ne seront plus foulées, Et vous, tendres beautés, sous vos yeux interdits, Vos fidèles amans ne seront plus ravis! Peuples, prosternez-vous! les cieux vous sont propices: Offrez sur vos autels vos pompeux sacrifices. Couronnez-vous de fleurs; et que des chants pieux, Dans vos temples sacrés satisfassent vos dieux! Jamais, ô mon Pays, le démon de la guerre Ne te souffla l'ardeur d'ensanglanter la terre! Le glaive de tes fils, dans leurs nobles exploits, Brillait à leurs côtés pour soutenir leurs droits: Des peuples opprimés embrassant la défense, Il ravit aux tyrans leur superbe espérance, Rendit tout son éclat à l'Indus ravagé, Fit rebrousser l'Ibère; et l'Orient vengé {==150==} {>>pagina-aanduiding<<} Remit avec orgueil, sur les flots atlantiques, Le sceptre du Levant dans nos mains héroïques. Quel siècle glorieux! Le monarque du jour, A la terre embellie annonçant son retour, De son char radieux, voit les hardis Bataves Protéger l'Orient et briser ses entraves; Au milieu de son tour, l'Orénoque orgueilleux Fait monter jusqu'à lui leur éloge pompeux; Et quand ses fiers coursiers, de la voûte éthérée, Descendent haletans dans la plaine azurée, Il voit, vers Gibraltar, dominateurs des flols, Nos guerriers triompher et mourir en héros! Mais ce n'est point assez. Dans leur noble énergie, Il faut d'autres lauriers aux fils de la Patrie. Sous les feux du Lion ils parcourent les mers; Leur sublime coup-d'oeil embrasse l'univers, Et, vainqueur de la nuit, dans son essor immense, Des peuples inconnus révèle l'existence. O divine Uranie, ô toi, dont les regards Planent du haut des cieux sur les mondes épars, Qui couronnes ton front, qui fais briller tes voiles Des feux du diamant et de l'or des étoiles, Viens éclairer ma muse; et vole avec Tasman Ravir un nouveau monde à l'antique Océan. {==151==} {>>pagina-aanduiding<<} Bretagne, ton Raleigh a droit à mon hommage! France, ton la Peyrouse et son fatal voyage Ont fait couler mes pleurs! Avec Cook élancé, J'avance sans frémir vers le pôle glacé; Aux bords de Taïti, ma téméraire audace Du valeureux Couver aime à suivre la trace. Mais d'autres ont déjà, sur le globe agrandi, Dans les siècles passés porté leur vol hardi: Oui! parmi ses enfans la fière Balavie Peut citer d'un Colomb la gloire et le génie. Mais de tant de héros, favoris du trident, Qui, lancé le premier sur l'abîme grondant, Affrontant du Midi les ondes ignorées, Sillonne ces déserts, orageuses contrées, Traverse Magellan, fait retentir son nom Aux côtes du Chili, sur les mers du Japon, Et volant aux combats dans sa course intrépide, Va soumettre à sa loi le Lusitain perfide? Après trois ans d'absence, après de longs travaux, Quel guerrier triomphant ramène ses vaisseaux? C'est Van Noord! et la gloire et la terreur des ondes; Il revient tout chargé des trésors des deux mondes, Et sur son noble front, dans ce jour solennel, Nos vierges ont posé le laurier immortel. Quoi! la Grèce orgueilleuse a cité, d'âge en âge, Du fortuné Jason le merveilleux voyage; {==152==} {>>pagina-aanduiding<<} Le vaisseau qui porta ces héros demi-dieux, Protégé par Neptune est placé dans les cieux, Et mon oeil, ô Van Noord, (ah! qui pourra le croire?) Cherche en vain une pierre élevée à ta gloire! Sur ta tombe modeste où dorment tes débris, Je sens couler des pleurs de mes yeux attendris. Ma lyre en te chantant frémit enorgueillie: Honorer tes vertus, c'est servir la Patrie. Le pilote troublé qui, dans les champs de l'air, Entend gronder la foudre et voit briller l'éclair, Qui, jouet des autans, voit avec épouvante Ses mâts rompus tomber dans la vague écumante, Maudit, pâle et tremblant, le mortel courageux Qui le premier osa, sur l'abîme orageux, Dans un fragile esquif confier sa fortune; Il jure qu'échappé du courroux de Neptune, Il fuira pour jamais les gouffres mugissans Et ne quittera plus sa femme et ses enfans. Le tonnerre se tait; on aperçoit la plage: Ses amis, sa famille ont bordé le rivage. Il croit déjà voler dans leurs bras étendus. Il arrive: ô momens si long-temps attendus! Il tressaille de joie; et son âme ravie Retrouve avec transport sa compagne chérie; Et son fils! ô tendresse! ô fortuné retour! Bégaie entre ses bras son innocent amour. {==153==} {>>pagina-aanduiding<<} Plus de mers, plus d'écueils! Au sein de sa famille, Où sur des fronts sereins la douce gaîté brille, Heureux et sans projets il coulera ses jours. Mais quoi? de son bonheur interrompant le cours, Déjà le vague ennui le tourmente et l'assiége. Des soucis importuns le fatigant cortége De son âme inquiète a banni le repos. L'Imagination le porte sur les flots: Il croit voguer encore; et la rive paisible N'offre plus à ses yeux qu'une image pénible. Auprès de son foyer, il écoute les vents; Il entend de la mer les longs mugissemens, La mer qui lui reproche, au fond de son asile, Et son courage oisif et son repos stérile. Dans l'erreur du sommeil, il embrasse ses mâts; Il vole impatient de climats en climats. Les cris des matelots et le bruit de la rame, Tout, jusques aux dangers, vient enflammer son âme. Il oublie à la fin son épouse et son fils; Il part, il fuit la terre, et ses voeux sont remplis. Ainsi, brave Tasman, Colomb de ma Patrie, Après un vol hardi languissait ton génie. Aux rives de Java, ses pénates heureux Semblaient lui préparer des jours délicieux. Son esprit, tourmenté d'une ardeur inquiète, {==154==} {>>pagina-aanduiding<<} L'appelle sur les flots, l'arrache à sa retraite. Pour prix de ses travaux à son grand coeur si chers, De cet immense globe il veut sonder les mers, Et Colomb et Gama, dans leur brillante gloire, Viennent à sa valeur présenter la victoire. Que d'autres, de l'Indus asservissant les ports, De la fertile Asie entassent les trésors: Dans le pressentiment où son espoir se fonde, Il veut d'autres exploits, il veut un nouveau monde. Ses pavillons sont prêts; déjà les matelots Des clameurs du départ ont troublé les échos. Sur des flots inconnus les vents portent ses voiles: Il voit un autre ciel semé d'autres étoiles. Les habitans des eaux et pressés et nombreux Sous un nouvel aspect viennent frapper ses yeux. L'aimant est sans pouvoir; l'infidèle boussole Sur son pivot muet ne cherche plus le pôle. Le tonnerre mugit; le pilote effrayé S'attache en frémissant à son mât foudroyé. On se plaint, on murmure; et Tasman immobile Promène sur ses plans un oeil calme et tranquille. Des nochers furieux il n'entend point les cris: Sa gloire tout entière absorbe ses esprits. Ainsi lorsqu'autrefois Syracuse éperdue Sous les coups du malheur vit sa force abattue, D'un air calme, un grand homme affrontant les destins, Se montra dans ses murs sourd aux cris des Romains. {==155==} {>>pagina-aanduiding<<} Ils entourent Tasman: dans leur aveugle audace, Ils osent exhaler l'injure et la menace. Mais le vol des oiseaux, à ces coeurs égarés, A promis tout à coup les bords tant désirés. Leur courroux qui s'apaise accueille ce présage, Et bientôt l'horizon découvre le rivage. O transports d'allégresse! ô douces voluptés! Quel tableau se déroule à leurs yeux enchantés! Les forêts, par degrés, s'élancent de l'abîme; Tels que d'altiers géants, les monts lèvent leur cîme; Des tapis émaillés de verdure et de fleurs Sur de riches côteaux étalent leurs couleurs; De suaves parfums l'essence fugitive En nuage embaumé se répand sur la rive, Et les chantres ailés, dans leurs brillans concerts, De sons mélodieux font retentir les airs. Là, d'un riant bosquet formé par la nature, S'échappe en murmurant une onde vive et pure; Ici, le cocotier, dans le cristal de l'eau, Contemple de ses fruits le glorieux fardeau. Les oiseaux familiers, d'une aile confiante, Suivent des matelots la troupe turbulente; Le cygne, avec orgueil, déployant sa beauté, Promène sur les flots sa fière majesté; Sur un fond pur, la perche, à l'écaille azurée, Agite, en se jouant, sa nageoire pourprée; {==156==} {>>pagina-aanduiding<<} Pomone offre partout un aspect enchanteur, Et l'hôte des forêts, respecté du chasseur, Ignorant les dangers qui menacent sa vie, Aux matelots surpris sans crainte se confie. Les orages, les vents, les rochers, tout a fui. Dans leurs coeurs rassurés un nouveau jour a lui. Ils bénissent leur chef; et leur commune ivresse Dans leur cercle bruyant ramène l'allégresse. La coupe, aux bords étroits, circule en s'épuisant. L'un fait de ses amours le récit amusant; L'autre, dans ses transports qu'un soupir accompagne, Regrette sa patrie et boit à sa compagne. Mais Tasman, échappé de ce groupe joyeux, S'enfonçant loin du bruit dans un bois ténébreux, De ses vastes desseins occupe sa pensée. Vers le but désiré son âme est élancée, Quand des rayons, pareils aux feux des diamans, Font jaillir jusqu'à lui leurs jets étincelans. De tous côtés s'élève une odeur d'ambroisie: Un fantôme apparaît à sa vue éblouie. Il l'attend sans frémir; il s'arrête; et ces mots Troublent de la forêt les paisibles échos: ‘Héros, de ces climats vois l'ange tutélaire. Ce pays, où tu viens mettre un pied téméraire, Est plus grand que l'Europe, et son peuple nombreux, Enfant de la nature, est simple et généreux. Tu ne peux habiter ce tranquille rivage. {==157==} {>>pagina-aanduiding<<} Lève l'ancre; va, pars; fuis loin de cette plage; Va chercher d'autres cieux. Le jour n'est pas venu Où le fier étranger sur mon sol répandu, Dans ces lieux enchantés fixera son asile. Mais ta grande entreprise, à l'univers utile, Rappellera sans cesse à la postérité Tes éclatans exploits, ton courage indompté. Souviens-toi de ces bords où mon pouvoir commande; Nomme-les, je le veux, La Nouvelle-Hollande. Quand Saturne jaloux, rapide destructeur, Aura sur ta Patrie assouvi sa fureur, Comme un astre brillant, ce nom vainqueur des âges, Des siècles à venir percera les nuages. Obéis!’ - Il se tait, et disparaît soudain. Tasman reçoit ému cet ordre souverain. Les siens sont rassemblés; la voile frémissante Se déploie et s'élève au gré des vents flottante. On s'éloigne; et long-temps leur regard attristé Contemple avec regret le bord qu'ils ont quitté. L'heureux Tasman poursuit ses desseins immuables. Partout les cieux, partout les ondes indomptables! Il leur semble, égarés sur les gouffres des eaux, Que le monde se borne à leurs faibles vaisseaux, Que leur esprit s'épure, et que l'Éternel même Attache leurs destins à sa grandeur suprême. Cependant on avance. Un point noir, incertain, Apparaît aux nochers dans l'horizon lointain. {==158==} {>>pagina-aanduiding<<} Il s'approche, il s'élève, et comme une île immense, S'agrandit à leurs yeux. On regarde en silence. De longs rangs de forêts sortent des flots amers, Et des chaînes de monts s'étendent dans les airs. Oui! Magellan batave, à ton noble génie Est réservé l'honneur d'illustrer ta Patrie: De la nuit, où ton bras a porté tes exploits, La Nouvelle-Zélande est sortie à ta voix. Mais c'est peu. Non content d'une telle victoire, Tu voles au Couchant ajouter à ta gloire. Tout seconde tes voeux: les Iles des Amis Déjà couvrent au loin les plaines de Thétis. A ces bords, ô Tasman! ô héros magnanime! Tu voulus que l'Amstel donnât son nom sublime. Mais ce titre n'est plus: au Breton envieux Qui permit d'effacer ce titre glorieux? Ah! sans doute honoré, chéri sur cette plage, Au jaloux Léopard il portait trop d'ombrage. Dans ces lieux pleins d'attraits savourant le repos, La troupe de Tasman a fixé ses vaisseaux. Autour d'eux à l'instant mille nymphes charmantes Font bondir à l'envi les vagues blanchissantes: Leurs regards agaçans et leurs folâtres jeux Invitent les nochers sur ce rivage heureux. Ils abordent: soudain une subtile flamme Circule dans leurs sens et pénètre leur âme. {==159==} {>>pagina-aanduiding<<} On dit que de Paphos l'aimable déité, Quittant pour les humains son empire enchanté, Dans un char attelé de colombes chéries, Vint abaisser son vol sur ces rives fleuries: Elle crut retrouver ces bosquets où jadis L'amour la conduisit dans les bras d'Adonis. Contre les feux du jour, cherchant un doux asile, Cythérée aperçoit un ombrage tranquille, Où des myrtes touffus, sur de limpides eaux, Tendrement enlacés s'élèvent en berceaux. Là, le voile tissu par ses nymphes savantes, Tombe et montre aux zéphyrs ses formes ravissantes, Ces charmes séducteurs par l'amour embellis, Où s'élève la rose, où triomphent les lis. Elle détache enfin sa magique ceinture, Précieux talisman, présent de la nature, Et les flots amoureux caressant ses trésors, De leur cristal jaloux ont voilé son beau corps. Au sortir de son bain, dans une grotte sombre, Attirée en ce lieu par la fraîcheur de l'ombre, Vénus va de Morphée implorer les pavots. Tandis qu'elle s'endort dans les bras du repos, Ornement de cette île, une beauté naïve, Errant parmi les fleurs s'approche de la rive. Elle jette les yeux sur l'ouvrage divin, Le contemple, l'admire et s'en pare soudain. Une subite ardeur l'agite et la dévore; {==160==} {>>pagina-aanduiding<<} Elle brûle; elle éprouve un pouvoir qu'elle ignore, Détache la ceinture et s'éloigne en tremblant. La reine de Paphos sourit en s'éveillant, Vole aux bords fortunés où son voile repose, Et, près de les quitter, y fait naître la rose. Depuis cet heureux jour, dans ces lieux enchanteurs, Les folâtres plaisirs enivrent tous les coeurs, Et de ses feux ardens le dieu de la tendresse Réveille des désirs l'impétueuse ivresse. Sous ces brûlans climats, dans ce riant séjour, Les prés, les bois, les monts, tout invite à l'amour. Là, d'un tissu léger les nymphes revêtues, Aux guerriers de Tasman s'offrent à demi-nues; Les Ris et les Plaisirs voltigent sur leurs pas. L'une semble éviter les amoureux combats, Fuit dans un antre obscur et brûle d'ètre vue; L'autre, belle sans art, agaçante, ingénue, Du plus tendre sourire appelle son vainqueur, Et suit en folâtrant le penchant de son coeur: Des oiseaux amoureux la douce mélodie Porte des chants d'hymen à leur âme ravie. Délicieux Eden! asile fortuné, Que la haine et son fiel n'ont point empoisonné! Plût au ciel que toujours vous pussiez méconnaître Les sanglantes horreurs que l'Europe voit naître! {==161==} {>>pagina-aanduiding<<} Mais Tasman met un terme à ces joyeux ébats. Plein d'un brillant espoir, il quitte ces climats. Il s'éloigne: il répond aux voeux de sa Patrie, Par ses hardis succès à jamais enrichie. Déjà la terre a fui: ses agiles vaisseaux D'un cours précipité fendent le sein des eaux, Et bientôt de Java le fertile rivage D'un nouveau Magellan admire le courage. Audacieux Tasman! ton intrépidité T'a conduit à grands pas vers l'immortalité; De Gama, de Colomb tu partages la gloire, Et tu t'assieds près d'eux au temple de mémoire. C'est assez parcourir les sentiers du soleil: Muse, bravons du Nord l'effrayant appareil! Vainement la nature aux limites du monde, Six mois plonge les cieux dans une nuit profonde, Vainement sur ces bords entassant les hivers, L'Aquilon règne seul dans ces vastes déserts; A travers les glaçons de ces Alpes flottantes, Le Batave a guidé ses poupes triomphantes. Que l'astre des saisons, sur ces monts orageux, Pâle et le front voilé, lance à regret ses feux, Et, prenant en horreur ces mers hyperborées, Refuse ses rayons à ces âpres contrées; Que le crêpe des nuits sur la vague étendu, Y remplisse d'effroi le nocher éperdu; {==162==} {>>pagina-aanduiding<<} Nos héros vont tenter ces ténébreux passages. Bravant le Nord glacé, théâtre des naufrages, Barendz vers l'Orient dirige ses destins. Des rives de Waigatz, poursuivant ses desseins, Sur des flots inconnus il fait voler ses voiles. Mais pour lui tout à coup ont pâli les étoiles: Sous ces affreux climats où règne la terreur, La nature rebelle étonne sa valeur, Et l'arrêtant aux lieux que la nuit couvre encore, Lui défend à jamais d'unir l'Ourse et l'Aurore. Pour la dernière fois ses avides regards De ces terribles eaux vont sonder les brouillards: Il voit des monts glacés suspendus sur sa tête, Dans leurs flancs entr'ouverts recélant la tempête, S'approcher, se heurter, et, par d'horribles coups, Se briser en éclats dans les mers en courroux. Ici, l'ours furieux mêle au bruit des orages, Ses mugissemens sourds et ses plaintes sauvages; Là, le loup dévorant, tourmenté par la faim, Répond aux cris aigus du vautour inhumain; Plus loin, un monstre énorme, errant au sein de l'onde, Attaque le vaisseau sous sa quille profonde, Et d'immenses glaçons, enfans de cent hivers, Ouvrent ses flancs brisés sur l'abîme des mers. Le nocher sans secours a perdu son audace. La froidure redouble et l'haleine se glace. Ah! plongés dans la nuit, tous ces infortunés {==163==} {>>pagina-aanduiding<<} Aux plus affreux tourmens sont-ils donc condamnés? Ne reverront-ils plus leur femme, leur patrie? Sans embrasser leurs fils quitteront-ils la vie? Le sombre désespoir s'empare de leurs sens. A la voix de Barendz, à ses mâles accens, Leur douleur s'adoucit, leur plainte est moins amère. Ils repoussent la mort; et, d'un bras téméraire, Saisissant du vaisseau les débris dispersés, Rendent un frêle espoir à leurs jours menacés. On touche enfin la terre, et sur un sol de neige On élève un abri que l'Aquilon assiége. Mais bientôt le soleil, ô comble de malheur! Se cache pour long-temps à ces lieux pleins d'horreur. Une effroyable nuit se répand sur le pôle. Hélas! c'est vainement que leur chef les console. C'en est fait: plus d'espoir! de lamentables cris Frappent lugubrement les échos de Thétis. Des monstres affamés les hurlemens funèbres Réclament leur pâture au milieu des ténèbres; Le fracas des glaçons par les flots repoussés Vient accroître l'effroi sur ces bords délaissés. Le feu perd sa chaleur; dans la veine engourdie, Le sang presque arrêté ne porte plus la vie! Tout à coup, ô surprise! ô bonheur imprévu! Aux lueurs du matin le rivage est rendu. Vers l'Orient vermeil, leur mourante paupière Revoit avec transport des rayons de lumière, {==164==} {>>pagina-aanduiding<<} Et Phébé repliant ses voiles ténébreux, L'astre consolateur reparaît dans les cienx. Le courage renaît. Des débris de l'asile Qui de tant de dangers sauva leur corps débile, Un esquif protecteur est construit à l'instant: L'onde enfin les reçoit dans leur abri flottant. Tels qu'on dut voir jadis ce mortel intrépide, Premier dominateur d'un élément perfide, Ils affrontent la glace et les rocs écumeux, Et vers le sol natal tournent leurs tristes yeux. Mais bientôt l'Ouragan, déchirant les nuages, Vient sur leur faible barque exercer ses ravages. Jetés sur des écueils, ces malheureux nochers Errent sans alimens de rochers en rochers. Au comble du malheur, abattus de souffrance, Ils appellent la mort leur unique espérance, Et Barendz épuisé, se sentant défaillir, Exhale ses regrets et son dernier soupir. O Barendz! c'est en vain qu'une épouse éplorée Attend de ton retour l'heure tant désirée; En vain, aux bords des flots, ses voeux impatiens Sur la plaine liquide interrogent les vents. O trop aveugle espoir! ô douleur trop cruelle! Elle apprend de ta mort la fatale nouvelle, Que sur des rocs glacés, tes illustres débris Sous un peu de frimas gisent ensevelis! Hélas! à tant de maux son coeur ne peut suffire: {==165==} {>>pagina-aanduiding<<} Dans les cris et les pleurs l'infortunée expire. Enfin, de mers en mers, sur nos rives traînés, Les braves de Barendz, faibles et décharnés, Ont revu leur Patrie; et ces fils de Neptune D'un chef qu'ils adoraient déplorent l'infortune! L'Europe n'ose plus, dans ces funestes lieux, Tenter après Barendz des sentiers ténébreux. Cependant nos héros, vers les glaces de l'Ourse, Pour de nouveaux exploits ont dirigé leur course. Pleins de force et d'ardeur, ils lancent leurs vaisseaux, Et du géant des mers vont troubler le repos. A peine le nocher, sur les vagues lointaines, Vers la voûte des cieux voit jaillir deux fontaines, L'équipage s'avance; et, dans un frêle esquif, Attache sur sa proie un regard attentif. Des gouffres écumans la baleine s'élance, Monte et paraît soudain telle qu'une île immense, D'où semblent s'élever deux fleuves à grands flots, Qu'environne partout le vaste sein des eaux. Déjà le harponneur tient le câble robuste: Il s'approche du monstre, il l'observe, il l'ajuste; D'un bras sûr et nerveux lance le triple acier, Et dans son large dos le plonge tout entier. La baleine bondit, s'enfonce dans l'abîme, Et des flots agités fait bouillonner la cime. Elle sent la blessure, elle tourne, elle fuit, {==166==} {>>pagina-aanduiding<<} Elle veut s'arracher au harpon qui la suit. Infructueux efforts! On déroule le câble Qui retient dans ses flancs le trait inévitable. Ainsi le criminel, de remords déchiré, Veut fuir l'affreux serpent dont il est dévoré; Il cherche le repos: vain espoir! soin stérile! Au milieu des tourmens son coeur lui sert d'asile!... Le monstre furieux reparaît sur les mers; Son sang, à gros bouillons, rougit les flots amers; Il respire, il s'agite; et, de sa queue énorme, Bat la vague en courroux, frappe son corps difforme; Atteint d'un dernier trait, épuisé de douleurs, Il expire, et sa mort le livre à ses vainqueurs. Batave fortuné! vois tes rives fécondes Amasser les trésors apportés des deux mondes! Le commerce s'élève; et l'Amstel glorieux Roule des sables d'or dans son lit orgueilleux. Habile fondateur de ton destin prospère, Tu parcours triomphant l'un et l'autre hémisplière. Aux mines du Pérou, par l'Ibère enchaînés, Les enfans du Soleil, aux travaux condamnés, S'enfermant tout vivans dans le sein de Cybèle, Y vont ravir pour toi le métal qu'il recèle. Vois les portes du jour ouvertes à tes voeux! Vois ton sol embelli favorisé des cieux! Des cités, de ta gloire éternels témoignages, {==167==} {>>pagina-aanduiding<<} De momens en momens naissent sur tes rivages, Et partout le labeur, le génie et les arts En domptant la nature étonnent les regards. Que de palais sortis de tes marais immondes! Que de fertiles champs arrachés à tes ondes! Mercure fait un signe; et le souffle des vents Des bouts de l'univers t'apporte des présens. Peuples laborieux, nations opulentes, Par les noeuds du commerce à jamais florissantes, Rendez grâce au Batave, à ses divins aïeux, De vos prospérités auteurs industrieux! Nos pères immortels vous ont instruit d'exemple; Et si le monde entier aujourd'hui vous contemple, Si vos hardis travaux enrichissent vos ports, Ne nous devez-vous pas vos immenses trésors? Après le grand Colomb, dont le puissant génie, S'emparant en vainqueur du compas d'Uranie, Aux gouffres du néant ravit un univers; Sans doute, il est aisé, sondant les vastes mers, De découvrir un cap, d'aborder une plage; Mais, nochers, votre gloire est encor son ouvrage: Par son astre guidés, pleins de son souvenir, Vous suivez les chemins qu'il sut vous aplanir. Herschell des champs de l'air peut percer l'étendue, Quand l'art de Métius vient agrandir sa vue. {==168==} {>>pagina-aanduiding<<} Je n'encenserai pas ces moissonneurs zélés Qui font bondir l'épi sous leurs coups redoublés; Leur utile travail suit un antique usage: Mais, rempli de respect, je porte mon hommage A cet esprit sublime, à ce mortel divin Qui, sur le sol oisif jetant le premier grain, Élève de Cérès, reçut, avec usure, Les fruits dont le combla la prodigue nature. fin du quatrième chant. {==169==} {>>pagina-aanduiding<<} Notes du quatrième chant. Page 127, vers 1er. Sur un trône éclatant, la Patrie adorée, Se montre à nos regards, de splendeur entourée. Ce morceau était un des plus difficiles à rendre en français: les expressions dont l'auteur s'est servi, la construction de ses phrases, tout contribuait à désespérer le traducteur. Cependant, sans suivre le texte à la lettre, je crois avoir rendu les idées du poète. Daar staat zy Neerlands Maagd n'a pas son équivalent en français: c'est un tour emprunté des Latins, qui donne beaucoup de grâce et de vivacité au style. Page 128, vers 17. Sa présence partout fait naître le bonheur. J'ai cru devoir faire disparaître, après cette idée, quatre vers employés à faire l'éloge de la force du Lion de la Patrie: l'auteur, ce me semble, abandonnait mal à propos son sujet principal. {==170==} {>>pagina-aanduiding<<} Page 129, vers 15. Voyez vers l'Orient l'intrépide Gama. Le Portugais Gama fut le premier qui, vers la fin du 15e siècle, doubla le cap de Bonne-Espérance. Jusqu'alors, les navigateurs avaient pris leur route par la mer rouge. Après Gama, les Hollandais ont tenté la même entreprise, et ont vu leur audace couronnée d'un plein succès. En 1524 Gama mourut à Cochin, ville de l'Indostan, sur la côte du Malabar. Page 130, vers 19. Vers les lieux embrasés où le jour prend sa source, Les voiles de Houtman ont dirigé leur course. Houtman était né à Leyde. Avant de commencer son expédition, il se rendit en Portugal, et là, causant familièrement, et sous le voile de l'incognito, avec des matelots qui avaient accompagné Gama et d'autres navigateurs portugais, il sut habilement profiter des renseignemens qu'il se procura. Il perça avec intrépidité les immenses brouillards de la Table, montagne à l'extrémité de l'Afrique, près du cap de Bonne-Espérance. Jeté dans les prisons de l'Inquisition, il avait dû son salut à la fille de son geolier, qui le fit évader pour récompense des présens qu'elle en avait reçus. Page 131, vers 11. L'onde mugit; la foudre éclate; et sur les mers, L'effroyable trépas sort des gouffres ouverts. En rompant à dessein la césure, j'ai essayé de rendre l'harmonie imitative des vers hollandais, et de peindre le désordre des {==171==} {>>pagina-aanduiding<<} élémens. Nous avons en français des exemples de ces coupes de vers: Le tonnerre alors gronde, éclate; la tempête Siffle et frémit sur lui....... Vous marchez; l'horizon vous obéit; la terre S'élève ou redescend....... Delille a été l'un des premiers qui ait tenté de transposer à son gré la césure et de rompre l'uniformité du vers alexandrin. Ces licences toutefois ne doivent être permises qu'avec beaucoup de réserve. Page 132, vers 3. Là, règne des brouillards le monarque livide. La fable a donné aux vents un maître absolu qui les tient renfermés dans le creux d'un rocher, ou les déchaîne à son gré sur les ondes: à l'imitation de l'auteur de la Lusiade, Helmers fait paraître ici le génie des tempêtes. Roucher, dans son poème des Mois, s'était déjà emparé de cette idée sublime; mais son génie, loin d'encourager ses navigateurs, les effraie par de terribles prédictions; et La Harpe, presque toujours injuste quand il parle de Roucher, a cette fois raison dans sa critique; mais il aurait dû y mettre moins d'animosité. Helmers a profité des observations de La Harpe, et cette fiction produit un grand effet sous la plume du poète batave, qui transporte, tout à coup, par enchantement, le héros de cet épisode dans le beau pays de l'Orient. Page 135, vers 10. Muse, change de ton; que tes accords touchans Sur ma lyre plaintive inspirent mes accens. {==172==} {>>pagina-aanduiding<<} Cet ingénieux et intéressant épisode est sorti de la brillante imagination de Helmers; il nous intéresse à ces peuples de l'Orient que les Portugais ont si inhumainement maltraités lors de la découverte du nouveau monde. On peut comparer cet épisode à ces charmans tableaux dont Delille a su remplir ses immortels ouvrages. Page 138, vers 15. Le soir, fixant les cieux, sous leur voûte profonde, Elle le voit encore. Je sais que les grammairiens condamnent l'emploi du verbe fixer pris dans le sens de regarder. Mais plusieurs poètes s'en sont servis; et Delille, par exemple, le répète plusieurs fois dans l'Énéide, le Paradis perdu, et d'autres poèmes. Ah! quand pourra ton fils te presser sur son sein, Mes yeux fixer tes yeux; ma main serrer ta main..... Chacun, sur le damier, fixe, d'un oeil avide, Les cases, les couleurs, et le plein et le vide. Quand on voit le plus pur, le plus élégant de nos poètes modernes consacrer, pour ainsi dire, cette expression, peut-on la condamner légèrement? Je ne le crois pas. Le sens de ces phrases est clair; il le serait moins s'il s'agissait de personnes. Mon opinion ne peut être d'aucun poids dans la balance de MM. les grammairiens; mais s'il faut dire mon avis, je penche pour admettre cette synonimie dans le langage poétique, lorsque le sens de la phrase n'offre point d'équivoque. {==173==} {>>pagina-aanduiding<<} Page 139 , vers 26. Chassés de toutes parts, atteints de fouets vengeurs. J'ai conservé le mot hollandais zweepen. Les poètes ont armé Bellone d'un fouet ensanglanté. Cette expression convient d'autant mieux ici, que les Bandanais avaient des armes toutes différentes de celles des Portugais. Page 141 , vers 23. Le soir la voit en pleurs; et les feux de l'Aurore Au milieu des sanglots la retrouvent encore. Plein des beautés de Virgile, Helmers a imité ici un passage touchant de l'épisode d'Orphée et d'Eurydice: Te, dulcis conjux, te solo in littore secum, Te, veniente die, te decedente canebat. Tendre épouse! c'est toi qu'appelait son amour, Toi, qu'il pleurait la nuit, toi qu'il pleurait le jour. Page 150, vers 7. L'Orénoque orgueilleux Fait monter jusqu'à lui leur éloge pompeux. L'Orénoque prend sa source au Popayan, province de l'Amérique méridionale; il se précipite dans la mer par plusieurs embouchures navigables. Le Popayan se trouve en partie sous la domination espagnole. Ces contrées sont peuplées de sauvages qui, pendant l'été parcourent les bords de l'Orénoque, et, en hiver, se réfugient sur des arbres pour échapper aux ravages des inondations. {==174==} {>>pagina-aanduiding<<} Page 150, vers 11. Il voit, vers Gibraltar, dominateurs des flots, Nos guerriers triompher et mourir en héros. Nous avons déjà vu, dans le troisième chant, que l'intrépide Heemskerck, après s'être couvert d'une gloire immortelle, trouva la mort près de Gibraltar. Page 150 , vers 23. Viens éclairer ma Muse, et vole avec Tasman Ravir un nouveau monde à l'antique Océan. Tasman, fameux navigateur hollandais, découvrit la Nouvelle-Hollande en 1462. Son voyage étant décrit par le poète, toute note plus étendue serait inutile ici. On trouve au sud de la baie de l'Aventure, dans l'Archipel-Dangereux, une terre qu'on appelle la presqu'île de Tasman. Page 151 , vers 1. Bretagne, ton Raleigh a droit à mon hommage! Raleigh, navigateur anglais, s'égara l'un des premiers sur l'immensité des mers, dans l'espoir de découvrir quelques terres nouvelles. Il vivait au 18e siècle. On a de lui des mémoires fort curieux sur la pêche hollandaise. Page 151 , vers 2. France, ton la Peyrouse et son fatal voyage Ont fait couler mes pleurs! {==175==} {>>pagina-aanduiding<<} Tout le monde sait que l'infortuné la Peyrouse quitta la France pour ne plus la revoir: soit qu'il ait fait naufrage, soil qu'il ait péri par la main des sauvages, toutes les recherches sur les mers les plus éloignées ont été infructueuses. Page 151 , vers 3. ............ Avec Cook élancé, J'avance sans frémir vers le pôle glacé. Les voyages de Cook sont trop connus pour en donner ici le détail. On lui doit plusieurs îles de la mer pacifique et de la mer du Sud. Il fit de longues courses dans le Nord. Il donna son nom à un bras de mer, sur la côte N.O. de l'Amérique septentrionale, ainsi qu'au détroit qui sépare la Nouvelle-Zélande. Page 151 , vers 5. Aux bords de Taïti, ma téméraire audace Du valeureux Couver aime à suivre la trace. Van Couver, navigateur hollandais, aborda les rives de Taïti, île découverte par Bougainville, en 1767. Les Européens y ont porté des maladies qui, jointes aux vices de ses habitans, en ont considérablement diminué la population. Ils sont composés de blancs et de mulâtres. Les hommes, en général, et surtout les blancs, y sont bien faits; les femmes y sont belles, et, comme dit Montaigne, proclives à l'amour. Page 151 , vers 15. Traverse Magellan, fait retentir son nom Aux côtes du Chili, sur les mers du Japon... {==176==} {>>pagina-aanduiding<<} Helmers décrit ici, avec beaucoup de rapidité, les courses de Van Noord, célèbre navigateur hollandais, qui, le premier, osa parcourir les orageux déserts de la mer du Sud. Le détroit de Magellan sépare la côte des Patagons de la Terre de Feu. Les dangers qu'il offre l'ont aujourd'hui fait abandonner des navigateurs. Il fut découvert en 1520 par Magellan, et le Chili en 1525 par Don Diegue Almagro. Le Chili est peuplé d'Indiens qui n'habitent que des cabanes. On sait que le grand empire du Japon est situé sur les côtes orientales de l'Asie. Les Portugais le découvrirent en 1542. Deux empereurs siégent sur le trône du Japon. L'un tyran et despote, a près de cinq cent mille hommes sous son commandement; ses revenus sont immenses; ses volontés sont les seules lois que l'on connaisse dans son empire. Cinq cent mille hommes armés sont bien faits pour inspirer la crainte et l'obéissance! Page 151 , vers 26. Du fortuné Jason le merveilleux voyage. L'idée de rappeler ici le voyage des Argonautes, est une heureuse inspiration. Voltaire a dit quelque part: Argonautes fameux, demi-dieux de la Grèce, Castor, Pollux, Orphée, et vous heureux Jason, Vous, de qui la valeur, et l'amour et l'adresse Ont conquis la Toison. On sait que Jason, accompagné de l'élite de la Grèce, s'embarqua sur l'Argo, pour aller en Colchide conquérir la Toison d'or. Ils mirent à la voile au cap de Magnésie, dans l'Anatolie, et parvinrent jusqu'à Colchos. Après cette glorieuse expédition, ils revinrent jouir de leur triomphe dans leur patrie. {==177==} {>>pagina-aanduiding<<} Page 154, vers 24. Ainsi lorsqu'autrefois Syracuse éperdue Sous les coups du malheur vit sa force abattue. Lors de la prise de Syracuse par les Romains, sous le consulat de Marcellus, Archimède, occupé à tracer sur le sable des figures mathématiques, resta sourd aux clameurs des ennemis, et continua à s'occuper des plans qui tendaient à sauver la ville. Page 156, vers 7. Ils bénissent leur chef; et leur commune ivresse Dans leur cercle bruyant ramène l'allégresse. Le poète hollandais décrit ici plus longuement cette espèce de fête champêtre; mais ne pouvant rendre ces détails avec élégance, je les ai abandonnés, suivant le conseil d'Horace, en conservant toutefois les traits les plus saillans de ce morceau. Page 157, vers 8. Souviens-toi de ces bords où mon pouvoir commande: Nomme-les, je le veux, la Nouvelle-Hollande. La dénomination d'Australie eût sans doute été plus poétique; mais celle de Nouvelle-Hollande était indispensable. Ce fut en 1652 que Tasman aborda ces contrées, visitées ensuite par Cook en 1770. Page 158 , vers 21. Autour d'eux à l'instant mille nymphes charmantes Font bondir à l'envi les vagues blanchissantes. {==178==} {>>pagina-aanduiding<<} Tout ce passage a dû subir quelques suppressions: ceux qui compareront le texte avec la traduction conviendront de cette nécessité. Page 162 , vers 3. Barendz vers l'Orient dirige ses destins. Des rives de Waigatz, poursuivant ses desseins, Sur des flots inconnus il fait voler ses voiles. Barendz, célèbre navigateur hollandais, parcourut les mers boréales et tenta de lier l'Orient à l'Europe par le Nord. Le Waigatz, ou détroit de Nassau, se trouve situé entre la Russie et la Nouvelle-Hollande, dans la mer glaciale. Les pluies abondantes, qui tombèrent en 1816, détachèrent et firent fondre une grande partie des glaces amoncelées vers le pôle, et donnèrent l'espoir d'avancer à travers ces Alpes flottantes. Des navigateurs anglais tentèrent un voyage vers ces contrées; ces nouveaux Argonautes affrontent encore les glaces des mers hyperborées. Page 166 , vers 20. Aux mines du Pérou, par l'Ibère enchaînés, Les enfans du Soleil, aux travaux condamnés..... Les mines du Potose, au Pérou, furent découvertes par hasard, en 1545, par un Indien qui suivait dans les montagnes un Ilama égaré de son troupeau. Depuis lors, on y fit plusieurs autres découvertes, et l'extraction de l'or y fut long-temps la principale occupation des Espagnols. On évalue à près de cent millions de livres tournois, la quantité d'or apportée annuellement dans les {==179==} {>>pagina-aanduiding<<} ports de l'Espagne, depuis l'an 1492 que l'Amérique fut découverte, jusqu'à nos jours. La recherche des mines a nui considérablement aux progrès du commerce et de l'agriculture dans cette partie du nouveau monde, deux branches d'industrie qui constituent la solide et vraie richesse d'une nation. Page 167, vers 24. Herschell des champs de l'air peut percer l'étendue, Quand l'art de Métius vient agrandir sa vue. Herschell, mathématicien hanovrien, découvrit, en 1781, la planète qui porte son nom. Chénédollé dit en fort beaux vers, dans son Génie de l'Homme, ch. I. Mais quel astre nouveau soudain s'offre à ma vue? Herschell voit, reconnaît l'étoile inattendue, La suit, et dans les cieux faisant un nouveau pas, D'Uranie étonnée agrandit le compas. Le télescope terrestre fut inventé en 1608, par le savant Jacques Métius, natif d'Alkmaar. On raconte que des écoliers s'amusant à ajuster deux verres à l'étui de leurs écritoires, et voyant se rapprocher les objets, donnèrent à Métius l'idée de cette invention. Au moyen de ces grandes lunettes, on peut distinguer un objet de trois ou quatre lieues, comme s'il n'était qu'à cent pas. Ainsi les amusemens de l'enfance ont conduit un savant à l'immortalité! Adrien Métius, son frère, étudia en Allemagne, et y enseigna avec beaucoup de réputation les mathématiques et l'astronomie. Il y publia plusieurs ouvrages très-estimes. fin des notes du quatrième chant. {==180==} {>>pagina-aanduiding<<} {==181==} {>>pagina-aanduiding<<} Chant Cinquième. {==182==} {>>pagina-aanduiding<<} {==183==} {>>pagina-aanduiding<<} Chant cinquième. Les sciences. O toi, fille du ciel, aimable Poésie, Toi qui, dès mon berceau, vins embellir ma vie, Toi qui sus, ô mon guide, allumer dans mon coeur Les immortels rayons de ton feu créateur; O soutien de mes jours, ô toi qui m'accompagnes Dans le bruit des cités, dans la paix des campagnes; Qui dans ton vol hardi me rapprochant des dieux, Me laisses contempler la majesté des cieux, De ces champs de l'Éther, de ces voûtes profondes, Peuplés d'êtres divins, de soleils et de mondes; Toi qui, loin du fracas, dans l'épaisseur des bois, Conduis mes pas errans aux doux sons de ta voix, Qui, là, m'environnant d'un invincible charme, M'arraches en secret un soupir, une larme, Quand, les sens recueillis, des mortels ignoré, De la riche nature avec pompe entouré, Seul avec toi, tranquille, à l'abri des orages, {==184==} {>>pagina-aanduiding<<} J'admire agenouillé ses sublimes ouvrages; Toi qui, pendant la nuit, veillant à mon côté, Redis à mon chevet des chants de liberté, Qui versant dans mon sein l'amour de la Patrie, Du soin de son bonheur entretiens mon génie, Toi qui, sur mes écrits jetant quelque renom, De l'oubli de la mort préserveras mon nom, (J'ose sur ta promesse accepter ce présage.) Viens animer mon luth! Du Temps l'affreux ravage Détruira les palais qu'ont bâtis nos aïeux; Ce rapide vieillard, insensible à nos voeux, Un jour peut-être, un jour (Dieu! qu'il soit loin encore!) Viendra, dévastateur des mondes qu'il dévore, Dans l'éternel torrent engloutir mon pays; Mais soustraits à ses coups, et loin de nos débris, Sans doute vers les flots que l'Orient colore, Gardant de ses aïeux la langue qu'il adore, Le Batave, au Génie élevant des autels, Gravera sur l'airain les Hoofts et les Vondels; Et quand ces demi-dieux, dans leur gloire éclatante, Recevront de nos fils la palme triomphante, Peut-être que mon nom, faiblement répété, Ira porter mes chants dans la postérité. Art sublime des vers! ta secrète influence Fait briller en mon coeur cette douce espérance. Seconde mes transports, viens embraser mes sens, Viens prêter à ma voix tes magiques accens; {==185==} {>>pagina-aanduiding<<} Heureux et savourant d'ineffables délices, Je veux jusqu'au tombeau t'offrir des sacrifices. Muse, affermis mes pas! Dans l'arène des arts, Je plonge impatient mes avides regards. Le temple est devant moi: du dieu la voix sacrée Appelle ses élus dans l'enceinte adorée. Admis au milieu d'eux, marchons avec fierté, Et pénétrons au sein de la divinité. Phébus, brillant de gloire, est assis sur son trône. Quel faisceau de rayons l'éclaire et l'environne! Son front, resplendissant d'un déluge de feux, Répand autour de lui des torrens lumineux. Partout, sous ces parvis, une divine essence D'un céleste génie annonce la présence. Par trois fois l'eau lustrale a coulé sur l'autel. L'encens fume; on entend un hymne solennel, Comme au temps mémorable où Délos étonnée Vit naître un jeune dieu sur sa rive enchaînée; Comme en ce jour fameux où l'horrible Python, Plein de rage, tomba sous les traits d'Apollon. Ah! laissez-moi goûter cette onde inspiratrice. Oui! le fils de Latone à mes voeux est propice. Quel feu brûle mes sens? quel transport me saisit? L'arbre cher à Phébus sur sa tige frémit; Le dieu vient; il s'approche et sa lyre s'éveille: Poètes, à genoux! terre, prêtez l'oreille! {==186==} {>>pagina-aanduiding<<} Quelle force m'enlève à ces magiques lieux, Et me lance éperdu dans les plaines des cieux? Quel merveilleux pouvoir soutient ma hardiesse? Imagination, sublime enchanteresse, C'est toi! j'ai reconnu ton prisme étincelant. Où conduis-tu mes pas? vers ce dôme brillant Où d'éternels soleils, des planètes sans nombre De l'abîme étoilé dissipent la nuit sombre, Dans ce vaste Océan où des mondes divers Sur leur axe enflammé roulent dans l'univers? Ou bien, t'enfonces-tu dans cette voûte obscure Où l'antique chaos enchaînant la nature, N'offre qu'un noir amas, qu'un mélange confus D'informes élémens rivaux et confondus? Mais ton rapide essor déployé dans l'espace, A fait frémir mon âme et trembler mon audace. Non, je ne puis te suivre!... O sol de mon pays, Tu reparais encore à mes yeux éblouis. L'honneur de tes enfans échauffe mon génie; Eh bien! coulez, mes vers, coulez pour ma Patrie! Profanes, loin de moi! Si vos sens émoussés Sur la terre des dieux laissent vos coeurs glacés, Fuyez, éloignez-vous, race dégénérée; Ne déshonorez pas une tige sacrée. Ah! loin d'ici le fils qui, d'un ris dédaigneux, Insulte le séjour de ses nobles aïeux! {==187==} {>>pagina-aanduiding<<} Mais que dis-je? grand Dieu! jamais un tel impie N'a, d'un pied criminel, souillé la Batavie. Nos antiques vertus, compagnes de nos moeurs, Habitent parmi nous et vivent dans nos coeurs. Ouvrez-vous à ma voix, empire des sciences! Laissez-moi contempler nos richesses immenses. Dans vos temples divins, parmi vos favoris, La gloire a fait placer ses Bataves chéris. Partout notre splendeur y vient frapper ma vue, Et des brillans parvis éclairer l'étendue. Sous le joug de l'instinct à ramper condamné, L'animal vit et meurt à la terre enchaîné; Mais l'homme, vers les cieux élevant son audace, Explique l'univers que son génie embrasse; Il se plonge, il se perd, avec avidité, Dans l'orbe des soleils et dans l'immensité. Des vastes profondeurs où brillent les étoiles, Son esprit inquiet veut soulever les voiles; Mais il revoit toujours ce sentier lumineux, Dont l'éclat blanchissant ceint la voûte des cieux. C'est en vain qu'enhardi par des travaux célèbres, Son regard, du néant croit sonder les ténèbres: Audacieux espoir! Dans cette mer de feu, Tout est création, lumière, vie et Dieu. {==188==} {>>pagina-aanduiding<<} Docte fille du ciel, sublime Astronomie, Tu remis en nos mains le compas d'Uranie: Ta science profonde illustra nos aïeux, De tes divins secrets révélateurs heureux. Copernic, il est vrai, dans sa marche intrépide, S'avance et le premier des airs franchit le vide. Sur son axe roulant la terre suit ses lois; Il parle; le soleil reste fixe à sa voix. J'admire de Newton l'audacieux génie; Nul ne l'a surpassé dans sa course infinie: Tel que ces globes d'or suspendus dans le ciel, Sur l'abîme des temps son nom est éternel. Je suis Herschell vainqueur dans la plaine étoilée; Ma Muse aime à citer Lalande et Galilée; Mais fier de mon pays, sur mon luth glorieux, Je chante de Huigens les travaux merveilleux. Vous qui, les yeux tournés vers la voûte éthérée, Admirez dans la nuit les champs de l'empyrée, De ces corps radieux écoutez les concerts: La gloire de Huigens retentit dans les airs. Tant qu'on verra Saturne avec ses satellites De cercles étendus parcourir les orbites, Tant que le fils d'Hyrée, étincelant de feux, De l'or de sa couronne éclairera les cieux, Tant que nous reverrons la balance d'Astrée De la nuit et du jour égaler la durée, {==189==} {>>pagina-aanduiding<<} Le nom de ce Batave, écrit en traits brûlans, Se lira sur le front de ces astres brillans. C'est lui qui le premier, d'un double diadème, De Saturne ceignit la majesté suprême; Il accrut son cortége; il régla le retour De l'astre au front changeant qui remplace le jour, Lui prescrivit des lois, lui marqua ses distances, Lui traça son chemin dans ces déserts immenses, Asservit la nature à ses calculs savans Et soumit Uranie à la marche du Temps, Bataves, c'est à vous qu'appartient cette gloire! Vos aïeux ont volé de victoire en victoire; Et les mers, et la terre, et les cieux à la fois, Ont vanté leurs travaux, ont chanté leurs exploits. Que le fier étranger prétende, avec démence, Dans sa présomption nous prodiguer l'offense, Qu'il publie en tous lieux que le flambeau des arts Languit sur notre sol dans le sein des brouillards: Avec un juste orgueil je proclame Boerhave, Et le nom d'un grand homme a vengé le Batave. Leyde, vers tes remparts, quel peuple languissant A pas lents et glacés s'avance en gémissant? C'est là, c'est dans tes murs que le dieu d'Épidaure De tant d'infortunés que la fièvre dévore, Par ses soins empressés, par ses puissans secours, Ranime l'existence et rassure les jours. {==190==} {>>pagina-aanduiding<<} Son généreux asile est le temple d'Hygie: A son auguste aspect fuit la Parque ennemie; Une force nouvelle anime tous les corps; Son art a de la vie affermi les ressorts, Et du Nord au Midi répandant ses oracles, L'Esculape batave enfante des miracles. Puis-je vous oublier, Ruisch, Kamper, Albinus, Vous, dont les grands talens égalent les vertus? Kamper! à ce nom seul je vois la Batavie Préparer le laurier que l'on doit au génie. Son esprit pénétrant, des trésors du savoir, Sut ouvrir à nos yeux l'immense réservoir: Les hôtes de Téthis, les monstres de la terre, Le peuple ailé qui vole au séjour du tonnerre, Rien n'est caché pour lui; son coup-d'oeil saisit tout; Il voit, il analyse, il compare, il résout; De l'homme, roi du monde, image de Dieu même, Il maintient la grandeur et le pouvoir suprême, Et prouve à l'univers que sur nos heureux bords La science a versé ses précieux trésors. Voyez cet exilé de la belle Helvétie, Qui depuis son jeune âge a quitté sa patrie: Sur le soir de ses jours, loin de ces lieux si chers, A-t-il du chant natal entendu les doux airs? Transporté, hors de lui, ses yeux versent des larmes. {==191==} {>>pagina-aanduiding<<} Pour son coeur enivré quel moment plein de charmes! Le feu de sa jeunesse anime ses vieux ans; Il voit l'émail des prés, et les côteaux rians, Où ses nombreux troupeaux paissaient l'herbe fleurie. Combien de souvenirs pour son âme ravie! Voici le chêne antique où les folâtres jeux Guidèrent si souvent ses compagnons joyeux, Ces monts qu'ils ont gravis, ces cascades limpides Qu'ils aimaient à franchir dans leurs courses rapides. Il revoit la cabane où son père chéri Le pressa tant de fois sur son sein attendri. Félicité trompeuse! erreur trop passagère! L'Imagination a produit sa chimère. Hélas! le malheureux ne reverra jamais Les objets adorés de ses tristes regrets, Ni le modeste asile où mourut son vieux père, Ni la tombe sacrée où repose sa mère. A ces sombres pensers, exhalant un soupir, Il bénit sa patrie et pleure l'avenir! Ainsi, souvent rêveur et bercé d'heureux songes, Combien j'aime à nourrir de séduisans mensonges! De splendeur entourés, je revois nos aïeux; J'entends avec orgueil leur éloge pompeux; Je revois ces beaux jours, ces siècles mémorables, Gravés dans tous les coeurs en traits inaltérables, Où le flambeau du goût, des sciences, des arts, {==192==} {>>pagina-aanduiding<<} Sur nos heureux climats brillait de toutes parts, Où chaque citoyen, tout fier d'un tel partage, Des plus mâles vertus faisait l'apprentissage. Je retrouve Maurice, intrépide lion, Les de Wit, de Ruiter la terreur d'Albion, Illustres protecteurs des droits de la Patrie, Qui pour la liberté prodiguèrent leur vie. Mais, ô rêve trompeur! ô funeste réveil! Comme un fantôme vain qu'enfante le sommeil, Mon bonheur passager s'évanouit dans l'ombre, Et, seul avec mon luth, j'erre dans la nuit sombre. Que dis-je? Bannissons un amer désespoir. Vengeons notre pays; voilà notre devoir. Dans le temple des arts le feu sacré s'allume: Marchons; voici l'autel; prêtres, que l'encens fume! D'un peuple adorateur les flots silencieux Déjà se sont pressés dans ces augustes lieux. Loin d'ici tout mortel impie et téméraire Qui voudrait profaner ce divin sanctuaire! Et vous, sacrés élus, recueillis à genoux, L'oracle va parler; écoutez, levez-vous! ‘Peuples de l'univers, le culte des sciences Des lieux les plus lointains sait franchir les distances, Et des bouts de la terre assemble mes élus; Tout mortel, quel qu'il soit, peut m'offrir ses tributs; Ici, tous sont égaux; et jamais la croyance {==193==} {>>pagina-aanduiding<<} Entre mes favoris n'a fait de différence. Le Chinois, le Chrétien, les enfans d'Israël, Les fils de Mahomet, aux pieds de cel autel, Tous, amis, éclairés par les mêmes lumières, Enflammés par les arts, unis comme des frères, Sur le chemin brillant de l'immortalité, Respirent pour la gloire et pour la vérité. Si vous ne sentez pas ma divine influence, Indignes de mon temple, évitez ma présence: Pour maintenir mon sceptre il faut le mériter, Et la science seule a droit de le porter. Disciples d'Apollon, chantez sous ces portiques! Bataves, accordez vos harpes héroïques! Voilà de vos aïeux les vénérables trails: Célébrez leurs vertus, célébrez leurs hauts faits; Bataves! leur renom vivra dans la mémoire, Et sur vous à jamais rejaillira leur gloire.’ Que de noms immortels, que d'astres éclatans Ont frappé mes regards dans ces illustres rangs! Pour prix de leur savoir, la main des doctes Fées Environne leurs fronts de sublimes trophées. Que de nobles travaux, de chefs-d'oeuvre divers Furent par nos aïeux légués à l'univers! Que n'ai-je des accens dignes de ces merveilles!... Vous, dont un jour mes vers occuperont les veilles, Pardonnez à ma Muse un trop timide essor. {==194==} {>>pagina-aanduiding<<} Quel talent suffirait pour peindre en lettres d'or Tous ces grands souvenirs, monumens de victoire, Et d'un siècle fameux l'impérissable histoire? Vengeur de nos aïeux, dans la lice engagé, Défendrai-je donc seul leur honneur outragé? Eh! puis-je le tenter quand Bilderdyk respire? Feith a-t-il donc brisé les cordes de sa lyre? Sans courage et sans voix, nos prêtres d'Apollon Ne connaissent-ils plus les sommets d'Hélicon? Mais que dis-je? non, non; ma muse ambitieuse Ne cédera jamais cette tâche orgueilleuse. L'amour de la Patrie élève mes accens; Un pouvoir inconnu vient exalter mes sens; Il fait battre mon coeur, il m'inspire, il m'entraîne! Intrépide, à grands pas, j'avance dans l'arène. J'aperçois Grotius: tant d'éclat m'éblouit. Quel respect tout à coup m'impose et m'interdit! Quel insensé voudrait, d'un pinceau faible et pâle, Retracer du soleil la pompe orientale? D'autres luths ont déjà, par de sublimes chants, Célébré ce grand homme et ses vastes talens. Et j'irais, téméraire, à ce concert céleste, Comparer mes accords, mêler ma voix modeste! Le pinson, imitant l'oiseau de Jupiter, S'élève-t-il jamais aux sources de l'Éther? Mais le devoir l'emporte; et ma lyre animée Excite les élans de mon âme enflammée. {==195==} {>>pagina-aanduiding<<} On dit qu'à son berceau, quand d'un léger souris, Il enivrait sa mère, orgueilleuse d'un fils, Un dieu vint le doter du plus riche apanage: Il reçut le savoir, les vertus en partage, Son esprit lumineux, dès ses plus jeunes ans, Embrassait sans efforts les annales des temps. Le monde réclamait et ses droits et ses titres; L'Équité fugitive implorait des arbitres; Grotius voit le jour: l'ordre se rétablit; L'Europe avec respect l'admire et le bénit; Et la paix et la guerre, en ses pages sublimes, Il les fixe à jamais dans leurs droits légitimes. Démêlant en vainqueur le dédale des lois, Il règle le pouvoir des peuples et des rois. Tant que de l'Éternel, sur la terre où nous sommes, La suprême sagesse éclairera les hommes, Grotius, on verra ton langage divin Au temple de Thémis guider le genre humain. De quels traits radieux ton génie étincelle! A qui le comparer? où trouver ton modèle? Tel on nous peint Atlas, antique appui des cieux, Rassemblant à la fois, sur son front sourcilleux, Le cercle des saisons qui couronne sa tête: Tantôt couvert de fleurs, tantôt dans la tempête, Il cède au doux Zéphyre, ou brave l'Aquilon; Il entend retentir le torrent d'un vallon; A ses pieds, sur l'émail d'une riche prairie, {==196==} {>>pagina-aanduiding<<} Écoute des bergers la champêtre harmonie, Ou partageant des dieux les palais éthérés, Prête une oreille avide à leurs concerts sacrés. Pascal de ma Patrie, accueille mon hommage! O Nieuwland! tendre fleur, au printemps de ton âge, Le sort t'enveloppa dans la commune loi: Naître, vivre, mourir fut un instant pour toi. Sur un terrain ingrat, faible et décolorée, Ta tige s'élevait des mortels ignorée; Mais une habile main, par ses soins précieux, T'enlève, te transporte en un sol plus heureux, Et bientôt ta splendeur, hélas! trop passagère, Sur ton noble destin fixe l'Europe entière. Ah! dans un autre Éden, sous un paisible ciel, Tu brilles maintenant d'un éclat éternel. O peuples, glorieux des fruits de vos sciences, Approchez-vous, parlez, prononcez vos sentences; Jugez-nous, s'il le faut, avec sévérité: Nous ne redoutons pas l'arrêt de l'équité. Et vous, qui de l'Éther parcourez l'étendue, Qui sur les vastes cieux attachant votre vue, Du fluide de l'air marquez la pesanteur, Ou des mondes roulans calculez la grandeur, De vos yeux déssillés perçant les sombres voiles, Quel pouvoir vous élève au séjour des étoiles? {==197==} {>>pagina-aanduiding<<} Qui, du sein du néant, vous fait voir tous ces corps? Qui, pour vous, dans le vide anime leurs ressorts, Et guidant votre vol par des routes secrètes, Vous trace le chemin des brûlantes comètes? C'est Drebber, c'est Jansen, et tant d'autres savans Dont la gloire honora nos fastes éclatans. Célèbre Métius, sans ton magique verre, De son nom Galilée eût-il rempli la terre? Quel spectacle étonnant et pompeux à la fois! L'art dompte la nature asservie à ses lois. Voyez-vous sur les flots, mobiles citadelles, Ces poupes s'avancer en déployant leurs ailes? Leurs mâts, impatiens des rives de l'Amstel, Déjà voudraient braver les gouffres du Texel; Mais des sables, durcis au sein des mers profondes, Arrêtent leur essor!... Tout à coup, sur les ondes, Soulevés triomphans par d'immenses radeaux, Vers le riche Brésil ont vogué ces vaisseaux, Et les Tritons légers, les jeunes Néréïdes, S'élancent en chantant de leurs palais liquides. Au génie inventif, là les vents sont soumis. Admirez ces travaux que l'art a réunis! Le chêne, descendu sur nos rives propices, Se transforme, ô prodige! en flottans édifices, Qui vengeant la Patrie, amassant des trésors, Volent à la victoire, enrichissent nos ports! {==198==} {>>pagina-aanduiding<<} Ici, près des héros que mon pays révère, Stévin a déployé sa science guerrière. Émule de Vauban, autour de nos cités, Son art creuse en secret des piéges redoutés, Et trace des remparts où le dieu de la guerre Avec un bruit affreux vient briser son tonnerre. O que n'ai-je, Vondel, ton luth harmonieux! Jusqu'aux flots d'où Phébus lance ses premiers feux, Je ferais retentir l'éloge de nos pères! Redits par les échos des plages étrangères, Mes chants, mes chants sacrés, célébrant nos aïeux, Rempliraient l'univers de cent noms glorieux. Dans ces temps d'ignorance où la philosophie Errait, du monde entier méconnue et bannie, Descarte en nos climats vint fixer son séjour: Que de profonds calculs virent alors le jour! Inspiré sur nos bords, sa pensée agrandie Y fit mûrir les fruits de son vaste génie. Et toi, dont les vertus rehaussaient les talens, Qui sur la bonne foi réglais tes sentimens, Dont nul Batave encor n'a chanté la mémoire, Spinosa! je devais un tribut à ta gloire. Aux champs iduméens quels sons frappent les airs? D'harmonieux accorda ont charmé ces déserts. {==199==} {>>pagina-aanduiding<<} Sur les bords du Kison, ô Patrie adorée, Quel bruit a retenti dans mon âme enivrée? Au sein de ces climats, sous ces arides cieux, Où les fils d'Ismaël, sur des coursiers fougueux, De leurs cris menaçans font trembler ces rivages Et répandent au loin leurs affreux brigandages, Ton éloge, porté sur les ailes des vents, Répète jusqu'à moi les noms de tes savans! Qui, le premier, ouvrit l'empire des sciences? Qui jeta du savoir les premières semences? C'est vous, ô Batavie! ô pays merveilleux!... Mais quel brillant concert m'arrête en d'autres lieux? La Meuse avec fierté fait bouillonner ses ondes: Erasme a vu le jour sur ses rives fécondes. La science d'Hellé fleurit sous notre ciel. Erasme! mon pays te consacre un autel; Mais l'éclat de ton nom, ta gloire ineffaçable T'immortalisent mieux qu'un marbre périssable. Peuples de l'univers, parlez, ignorez-vous Ce qui vous agrandit et vous surpasse tous? Votre goût, vos beaux-arts, vos vastes connaissances, Peuples, vous nous devez ces richesses immenses. Qui déchira pour vous les voiles de la nuit? De vos nobles talens qui recueille le fruit? C'est Koster! c'est son art qui ravit aux ténèbres Vos sublimes travaux, vos ouvrages célèbres. {==200==} {>>pagina-aanduiding<<} Oui, né sur notre sol, par ses heureux secrets, Des horreurs du chaos il vous sauve à jamais; Sur vos climats, sur vous, il répand la lumière Et rend ainsi la vie à la nature entière. C'est ce mobile airain, c'est cet art précieux Qui trace la pensée et qui parle à nos yeux. La nuit régnait; Koster fait un geste; et les ombres Disparaissent soudain des sentiers les plus sombres. O Koster! à jamais, dans le temple divin, Ton nom sera gravé par l'immortel burin. Ah! reçois notre encens! c'est toi, dont le génie Fait sous un dais sanglant trembler la tyrannie, De l'ardent fanatisme abat l'affreux pouvoir, Et règle des mortels l'immuable devoir. Terre, réjouis-toi! tu sors de tes entraves. Ton sein enorgueilli ne porte plus d'esclaves. Koster a su briser tes indignes liens: Il te rend à toi-même, il te comble de biens. Venez, peuples; marchez sur le sol que je foule; Vers le fleuve des Arts dirigez-vous en foule; Venez, reposez-vous sur ses bords enchantés, Et goûtez de ces lieux les douces voluptés! Terre, réjouis-toi! la voix de la science A plongé dans la nuit la stupide ignorance. Le monde enfin est libre! Oui, tant que nous verrons L'Helvétien vanter ses rochers et ses monts, Que, souverain des mers, d'une écharpe dorée, {==201==} {>>pagina-aanduiding<<} Neptune entourera les flancs de la Corée, Tant que d'un oeil hardi le monarque des airs De l'astre au front brûlant bravera les éclairs, La gloire de Koster ira, d'âges en âges, Du monde rajeuni dissiper les nuages. Ainsi le choeur des Arts, interprète des dieux, De ce nom immortel fait retentir les cieux. Sur l'autel parfumé reposent les offrandes; Les parvis éclatans sont ornés de guirlandes. Les prêtres, les élus, à cet auguste aspect, S'approchent inclinés et pleins d'un saint respect. Au milieu de leurs rangs j'aperçois la Patrie. Dans ses traits gracieux quelle noble énergie! Son front, céleste et fier, des prêtres inspirés Reçoit l'encens divin et les lauriers sacrés. Elle marche; autour d'elle un torrent de lumière D'un faisceau de rayons remplit le sanctuaire. Tel au sein de l'Olympe où les dieux sont assis, Un jour pur fait briller les célestes lambris; Mais lorsque de Vénus la suprême puissance Parmi les Immortels annonce sa présence, De jets étincelans les cieux sont éclairés; Des plus tendres parfums les coeurs sont enivrés; Tout sourit; et les dieux, dans cette enchanteresse, Des jeux et des plaisirs adorent la déesse. fin du cinquième chant. {==202==} {>>pagina-aanduiding<<} {==203==} {>>pagina-aanduiding<<} Notes du cinquième chant. Page 184 vers 19. Le Batave, au génie élevant des autels, Gravera sur l'airain les Hoofts et les Vondels. Hooft naquit à Amsterdam en 1581; Joseph Scaliger fut un de ses professeurs à l'université de Leyde. Il voyagea en France, en Italie, et perfectionna ses études dans la patrie d'Horace et de Virgile. On a de cet écrivain plusieurs ouvrages en vers et en prose très-renommés. - Nous avons déjà eu occasion de parler de Vondel dans le premier chant. Helmers nomme encore ici Bilderdyk, notre contemporain: supérieur à Hooft, à Vondel, Bilderdyk sera éternellement la gloire de la littérature hollandaise. Dans son Cours préparatoire à l'étude de la langue hollandaise, M.X. Wurth, aîné, a donné une excellente notice sur ce grand écrivain. Page 188, vers 5. Copernic, il est vrai, dans sa marche intrépide, S'avance, et le premier des airs franchit le vide. {==204==} {>>pagina-aanduiding<<} ‘Copernic n'est pas le premier, dit La Harpe, comme il est trop ordinaire de le croire, qui ait placé le soleil au centre du monde, et qui ait fait tourner autour de cet astre la terre et ses planètes. Près de deux mille ans avant lui, un des disciples de Pythagore, Philolaüs, avait publié ce système; il venait encore d'être discuté et soutenu à Rome dans le 15e siècle; mais il est resté à Copernic, parce qu'il a réussi à le démontrer.’ Page 188, vers 9. J'admire de Newton l'audacieux génie; Nul ne l'a surpassé dans sa course infinie: Tel que ces globes d'or suspendus dans le ciel, Sur l'abîme des temps son nom est éternel. Je suis Herschell vainqueur dans la plaine étoilée; Ma Muse aime à citer Lalande et Galilée; Mais fier de mon pays, sur mon luth orgueilleux, Je chante de Huigens les travaux merveilleux. Delille a dit dans son poème des Trois Règnes de la nature: Gloire à Dieu qui créa les mondes et Newton! On sait que cet étonnant génie démontra le plus clairement qu'il était possible, le système du monde et les lois du mouvement. Le rapprochement de Lalande et de Galilée prouve combien Helmers aimait les sciences et qu'il admirait les grands hommes, quelle que fût leur patrie. Galilée était fils d'un noble Florentin. Il embrassa le système de Copernic, et rendit sensibles aux yeux les vérités qu'il avait enseignées. En 1611, l'Inquisition lança contre lui un décret et lui ordonna de ne plus soutenir son système ni de vive voix, ni par écrit. Le philosophe pu- {==205==} {>>pagina-aanduiding<<} blia des dialogues, en 1632, où il développa de nouveau ses grandes idées sur le mouvement de la terre. L'Inquisition le traduisit devant son tribunal; et Galilée, le 22 juin 1633, fut condamné par un décret signé de sept cardinaux. Agé alors de 70 ans, Galilée eut la faiblesse de se soumettre et de demander pardon à genoux des vérités qu'il avait démontrées; mais se relevant, et sentant des remords d'avoir fait un serment que sa conscience démentait, il dit, l'oeil baissé vers la terre, et la frappant du pied: cependant, elle remue! e pur si move! Huigens, astronome hollandais, né à La Haye en 1629, fut fixé à Paris par Colbert, qui lui fit obtenir une pension. Il découvrit l'anneau du quatrième satellite de Saturne, perfectionna les lunettes dioptriques, et inventa les pendules astronomiques. Il fut contemporain du célèbre Leibnitz. Page 189, vers 19. Avec un juste orgueil je proclame Boerhave, Et le nom d'un grand homme a vengé le Batave. Boerhave naquit à Voorhout, près de Leyde, en 1668; pendant sa vie, Leyde devint l'école de l'Europe pour l'étude de la chimie, de la médecine et de la botanique. Le czar Pierre, en 1715, voulut prendre des leçons de ce grand homme. Son nom était répandu dans tout l'univers. On lui écrivait de la Chine: A l'illustre Boerhave, en Europe. Il laissa quatre millions à sa fille. Ses successeurs ont assez hérité de lui le talent de s'enrichir. Page 190, vers 7. Puis-je vous oublier, Ruisch, Kamper, Albinus. {==206==} {>>pagina-aanduiding<<} Afin de varier les formes du style, j'ai fait ici quelques changemens à la transition du poète hollandais, et j'ai cru devoir supprimer sa boutade contre les Bretons, qui n'est que la répétition d'une idée précédente. Les savans que je viens de nommer se sont fait une brillante réputation comme naturalistes. L'anatomie doit à Ruisch l'art de préparer et de conserver les cadavres, comme si la vie les animait encore. Page 190, vers 21. Voyez cet exilé de la belle Helvétie. J'avais traduit ce passage, lorsque je me rappelai que Delille avait chanté ce patriotisme des habitans des rochers helvétiques, dans son poème de l'Imagination. Il paraîtrait d'abord que Helmers a imité cet endroit; mais d'autres poètes ont aussi exprimé les mêmes idées: les auteurs doivent nécessairement se rencontrer quand ils peignent la nature. Les vers de Helmers sont pleins desensibilité. Voici ceux de Delille: ‘Mais voyez l'habitant des rochers helvétiques: A-t-il quitté ces lieux tourmentés par les vents, Hérissés de frimas, sillonnés de torrens? Dans les plus doux climats, dans leurs molles délices, Il regrette ses lacs, ses rocs, ses précipices, Et comme, en le frappant d'une sévère main, La mère sent son fils se presser sur son sein, Leurs horreurs même en lui gravent mieux leur image; Et, lorsque la victoire appelle son courage, Si le fifre imprudent fait entendre ces airs Si doux à son oreille, à son âme si chers, {==207==} {>>pagina-aanduiding<<} C'en est fait, il répand d'involontaires larmes; Ses cascades, ses rocs, ses sites pleins de charmes, S'offrent à sa pensée: adieu, gloire, drapeaux, Il vole à ses chalets, il vole à ses troupeaux, Et ne s'arrête pas, que son âme attendrie De loin n'ait vu ses monts et senti sa patrie: Tant le doux souvenir embellit le désert!’ ‘Aucun peuple dans l'Europe moderne, ajoute Delille dans ses notes, n'a porté plus loin que les Suisses cette espèce de patriotisme qui ne permet pas de trouver le bonheur loin du sol natal; chez eux, ce sentiment ne s'éteint jamais, et la plus légère circonstance le réveille avec une violence irrésistible. Dans les régimens suisses qui sont au service des puissances étrangères, en France, en Espagne, en Hollande, même sous le beau ciel de Naples et sur les rives pittoresques des Deux-Siciles, une chanson, des airs communément appelés Ranz des vaches, que les laitières suisses chantent en allant à leurs pâturages, suffisent pour attendrir le soldat et l'entraîner à la désertion; aussi est-il sévèrement défendu de les jouer. Ces hommes simples et fidèles ne résistent pas au souvenir de leurs montagnes, asile long-temps inviolable de la paix, des moeurs et de la liberté.’ Page 194, vers 8. Sans courage et sans voix, nos prêtres d'Apollon Ne connaissent-ils plus les sommets d'Hélicon? Helmers, après avoir rendu hommage à Feith et à Bilderdyk, cite Rinker, Loots, Van Hall, Klein, et Tollens: ces poètes {==208==} {>>pagina-aanduiding<<} célèbres trouveront mieux place au temple de mémoire que dans mes vers. Page 194, vera 16. J'aperçois Grotius. Hugues Grotius fut à la fois jurisconsulte, savant et poète. Il naquit à Delft en 1583. Son traité de jure belli et pacis sera éternellement un des chefs-d'oeuvre du droit public. Ses ouvrages sont traduits en plusieurs langues. Le chancelier d'Aguesscau l'estimait particulièrement. De nos jours, Cras, jurisconsulte hollandais, a publié l'éloge de ce grand homme. La comparaison de Grotius avec Atlas, qui termine ce passage, est traduite presque mot à mot de Delille, lorsque, dans le cinquième chant de l'Imagination, il fait l'éloge de Voltaire. En indiquant toutes ces imitations, je donne des armes contre moi; mais j'espère que le lecteur ne sera pas trop sévère en rapprochant ces divers passages. Delille s'exprime ainsi: Si l'on peut au géant comparer le grand homme, Je crois voir cet Atlas que la fable renomme, Qui, seul, réunissant les diverses saisons, Embelli de vergers, hérissé de glaçons, Entendait tour à tour les zéphyrs, les orages, La chute des torrens, les combats des nuages, Les hymnes des mortels, les doux concerts des dieux, S'appuyait sur la terre et supportait les deux. Page 196, vers 4. Pascal de ma Patrie, accueille mon hommage! {==209==} {>>pagina-aanduiding<<} Nieuwland, astronome hollandais, qu'une mort prématurée enleva aux sciences. D'abord professeur à Amsterdam, il fut nommé à Leyde par la protection du savant de Bosch, recteur de l'université. - Cette courte élégie sur Nieuwland est de la plus touchante simplicité. J'ai supprimé ici une tirade contre l'orgueil étranger qui voulait ravaler la Hollande. Comme cette déclamation n'était qu'une répétition de pensées déjà reproduites plusieurs fois, tout en admirant le patriotisme de Helmers, j'ai cru pouvoir la faire disparaître sans faire tort à sa gloire. Le dithyrambe national qui précède ce poème avait déjà accoutumé le lecteur à cette énergique et profonde indignation de notre poète contre les ennemis de sa Patrie. Témoin cette belle strophe du Chant des Bardes, que je cite ici avec une légère variante: Dieu du Rhin, bientôt sur nos plages, Au bruit glorieux de tes flots, Tu verras tes altiers bourreaux Enchaînés, guider nos troupeaux Vers nos fertiles pâturages. Dans la misère ensevelis, Brigands méprisés, race impie, Vous deviendrez à jamais de nos fils Le jouet et la raillerie; Oui, bientôt, superbes tyrans, Courbés sous le poids des entraves, Vous sentirez nos fouets sanglans, Et vos troupes de vils esclaves Obéiront à des enfans! {==210==} {>>pagina-aanduiding<<} Page 197, vers 5. C'est Drebber, c'est Jansen et tant d'autres savans. Drebber fut l'inventeur du thermomètre, et Jansen du microscope et du télescope. Le premier était d'Alkmaar, et le second de Middelbourg. Page 197, vers 15. Mais des sables, durcis au sein des mers profondes, Arrêtent leur essor!... Le banc de sable de Pampas, près d'Amsterdam, empêchait les vaisseaux du Zuiderzée de passer au Texel; le hollandais Bakker inventa ces machines appelées en Hollande chameaux, et qui servent à transporter les navires d'une mer à l'autre. Page 197, vers 21. Au génie inventif, là les vents sont soumis. Helmers rend ici hommage à Uitgeest, l'inventeur des moulins à scier les bois de construction. Page 198, vers 2. Stévin a déployé sa science guerrière. Stévin a excellé dans l'art des fortifications. On le regarde comme le Vauban de la Hollande. C'est à lui que l'on doit l'invention de ces machines de guerre appelées chevaux de frise. Page 198, vers 11. Mes chants, mes chants sacrés, célébrant nos aïeux, Rempliraient l'univers de cent noms glorieux. {==211==} {>>pagina-aanduiding<<} Le poète batave rappelle particulièrement les noms de Bekker, Aldégonde, Armyn et Venema, célèbres savans dont la Hollande s'honore. Page 198, vers 15. Descarte en nos climats vint fixer son séjour. Descartes habita longs-temps Amsterdam. C'est là qu'il fit ses premières applications de l'algèbre à la géométrie. Page 198, vers 22. Spinosa! je devais un tribut à ta gloire! Ce n'est pas le lieu, ni le moment de chercher à expliquer cet enthousiasme pour ce métaphysicien qui s'enfonça dans la nuit la plus obscure. Spinosa était juif, et vivait en Hollande au 17e siècle. Il eut un très-grand nombre de sectateurs. Chose bizarre! son obscurité même est ce qui a le plus contribué à le rendre célèbre. Son livre intitulé: Tractatus theologico-poliliciis fut condamné par un décret public des États; et malgré cette défense, il se vendit toujours publiquement. Spinosa a pu être un fort honnête homme, doux de coeur, pur de moeurs, comme l'assure notre poète; mais il n'en a pas moins professé des principes fort dangereux. Plusieurs auteurs luthériens, calvinistes et catholiques ont réfuté son livre. Mais, comme dit La Harpe, c'est une peine bien perdue que de chercher à entendre un auteur qui peutêtre ne s'est pas entendu lui-même, et quand Fénélon résume cet inintelligible livre, il ressemble, ajoute le Quintilien français, à Hercule combattant Cacus dans les ténèbres. {==212==} {>>pagina-aanduiding<<} Page 198, vers 23. Aux champs iduméens quel sons frappent les airs? On sait que l'Arabie fut le berceau des sciences et qu'avant de fleurir en Europe, elles ont long-temps habité l'Idumée et d'autres contrées arrosées par le Kison, fleuve de cette péninsule d'Asie. C'est de l'Arabie que l'algèbre nous fut apportée. Schultensen, cité par Helmers, voyagea, avec d'autres savans bataves, dans cette partie du globe, pour la prospérité des sciences. Page 199, vers 14. Erasme a vu le jour sur ses rives fécondes. Erasme naquit à Rotterdam en 1467. C'est à lui que l'on dut la restauration des lettres. Il fut regardé comme un des hommes les plus éclairés de son siècle. Il finit ses jours à Bâle en 1536. On y montre encore son anneau, son cachet, son épée, son couteau, son poinçon, son testament écrit de sa propre main, et son portrait. Page 199, vers 25. C'est Roster! c'est son art qui ravit aux ténèbres Vos sublimes travaux, vos ouvrages célèbres. Quoi qu'en publient les Allemands, l'invention de l'imprimerie reste attribuée à Koster, natif de Haarlem. Gutenberg, Faust et Schoeffer ont perfectionné l'art découvert dans notre Patrie; mais la gloire de cette découverte du 15e siècle appartient tout entière au modeste bourgeois de Haarlem, dont le génie tira le monde des ténèbres qui l'enveloppaient. {==213==} {>>pagina-aanduiding<<} L'éloge de Koster présentait quelques superfluités, quelques répétitions d'idées déjà employées ailleurs et que je me suis permis de supprimer. Le sixième chant traite des beaux-arts. Helmers n'a pas, selon moi, fait une division bien distincte entre les sciences et les beaux-arts. Il aurait dû fondre les deux derniers chants en un seul, et l'intituler: Les Arts. Quoi qu'il en soit, ces deux chants, regardés à tort comme inférieurs aux premiers (sans doute parce qu'ils ne sont pas à la portée de tout le monde), me paraissent remplir parfaitement leur sujet. fin des notes du cinquième chant. {==214==} {>>pagina-aanduiding<<} {==215==} {>>pagina-aanduiding<<} Chant Sixième. {==216==} {>>pagina-aanduiding<<} {==217==} {>>pagina-aanduiding<<} Chant Sixième. Les beaux-arts. Gloire à vous, ô Beaux-Arts! que des milliers de voix Pour chanter vos bienfaits s'élèvent à la fois! Vous parsemez de fleurs le sentier de la vie; L'existence de l'homme est par vous embellie; Beaux-Arts! présens des cieux, vous remplissez le coeur De consolations, de force, de grandeur! Je plains l'infortuné de qui l'âme inflexible A vos divins attraits peut rester insensible! Vainement la Nature étale ses beautés; Tout est mort à ses yeux; ses yeux désenchantés N'ont jamais admiré ses sublimes spectacles: Il marche indifférent au milieu des miracles. L'épouse de Tillion, sur un trône vermeil, N'ouvre jamais pour lui les palais du Soleil; {==218==} {>>pagina-aanduiding<<} Pour lui, le doux Printemps n'eut jamais de parure, Les fleurs sont sans parfums, et l'onde sans murmure. Sans plaisirs, sans bonheur, rien ne peut l'émouvoir. La vertu, la beauté sur lui sont sans pouvoir. Pour lui, le dieu des vers ne monte pas sa lyre Et Minerve et Vénus ont perdu leur empire! Suis-le sur ces rochers élevés jusqu'aux cieux: A l'aspect de ces monts, de leurs fronts sourcilleux, De cette immensité que mesure ta vue, Tu tressailles, ton âme est tendrement émue; Mais lui, tel qu'une brute, ignorant spectateur, N'aperçoit qu'une masse, une informe hauteur. Au sein d'Antiparos, sous sa brillante voûte, Il ne voit que des rocs suspendus sur sa route. Indigne du nom d'homme, et du sol vil fardeau, A ses yeux la Nature est un vaste tombeau. Mais toi qui, pour les arts, dans ton âme inspirée, Sens naître, sens brûler une flamme sacrée, Heureux mortel! pour toi la Nature sourit; D'une moisson de fleurs le Printemps s'embellit; La rive d'un ruisseau, l'émail d'une prairie, Porte en ton coeur ému la douce rêverie. La Beauté, qui naquit d'un sourire des dieux, Attache tes regards, attire tous tes voeux; Et quand l'Être Suprême, arbitre du tonnerre, Par des feux menaçans épouvante la terre, {==219==} {>>pagina-aanduiding<<} Ton esprit élevé, dans ces brûlans éclats, Des élémens rivaux contemple les combats. Homère t'agrandit en te peignant Achille, Et tu pleures Didon en relisant Virgile. Tout ce que la Nature, en ses vastes tableaux, Offre de beau, de grand, appelle tes pinceaux: Le fier lion roulant sa sanglante prunelle, Le brillant colibri, le chant de Philomèle, L'épaisseur des forêts, le silence des nuits, Ces temples, ces palais que les Arts ont construits, Sont pour toi des beautés où ton âme ravie Admire la Nature, honore le génie! Heureux, trois fois heureux, si le dieu des Beaux-Arts Daigne aussi sur ma lyre abaisser ses regards! (Téméraire espérance!) Au bout de ma carrière, Je pourrai de la gloire entrevoir la lumière; Peut-être, ô mon pays! triomphant du trépas, Sur ce globe après moi mon nom ne mourra pas. Ce sentiment des arts, de sa noble influence, Des fils de la Patrie illustra la naissance. Dans l'arène lancé, le Batave, à la fois, Surpassa le Breton, le Germain, le Gaulois, Et répandit des arts la lumière épurée: Ainsi dans la forêt à Wodan consacrée, Le chêne altier s'élève, et, de ses longs rameaux, Protége les vallons et couvre les coteaux. {==220==} {>>pagina-aanduiding<<} Un peuple (je me plais à lui rendre justice,) Vainqueur de l'univers se montra dans la lice. Salut! ô Grecs fameux! salut! pays sacré! Quel mortel, descendu sur ton sol adoré, Vit jamais froidement, sous tes cieux poétiques, Tes sites animés, tes temples, tes portiques? Chaque pas nous transporte et nous révèle un dieu: C'est Phébus dans les airs sur un trône de feu; C'est Jupiter tonnant dans la voûte suprême; C'est Vénus de sa flamme embrasant les dieux même! Ce langage divin, dont le charme flatteur Sait captiver l'oreille et séduire le coeur, Qui semblable aux accords des nymphes d'Aonie, Répand à flots pressés des torrens d'harmonie; Ce climat enchanteur, empire du Printemps, Ces bois, ces prés couverts de bouquets enivrans, Cet air inspirateur, ces campagnes fécondes Recevant les tributs d'intarissables ondes, Tout se réunissait, dans ces magiques lieux, Pour enflammer les sens, pour éblouir les yeux: Voilà de ta splendeur les sources merveilleuses! Pour nous, enfans du Nord, nos plages nébuleuses, Notre air sombre et pesant, nos humides climats, Comme toi, peuple heureux, ne nous inspirent pas; Mais si l'astre des Arts et t'anime et t'éclaire, Le Batave, après toi, brille de sa lumière. {==221==} {>>pagina-aanduiding<<} Telle, empruntant l'éclat du flambeau des saisons, Phébé nous plaît encor par de plus doux rayons: Ainsi Junon, cédant la pomme à Cythérée, Marche encor souveraine au sein de l'Empyrée; Elle voit à ses pieds se prosterner les dieux, Et partage le rang du monarque des cieux. Puissante enchanteresse, aimable Poésie, Prête-moi tes accens pour chanter ma Patrie. Si ma main possédait ce luth harmonieux Qui soumit autrefois l'empire ténébreux, Quand aux lois du Ténare arrachant Eurydice, Orphée à son amour rendit l'enfer propice; Ciel! avec quel transport, célébrant mon pays, Je redirais sa gloire à l'étranger surpris! O mes concitoyens! avec quelle allégresse Vous prêteriez l'oreille à ma brillante ivresse! Les vertus, la science et l'intrépidité Ne sont pas nos seuls droits à l'immortalité: Le Batave, lancé de conquête en conquête, Des lauriers d'Apollon couronne aussi sa tête, Et les siècles passés, de nos Bardes fameux Ont admiré les chants et les faits belliqueux. Souvent, dans la forêt cherchant la rêverie, Je crois entendre encor leur douce mélodie; Je vois leur bois sacré, leurs temples, leurs autels. {==222==} {>>pagina-aanduiding<<} Loin des yeux indiscrets des vulgaires mortels, Wodan vient m'enflammer; et les chênes antiques Balancent dans les airs leurs cîmes prophétiques. Le Grand-Prêtre paraît; les Bardes recueillis Le suivent à pas lents sous les divins parvis. Fièrement appuyés sur le fer de leur lance, Nos valeureux guerriers sont rangés en silence. Les harpes ont frémi: d'harmonieuses voix Vers les cieux embaumés s'élèvent à la fois, Et, dans les hymnes saints qui frappent mes oreilles, J'entends de ma Patrie exalter les merveilles. Sous un ciel fortuné, loin des terrestres lieux, Apparaît des Beaux-Arts le temple somptueux. Non, tout ce que produit et l'homme et la Nature N'en saurait égaler la noble architecture. De suaves parfums l'onctueuse vapeur Enivre ici les sens et pénètre le coeur. L'Imagination, de son prisme magique, Du sanctuaire auguste éclaire le portique; C'est ici que la main de l'Immortalité De festons éternels couronne la Beauté; Non point cette beauté fragile et passagère Qu'enfante des humains la puissance éphémère, Qui dépend des climats, que la mode produit, Qu'un instant voit éclore et qu'un instant détruit; Mais la divinité qu'ont adorée Homère, {==223==} {>>pagina-aanduiding<<} Le Tasse, Raphaël, et Vondel, et Voltaire; Mais pure, mais céleste, offrant à l'oeil charmé L'idéal créateur sur son front enflammé. Un dieu vient m'enhardir; et, dans le sanctuaire, J'ose, respectueux, mettre un pied téméraire. L'Imagination, cédant à mes transports, Déjà m'a découvert ses précieux trésors. Pour charmer les regards, le jaspe, le porphyre, Le marbre de Paros, dans ces lieux tout respire. Quels chefs - d'oeuvre étonnans! quels travaux merveilleux! Là, sur des trônes d'or, les descendans des dieux, Superbes, couronnés d'un riche diadême, Étalent de leur rang la majesté suprême; Là, sont ces grands talens, ces esprits créateurs, Des préjugés vaincus immortels destructeurs. A leur tête, entouré d'un faisceau de lumière, Comme l'astre du jour, je vois briller Homère: Le passé, Ie présent, et le vaste avenir Sur un point à ses yeux viennent se réunir; Il s'élance tantôt vers la céleste voûte, Et tantôt des enfers parcourt la sombre route. Quels sublimes accords! quels chants dignes des cieux! Je verse en frémissant des pleurs délicieux. Génie universel, tout cède à sa puissance. Les élémens émus l'écoutent en silence. Mais quels nombreux guerriers inondent ces sillons? {==224==} {>>pagina-aanduiding<<} Je traverse avec lui ces épais bataillons; J'entends les cris des Grecs; je vois, dans la mêlée, Ici le Roi des Rois, là, le fils de Pélée. Je frissonne, je fuis, j'avance tour à tour, Et je donne à son gré ma haine ou mon amour. Intarissable fleuve, il fait jaillir son onde; Les Arts viennent puiser à son urne féconde, Et son flot opulent, fier de sa liberté, Dans l'abîme éternel roule avec majesté. Parmi ces favoris des filles de mémoire, S'élèvent nos aïeux environnés de gloire! Divine Poésie, ah! reçois mon encens! J'éprouvai ton pouvoir dès mes plus jeunes ans; Oui, c'est toi qui de fleurs embellis ma jeunesse; C'est toi qui de mes jours écartas la tristesse, Et de mon luth fidèle animant les accords, Relevas dans tes chants la splendeur de nos bords. Comment peindre jamais, dans l'ardeur qui m'enflamme, Le noble sentiment qui s'élève en mon âme? Comment monter ma lyre? O mon maître! ô Vondel! Dans mon coeur enivré je t'érige un autel; Sous ton auguste appui, connu des doctes Fées, Je les vis applaudir à mes premiers trophées; Ta lumière pour moi dissipa le chaos; Barde timide encor, je chantai nos héros, {==225==} {>>pagina-aanduiding<<} Et frémissant d'orgueil au nom de ma Patrie, J'enflammai mon audace au feu de ton génie. O Vondel! c'est à toi que sont dûs mes succès: Que ma reconnaissance égale tes bienfaits! Lorsque, dans la cité qui vit naître Agrippine, Les dieux de ce mortel marquèrent l'origine, Deux cygnes, tout à coup, sortis du sein des eaux, Du Rhin majestueux sillonnèrent les flots, Et, fixant les regards dans ces belles contrées, Firent monter leurs chants aux voûtes éthérées, Tels qu'on les entendit aux rives de Délos, Quand Latone enfanta ses illustres jumeaux. L'air était obscurci par de sombres nuages, Vondel reçoit le jour; et ces heureux rivages De rayons éclatans brillent de toutes parts; Sur son front radieux luit le flambeau des Arts, Et le nectar divin et la pure ambroisie Porte à ce coeur naissant et la force et la vie. Des trésors de Bacchus le Rhin s'enorgueillit; Sur le sol enchanté tout s'anime et sourit. La voix du rossignol, mélodieuse et tendre, S'unit aux premiers sons que son luth fait entendre. Il chante, et sur ses pas des couronnes de fleurs Étalent à l'envi l'émail de leurs couleurs, Présage de ces jours où sa Muse hardie Doit par un vol sublime illustrer sa Patrie! {==226==} {>>pagina-aanduiding<<} L'Aurore au teint riant, le cristal des ruisseaux, Le doux azur des cieux, le doux chant des oiseaux, Les rayons de Phébus, l'haleine de Zéphyre, Sont moins purs que les sons enfantés par sa lyre. Écoute ces accords, ces célestes concerts! Transportés, tout remplis du Dieu de l'univers, Les brillans Séraphins, les glorieux Archanges Célèbrent du Très - Haut les divines louanges. Vois, près de son époux, la mère des humains Du ravissant Éden contempler les jardins: Dans lui, que de grandeur! dans elle, que de grâce! Il n'est point de beautés que leur éclat n'efface. Entends - tu de Satan tonner l'affreuse voix? Le ténébreux abîme en retentit trois fois! Vois-le, dans sa fureur, haranguer son armée, Vaincu, proscrit, rouler dans la nue enflammée, Et partageant des siens l'irrévocable sort, S'engloutir à jamais aux gouffres de la mort! O chef-d'oeuvre de l'art! ô puissante magie! Quel pinceau surpassa cette riche énergie?... Dix-huit siècles entiers Melpomène se tut: Sur nos bords étonnés Vondel enfin parut, De la nuit du néant tira la Poésie, Et d'un nouveau poignard arma la Tragédie. Variant, à son gré, ses tons et ses transports, De la lyre d'Horace il trouva les accords. Et nous, faibles rivaux, de cet aigle intrépide {==227==} {>>pagina-aanduiding<<} Nous voulons vers les cieux suivre le vol rapide! Ah! tentez vainement d'audacieux essais, Disciples d'Apollon! moi, j'admire et me tais. Toi, Sophocle français, accepte mes hommages! Rome entière respire en tes mâles ouvrages: Dans toute leur vigueur tu peignis les Romains. Mais avant que le Cid fût sorti de tes mains, Vondel avait déjà, sur notre heureuse scène, Fait entendre à l'Amstel la voix de Melpomène, Et tracé sous nos yeux, d'un vigoureux pinceau, Du crime et du malheur le terrible tableau. Et toi, dont le touchant et sublime langage Des passions de l'âme est la parfaite image, Tendre et divin Racine! ô poète enchanteur! Que tu sais bien trouver le chemin de mon coeur! Je vois Britannicus; je tremble pour sa vie; Éliacin me touche et je hais Athalie. Pure comme la rose aux beaux jours du Printemps, Ta Muse nous redit d'harmonieux accens, Et, charmant à la fois le coeur et les oreilles, Nous montre de ton art les fécondes merveilles: Mais combien Euripide, immortel créateur, T'applanit la carrière où tu marchas vainqueur! Toi - même qui, foulant à tes pieds l'ignorance, Dotas le monde entier de ton savoir immense, Toi, qui sus, ô Voltaire! avec tant de succès, {==228==} {>>pagina-aanduiding<<} De la Philosophie expliquer les secrets, Ta nation, ton siècle, en dépit de l'Envie, Sur des ailes de flamme éleva ton génie. Vondel se trouva seul. J'applaudis an guerrier Sur les pas du vainqueur moissonnant le laurier; Mais emporter d'assaut un rempart formidable, Voilà, voilà l'exploit d'un héros véritable! Quand le luth de Vondel résonna sur nos bords, Du peuple coassant les grotesques accords Formaient, au point du jour, l'unique chant sauvage Qui des enfans d'Herman saluât le rivage; D'une profonde nuit les Germains entourés Languissaient sans culture; et les Arts ignorés N'entendaient point encor, sous ce climat stérile, Des Hallers et des Kleists la voix pure et facile; Wieland ne brillait pas; les Klopstocks, les Schillers Ne faisaient point jaillir leurs rapides éclairs; Le Breton de Sheakspear aimait le goût bizarre, Et vantait de Johnson le langage barbare. Tel fut l'art d'Apollon dans ce siècle où Vondel Couvrit ses grands travaux d'un éclat éternel. Aigle majestueux, dans sa vaste carrière, Ses regards embrassaient les champs de la lumière, Et son aile, traçant un cercle illimité, Dans l'Océan des airs voguait avec fierté. {==229==} {>>pagina-aanduiding<<} Heureux, si les serpens de la hideuse Envie N'eussent pas de leur souffle empoisonné sa vie! Au temple de mémoire assis aux premiers rangs, Bataves! montrez - nous vos fronts resplendissans; De ce poste d'honneur que votre âme soit fiere! Conservez des Beaux - Arts le sceptre héréditaire, Devant qui l'étranger, en des temps plus heureux, Trois siècles abaissa son orgueil dédaigneux. Aux côtés de Vondel, brillant de tout son lustre, Quel génie étonnant lève sa tête illustre? C'est Hooft: des Pays-Bas et la gloire et l'honneur. Sa plume, de Tacite atteignant la hauteur, Nous trace en lettres d'or ses profondes maximes, Et forme notre coeur à ses leçons sublimes. Au récit des forfaits par l'Ibère enfantés, A ces affreux amas d'horribles cruautés, Qui de nous, indigné de tant de barbarie, N'admire nos aïeux et leur mâle énergie?... Ah! laissez approcher cet auguste vieillard Qui de la foule émue attache le regard: Mes yeux ont reconnu ce héros tutélaire, De ses concitoyens le soutien et le père. Lorsque l'Ambition foulait aux pieds nos lois, En face de Maurice il éleva la voix. On dit qu'avec éclat son ombre vénérable {==230==} {>>pagina-aanduiding<<} Habita deux cents ans l'enceinte mémorable, Où ce nouveau Caton, vengeur de l'équité, Revendiqua nos droits et notre liberté; Mais quand son rejeton, oubliant sa naissance, Du rang de magistrat dégrada la puissance, Et, singeant d'un Gracchus la souple urbanité, D'un peuple turbulent flatta la vanité, Cette ombre gémissante, et de larmes baignée, Voila son front illustre et s'enfuit indignée. Mais toi, célèbre Hooft, toi qui, servant l'État, N'attends pas qu'un ruban rehausse ton éclat, Auprès de Montesquieu, de Gibbon et de Hume, Ton éloquent génie et s'épure et s'allume. Le Temps sur tes écrits agite en vain sa faulx. Rien ne peut altérer tes immortels travaux: Je crois voir ce rempart, protecteur d'un empire, Que vingt siècles entiers n'ont encor pu détruire. Ma course va finir, et mon axe brûlant Emporte vers le but mon char étincelant. Mes coursiers, animés par la soif de la gloire, Déjà semblent jouir du prix de la victoire. Une noble poussière offusque mes rivaux: Je vais enfin saisir l'arbre cher aux héros! Qui ressent mieux que moi l'amour de la Patrie? Qu'il entre dans la lice! oui, mon coeur le défie! {==231==} {>>pagina-aanduiding<<} Qui nourrit mieux que moi cette constante ardeur De servir son pays, de vouloir son bonheur? Qu'il vienne!... Ah! cet amour est inné dans mon âme: Je le sens; il m'inspire, il m'élève, il m'enflamme. Je ne me trompe pas; mon bras, moins chargé d'ans, Plein d'audace, eût voulu combattre dans nos rangs, Et, nouveau Décius, sauvant la Batavie, Pour venger son honneur j'eusse donné ma vie. Si jamais cet amour s'éteignait dans mon sein, Que j'erre malheureux sur quelque bord lointain! Et que ma Muse indigne, au déshonneur livrée, Chez nos derniers neveux soit encore abhorrée! Mais pourquoi célébrer tant de noms éclatans? Pourquoi les citer tous?... Au retour du Printemps, Qui n'a souvent pensé, sous l'ombrage d'un hêtre, Au chantre de l'amour et du bonheur champêtre? Enfant de la nature, aux bords d'un clair ruisseau, Il sut de Théocrite enfler le chalumeau. L'Amstel a tressailli sur son urne écumante: J'écoute Antonidès et sa lyre brillante. Sur les bords de la Meuse, un chant digne des dieux Me répète de Smits les vers harmonieux. Le patriarche d'Ur rappelle à ma mémoire D'un élu d'Apollon la poétique histoire. Eh! qui d'un feu divin ne sent brûler son coeur, Lorsque de nos aïeux exaltant la valeur, {==232==} {>>pagina-aanduiding<<} Haren, son luth en main, réveille notre audace, Et par ses nobles chants fait rougir notre race? Qui ne connaît Winter, ce rival de Thompson? De la Muse tragique il sut prendre le ton; Tandis que, sur les pas de l'ami de Mécène, Son fils disait ses vers aux échos d'Hippocrène: Il chantait sur sa lyre; et ses doigts inspirés, Enfantaient des accords du vulgaire ignorés. Bataves, sur la tombe où Bellamy repose, Plantez en gémissant le cyprès et la rose! A peine de la vie il a franchi le seuil: Déjà la mort fatale entr'ouvre son cercueil! Admirez de ses chants la noble indépendance De l'orgueilleux Breton ravaler l'arrogance! Son luth résonne encor dans mon coeur enivré. Ah! j'en fais le serment sur son tombeau sacré, Jusqu'au dernier soupir, mon superbe courage Dérobera ma tête au joug de l'esclavage. Lorsque l'Aigle romain, cédant à nos efforts, Vaincu, couvert d'affront, fut chassé de nos bords, A nos Bardes divins, à leurs harpes magiques, On vit le sexe unir des accens héroïques. Célébrant Véléda dont le regard perçant, Bien loin dans l'avenir, embrasse le présent, De nos mobiles tours des hymnes s'élevèrent; {==233==} {>>pagina-aanduiding<<} De joie et de valeur nos héros frissonnèrent; Et la voix de Wodan, de son char triomphal, Leur donna du combat le terrible signal! Soudain le chant guerrier partout se fit entendre; Du faîte de l'orgueil le Romain dut descendre: Son Aigle audacieux, déçu dans ses projets, De nos climats vengés s'envola pour jamais. Ainsi la Batavie, au temple de mémoire, Vit la Beauté cueillir les palmes de la gloire: Les Lannoy, les Schurmans, dans le sacré vallon, Parèrent leurs attraits du laurier d'Apollon. Soleil resplendissant! honneur de la Patrie! O Merken! qui jamais oubliera ton génie? Qui pourrait surpasser la douceur de tes chants? Tes accords sont pour moi l'haleine du Prinlemps; Ta Muse est comme un cygne, ornement du rivage, Qui, mouvant sur les eaux l'argent de son plumage, Balancé mollement vogue avec majesté, Devant lui chasse l'onde, et, sûr de sa beauté, Agite fièrement, de ses rames rapides, La vague qui sur lui glisse en perles liquides! Vifs comme le plaisir qu'un noble coeur ressent Lorsque pour son pays il a donné son sang, Tendres comme les sons de la flûte sonore, Purs comme au point du jour les larmes de l'Aurore, Ou le chant matinal du peuple ailé des bois, Oui, tels soul, ô Merken! les accens de ta voix, {==234==} {>>pagina-aanduiding<<} Ces célestes accens dont la douce harmonie Verse un charme secret dans notre âme ravie..... Une mère aux chagrins abandonne son coeur; Hélas! pour son amour il n'est plus de bonheur: Son seul enfant n'est plus! Merken, tu prends ta lyre; Tu chantes; et soudain elle écoute, respire, Ressent de tes accords le charme impérieux, Et des pleurs moins amers ont inondé ses yeux. Du poignard de Sophocle armant ta main puissante, Tu répands à ton gré l'espoir où l'épouvante, Quand Wattier, de son art déployant la grandeur, A nos sens agités imprime la terreur. Tant que dans l'univers vivra notre langage, Tes chants, comme l'or pur, brilleront d'âge en âge. Qu'ai-je entendu? quels sons font retentir les cieux? Quels prestiges nouveaux ont enchanté ces lieux? Et l'Amstel et le Rhin, de leurs eaux souveraines, Baignent-ils à mes yeux les murs d'une autre Athènes? Quoi! Rome a-t elle ici relevé ses remparts? Ah! l'Europe sur nous attachant ses regards, Contemple nos savans qu'eut adopté la Grèce. Oui! Platon vient ici répandre la sagesse; La ville de Cécrops, au sein de mon pays, Lève son front célèbre et sort de ses débris. Dans la lice des Arts ainsi la Batavie Sait imposer silence à 1'orgueilleuse envie; {==235==} {>>pagina-aanduiding<<} Semblable, dans sa force, an chêne audacieux, Au foudre étincelant du souverain des dieux. Le Tibre, contemplant ses temples magnifiques, Nous montre avec fierté ses marbres, ses portiques; Bramante, Michel-Ange, entourés de laurier, Se lèvent triomphans aux yeux du monde entier; J'admire de leur art la merveille éternelle, Où dans tout son éclat leur génie étincelle: Dans les murs de Léon, l'or coulant à grands flots, Des millions de bras ont produit ces travaux; Mais le commerce seul, fier rival du Pactole, Éleva d'Amsterdam le riche capitole! Ah! tant qu'un frêle esquif flottera sur l'Amstel, Les siècles vanteront ce chef-d'oeuvre immortel, Et le nom de Kampen, environné d'hommages, De Saturne étonné bravera les outrages. Le chantre d'Ilion, dont les divins accens Retentissent vainqueurs sur le gouffre des temps, Homère nous montra l'arbitre du tonnerre Souverain de l'Olympe et maître de la terre. Devant lui tout s'abaisse ou tremble de respect: Le redoutable Mars s'incline à son aspect; Neptune, roi des mers, reconnaît sa puissance; Le bouclier sacré pâlit en sa présence; Et toi, brillant Phébus, dont le front radieux {==236==} {>>pagina-aanduiding<<} Embrase l'univers d'un océan de feux, Toi, fleuve de soleils, en face de son trône, Tu sais même affaiblir l'éclat de ta couronne! Dans des flots de lumière, offerte par Thémis, L'urne de nos destins à ses pieds est remis; Et tandis que les Ris, de leur aile légère, Caressent mollement la reine de Cythère, Le Dieu des Dieux, fronçant de sévères sourcils, Remplit de sa splendeur les célestes parvis. O vierge glorieuse, ô Patrie adorée, Ainsi par les Beaux-Arts tu te vois entourée! Pour toi le dieu des vers prodiguant ses faveurs, Te pare et t'embellit des charmes des Neuf-Soeurs. Quel est l'audacieux, jaloux de ta victoire, Qui voudrait avec toi rivaliser de gloire?.... On verra sans retour le soleil éclipsé, Avant que ton éclat soit jamais effacé. Quel prestige, à mes yeux, reproduit la nature? Ne vois-je pas vers moi s'avancer la Peinture? Sous le feu du pinceau la toile a pris un corps; Le souffle de la vie anime ses ressorts. Mais de nos fils d'Appelle, avec idolâtrie, Irai-je dans mes chants exalter le génie, Déposer à leurs pieds mes vers reconnaissans, Et dans des vases d'or leur offrir mon encens? {==237==} {>>pagina-aanduiding<<} Non, non: j'entends déjà cent bouches éloquentes Se plaire à rendre hommage à leurs touches savantes. Comment le fier Breton devant tant de splendeur, N'est-il pas embrasé d'une noble chaleur? La Seine, à juste titre étalant sa richesse, Sait du pinceau batave admirer la noblesse. De Vinci, Titien, l'étonnant Raphaël, Ont vu l'Europe entière encenser leur autel; Mais notre coloris a su, par sa magie, Dans un rang sans partage élever ma Patrie. Pourquoi citer ici tous ces grands créateurs? Leurs pinceaux, tour à tour sublimes, enchanteurs, Ennoblissent notre âme ou flattent notre vue: Jusqu'aux bornes du jour leur gloire est répandue. Lorsque l'astre éternel resplendit dans nos champs, A quoi sert de louer ses feux étincelans? Quelle Muse, à l'aspect de ces riches merveilles, N'aspire avec transport à leur vouer ses veilles? Ah! déjà célébrant cet art inspirateur, Mon luth a répété les accens de mon coeur. Vandervelde! j'entends le bruit de tes cascades, Où viennent se jouer les craintives Naïades; Ici, Douw et Metzu, par d'habiles secrets, Du bonheur domestique ont peint les doux attraits; Là, Lairesse, au trépas arrachant sa victime, {==238==} {>>pagina-aanduiding<<} Rappelle nos amis du ténébreux abîme. J'assiste avec Ostade à ses champêtres jeux; De ses groupes bruyans j'entends les cris joyeux. Huissem, sous tes crayons, dans l'empire de Flore, Des baisers du Zéphyr ces fleurs viennent d'éclore! O Ruisdaal! avec toi, sur les bords d'un ruisseau, Je m'assieds tout pensif au murmure de l'eau. Et toi, divin Rembrandt! dont l'audace inspirée Embrasa ta palette au feu de l'Empyrée, Qui, traversant des cieux l'imposant appareil, Osas puiser la vie aux sources du soleil; Vous tous, ô demi-dieux que l'univers admire, Votre hauteur sublime intimide ma lyre! O terre où je suis né, de tes nobles enfans Tu sauras bien toi-même honorer les talens; Ta voix, mieux que mes vers, par leur gloire animée, Ira chez nos neveux porter leur renommée. D'un partage aussi beau restons toujours jaloux, Et devant nos aïeux fléchissons les genoux. Mon coeur est satisfait et ma tâche est remplie. Bataves! oui, pour vous j'ai chanté la Patrie; De nos pères sacrés j'ai vanté les vertus: Puissent mes faibles sons par vous être entendus! Ah! de tant de valeur, de tant d'exploits insignes, Mes accens, je le sais, ne sont pas assez dignes; Mais peut-être, pour prix de mes transports brûlans, {==239==} {>>pagina-aanduiding<<} La voix de la Patrie applaudira mes chants: Dans l'arène guidé par l'amour de la gloire, Il est grand, il est beau de tenter la victoire! Je dépose ma lyre aux autels de Phébus: Heureux, lorsqu'ici-bas je n'existerai plus, Heureux, si mes accords, en prolongeant leur veille, De mes enfans chéris parfois charment l'oreille, Et si mon souvenir attendrissant leurs coeurs, Sur mon tombeau glacé leur fait verser des pleurs! Toi, dans qui je respire! oh! que de cette idée, Avec un plaisir pur mon âme est possédée! O mon fils! mon cher fils! quels trésors, quels honneurs Vaudront jamais pour moi tes soins consolaleurs? Mes enfans! quand l'arrêt des puissances célestes Auprès de nos aïeux aura placé mes restes, Quand retrouvant votre âme en ces nobles récits, Vous vous rassemblerez pour lire mes écrits, Remplis d'un juste orgueil, que votre voix s'écrie: ‘Mon père avec ardeur adora sa patrie!’ O mes concitoyens! si mes accens heureux Remplissaient un seul coeur du feu de nos aïeux, Arrivé triomphant près du but où j'aspire, Je n'aurais pas en vain fait résonner ma lyre. Voyez dans nos guérêts un seul grain confié Élever dans les airs son épi deployé! Déposé de nouveau dans le sein de Cybèle, {==240==} {>>pagina-aanduiding<<} Déjà croît à vos yeux une moisson nouvelle: Où l'herbe parasite inondait nos sillons, D'une prodigue main Cérès verse ses dons; Reproduits mille fois, alors, dans la contrée, Sous l'immense horizon roule une mer dorée; Le sol, d'abord sauvage, étale, avec fierté, De ses trésors flottans la riche majesté, Et rend grâce à ce grain, sa première espérance, Germe de sa splendeur et de son opulence! fin du sixième chant. {==241==} {>>pagina-aanduiding<<} Notes du sixième chant. Page 219, vers 24. Ainsi dans la forêt à Wodan consacrée, Le chêne altier s'élève. Wodan, ou Godan était un des dieux des anciens Germains. Tous ces dieux du Nord, assurent quelques savans, n'étaient que des magiciens qui, par leurs prestiges, firent croire aux peuples qu'ils étaient les dieux que l'on adorait. Ils en prirent les noms, afin de mieux tromper les esprits crédules. La Mythologie consacrait le chêne à Jupiter; dans la forêt de Dodone, les chênes rendaient des oracles: les anciens Bataves, à l'imitation des Païens, avaient consacré le chêne à leur dieu Wodan. Page 223, vers 5. J'ose respectueux mettre un pied téméraire. Racine a dit: Prends garde que jamais l'astre qui nous éclaire Ne te voie en ces lieux mettre un pied téméraire. {==242==} {>>pagina-aanduiding<<} La Harpe blâme Voltaire d'avoir emprunté cette expression neuve et poétique, et d'avoir dit: Nul mortel n'ose ici mettre un pied téméraire. Il y a, dit-il, des expressions et des idées qui appartiennent à tout le monde; mais les beautés de diction ou d'invention, appartiennent en propre à leur auteur. D'autres, depuis Voltaire, n'ont pas eu de scrupule de s'approprier cette expression; et le nombre des voleurs s'est tellement multiplié que j'ai cru pouvoir, sans conséquence, m'en emparer après eux. Cette note n'est pas inutile, puisqu'un critique m'a accusé d'avoir pillé ce vers de Voltaire: Qu'avec ravissement je revois ce séjour! en disant dans la traduction de la Fiancée d'Abydos: Qu'avec ravissement mon oeil revoit le jour! Je ne vois point là de plagiat, à moins qu'il ne soit défendu désormais, après Tancrède, de rien voir avec ravissement. Page 225, vers 5. Lorsque dans la cité qui vit naître Agrippine, Les dieux de ce mortel marquèrent l'origine. Vondel naquit à Cologne, patrie d'Agrippine. Nous avons déjà parlé de cet auteur dans les notes du premier chant. L'éloge qu'en fait ici Helmers ne paraîtra nullement outré, quand on se reportera au temps où Vondel écrivait. D'épaisses ténèbres couvraient encore presque toute l'Europe, lorsqu'il fit paraître tour à tour des tragédies, des satires et des odes, où le cachet du génie est empreint à chaque page. {==243==} {>>pagina-aanduiding<<} Page 226, vers 5. Écoute ces accords, ces célestes concerts! Ce vers, et ceux qui suivent, rappellent une tragédie de Vondel, dont le sujet est la chute des anges rebelles. Les connaisseurs la comparent aux belles conceptions de Milton. Page 228, vers 12. .... Des enfans d'Herman saluât le rivage. Les Latins disent Arminius. C'est ce général des Chérusques et autres peuples de la basse Allemagne, qui remporta une victoire éclatante sur les légions de Varus. Dans la suite, aspirant à la royauté, il fut tué par ceux qu'il avait entraînés à la révolte. Page 228, vers 16. Des Hallers et des Kleists la voix pure et facile. Tous ces auteurs cités par Helmers out tiré la Germanie des ténèbres où elle était plongée. Wieland, Goëthe, Klopstock, Schiller ont illustré leur patrie par leurs écrits. Depuis l'épopée jusqu'à la simple ballade, leurs oeuvres brillent des éclairs du génie. Madame de Staël, dans son livre sur l'Allemagne, est peutêtre un peu trop enthousiaste; mais elle aimait à venger ces poètes des injustes préjugés qui avaient si long-temps interdit en France l'entrée de la littérature allemande. Comme poète et comme historien, Schiller s'est acquis une réputation que la postérité la plus sévère ne lui disputera pas. Ses poésies fugitives sont les délassemens d'un talent d'un ordre supérieur: on y retrouve {==244==} {>>pagina-aanduiding<<} partout ce profond sentiment que la plupart des poètes de la Germanie ont su répandre dans leurs compositions. Je citerai pour exemple la Fille infanticide, qui, lors de sa publication, eut un succès populaire dans toute l'Allemagne. Cette pièce a séduit plusieurs traducteurs. J'ai moi-même tenté d'en faire passer les beautés dans la langue française, et des juges compétens ont bien voulu accueillir mon travail avec indulgence. Voici la pièce: le lecteur jugera. La fille infanticide. L'airain a retenti! voici l'heure fatale. Dé'jà je crois entendre une voix sépulcrale; Elle vient m'avertir de marcher à la mort; O mon Dieu! j'obéis et je remplis mon sort. Toi, que je vais quitter, monde ingrat et perfide, Tu versas dans mon sein ton poison homicide; Hélas! tu m'as ouvert un abîme de maux; J'y suis tombée! Adieu; la mort lève sa faulx. Des plaisirs de la vie, ô souvenir funeste! O regrets! un cercueil, voilà ce qui me reste! Douces illusions, qui séduisez les coeurs, Adieu! j'ai payé cher vos perfides faveurs, Et le souffle du crime, étouffant ma tendresse, A flétri pour jamais ma coupable jeunesse. L'amour m'avait promis le destin le plus beau: L'aurore de ma vie éclaire mon tombeau! {==245==} {>>pagina-aanduiding<<} De myrtes et de fleurs la tête couronnée, A jouir d'heureux jours je semblais destinée. De la tendre innocence aimables ornemens, Les roses et les lis paraient mes vêtemens. Hélas! le crêpe noir couvre ma chevelure, Et la robe de deuil remplace ma parure! Vous, qui de la vertu suivez l'austère loi, Apprenez mes erreurs et frémissez d'effroi. Ne me refusez pas des larmes indulgentes; Pleurez, pleurez mon sort, ô vierges innocentes! Louise est bien coupable... Un lâche séducteur D'une âme trop sensible a causé le malheur; Louise a tout perdu, plaisirs, honneur, tendresse! Alexis! j'écoutai ta perfide promesse; Tu fis naître l'amour en mon coeur combattu, Et dans tes bras vainqueurs j'oubliai la vertu. Ah! peut-être, au moment où je marche au supplice, Près d'une autre, employant la ruse et l'artifice, Tu jures à ses pieds un éternel amour; Peut-être, quand mes yeux vont se fermer au jour, Quand mon sang va couler sur la pierre fumante, Tu reçois les baisers de ta nouvelle amante! Après tant de forfaits, redoute mon trépas. Que mon ombre te suive et s'attache à tes pas! Que le glas de la mort, que les cloches funèbres Retentissent pour toi dans l'horreur des ténèbres! Et lorsque la beauté qui croit à tes sermens, Se livrera sans crainte à tes embrassemens, Qu'un serpent de l'enfer dont tu seras la proie, {==246==} {>>pagina-aanduiding<<} Au milieu des plaisirs empoisonne ta joie! Auteur de tous mes maux, as-tu plaint mes douleurs? Eh quoi! ni cet enfant, ni ton épouse en pleurs, Rien n'a pu te toucher! homme ingrat et barbare! Quel infâme destin ton amour me prépare! Mourir sur l'échafaud.... Tu me fuis sans pitié, Lorsque pour toi, cruel, j'ai tout sacrifié! Ton enfant reposait sur le sein de sa mère, Ses regards caressans consolaient ma misère; Mais tandis que ses traits respiraient le bonheur, L'amour, le désespoir se disputaient mon coeur. Son innocente voix me demandait son père; Et moi, triste, livrée à ma douleur amère, De cet infortuné dévoilant l'avenir, En détournant les yeux j'étouffais un soupir! ‘Malheureux orphelin, ton père t'abandonne. Un jour, si le mépris, la honte t'environne, Si ton nom est couvert d'un cruel déshonneur, Tu maudiras ta mère et son vil séducteur! Ta mère! quels tourmens s'élèvent en mon âme! Le monde me rejette et l'enfer me réclame. Oui, les voilà ces traits que je devrais haïr.... Il m'appelle; il sourit!... Douloureux souvenir! Seule, dans le silence, interdite, éperdue, Je n'ose contempler cet aspect qui me tue. Odieux Alexis, je ne dois plus te voir... Ah! mon coeur, autrefois bercé d'un doux espoir, De tes embrassemens goûtait en paix les charmes; {==247==} {>>pagina-aanduiding<<} Maintenant égaré, noyé d'armères larmes, Pour prix de tant d'amour, du plus tendre serment, L'implacable remords est son seul aliment...’ Ici, le désespoir m'a montré ta victime; J'ai frappé mon enfant..... J'ai consommé ton crime. Alexis! je me meurs... Ne crois pas m'échapper. Dans une horrible nuit je veux t'envelopper; Spectre pâle et hideux, ta malheureuse amante T'offrira de ton fils la blessure sanglante, Et le jour de ta mort, vengeur d'un crime affreux, Ton fils, armé d'un fer, t'interdira les cieux!... Là, baigné dans son sang répandu par sa mère, Il était à mes pieds: sa mourante paupière S'ouvrait par intervalle et se tournait vers moi. Mes yeux le regardaient avec un morne effroi. Toute ma vie, hélas! fuyait avec la sienne!..... Mais qu'entends-je? grand Dieu! que ta main me soutienne! C'est la voix des bourreaux... On m'entraîne à la mort. Eh bien! qu'attendez-vous? j'y cours avec transport. La mort, oui la mort seule est mon dernier refuge, Et mon coupable coeur approche de son juge. O toi, qui m'as plongée en ce gouffre d'erreurs, Infidèle Alexis! au moment où je meurs, Je te pardonne. Et vous, mes compagnes chéries, Plaignez-moi; de l'amour craignez les perfidies. Juste ciel! l'échafaud..... Je t'implore, ô mon Dieu! Alexis, c'en est fait: la mort m'appelle... Adieu!... {==248==} {>>pagina-aanduiding<<} Elle dit: le bourreau saisi de tant de charmes, Dans ses yeux attendris sentit rouler des larmes, Attacha tout tremblant le funeste bandeau, Et d'un bras incertain fit tomber le couteau. Ainsi languit et meurt, sur sa tige penchée, Une fleur du printemps que le fer a touchée! Page 228, vers 18. Le Breton de Sheakspear aimait le goût bizarre. Ce vers prouve combien le goût de Helmers était épuré. Il serait injuste sans doute de refuser du génie à Sheakspear; mais l'admirateur de Racine ne pouvait se plaire aux compositions tantôt sublimes, tantôt bizarres du poète anglais. Page 228, vers 20. Tel fut l'art d'Apollon dans ce siècle où Vondel Couvrit ses grands travaux d'un éclat éternel. Je supprime ici une comparaison fort belle et fort étendue, parce qu'elle termine déjà le troisième chant de ce poème. Si Helmers avait vécu assez long-temps pour revoir son ouvrage, il ne se serait pas permis de copier mot à mot douze vers d'un chant, pour les transporter dans un autre où ils font beaucoup moins d'effet. Page 229, vers 1er. Heureux si les serpens de la hideuse Envie N'eussent pas de leur souffle empoisonné sa vie! {==249==} {>>pagina-aanduiding<<} La suppression de la comparaison dont je viens de parler, a exigé quelques changemens dans ce passage qui, au fond, rentrait dans les idées déjà développées plus haut. D'après Helmers, il paraîtrait que deux critiques, Monens et Sewels, ont écrit, dans le temps, contre Vondel. Mais il sortit vainqueur de la lutte où ses ennemis l'avaient engagé. Il y a eu de tout temps des Zoïles dans la littérature: il faut qu'il y ait des chenilles, dit Voltaire, parce que les rossignols les mangent pour mieux chanter. Page 229, vers 9. Aux côtés de Vondel, brillant de tout son lustre, Quel génie étonnant lève sa tête illustre? Dans cet éloge de Hooft, Helmers semble avoir voulu lutter de concision avec Tacite, près de qui il aime, avec justice, à placer son héros. Il était impossible d'imiter le laconisme de notre poète sans devenir obscur: j'ai donc cru convenable d'étendre sa pensée en conservant le fond des choses. Page 229, vers 15. Au récit des forfaits par l'Ibère enfantés. Dans ses Histoires des Pays-Bas, Hooft a point, avec des couleurs énergiques, les atrocités des Espagnols dans notre patrie, et le courage merveilleux des Belges et des Bataves. Page 229, vers 19. Ah! laissez approcher cet auguste vieillard. {==250==} {>>pagina-aanduiding<<} C'est Barneveldt, cet appui ferme et constant des États et des Provinces-Unies. Son trop grand zèle lui attira l'inimitié de Maurice. Il périt, au commencement du 17e siècle, victime de son amour pour la liberté. Page 230, vers 4. Mais quand son rejeton, oubliant sa naissance, Du rang de magistrat dégrada la puissance, Et singeant d'un Gracchus la souple urbanité, D'un peuple turbulent flatta la vanité, Cette ombre gémissante, et de larmes baignée, Voila son front illustre et s'enfuit indignée! Sans chercher à découvrir à qui Helmers fait ici allusion, j'admire ce mouvement sublime de sa muse: l'ombre de Barneveldt habitant pendant deux cents ans l'enceinte où sa voix prit la défense de la liberté, et s'enfuyant, la tête voilée, quand un indigne rejeton de cette tige illustre s'avilit devant le peuple! Que cette idée peint bien l'indignation du poète! Tibérius Gracchus, pour obtenir une seconde fois la charge de tribun, se retira un jour au Capitole, où, par des signes, il voulut recommander son salut au peuple. Les riches feignirent qu'il demandait le diadème; et on l'assassina, l'an de Rome 621. Page 231, vers 17. Enfant de la nature, aux bords d'un clair ruisseau, Il sut de Théocrite enfler le chalumeau. Poot, natif d'Abtswoude, village près de Delft, fut d'abord cultivateur. Le soir, il se délassait de ses travaux rustiques, en {==251==} {>>pagina-aanduiding<<} s'exerçant à faire des vers. Il lut Hooft, Vondel et la traduction des auteurs grecs et latins; et devint ainsi le poète de la nature. Page 231, vers 20. J'écoute Antonidès et sa lyre brillante. A l'âge de 18 ans, Antonidès composa une tragédie; à vingt, il publia son poème de Bellone aux fers; et, plus tard, son poème sur la rivière de l'Y fit sa fortune. Il mourut dans la force de l'âge. Page 231, vers 23. Le patriarche d'Ur rappelle à ma mémoire D'un élu d'Apollon la poétique histoire. Les Hollandais regardent l'Abraham de Hoogvliet comme un poème épique. Cet ouvrage, placé peut-être dans un rang un peu trop haut, n'en est pas moins très-estimé des connaisseurs. Page 232, vers 1er. Haren, son luth en main, réveille notre audace. Les frères de Haren ont tous deux illustré leur patrie. Onno Zwier Van Haren composa un poème national qui passe pour un chef-d'oeuvre: sa plume y retrace, avec énergie, la domination espagnole dans notre pays, jusqu'à l'arrivée du prince d'Orange. Page 232, vers 3. Qui ne connaît Winter, ce rival de Thompson? {==252==} {>>pagina-aanduiding<<} Ce poète a traduit l'auteur des Saisons en vers dignes de l'original. Son fils a excellé dans la poésie lyrique. Page 232, vers 9. Bataves, sur la tombe où Bellamy repose, Plantez en gémissant le cyprès et la rose. Bellamy mourut en 1786, à l'âge de 28 ans. Les muses hollandaises perdirent en lui un jeune poète qui, peut-être, aurait surpassé tous ses contemporains. Ses poésies érotiques sont charmantes; mais il serait très-difficile de les traduire en français. Elles portent un caractère trop original pour laisser l'espoir de réussir à les transporter dans une langue où la naïveté est souvent si près du ridicule. Ses chants patriotiques sont de la plus grande beauté. Page 232, vers 23. Célébrant Véléda dont le regard perçant, Bien loin dans l'avenir; embrasse le présent. Véléda fut une fameuse devineresse qui régna dans la Germanie où on la révèra, dans la suite, comme une divinité. Chez les anciens Bataves, comme chez les Germains, elle présidait à l'avenir. Page 232, vers 25. De nos mobiles tours des hymnes s'élevèrent. Au temps où nous reporte ici le chantre de la Nation-Hollandaise, on se servait de tours mobiles, appelées en hollandais Wagen- {==253==} {>>pagina-aanduiding<<} burgen, d'où les guerriers lançaient leurs dards sur les ennemis. Les femmes restaient dans ces espèces de forts, et par des chants de gloire excitaient leurs maris qui combattaient sur le champ de bataille. Page 233, vers 10. Les Lannoy, les Schurmans, dans le sacré vallon, Parèrent leurs attraits du laurier d'Apollon. Anne Marie Schurmans fut la femme la plus célèbre de son siècle: elle a laissé des écrits en sept sortes de langues. Hoofman, Lannoy, et Van Merken particulièrement, ont aussi cultivé les muses avec succès. Un auteur du 17e siècle assure que Marie Schurmans était comme l'abrégé de toutes les sciences et des beaux-arts. Vossius, Sommaise et d'autres grands hommes ont fait l'éloge de cette admirable personne. Page 234, vers 20. Ah! l'Europe, sur nous attachant ses regards, Contemple nos savans qu'eût admiré la Grèce. Voici les noms des savans cités par Helmers dans ce passage: de Dousaas, Valkenaeren, de Burmans, Heinsius, de Bosch et Hemsterhuis, tous poètes et philosophes, qui ont écrit en grec et en latin. Parmi ces grands hommes, Dousaas et Heinsius méritent d'être remarqués particulièrement: Heinsius naquit à Gand en 1581. Il étudia en Zélande et en Hollande où il enseigna les lettres grecques et latines. La ville de Leyde le choisit pour son {==254==} {>>pagina-aanduiding<<} bibliothécaire; le roi de Suède le fit historiographe et conseiller de son royaume. Il laissa un fils digne de lui. La réputation de Dousaas n'est pas moins brillante. Il naquit à Noordwyk, en 1545. Il défendit Leyde contre les Espagnols, et fut nommé le premier recteur de l'université qui y fut fondée après sa délivrance. On l'appela le Varron de la Hollande. Il a laissé plusieurs ouvrages, et des remarques sur quelques auteurs latins. Ses quatre fils rivalisèrent de talens et de gloire. Dict. Hist. Page 235, vers 15. Et le nom de Kampen, environné d'hommages, De Saturne étonné bravera les outrages. L'architecte Van Kampen s'immortalisa par l'érection de l'hôtel-de-ville d'Amsterdam. Ce magnifique édifice fait l'admiration de tous les étrangers. Helmers a su opposer avec beaucoup d'art ce beau monument à la célèbre église de St.-Pierre, à Rome: l'âme nationale de notre poète ne pouvait laisser échapper une comparaison qui, à juste titre, plaçait dans un rang élevé l'architecture de notre pays. Page 237, vers 3. Comment le fier Breton, devant tant de splendeur, N'est-il pas embrasé d'une noble chaleur? Les Bretons d'aujourd'hui ont senti cette noble chaleur; ils ont fait l'acquisition d'un grand nombre de tableaux tant en France que dans notre patrie. {==255==} {>>pagina-aanduiding<<} Page 237, vers 19. Ah! dèjà, célébrant cet art inspirateur, Mon luth a répété les accens de mon coeur. Helmers a composé une fort belle ode sur la Peinture; elle fait partie des Études poétiques que j'ai publiées. Page 237, vers 21. Vandervelde! j'entends le bruit de tes cascades. Helmers cite plusieurs peintres qui n'ont pu tous trouver place dans mes vers; ceux que j'ai dû renvoyer dans ces notes sont: Miens, Bot, Hals, Slingeland et Vanderwerf. Page 238, vers 8. Et toi, divin Rembrandt, dontl 'audace inspirée Embrasa ta palette au feu de l'Empyrée. Rembrandt vivait au 17e siècle. Il était né avec un génie créateur. Des bords du Rhin, lieux de sa naissance, il vint s'établir en Hollande, où il mourut en 1674. On a dit de lui qu'il aurait inventé la peinture, si elle n'avait pas existé. Il n'embellit point la nature; mais il la rend avec une vérité frappante: ses portraits semblent vivre sur la toile. Comme presque tous les artistes, Rembrandt était parfois original et avait des caprices. On raconte qu'achevant un tableau de famille dans la maison de la personne qui lui avait commandé ce travail, on vint lui annoncer la mort d'un singe qu'il aimait beaucoup. Soudain, il le fait apporter, et, déplorant sa perte avec une sensibilité extrême, sans égard pour {==256==} {>>pagina-aanduiding<<} les personnes qu'il venait de placer dans son tableau, il trace sur la même toile le portrait de l'animal. Toutes les instances possibles ne purent le décider à effacer ce nouveau personnage. Pour cette fois, sa sensibilité l'emporta sur son avarice: il ne vendit pas son tableau, et le singe passa à la postérité avec la famille qui s'était fait peindre. fin des notes du sixième chant. (1) On prononce Hambrouk. J'ai cru devoir laisser subsister l'orthographe des noms propres, en les employant pour le nombre de syllabes qu'ils ont dans leur prononciation; la double voyelle se prononçant comme une simple longue. (1) Jochem Narebout vivait au 17e siècle; il était matelot au service des Pays-Bas, et se trouva en 1692 au cap de Bonne-Espérance, où, dans la plus horrible tempête, il sauva, avec un courage et une présence d'esprit admirables, tout l'équipage d'un navire des Indes-Orienlales que l'ouragan avait fait échouer. (1) Il y a ici une petite faute historique qui, au fond, ne fait rien à la chose. Les mêmes héros ne s'embarquèrent pas une seconde fois: trois avaient été remplacés par d'autres; mais tous sont dignes des mêmes éloges. La patrie cite leurs noms avec orgueil. Puisse la postérité la plus reculée se souvenir encore d'Arien-Cornelis Kramer, fils; Leendert de Wit; Cornelis Zuidewind; Willem-Jacobus Bregman; Reyer Groeneveld; Jacob Bun; Reindert Kruk; Cornelis Quak; Jan Prins et Pieter Van 't Hof! Les sept premiers nommés firent le second et le troisième voyage; Reindert Kruk regagna seul la rive. (1) Kramer, vieillard sexagénaire, qui avait vu périr son fils devant lui, quelques jours après, s'exposa de nouveau à la mort, pour sauver des flots de malheureux nochers qui luttaient contre la tempête. Quand le dieu du trident, de ses eaux vagabondes, Couvrira nos cités, nos campagnes fécondes, On dira leurs exploits, et nos derniers neveux, Croiront prêter l'oreille à des faits fabuleux. la nation hollandaise, chant II.