Une nouvelle génération de prosateurs
Depuis quelques années, une renaissance de la prose s'amorce en Flandre. La maison d'édition Kritak (Louvain) a aidé la jeunesse à se créer une image de marque en publiant un recueil sous le titre prometteur de Mooie jonge goden (De beaux et jeunes dieux). Parmi les treize dieux présentés dans cet ouvrage, il en est deux qui ont déjà fait beaucoup parler d'eux: Herman Brusselmans (o1957) et Tom Lanoye (o1958). Lanoye, surtout, s'est acquis une notoriété rapide et fracassante grâce à ses one-man-show poétiques. Cependant, il écrit aussi des nouvelles remarquables et sa prose, à la fois polémique et critique, est soignée - par exemple dans Het cirkus van de slechte smaak (Le cirque du mauvais goût, 1986). Il partage avec Brusselmans, qui a exclusivement écrit en prose jusqu'ici (quatre romans, dont le dernier, surtout, Heden ben ik nuchter (Aujourd'hui je suis sobre, 1986) a suscité un vif intérêt), une même attitude cynique vis-à-vis de l'individu et face au monde. Leur vision sarcastique et leur goût marqué pour le persiflage et la démystification sont déjà considérés comme des caractéristiques de la nouvelle génération de prosateurs et, de façon générale, de la jeunesse actuelle. Chez Brusselmans, en particulier, il est clair à présent que l'humour grinçant et la mégalomanie caustique ne sont là que pour masquer le refus, l'angoisse, l'incertitude et l'impuissance.
Néanmoins, il ne nous est certainement pas permis de parler d'une génération homogène de jeunes prosateurs qui pourraient être groupés sous un dénominateur commun. Dans le modeste recueil édité par Kritak se profilent déjà plusieurs autres tendances littéraires, dont le ton est moins ironique.
Parmi les jeunes auteurs, Stefan Hertmans (
o1951), dont l'oeuvre est représentée dans
Mooie jonge goden par une nouvelle fantastique truffée de doubles-fonds,
Een groter hoofd (Une tête plus grosse), mérite une attention particulière. Hertmans
Stefan Hertmans (o1951).
fit ses débuts en 1981 avec le roman
Ruimte (Espace), qui fut couronné deux fois en Flandre. Un recueil de poèmes,
Ademzuil (Colonne de souffle), suivit en 1984. Depuis, il a également publié des essais ainsi que des nouvelles dans diverses revues, parmi lesquelles on peut citer la nouvelle publication rédigée en néerlandais
Het Moment (Le moment), ‘revue trimestrielle de littérature et d'art’, et la prestigieuse revue
De Gids.
Tant la prose que la poésie de Hertmans baignent dans une atmosphère d'absolu et d'irréalité ou d'absence de référent. Son oeuvre est caractérisée par l'intégration subtile d'allusions à des auteurs et à des philosophes modernistes et postmodernistes. Hertmans aime l'abstraction, la distanciation, l'intériorisation. Tout cela fait en sorte qu'il est un écrivain ‘difficile’, inaccessible à beaucoup, mais aussi qu'il promet de devenir un auteur très intéressant.
A la fin du mois de mars 1986 parut le premier recueil de nouvelles en prose de Hertmans, Gestolde wolken (Nuages figés). En Flandre, ce livre a été d'emblée salué par la critique comme une innovation. Aux Pays-Bas, en revanche, il n'a inspiré à ce jour que scepticisme et réserves. Quoi qu'il en soit, nous sommes indubitablement en présence d'une oeuvre inhabituelle et surprenante, qui se situe à la frontière du fantastique et du grotesque. Ce sont des nouvelles dont le