vient finalement le compagnon fidèle du grand héros de théâtre et grâce à un talent brillant prend immédiatement sa “succession” lorsque Molière meurt prématurément. Il s'agit de Michel Baron, jusqu'en 1730 le plus grand acteur de théâtre de Paris. Tu es le premier à être informé de ces projets, garde-les pour toi provisoirement mais profondément enfouis, car je ne sais pas si le livre aboutira un jour!’ Bien que le synopsis ne fût que très brièvement relaté et qu'il ne fût question au départ que d'un court roman, il apparut clairement après quelques mois qu'il y avait autre chose derrière. Baron devenait un sujet de conversation fréquent, bien que l'écrivain ne distillât que quelques informations complémentaires. Il était manifestement embarrassé, il ‘carburait’, il ne faisait aucun doute que le roman irait plus loin que le seul Michel Baron.
Michel Baron restait le personnage principal de ce livre mais la France du xviie siècle avec son Roi Soleil, les dernières années dramatiques de la vie de Molière, les guerres, la population appauvrie des taudis de Paris et de la campagne ainsi que l'art de cette époque devraient être tout aussi déterminants et remplir à l'intérieur de l'ensemble une fonction importante. Ce qui devait être un court roman devenait un livre d'une énorme ampleur. Cela nous permettait de voir à cette occasion comment un écrivain savait mettre en oeuvre, jour après jour, à l'instar d'un jeune athlète de haut niveau, son expérience de presque soixante ans, le foisonnement de son imagination, la richesse de sa langue, sa profonde connaissance historique et son exceptionnelle concentration. Cela, malgré ses angoisses, sa fatigue et ses doutes qui lui jouent régulièrement des tours.
Prétention et arrogance sont étrangères à Theun de Vries. Au contraire, la modestie et une forte capacité à relativiser sont des qualités qui l'honorent comme en témoigne cet extrait de lettre datant de juin 1986: ‘Une petite
Couverture du livre ‘Baron. L'extraordinaire Michel Baron, son maître Molière et le faste du Roi Soleil.’
information qu'il me tenait à coeur de te donner. Avant hier, j'ai achevé le manuscrit du
Baron: mille pages tout juste. Tu comprendras que je suis fatigué et soulagé: je ne sais pas encore de ces deux sensations laquelle l'emportera. Quoi qu'il en soit, le travail est achevé (plus rapidement que ne le ferait Lubbers) et je peux me reposer sur mes lauriers. Ils sont encore un peu durs pour le moment. C'était pure folie naturellement que d'assumer un tel projet à mon âge. Habituellement, j'entends: regarde donc, avec quelle énergie ce grand-père, malgré ses soixante-dix-neuf ans, travaille encore dans son petit jardin - un géranium de plus! Et ce grand-père ambitieux et têtu a eu l'audace de planter tout un bois. Quel défi!’
En tout état de cause, le quatre-vingtième anniversaire de Theun de Vries s'inscrit sous le signe de la publication du Baron. L'extraordinaire Michel Baron, son maître Molière et le faste du Roi Soleil. Tel est le titre officiel de ce roman aux mille seize pages, qualifié à juste titre par l'éditeur d'apothéose du talent de l'écrivain.
Hans van de Waarsenburg
(Tr. M.-N. Fontenat)
theun de vries, Baron. De wonderlijke Michel Baron, zijn leermeester Molière en de praalzieke Zonnekoning (Baron. L'extraordinaire Michel Baron, son maître Molière et le faste du Roi Soleil), Querido, Amsterdam, 1987, 1016 p.