Septentrion. Jaargang 32

Échanges

Lille, capitale européenne de la culture en 2004

Être capable de transformer un échec en réussite, voilà la clé du succès. C'est ce que Lille a fait. En 1995, la ville se porta candidate pour l'organisation des Jeux olympiques. L'enthousiasme fut grand, mais il fallut déchanter en 1997, car le Comité olympique international en avait décidé autrement. Les responsables politiques, économiques et culturels de la cité cherchèrent un nouveau défi. Lille demanda à être capitale européenne de la culture en 2004. En mai 1998, les ministres européens de la Culture désignèrent conjointement Lille et Gênes.

Le 5 décembre 2002, un an avant le lancement des festivités, la presse internationale fut invitée à Lille Grand Palais à découvrir les projets ambitieux qui avaient été retenus. Les journalistes, nombreux, reçurent des mains de Martine Aubry, maire de Lille et présidente de l'association Horizon Lille 2004, et de Didier Fusillier, directeur de Lille 2004, un volumineux dossier sur toutes les manifestations qui feront de Lille, une année durant, un centre culturel extrêmement animé.

Lille ne sera pas seule dans l'aventure. Il est vital, dans l'esprit des organisateurs, que l'année culturelle concerne toute la région. ‘60% de Lille 2004 n'aura pas lieu à Lille’, souligne Martine Aubry. L'ensemble du Nord-Pas-de-Calais et quelques villes belges comme Anvers, Bruges, Gand, Courtrai, Mouscron, Mons et Tournai doivent être associées à l'événement. Le Nord doit trouver sa place sur l'échiquier culturel européen, non seulement en 2004, mais aussi par la suite. La culture doit servir de vitrine à une région entière, dont Lille sera le ferment.

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Deux idées maîtresses inspirent la programmation. La première est que la région n'est pas ‘toute de gris et de noir vêtue’ mais bigarrée. La seconde que le présent et l'avenir ne constituent pas la seule préoccupation mais que la région possède un riche passé. ‘Il ne faut pas oublier’, rappelle Martine Aubry, ‘que l'humanisme est né en Flandre, à la même époque qu'à Florence.’

Ce sera une année colorée donc qui débute le 6 décembre 2003, à la Saint-Nicolas, par un grand bal blanc inspiré par celui de Man Ray à Paris en 1930. Un accueil particulier y sera réservé à toute personne vêtue de blanc. Le carnaval de Dunkerque (en février) est inclus dans la programmation, de même que les rencontres internationales de cerfsvolants, à Berck-sur-Mer (en avril). Des géants feront même leur apparition, non dans les rues, mais sur des bateaux empruntant les nombreux canaux qui sillonnent la région. Pour l'évasion, rien de tel que ‘Les heures bleues’. Chaque semaine de l'année, du vendredi soir au lundi matin à l'aube, la fête battra son plein à Lille le long de promenades aménagées, baptisées ‘Ramblas’ pour l'occasion, au rythme des concerts de plein air, des airs d'accordéon, des bals-musettes ou des improvisations musicales.

Les organisateurs veulent également que Lille change de visage. La restauration du patrimoine exigera à elle seule 18 millions d'euros. Près de

Lucie Lom, ‘Forêt renversée’, projet pour Lille 2004 © L. Lom.

quarante monuments historiques subiront une cure de jouvence. Certains ne seront d'ailleurs pas prêts en 2004. Comme son nom l'indique, la partie du programme intitulée Métamorphoses vise à une transfiguration de la cité. Certains projets confinent à la science-fiction. L'artiste Lucie Lom créera ainsi une ‘Forêt renversée’. Des arbres, pendus par leur tronc, tête en bas, formeront un plafond de verdure à 12 mètres au-dessus des rues. Jean-Claude Mézières implantera sept arches dans les principales artères ouvertes au trafic automobile. Patrick Jouin fera de la gare de Lille-

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Flandres une magie de couleurs. Le voyageur arrivant par le train comprendra tout de suite qu'il ne se trouve pas dans une région grise et morne. Le créateur de mode anversois Walter van Beirendonck rehaussera de couleurs cafés et boutiques du centre-ville lillois et installera à la Vieille Bourse un Dream Globe, destiné au rêve et au repos.

‘Commencez l'année culturelle par une manifestation phare’, conseillait Hugo de Greef, commissaire de Bruges 2002, aux futurs responsables des capitales européennes de la culture. Lille 2004 propose donc toute une série d'expositions intéressantes. A cet effet, l'année a été découpée en trois saisons: de décembre 2003 à mars 2004, de mars à septembre 2004 et de septembre à décembre 2004. La rétrospective de l'oeuvre de Rubens (Palais des Beaux-Arts, du 5 mars au 13 juin 2004) constituera le fleuron de ces expositions, car ce sera la première fois depuis 1977 que le grand artiste anversois sera présenté de manière aussi complète. Les tableaux réalisés pour des églises et couvents de la ville côtoieront d'autres chefs-d'oeuvre issus des plus prestigieuses collections d'Europe et d'Amérique. Une exposition ayant pour thème Rubens collectionneur se tiendra dans le même temps à Anvers, tandis qu'une autre sera consacrée au maître à Arras. De leur côté, le Rectorat et l'Inspection académique de Lille ont demandé aux enseignants de profiter de l'occasion pour s'intéresser sur le plan pédagogique à Rubens et à la peinture flamande, largement représentée dans les musées du Nord et du Pas-de-Calais. D'autres peintres, Watteau, Matisse et Leroy, originaires de la région, seront l'objet d'une attention particulière.

Encore ne s'agit-il là que d'une partie des manifestations de ce genre, car cinquante expositions portant sur la quasi-totalité des

La ‘Maison folie’ de Lille-Wazemmes © NOX / L. Spuybroeck.

disciplines et sur des périodes très différentes sont prévues.

Le chapitre ‘arts vivants’ du programme énumère longuement tout ce qui sera proposé à l'amateur de musique, de danse, de théâtre, de cirque, de cinéma ou de littérature. L'accent est surtout mis sur les jeunes créateurs, dont on souhaite encourager le talent. L'attention se portera également sur les artistes qui, outre leur spécialité, maîtrisent d'autres disciplines. L'année musicale débutera par Don Giovanni de Mozart, en collaboration avec le Théâtre royal de la Monnaie de Bruxelles. Ce sera la première production lyrique pour la saison d'ouverture de l'Opéra de Lille après des années de rénovation. Mais le programme va bien au-delà. Pas moins d'un concert par jour dans la région: classique, contemporain, rock, pop, accordéon, tango, harmonie ou fanfare... Il y en a pour tous les goûts.

Originales aussi ces ‘Maisons Folies’, des pôles culturels installés dans des sites insolites (usine, brasserie, ferme, fort, etc.). Toutes ne se trouvent pas à Lille mais dans l'ensemble de l'eurorégion. En Belgique, par exemple, à Courtrai, Mons et Tournai. On peut y cuisiner, y organiser des fêtes, y emprunter des livres, y louer une salle de cinéma, y écouter de la musique ou en faire le cadre d'une exposition. Les artistes peuvent y résider un certain temps.

Selon Didier Fusillier, directeur de Lille 2004, ces Maisons Folies (aussi orthographiées ‘Maisons folie’) doivent subsister après 2004, de manière permanente, sur les friches industrielles ou urbaines où elles auront été créées. Douze de ces

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lieux phares seront ainsi aménagés. A Wazemmes (Lille), par exemple, l'usine Leclercq, une ancienne filature, sera entièrement rénovée par l'agence néerlandaise Nox. D'autres bâtiments à Roubaix, Tourcoing, Villeneuve-d'Ascq, Lambersart, Mons-en-Baroeul, Arras, Maubeuge et Mons seront également restaurés dans le même but. A Tournai, l'église Sainte-Marguerite va devenir un centre culturel et la friche de l'île de Buda, à Courtrai, sera transformée par l'architecte italien Bernardo Secchi en une résidence d'artistes.

Dans l'ancienne filature Leclercq, l'association gantoise Onder de Torens (Au pied des tours), qui regroupe différentes compagnies théâtrales, musicales et chorégraphiques doit organiser des spectacles durant le week-end du 9 au 11 juillet 2004.

Nul doute que l'ambitieux projet Lille 2004 coûtera cher. Pour le moment, le budget est de 75 millions d'euros, ce qui est beaucoup au regard des 27,2 millions dont disposait Bruges en 2002. L'État français, la Communauté urbaine de Lille Métropole, le Conseil régional, les conseils généraux des départements du Nord et du Pas-de-Calais, les municipalités des villes participantes et l'Union européenne mettront la main à la poche. Enfin, les organisateurs ont également trouvé des partenaires privés, dont la contribution sera moindre que celle de leurs homologues belges pour Bruges 2002. La part du mécénat avait alors été de 27%, à une époque de conjoncture favorable il est vrai.

Le programme est de nature à intéresser tout un chacun. La question est de savoir s'il pourra être réalisé et surtout ‘communiqué’. Même à Bruges, où le programme était plus restreint, certaines initiatives n'ont pas reçu l'accueil mérité, car elles sont passées presque inaperçues. Donner à toutes les activités prévues un large écho, non seulement en France mais aussi, par exemple, auprès des néerlandophones de l'autre côté de la frontière est un des grands défis que devront relever les organisateurs de Lille 2004.

Dirk van Assche

(Tr. J.-Ph. Riby)

www.lille2004.fr