Septentrion. Jaargang 17
(1988)– [tijdschrift] Septentrion–EnseignementVers un renouveau de l'enseignement de la langue et de la culture néerlandaisesDepuis bien des luttes, Néerlandais, Flamands de Belgique et de France s'irritaient, voire se scandalisaient de la position réservée à la langue et aux cultures néerlandophones dans les établissements scolaires de la région Nord-Pas-de-Calais par les autorités éducatives nationales et locales. Les points de vue des uns et des autres sont connus. Schématisons à l'extrême. D'un côté, il y avait la défiance de ceux qui se souviennent du rôle joué par l'instruction publique depuis la fin du xixe siècle: le rôle laminoir qui, au nom de la promotion sociale, de l'égalité des chances et de l'unité nationale, a activement participé à l'élimination de ce qu'il est convenu d'appeler ‘les particularismes linguistiques et culturels’. De l'autre, il y avait une institution centralisée qui voyait dans les revendications en faveur du néerlandais dans les écoles, l'expression de nostalgies passéistes portées bien souvent par des mouvances politiques jugées ‘suspectes’. Dans le meilleur des cas - et tout en embrouillant le néerlandais et le flamand, langue et culture, unification linguistique et patrimoine historique commun - les responsables éducatifs considéraient les tenants de l'apprentissage du néerlandais comme de doux rêveurs. Pourquoi, en effet, s'évertuer à développer la connaissance de cette langue au moment où l'on s'accordait pour constater que la position même du français dans le monde n'est guère en pointe? De fait, louvoyant entre l'animosité, l'incompréhension et l'indifférence, le néerlandais s'est fourvoyé au sein de l'Education nationale dans une situation bien précaire. L'enseignement de cette langue vivotait aux confins des horaires scolaires, pendant les heures de cantines, après la fin des cours habituels ou, tout bonnement, dans un cadre extrascolaire. Bref, malgré la persévérance et le dévouement d'enseignants sans statut ni poste spécifiques, le néerlandais a réussi à se maintenir, mais dans la position la plus inconfortable qui soit, celle d'une sorte de semi-officialité: pas de programmes ni d'instructions, pas de formation, d'inspection ou d'encadrement administratif et pédagogique. Les cours créés en début d'année scolaire pouvaient être arrêtés sans préavis à la rentrée suivante. Les néerlandisants n'étaient-ils pas en droit d'accuser le Ministère de l'Education Nationale de se moquer d'eux? Pour leur part, les instances éducatives avaient beau jeu de montrer qu'à l'instar de l'hébreu ou du chinois les besoins en néerlandais étaient faibles. Dissuadés par les mauvaises conditions offertes, les intéressés ont perdu peu à peu courage et motivations. Le cercle vicieux s'est ainsi refermé sur l'enseignement de cette langue depuis bien des années. Depuis quelque temps toutefois, il semble bien que la situation ait commencé de changer. De multiples rencontres au plus haut niveau se succèdent: visite de travail de M. Deetman, Ministre néerlandais de l'Education et des Sciences en 1984, invitation du Recteur Migeon aux Pays-Bas par Madame Ginjaar-Maas, secrétaire d'Etat, en 1986. Enfin, du 27 au 29 janvier 1988, celle-ci est elle-même revenue à Paris et à Lille où elle a à la fois procédé à une évaluation de la situation sur le plan académique et élargi les contacts avec les autorités universitaires de Lille III, la VVOBGa naar eind(1) et le Conseil Régional du Nord-Pas-de-Calais. Entre ces diverses réunions au sommet, des délégations néerlandaises et françaises se sont rencontrées de multiples fois tant à Paris qu'à Lille ou aux Pays-Bas. Les vertus mêmes de la décentralisation ont eu pour effet qu'une mission exploratoire du Conseil Régional rendra visite sous peu aux Pays-Bas afin détudier les possibles terrains de coopération envisageables dans des secteurs aussi variés que la recherche maritime et agronomique, la formation dans le domaine maraîcher, horticole et les transports. M. Noël Josephe, Président du Conseil Régional, a trouvé un plaisir particulier à renouer... en flamand des liens entre pays dont chacun a souligné les origines historiques communes. Quant à Claude Catesson, président de la Fédération Régionale du M.R.G.Ga naar eind(2) et promoteur averti de l'Europe éducative, il a longuement développé la nécessité d'approfondir la collaboration entre nos deux pays en matière d'agroalimentaireGa naar eind(3), de formation des ingénieurs et des brevets de techniciens agricoles. Il a même proposé que soit instauré un jumelage officiel entre le Nord et Pas-de-Calais et une région comme le Brabant ou le Limbourg. A suivre... mais au-delà des projets, quels furent les résultats tangibles de toutes ces rencontres? D'abord, les Pays-Bas, puis l'Académie de Lille ont décidé de | |
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nommer des spécialistes chargés de suivre les enseignements du néerlandais dans le Nord et le Pasde-Calais et de proposer des formules éducatives nouvelles et susceptibles de sortir le néerlandais de son ‘cercle vicieux’. Fondé sur une confiance exemplaire et la qualité de relations personnelles suivies entre fonctionnaires néerlandophiles, ce travail a permis l'émergence de quelques projets bilatéraux nouveaux et prometteurs ainsi que la définition d'un programme de développement de la présence du néerlandais en France à partir de l'Académie de Lille, ‘son bastion’. C'est ce programme de quatre ans que Monsieur Dischamps, recteur à Lille, et Madame Ginjaar-Maas, secrétaire d'Etat néerlandais au Ministère de l'Education et des Sciences viennent d'adopter officiellement le 29 janvier dernier. Ce programme salue, en premier lieu, le lancement d'un enseignement dit précoce du néerlandais dans une école primaire située à la frontière franco-belgeGa naar eind(4). Près de 250 enfants participent à cet enseignement à raison de 5 heures par semaine depuis le cours préparatoire jusqu'au cours moyen seconde annéeGa naar eind(5). Dès la rentrée prochaine, un collège situé à proximité accueillera ces élèves déjà ‘bilingues’ avec un programme spécial de néerlandais. Progressivement certaines matières, comme l'histoire et la géographie seront enseignées à la fois en français et en néerlandais. D'autres opérations du même type sont prévues si celle-ci s'avérait fructueuse. Ensuite, il a été décidé que le nombre d'établissements secondaires offrant l'enseignement du néerlandais serait augmenté de façon à doubler d'ici quatre ans les effectifs d'élèves concernés. Une première liste de nouvelles implantations a été établie. Des cours devraient être ouverts à Comines, Marcq-en-Baroeul et Boulogne-sur-Mer à la rentrée scolaire 1988/89. Pour ce qui concerne les formations dites ‘postbaccalauréat’, les deux partis se sont tout particulièrement intéressés à la possibilité d'organiser des stages en entreprises aux Pays-Bas et en France pour les élèves étudiants inscrits dans les filières du secteur industriel et surtout tertiaireGa naar eind(6). A cet égard, l'opérationpilote du lycée G. Berger de Lille, où les élèves de BTSGa naar eind(7) combinent un apprentissage initial de la langue et de la civilisation néerlandaises avec des stages en entreprises aux Pays-Bas, a été jugée du plus haut intérêt. Dès la première année et sans publicité particulière, 41 étudiants se sont, en effet, inscrits dans cette filière nouvelle. Par ailleurs, le recteur de l'Académie de Lille et Madame le secrétaire d'Etat ont accepté toute une série de propositions visant, au-delà des aspects quantitatifs, à accroître la qualité et l'impact multiplicateur des enseignements dispensés. D'une part, il a été prévu d'augmenter fortement le nombre des échanges directs entre collèges et lycées français et néerlandais. Il s'agit là d'intensifier un type de coopération très satisfaisant permettant aux élèves d'établissements partenaires de travailler pendant une année entière, puis de se rencontrer sur un thème d'étude communGa naar eind(8): droits de l'Homme, langue et littérature flamandes, industries traditionnelles, navigation fluviale, débouchés professionnels des formations... Si l'Académie de Lille peut se réjouir en mettant 10 des 15 projets de ce type existant en France à son actif, la mise à disposition de nouvelles subventions permettra là aussi de doubler le nombre de collèges et de lycées concernés dans un délai de quatre ans. D'autre part, avec l'accord des deux ministères, il a été décidé d'organiser régulièrement des stages de formation destinés aux enseignants de néerlandais des établissements scolaires situés en France. Un premier stage d'une journée a eu lieu à Lille en mai 1987. Le second vient de se dérouler en début février 1988 à Maastricht avec la participation des enseignants de l'Académie de Lille, de Paris et de Versailles. Au cours de ce séminaire de deux jours, c'est la définition même des programmes d'enseignement du secondaire et les méthodes didactiques qui ont constitué le thème de réflexion principal des participants. Les options retenues -‘Niveau-seuil’ du Conseil de l'Europe et ‘approche communicative’ - feront, sous réserve d'un accord de la part des autorités centrales, date dans l'histoire de l'enseignement de la langue néerlandaise. Enfin, last but not least, la palette des modes de coopération entre nos deux pays a été enrichie de projets qui devraient, à terme, placer le statut de l'enseignement du néerlandais à un rang plus digne de son importance pour l'Académie de Lille sinon pour d'autres Académies également intéressées. Ainsi, le principe de la création de postes d'assistants néerlandais à temps partiel et à plein temps pour soutenir l'action des enseignants français de cette langue dans les collèges, les lycées et les formations post-baccalauréat a été retenu. Déjà, une première initiative expérimentale a été tentée dans le collège M. Denys de Bailleul, avec le soutien de la municipalité, depuis novembre 1987. De même, il a été question de permettre aux enseignants intéressés dans les deux pays de remplacer l'un de leurs collègues étrangers pour une durée d'un trimestre ou plus. Citons encore, pêle-mêle, un travail de recherche commun dans la conception de logiciels informatiques destinés à servir dans la lutte contre l'échec scolaireGa naar eind(9), la création d'une bourse d'échanges interfamiliauxGa naar eind(10) et la mise au point d'une brochure d'information recensant les possibilités offertes aux jeunes Français d'aller effectuer un séjour aux Pays-Bas dans le cadre soit scolaire soit extrascolaire. Toutes ces initiatives qui marquent la volonté des partenaires de tourner enfin une page de l'histoire de l'enseignement du néer- | |
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landais en France auront-elles des effets durables? Sont-elles en mesure de régler définitivement tous les problèmes répertoriés de longue date par les précurseurs que furent et sont encore les professeurs Brachin, Thijs et Van Seggelen, pour ne nommer que les plus éminents d'entre eux? Il va sans dire que la création d'organismes comme l'Union linguistique néerlandaise et l'activité de l'Association pour le Développement des Etudes Néerlandaises en France donnent de l'espoir. Il est également certain que la perspective de l'Acte unique européen et l'intensification des échanges entre la France et les pays du Bénélux donnent une assise concrète à tous ces projets en voie de réalisation et désormais suivis, par une commission spécifique nouvelle consacrée, dans chacun des deux ministères de l'Education, à l'enseignement de nos langues respectives. Plus encore, l'organisation tous les deux ans d'une réunion rassemblant tous les niveaux d'enseignement du néerlandais en France permet de resserrer encore davantage les contacts établis de manière souvent informelle entre spécialistesGa naar eind(11). Il n'en demeure pas moins que des zones d'ombre demeurent. L'articulation entre ces initiatives concernant l'enseignement primaire et secondaire avec les universités est encore trop faible. Si, par ailleurs, l'autonomie des universités doit être saluée, elle présente quelques inconvénients auxquels il conviendrait très certainement d'accorder plus d'attention. La position du néerlandais dans l'enseignement supérieur français n'a fait jusqu'à présent l'objet d'aucun programme de développement d'ensemble. Il n'existe ni de commission ni de sous-commission se consacrant à l'échelon national à cette discipline. L'avenir de cette langue et culture est entre les mains d'une section composée de germanistes et de spécialistes des langues scandinaves; les sections universitaires de néerlandais connaissent souvent une situation précaire. Les créations de postes de maîtres de conférences étant sporadiques voire nulles, nos universités risquent à court terme de ne pas pouvoir faire face aux nouveaux besoins qui s'expriment déjà dans les entreprises comme dans les instituts de recherche. Bref, de l'école à l'université, les fervents défenseurs de la langue et de la culture de nos voisins septentrionaux ont bien du mérite. Leur plan de carrière n'est généralement pas assuré en regard de leurs compétences et de leur bonne volonté. Il y a en l'espèce encore bien du chemin à parcourir. Espérons que la récente nomination d'un chargé d'une mission d'inspection générale spécifique et les efforts récemment déployés en ce sens par le président de l'Association Internationale des Spécialistes de Néerlandais permettront, enfin, de soutenir l'action positive qui s'engage à tous les niveaux en faveur d'une reconnaissance toujours plus large de l'intérêt de cette langue et de cette culture si attachantes. Dr. K. Gerth, chargé de mission près le Recteur de l'Académie de Lille |
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