Cette formule, selon Schraenen, a ceci de révolutionnaire qu'elle permet de diffuser l'oeuvre dans le monde entier sans devoir passer par des galeries d'art, le marché de l'art, les critiques d'art. L'oeuvre d'art se voit ainsi dotée d'ailes! La fabrication et la diffusion de livres d'artiste prirent ‘provisoirement’ fin en 1978.
Entre-temps, grâce à des dons, des échanges avec ses propres publications, des contacts avec des amis artistes aux quatre coins du globe et, enfin, à des oeuvres acquises grâce au budget limité dont il disposait, un nombre considérable de documents, catalogues, ouvrages, posters et disques s'étaient accumulés chez Schraenen. Ainsi naquit l'idée de mettre sur pied des archives ‘vivantes’ de l'art contemporain et de toutes les expressions artistiques auxquelles est associé l'artiste. Ce projet d'archives uniques dans leur genre fut officiellement lancé en 1974 sous la dénomination d'Archives for Small Press & Communication.
Grâce à un classement exemplaire, Schraenen peut mettre sur pied en peu de temps, en puisant dans ses archives, des animations et des expositions. Une première initiative, en 1976,
Text Sound Image - Small Press Festival, montrait à Anvers, Gand et Bruxelles quelque 900 publications de petits éditeurs et d'éditeurs du circuit alternatif. Parmi les autres initiatives importantes de Schraenen, il convient de signaler le
Mail art project au Centre culturel international d'Anvers, en 1981,
Belgian Assemblings, en 1984, et, en 1985,
Avant-garde polonaise au centre culturel de Berchem-Anvers, où il est domicilié. L'année dernière, il organisa l'exposition
Je est un autre à la Galerie de l'Académie à Waasmunster, où il présentait un choix parmiles oeuvres d'une centaine d'artistes dont le portrait, le corps sont, d'une manière ou d'une autre, entièrement ou partiellement occultés ou effacés. Réunir des oeuvres autour de ce thème suscite, aux yeux de Schraenen, toutes
Illustration de l'exposition ‘Je est un autre’ à Waasmunster.
sortes de questions et de réflexions susceptibles d'avoir même une portée politique.
Selon Schraenen, les catalogues des expositions revêtent une valeur documentaire inestimable pour l'art contemporain, étant donné leur caractère souvent éphémère et la spécificité des salles. Recourant à des matériaux bon marché et à des procédés d'impression tels que la photocopie ou le stencil, il réussit à conférer un désign créatif et innovateur aux catalogues. Schraenen est convaincu que presque toutes les instances ne cherchent à fournir des informations que sur des oeuvres d'art ayant une valeur de marché établie et que l'on laisse de côté, voire qu'on condamne à l'oubli, des initiatives de nature alternative qui n'en sont pas moins parfaitement valables. C'est pourquoi son travail consiste toujours à promouvoir des oeuvres d'art actuelles empreintes d'une grande honnêteté. Guy Schraenen refuse de faire un choix, manie sans engagement aucun ses propres critères, sans céder au compromis, et il a le courage de renoncer à un projet, à une initiative, même et surtout quand ils ont du succès. Voilà, sans doute, les raisons pour lesquelles ses efforts ne sont guère appréciés ni appuyés par les autorités et pourquoi il continue à prêcher dans le désert.
Wilfried Onzea
(Tr. W. Devos)