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Mentalités religieuses au Moyen Age dans les Pays-Bas du sud. Bilan d'une recherche.
Henri Platelle
Professeur aux facultés catholiques de Lille Lille (F)
Depuis une vingtaine d'années, nous avons consacré bon nombre de travaux à l'histoire des mentalités médiévales, spécialement dans les anciens Pays-Bas. Il nous a semblé légitime, peutêtre utile, d'essayer de faire le point, c'est-à-dire de donner une présentation raisonnée de cette recherche, une présentation ordonnée par thèmes, qui permette à la fois de bien comprendre les problèmes généraux et de ne pas perdre le contact avec le détail des faits. Une telle manière de procéder suppose, malgré tout, certains développements; il ne nous a donc pas été possible d'être complet, c'est-à-dire de couvrir tous les domaines que nous avions abordés. Nous nous sommes donc borné à ce qui touche directement les mentalités religieuses, la religion populaire, ses ombres et ses lumières. Les sacrifices que nous avons dû consentir sont évidemment regrettables, car, étant donné l'ubiquité de l'Eglise et de la religion dans la société du Moyen Age, des secteurs plus profanes, comme celui de la violence, de l'imposture, du scandale, etc... auraient pu nous apporter de précieux compléments d'informations. Mais il n'y avait pas moyen de faire autrement et on s'apercevra sans doute que la moisson est déjà fort abondante.
Bien entendu, une telle recherche est en dépendance de certaines orientations de l'historiographie actuelle, mais elle est personnelle dans ses moyens et son esprit. Elle ne prétend donc pas donner sur tous les points abordés l'état exact de la science,
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d'autant plus qu'elle est faite d'une série de flashes. Simplement nous espérons que sous cette présentation ramassée, elle pourra retenir l'attention, suggérer des pistes, nourrir des comparaisons, bref contribuer l'oeuvre commune. Ajoutons encore qu'en écrivant ces pages nous avons songé également aux nonspécialistes désireux de s'instruire sur l'âme de leurs pères. C'est pourquoi nous avons visé à la plus grande transparence possible, en essayant même de faire passer jusqu'au lecteur le frisson de certains textes.
C'est un peu pour toutes ces raisons qu'on ne trouvera pas en tête de cette étude des considérations générales et abstraites sur les mentalités ou la religion populaire. Ces notions complexes se préciseront peu à peu, méthodiquement, au fur et à mesure que dans l'exposé les différents aspects du problème seront envisagés. Toujours, en tout cas, face à ces réalités religieuses pleines de contrastes, nous avons cherché à garder une attitude de modération (ou de modestie) à base de sympathie.
Le problème des références a été résolu de la manière suivante. On trouvera en annexe une liste de nos travaux qui traitent de manière assez directe de l'histoire des mentalités médiévales dans nos régions (tous, nous l'avons dit, n'ont pas été ici effectivement utilisés). Chacun d'eux est affecté d'un numéro d'ordre en chiffres romains et ce sont ces chiffres romains, répétés dans le cours de l'exposé, qui permettront de retrouver les articles et donc les justifications nécessaires.
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La ‘joyeuse entrée des saints’.
On ne comprend rien à la religion de nos ancêtres si l'on ne saisit pas l'amitié, la confiance, l'intimité qui les unissaient à leurs saints préférés. C'est pourquoi nous devons commencer notre démarche en pénétrant à leur suite dans ‘le ciel des saints’.
Entre une communauté chrétienne et le saint qu'elle vénérait, il existait comme une sorte d'engagement mutuel. On le priait, on le fêtait, on tremblait devant lui, mais inversement le saint était obligé de défendre, de faire triompher le droit. Lorsque par malheur il semblait oublier son rôle, on avait l'impression d'une rupture de contrat, qui pouvait amener les fidèles à des mesures de coercition, d'inspiration magique. D'une certaine
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manière, il en allait du saint comme du prince. Celui-ci, peu après son avènement, faisait sa ‘joyeuse entrée’ dans ses principales villes et renouvelait à cette occasion les privilèges. De même les grandioses festivités qui scandaient le culte des saints (élévations, translations, processions) constituaient autant de joyeuses entrées qui scellaient une étroite solidarité.
Ce sentiment était encore renforcé par l'impression de proximité que procuraient les reliques. Assurément on savait que le saint était un être céleste qui habitait le ciel en compagnie de Dieu, mais on était aussi persuadé que les reliques, un peu à la manière d'un sacrement, le rendaient effectivement présent, avec toute l'ambivalence du sacré, à la fois favorable et redoutable. Un tel climat était évidemment propice à bien des outrances. Mais cette ferveur extraordinaire avait aussi ses vertus, quand ce ne serait que dans sa visée: cet ardent appel lancé vers l'Au-delà. Premier exemple de ces contrastes qui se retrouveront à toutes les étapes de notre étude.
Prenons le cas de sainte Aldegonde, cette sainte du VIIe siècle qui fut à l'origine du monastère et de la ville de Maubeuge (XIII). A six reprises, entre le VIIIe et le XIIe siècle, sa vie fut consignée par écrit. Or la quatrième de ces biographes (fin du XIe siècle) commence par une préface fortement pensée sur le thème du culte des saints. Dieu, nous dit l'auteur, a de tout temps prévu des moyens de salut pour les hommes. Ils peuvent être éclatants, comme les enseignements révélés ou la beauté de l'Eglise universelle; ils peuvent aussi être plus discrets, comme les exemples des saints, qui sont donc des reflets, adaptés à la faiblesse humaine, de la puissance et de la miséricorde de Dieu. ‘Partout le Sauveur brille dans ses membres. Son nom est comme une huile épanchée; il éclate comme le tonnerre, il se répand partout comme une pluie par l'Evangile, par les Apôtres, par les docteurs, par les exemples des saints’.
On ne peut mieux dire. Dans la pratique cependant, cette doctrine si sûre s'accompagnait d'usages étranges, qui persistaient en dépit de toutes les mises en garde. En 1161, puis en 1459, le corps de sainte Aldegonde fut transféré d'une ancienne châsse dans une nouvelle plus précieuse. Ce fut naturellement chaque fois l'occasion de grandioses cérémonies qui permettaient à
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Abbaye de Marchiennes, Albums de Croy, Bibliothèque Nationale de Vienne, Ms. min. 50, t. 12, fo 28 ro.
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tous de ‘voir’, au sens le plus concret du terme, la ‘patronne du pays’. L'évêque en effet, au cours de la translation, montrait aux fidèles les reliques nues - un pied auquel adhéraient encore la peau et les ongles, la tête qui conservait une partie de sa peau et beaucoup de cheveux - et donnait ensuite la bénédiction avec ces débris sacrés. Le concile du Latran de 1215 eut beau interdire de telles pratiques comme propices au vol; elles se répétèrent sans changement en 1459. Ces textes si vivants, si sincères, si instructifs seraient à citer en entier.
Les reliques étaient donc bien autre chose qu'un simple souvenir. Elles assuraient une présence, une protection, le contact avec les origines. Qu'arrivait-il lorsqu'un prince puissant exigeait la cession d'un de ces corps vénérés? (XIV) C'est le cas de conscience qu'eut à résoudre l'évêque de Cambrai Fulbert (934-956) quand Otton le Grand lui demanda pour une de ses fondations saxonnes les corps de saint Géry et de saint Aubert, deux des premiers évêques du diocèse et qui étaient devenus les protecteurs spéciaux de la cité. Impossible naturellement de sacrifier ces ‘garants de la prospérité matérielle et du bonheur céleste des habitants’ (ce sont les termes mêmes des sources). Fulbert s'en tira donc en envoyant sous les noms de Géry et d'Aubert deux autres saints moins illustres, auxquels il ajouta tout de même quelques parcelles du corps de saint Aubert. On devine tous les problèmes d'authenticité que pouvaient engendrer de telles pratiques.
Dans des cas de ce genre, la fraude est parfaitement consciente, tout en s'accompagnant d'un certain souci de la vérité formelle (on demande un saint, on en envoie un...); d'autre part, et d'une manière assez paradoxale, ce formalisme supposait une estime réelle de la religion populaire. On se disait que la prière d'une âme simple, même appuyée sur un saint à l'identité douteuse, pouvait atteindre le coeur de Dieu. Il faudrait évoquer à ce propos l'enseignement de Guibert de Nogent († 1124) dans son Traité des reliques (XIV). C'est tout le problème de la religion populaire qui se trouve ainsi posé.
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La religion populaire.
Cette ‘religion populaire’ est une réalité bien difficile à cerner,
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Le cénotaphe de sainte Rictrude, oeuvre du XVIe siècle dans l'église paroissiale de Marchiennes.
car elle ne coïncide avec aucune division sociale ou ecclésiastique. Les princes en relèvent souvent, tout autant que les paysans; les ‘hommes de la prière’ eux-mêmes et plus encore les religieuses y communient largement... La religion populaire se définit donc bien plutôt par des critères qualitatifs. C'est une certaine manière de sentir et de vivre le christianisme, marquée par la prédominance de la sensibilité, les entraînements collectifs, la tradition orale, l'appétit insatiable du merveilleux. On y trouve aussi des survivances immémoriales, dont l'inspiration païenne continue à transparaître malgré le vêtement chrétien. Bref, c'est un style religieux plein de contrastes, animé d'une extraordinaire vitalité.
Deux oeuvres vont nous mettre en contact avec cette religion populaire: les Miracles de sainte Rictrude et le Bonum universale de apibus de Thomas de Cantimpré. Sainte Rictrude était une noble veuve du VIIe siècle qui, après s'être retirée à l'abbaye de Marchiennes, lui avait légué tous ses biens. Elle était devenue naturellement la protectrice par excellence de ce lieu, secondée dans cette tâche par quelques autres saints de sa famille. Au XIIe siècle plusieurs moines de cette maison eurent à coeur de consigner tous les miracles accomplis par leur céleste
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patronne. L'ensemble forme un corpus considérable, du plus vif intérêt (XVII, XVIII). Thomas de Cantimpré (environ 1201-1272) connut une double carrière, d'abord en qualité de chanoine régulier de Cantimpré aux portes de Cambrai, puis comme dominicain à Louvain. Ces deux vocations successives lui imposèrent des tâches apostoliques auxquelles il se consacra sans réserve. C'est toute cette expérience qu'il condensa après 1256 dans son Bonum universale de apibus, sorte de traité de religion et de morale pratique, encadré dans un développement allégorique sur les abeilles. Ce qui fait le prix de cet ouvrage, ce sont les exempla, les innombrables historiettes qui viennent appuyer ses thèmes religieux (XV). Ces deux sources, en tout cas, présentent un trait commun: ce sont des oeuvres de propagande, qui par conséquent nous offrent à la fois un reflet de situations réelles et un modèle du comportement souhaité. Par quelque bout qu'on prenne le problème, on est donc sûr de trouver dans ces textes de précieuses indications sur les mentalités religieuses.
Le trait le plus apparent, c'est sans doute le ‘climat miraculeux’ qui enveloppe toute chose. Les fidèles sont persuadés que Dieu intervient sans cesse dans leur vie, et par des voies volontiers extraordinaires. Soit directement, soit par l'intermédiaire de la Vierge, des saints ou même de Satan, il avertit, il éprouve, il punit, il récompense, il sauve. Dans une telle perspective l'idée de chercher une explication naturelle à un phénomène en apparence étrange était à peu près exclue. On faisait ainsi très spontanément une ‘lecture miraculeuse’ des mille circonstances de la vie (XVII, XVIII). De là l'importance toute particulière accordée à la coïncidence qui est parfois la seule preuve du prodige. Les Miracles de sainte Rictrude concernent dans une proportion d'un tiers ce que l'auteur appelle des ultiones, c'est-à-dire des châtiments infligés aux ennemis du monastère. Or on n'y trouve presque jamais d'interventions extraordinaires du ciel. Le sort tragique qui frappe ces adversaires est en général la suite d'une maladie, d'un accident, d'un fait de guerre. Mais la proximité par rapport au délit et parfois une coïncidence parfaite de dates suffisent à convaincre les moines de la réalité du miracle.
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Vieille gravure représentant sainte Rictrude, abbesse de Marchiennes et sa fille sainte Eusébie.
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Une telle attention aux signes faisait des hommes de ce temps des ‘visuels’, et même des ‘voyants’. Ils étaient souvent gratifiés de visions - spécialement la nuit - qui annonçaient et parfois réalisaient déjà le prodige demandé. Ces messages étaient d'autant plus aisés à percevoir que subsistait toujours l'usage antique de l'incubation: le malade couchait parfois plusieurs nuits de suite dans le sanctuaire; en attendant une révélation ou une guérison.
Qu'une bonne part d'illusion se soit mêlée à toutes ces représentations, ce n'est pas douteux; qu'il y ait quelque chose de choquant à attribuer à Dieu les sentiments de vengeance qui peuvent habiter le coeur des hommes, c'est également certain. Mais comment en même temps n'être pas sensible à la force de ce sentiment religieux, à cette familiarité avec le monde invisible?
Franchissons maintenant une étape en demandant à Thomas de Cantimpré une vue d'ensemble de cette religion populaire (XV). Cette synthèse est, bien entendu, doctrinalement orthodoxe, mais en fait l'image qu'elle nous propose est gauchie par de fortes pressions sentimentales. Cette religion est pratiquement centrée sur la Vierge et sur Satan et d'autre part la pensée du Purgatoire y occupe une place tout à fait essentielle. Thomas, en théologien averti, sait fort bien que la source du salut réside dans le Christ et dans son sacrifice, mais concrètement, à travers ses mille historiettes, c'est la Vierge qui apparaît comme la plus puissante et la plus miséricordieuse. Jésus, nous explique-t-il, est semblable à la licorne, cet animal fabuleux que seule une vierge pouvait dompter en touchant sa corne; la colère que l'Homme-Dieu éprouve à l'endroit du péché s'évanouit donc au contact apaisant de la Vierge-Mère.
Même glissement à propos du thème de Satan. L'auteur répète souvent que Satan n'est qu'une créature, qui n'agit qu'avec la permission de Dieu. Mais en fait le danger qu'il fait courir au chrétiens est tel que sa pensée acquiert une force obsédante. Il est présent partout, mais pour arriver à ses fins il combat d'une manière toute particulière la prière, la confession, la prédication; les dominicains, voués à ces activités, sont donc des victimes toutes désignées de sa colère. C'est pourquoi, nous assure
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Thomas de Cantimpré. Vieille gravure. C'est par erreur qu'il est ici donné comme évêque suffragant de Cambrai.
Thomas, le maître général des dominicains Jourdain de Saxe (†1237) n'hésita pas à signer un pacte avec le Démon pour obtenir que ses jeunes religieux fussent délivrés de leurs tentations. En échange du calme ainsi promis, ils devaient pour un temps renoncer à la prédication et à la confession! Quant au Purgatoire, comment ne pas toujours songer à lui? Entre notre terre et ce monde douloureux, les frontières sont perméables.
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Les âmes des morts apparaissent fréquemment pour demander des secours ou donner des avertissements. C'est ainsi que l'empereur Otton IV, mort pourtant dans de grands sentiments de piété, revient sur terre pour demander 10.000 psautiers nécessaires pour sa délivrance...
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La pensée magique. L'ordalie et ses dérivés; la sorcellerie.
On a déjà pu se rendre compte que les ombres et les lumières se mêlaient dans cette religion populaire. Il nous faut maintenant préciser cette impression. Cette opposition tient essentiellement, selon nous, au contraste qui existe entre la magie et la religion. La magie, au sens le plus général du terme, c'est cette conviction que l'on peut agir automatiquement sur les puissances surnaturelles par des formules appropriées. Le caractère bénéfique ou maléfique du résultat cherché (guérison ou mauvais sort) ne fait rien à l'affaire. La religion, au contraire, suppose l'intériorité; mais comme elle a besoin de s'appuyer, elle aussi, sur des rites et des formules, les frontières entre les deux attitudes ne sont pas franches. C'est avant tout une question d'état d'esprit.
L'inspiration magique est tout à fait évidente dans les ordalies ou jugements de Dieu, une pratique qui a connu un immense succès au moins jusqu'au XIIe siècle (XXV). Il s'agissait d'épreuves par lesquelles on pensait pouvoir obliger Dieu à se prononcer sur une question de culpabilité. Elles fonctionnaient en somme comme des détecteurs de mensonge, puisque Dieu en définitive désignait celui qui disait la vérité. Or cette institution a débordé le champ légal qui était le sien, puisque, à côté des ordalies prévues par les textes réglementaires on trouve dans la pratique des usages d'inspiration exactement semblables, qui n'avaient pour eux qu'une obscure exigence populaire. C'est sur cette frange que nous allons nous situer, en utilisant la documentation régionale.
Premier problème: la pénitence des parricides (VII et XXVII). L'historien H. Fichtenau, traitant de la situation des ‘pauvres’ à l'époque carolingienne, évoque l'armée des errants qui tournoyaient dans l'empire. Et il termine son tableau en disant: ‘des silhouettes étranges, ressemblant à des fakirs, surgissaient
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Thomas de Cantimpré et le miracle eucharistique de Douai en 1254 (H. Choquetius, Sancti Belgi Ordinis Praedicatorum, Douai, 1618).
ici ou là: des hommes nus chargés de chaînes que leurs péchés chassaient de ci, de là’. Ces ‘silhouettes étranges’ étaient des parricides, c'est-à-dire des hommes qui avaient tué un de leurs proches parents par le sang. La législation carolingienne les abandonnait à la pénitence liturgique relevant des évêques et cette pénitence n'était autre que celle même de Caïn: ‘Tu seras errant et fugitif sur la terre’ (Gen. IV, 12). Mais en outre l'habitude s'était prise, en dehors de toute prescription officielle, d'imposer à ces criminels le port d'anneaux de fer autour des bras et des jambes, parfois même autour de la poitrine et du ventre. Ces malheureux erraient ainsi de sanctuaire en sanctuaire (Charlemagne qui ne les aimait pas les appelait des nudi cum ferro, des ‘hommes nus porteurs de fers’) jusqu'au jour
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où, par suite de l'usure ou de quelque autre raison, les rivets de ces anneaux sautaient brusquement. Ce dénouement était considéré comme la preuve du pardon enfin accordé.
Comment ne pas penser à ce propos à l'ordalie classique? De même que dans l'épreuve de l'eau froide ou de l'eau chaude, du fer rouge ou du duel judiciaire, Dieu faisait connaître celui qui avait le bon droit pour lui, de même par cette rupture miraculeuse des liens il signifiait qu'un grand coupable pouvait enfin réintégrer le troupeau fidèle. Cet automatisme est tout à fait caractéristique de la pensée magique. De telles scènes se retrouvent dans des textes nombreux et concordants qui s'échelonnent du IXe au XIIe siècle et certains, précisément parmi les plus explicites, appartiennent à notre région. Ils sont à chercher en particulier dans les Miracles de sainte Walburge de Tiel (XIe siècle), dans les Miracles de saint Winoc, écrits par Drogon de Bergues peu après 1070, ou encore dans la Vie de l'ermite Bernard de Saint-Omer (†1182).
C'est encore sous le signe de Caïn que se situe la seconde pratique que nous voudrions présenter. Dans le récit de la Genèse (IV 10), l'Eternel dit au meurtrier d'Abel: ‘La voix du sang de ton frère s'élève de la terre jusqu'à moi’. Cette ‘voix du sang’ comprise de façon littérale a servi de justification à une ordalie populaire fort étrange, qui a connu une vaste diffusion sans jamais figurer dans un texte réglementaire (XII). On était en effet persuadé que, si l'on mettait le cadavre d'un homme assassiné en présence de son meurtrier supposé, le cadavre saignait si le suspect était véritablement coupable. C'était au sens le plus concret du terme ‘la voix du sang’, l'accusation suprême de la victime.
Le dossier qui se prolonge jusqu'au XVIIe siècle est fort abondant, alimenté à la fois par les sources historiques qui prétendent dire la vérité et par les sources littéraires qui relèvent de la pure imagination. Les anciens Pays-Bas y sont représentés par le témoignage de Thomas de Cantimpré - toujours lui - qui dans deux historiettes met en scène ‘l'épreuve du cercueil’. Fait plus important, il signale en passant qu'il a entendu parler de phénomènes semblables en beaucoup d'endroits.
La place nous manque pour présenter ces épisodes pourtant
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L'ordalie du fer rouge. Détail du tableau de Thierry Bouts, La justice de l'empereur Othon, Bruxelles.
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bien intéressants; mais nous devons au moins souligner la signification d'ensemble de ces accusations post mortem, considérées comme des jugements de Dieu. Il semble bien que l'explication soit à chercher dans deux directions. D'une part les Anciens et les Germains étaient persuadés du caractère maléfique des défunts emportés par une ‘mort prématurée’: ces infortunés, qui n'avaient pas eu leur part de bonheur ici bas, cherchaient à se venger, spécialement aux dépens de l'auteur de leur malheur. D'autre part, on constate qu'au Moyen Age la frontière entre ce monde et l'Au-delà avait un caractère très flottant: nous l'avons déjà fait remarquer à propos du Purgatoire. Quand tant d'âmes en peine apparaissaient pour demander des prières, pourquoi un mort n'aurait-il pas pu dénoncer son meurtrier par la ‘voix du sang’?
La clamor liturgique, dont il nous reste à parler, ne se présente pas officiellement comme une ordalie, mais relève pourtant du même état d'esprit (XVII, XVIII). Il ne s'agissait pas cette fois de décourir un coupable - qui n'était que trop connu - mais de l'obliger à venir à résipiscence par l'intermédiaire d'une contrainte exercée sur Dieu et sur les saints et c'est ici qu'on retrouve l'inspiration fondamentale des jugements de Dieu. Les moines ont eu souvent recours à ce moyen d'intimidation pour venir à bout des potentats laïques qui opprimaient leurs biens (seigneurs, avoués, officiers domaniaux). Il s'agissait d'une plainte (clamor) adressée en bonne et due forme à Dieu et appuyée par le traitement infâmant des reliques. Cette procédure dramatique pouvait être plus ou moins étoffée et tous les degrés se rencontrent, par exemple dans les textes de Marchiennes, de Saint-Amand ou d'Anchin. On pouvait se contenter de l'excommunication lancée par les prêtres du monastère; on pouvait aussi renouveler quotidiennement cet anathème au moment de l'Elévation après la Consécration, tandis que toute la communauté était prosternée sur le sol; on pouvait enfin descendre la châsse de la sainte, la déposer sur des épines, jusqu'au moment où ‘la paix’ serait enfin rétablie avec le coupable. Une forme plus populaire qui n'a plus rien de liturgique consistait à fouetter la statue du saint pour le punir de son apparente indifférence. C'est ce que fit, paraît-il, à Marchiennes, le pieux
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moine Fulcard dans un moment tragique où il était à peu près le seul gardien du monastère abandonné.
Il est à peine besoin de souligner l'inspiration magique de telles pratiques: l'être céleste qu'est le saint est tout à fait identifié à un objet et on pense pouvoir lui commander par des moyens automatiques. Le concile de Lyon de 1274 condamna d'ailleurs comme ‘un abus détestable’ cette façon de traiter reliques et images saintes, même avec de bonnes intentions.
C'est pourtant la sorcellerie qui forme le terrain d'élection de la magie: qu'il s'agisse de la magie traditionnelle (recettes folkloriques aux effets bénéfiques ou maléfiques) ou du mythe qui est en train de se créer d'une contre-religion diabolique accompagnée d'orgies (le sabbat). Sur tout cet ensemble de pratiques et de rêves, on ne peut ici que signaler l'extrême intérêt des consultations de Gilles Carlier, doyen du chapitre de Cambrai de 1431 à 1472 (XIX). Leur principal mérite est de révéler l'opposition de deux mentalités: les usagers qui incorporent ces techniques à leur christianisme, les théologiens qui les interprètent comme un recours plus ou moins explicite au Démon.
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Les grands élans de la conversion.
S'il est assez facile de souligner les ombres de la religion populaire, on est plus embarrassé quand il faut parler de ses lumières. Non pas que celles-ci fassent défaut, mais parce qu'on pourrait se demander si ces grands élans de ferveur méritent encore l'étiquette de ‘populaire’. Si la religion populaire est celle de l'homme ordinaire, il faudrait alors en exclure tout ce qui est recherche plus pure, plus ardente, plus généreuse.
Cette façon de poser le problème ne nous semble pas correcte. A notre avis, la religion populaire avec toutes les caractéristiques que nous avons vues plus haut - et même avec ses outrances - était une sorte de fond commun à peu près universellement répandu; mais dans des milieux restreints des fleurs plus belles pouvaient sortir de ce riche terreau. C'était le fruit d'influences nouvelles et du jeu - toujours essentiel en ce domaine - de la grâce et de la liberté humaine. Bref, il n'y a pas de cloison étanche entre le modèle populaire et le modèle
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mystique. De l'un à l'autre les passages sont constants: quelques exemples suffiront à le prouver.
Voici, pour commencer, la belle histoire du marchand cambrésien Wérimbold (mort entre 1122 et 1130) (XVI). Cet homme riche est un jour touché par le grand mouvement religieux de son temps: celui de la Vita apostolica, entendons par là le désir passionné d'imiter le genre de vie des apôtres et des premiers chrétiens. Wérimbold et sa femme prononcent donc le voeu de chasteté, casent leurs quatre enfants dans différents monastères et renoncent à leurs biens. Wérimbold consacre désormais toute sa fortune à des oeuvres de charité et finit par s'établir comme serviteur des pauvres dans un hôpital qu'il a comblé de générosités. Cette conversion, réalisée, comme le dit le biographe, pro amicitia Christi, annonce directement celle d'autres favorisés de la fortune: le marchand lyonnais Pierre Valdo en 1173 et surtout Saint François d'Assise en 1206. Un détail encore, qui n'est pas sans signification: quand l'épouse de Wérimbold et ses quatre enfants embrassèrent la vie religieuse, ils durent ‘apprendre le psautier qui leur était inconnu’; comprenons qu'ils durent apprendre à lire. Ces gens riches n'appartenaient donc pas à l'élite du savoir.
Quatre-vingts ans plus tard, vers 1200, on trouve à Cambrai d'autres exemples de conversions de notables, qui s'accompagnent cette fois de toute une paraliturgie d'inspiration très populaire (XXVI). Le mélange des genres est ici tout à fait évident. A l'origine de ce mouvement se trouvait Jean de Cantimpré, le fondateur de cette maison de chanoines réguliers, à laquelle appartint le célèbre Thomas. Ce saint homme prêchait avec passion contre l'usure et parfois avec succès. On nous dit que certains de ses auditeurs, touchés jusqu'au fond du coeur et ne voulant plus rien conserver des richesses injustement acquises, abandonnèrent en public tous leurs vêtements tandis que le saint s'écriait: ‘Qui donc couvrira mes fils devenus pauvres et nus pour le Christ?’ On songe évidemment au geste sublime de saint François (1206), mais notre scène précède cet événement, tout comme notre source est antérieure à la première vie du Poverello. Un de ces convertis alla même plus loin et imagina toute une mise en scène pour dramatiser son change- | |
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ment de vie: il fit creuser une fosse sous le seuil de sa maison, s'y étendit tout nu et s'en fit tirer la corde au cou. Après quoi, revêtu de vêtements blancs, il se rendit à la cathédrale pour une solennelle célébration de cette résurrection spirituelle. Il partit ensuite pour la IVe croisade (1204), en compagnie du comte Baudouin de Flandre, le futur empereur. La signification de ce véritable psychodrame est évidente: il mimait une nouvelle naissance, analogue à la première (la sortie du sein maternel) et à la seconde (la sortie de la cuve baptismale). Le plus intéressant, c'est que ce rite de la
fosse creusée sous le seuil est emprunté au droit pénal de certaines villes. Dans ces endroits, on en usait ainsi à l'égard du cadavre des suicidés, pour éviter de souiller le seuil sacré de la maison. On voit donc comment dans les plus hautes circonstances le langage religieux pouvait puiser ses moyens d'expression dans le répertoire des symboles populaires aux significations infinies...
De telles conversions - quelle qu'en soit la traduction extérieure - nous entraînent déjà sur la voie de l'intériorité. Nous retrouvons cette même orientation dans certaines historiettes de Thomas de Cantimpré, et ce fait est d'autant plus remarquable que son recueil privilégie énormément les aspects extérieurs et sentimentaux de la religion (XV). Voici, par exemple, comment il veut enseigner la contrition parfaite. Un homme avait violé sa propre fille. Saisi de remords, il va trouver l'archevêque de Sens Pierre de Corbeil (1200-1222) pour confesser son crime. Celui-ci impose une pénitence de sept ans (on ne dit pas de quelle nature). L'homme se récrie devant une telle indulgence, en disant qu'il est prêt à subir les pires tourments jusqu'à la fin du monde. L'évêque alors change sa pénitence et lui impose cette fois de jeûner trois jours au pain et à l'eau. Nouvelle protestation et nouveau changement, la pénitence étant réduite à un simple Pater noster. Sur le champ l'homme s'abat par terre et expire. Peut-on imaginer un enseignement plus parlant? La pureté et l'intensité du repentir - joint ici au sacrement - effacent progressivement toute trace de péché, rendent inutile toute expiation en ce monde et préparent le pécheur à entrer de plain-pied dans l'intimité de Dieu.
Nous voilà loin, pensera-t-on, du culte des reliques aux aspects
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souvent magiques. Détrompons-nous, car dans les cercles mystiques où l'on tendait à une vie d'identification avec le Christ, on se montrait tout aussi friand de ces gages sacrés laissés par les saints. Voici, par exemple, la bienheureuse Imaine de Looz, une cistercienne qui finit comme abbesse de Flines (1267-1270). C'était une amie de sainte Julienne du Mont-Cornillon, l'inspiratrice de la Fête-Dieu; elle partageait donc sa spiritualité centrée sur l'Eucharistie et la dévotion au Christ selon la chair. Or, à peine arrivée dans sa nouvelle maison de Flines, Imaine s'empressa de lui obtenir un prodigieux trésor: quatre-vingts têtes des Onze mille vierges de Cologne, cédées par son parent l'archevêque de la cité rhénane. Translation sensationnelle qui profita également à bien d'autres églises de la région (cf. E. Hautcoeur, Histoire du monastère de Flines, 2e édit., Lille 1909, p. 59-68). Catholicisme un et divers, c'est toujours à cette conclusion qu'on est renvoyé: cette religion populaire est ouverte aux appels de la vie mystique et inversement, l'élite de la ferveur demeure attachée de bien des façons aux traditions populaires.
Il est tout de même des heures où cette religion du Moyen Age nous apparaît sous son jour le plus pur: non pas désincarnée, mais vraiment commandée par l'essentiel. C'est l'image que nous fournit notamment ‘la mort précieuse’ des moines (XXII). Nous avons ainsi étudié six cas des XIe et XIIe siècle, qui se rattachent aux maisons de Marchiennes, Anchin, Crespin ou à la cité épiscopale de Cambrai. A travers des récits détaillés et dignes de foi s'exprime une religion à la fois très concrète et très intériorisée. En ces ultimes instants, tout s'accomplit en public: c'est l'esprit du temps, puisque dans les familles les enfants sont convoqués au lit de mort de leurs parents. Dans les monastères, où tout est réglé par le coutumier, les moines sont donc ameutés au son du gong funèbre (une sorte de crécelle) pour venir assister un de leurs confrères agonisant, surtout s'il s'agit de l'abbé. Il sont là à la manière du choeur antique pour soutenir le dernier combat du mourant et l'on n'a que l'embarras du choix pour relever les traits d'une grande richesse spirituelle. C'est Liébert de Cambrai (†1076) qui meurt en écoutant le récit de la Passion; c'est Poppon de
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Stavelot (†1046) qui s'avance pieds nus sur le cilice et s'y étend pour y mourir; c'est Odon (†1113) qui, répondant aux questions rituelles de son entourage, déclare qu'il n'a pas peur de mourir, mais réclame en même temps l'aide des prières de la communauté; c'est saint Aybert, un ermite près de Crespin (†1140) qui meurt le jour même de Pâques: coïncidence relevée en termes magnifiques par son épitaphe: ‘C'est dans ce tombeau qu'est enfermé le reclus Aybert, célèbre dans le monde entier. Il immola sa chair sur la croix et fut l'Agneau immolé offert au Christ, le jour même où s'est accompli proprement la Pâque’. Nous sommes ici au sommet même de la religion chrétienne: l'identification au Christ Sauveur. Tout développement ne pourrait qu'affaiblir cet enseignement.
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Annexe
Travaux de l'auteur pouvant contribuer à l'histoire des mentalités médiévales dans les anciens Pays-Bas.
I. ‘Moeurs populaires dans la seigneurie de Saint-Amand’, Revue Mabillon, t. 48, 1958, pp. 20-38.
II. ‘Aventures romanesques dans la région de Saint-Amand au Moyen Age’, Bull. de la soc. d'études de la province de Cambrai, 1962, pp. 1-22.
III. ‘Les fondations de messes à Saint-Amand au Moyen Age’, Revue Mabillon, t. 54, 1964, pp. 1-14.
IV. ‘Esquisse de la vie religieuse de Lille au XVe siècle’, Ann. de la soc. d'émul. de Bruges, t. 103, 1966, pp. 125-176.
V. ‘Peurs et espérance au Moyen Age’, Mélanges de science religieuse, t. 26, 1969, pp. 3-21.
VI. ‘La vie religieuse de Lille au Moyen Age’ dans L. Trénard, Histoire de Lille, t. I, Lille, 1970, pp. 309-417.
VII. ‘La violence et ses remèdes en Flandre au XIe siècle’, Sacris Erudiri, t. 20, 1971, pp. 101-173.
VIII. ‘Vengeance privée et réconciliation dans l'oeuvre de Thomas de Cantimpré’, Revue d'Histoire du droit, t. 42, 1974, pp. 269-281.
IX. ‘Le problème du scandale: les nouvelles modes masculines au XIe et XIIe siècles’, Revue belge de phil. et hist., t. 53, 1975, pp. 1071-1096.
X. ‘La mesure du temps au M.A. Techniques et mentalités’, Bull. de la commission hist. du Nord, t. 39, 1975, pp. 5-25.
XI. ‘Erreur sur la personne. Contribution à l'histoire de l'imposture au M.A.’, Universitas, no spécial des Mélanges de science religieuse, 1977, pp. 117-145.
XII. ‘La voix du sang’, Actes du 99e congrès nat. des soc. savantes (1974), Paris, Bibl. Nat. 1977, pp. 161-179.
XIII. ‘Sainte Aldegonde et ses fidèles’, dans La Croix-Dimanche du Nord, 15-17 sept. 1978, 3 pages. La Vita IVa et le récit des translations se trouvent dans les Acta Sanctorum (éd. nov.) Jan. III, pp. 655-670.
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XIV. ‘Reliques circulant sous un faux nom: formalisme et religion populaire’ dans La religion populaire, Paris, C.N.R.S., 1979, pp. 95-102.
XV. ‘Le recueil de miracles de Thomas de Cantimpré et la vie religieuse dans les Pays-Bas... au XIIIe siècle’, Actes du 97e congrès nat. des soc. savantes (1972), Paris, Bibl. Nat., 1979, pp. 469-498.
XVI. ‘La conversion du marchand cambrésien Wérimbold et les courants spirituels de son temps’ dans Histoire des mentalités dans le Nord de la France, Lille, Commission historique du Nord, 1979, pp. 1-28.
XVII. ‘La religion populaire... d'après les Miracles de sainte Rictrude’ dans Alain de Lille, Gautier de Chatillon, Jakemart Giélée et leur temps, Lille, Presses universitaires de Lille, 1980, pp. 365-402.
XVIII. ‘Crime et châtiment à Marchiennes ... d'après les Miracles de sainte Rictrude’, Sacris Erudiri, t. 24, 1980, pp. 155-202.
XIX. ‘Les consultations de Gilles Carlier, doyen de chapitre de Cambrai (†1472) sur diverses affaires de sortilège’, Bulletin philologique et historique, année 1978, Paris, Bibl. Nat., 1980, pp. 226-252.
XX. ‘Promenade à travers les jeux médiévaux des anciens Pays-Bas’ dans Anciens jeux et divertissements du Nord de la France, Société d'émulation de Cambrai, 1980, pp. 1-6.
XXI. ‘L'image des Juifs chez Thomas de Cantimpré: de l'attrait à la répulsion’ dans Mélanges à la mémoire de Marcel-Henri Prévost, Paris, P.U.F., 1982, pp. 283-306.
XXII. ‘La mort précieuse. La mort des moines d'après quelques sources des Pays-Bas du sud’, Revue Mabillon, t. 60, 1982, pp. 151-174.
XXIII. ‘L'enfant et la vie familiale au Moyen Age’, Mélanges de sciences religieuses, t. 39, 1982, pp. 67-85.
XXIV. ‘Les énigmes relatives à la parenté et la légende valenciennoise de l'Atre de Gertrude (1394)’, Sacris Erudiri, t. 25, 1982, pp. 203-229.
XXV. ‘Ordalies’, notice à paraître dans l'Encyclopédie Catholicisme.
XXVI. ‘Conversions spectaculaires et langage symbolique (Cambrai XIIe siècle). De la polyvalence des symboles’ le Bulletin philologique et historique, 1980 (1983) pp. 27-38.
XXVII. ‘Pratiques pénitentielles et mentalités religieuses au Moyen Age. La pénitence des parricides et l'esprit de l'ordalie’, à paraître dans les Mélanges de science religieuse, t. 40, 1983, pp. 129-155.
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Samenvatting:
In deze bijdrage wordt een balans opgemaakt van diverse studies die de auteur de laatste decennia wijdde aan de middeleeuwse mentaliteitsgeschiedenis; een bijzondere aandacht kreeg hierbij de religieuze mentaliteit, de volksdevotie. Aan de basis van de volksdevotie ligt de heiligenverering. Er bestond tussen gelovigen en heiligen een hechte band, die nog werd versterkt door de aanwezigheid van relikwieën. Relikwieverering had niet alleen positieve kanten, maar gaf soms ook aanleiding tot misbruik en fraude. Volksdevotie blijft echter een moeilijk te definiëren realiteit; ze kan worden gezien als een vorm van religieus beleven vol contrasten. De auteur probeert dit duidelijk te maken aan de hand van twee werken: de mirakelverhalen van de H. Rictrudis en Bonum universale de apibus van Thomas van Cantimpré. Soms wordt in de volksdevotie heel dicht de grens van de magie benaderd: dit blijkt onder andere uit het godsoordeel, een praktijk die zeker tot in de twaalfde eeuw bleef bestaan en de hekserij. Maar naast deze negatieve aspecten moet ook worden gewezen op bekeringen die werden bewerkstelligd (hier geïllustreerd aan de hand van een paar voorbeelden). Volksdevotie kan leiden naar een meer zuivere vorm van religieus beleven, maar liet ook dáár haar invloed verder gelden.
De auteur hoopt dat deze, weliswaar onvolledige, bijdrage een stimulans moge zijn voor verder onderzoek.
(Samenvatting door Michiel Nuyttens)
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