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Archives ou correspondance inédite de la maison d'Orange-Nassau (première série). Tome I 1552-1565 (1841)

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non-fictie

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non-fictie/brieven
non-fictie/geschiedenis/Opstand


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Archives ou correspondance inédite de la maison d'Orange-Nassau (première série). Tome I 1552-1565

(1841)–G. Groen van Prinsterer–rechtenstatus Auteursrechtvrij

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[p. 2*]

Chapitre I.
Sources historiques.

Ce premier Chapitre forme deux Sections. La première traitera de la nature et de l'importance des Dépôts dont l'entrée nous a été ouverte; la seconde indiquera la mesure de crédit que méritent, à notre avis, les Auteurs dont nous avons cité le témoignage et dont nous avons suivi ou combattu les opinions.

§ I.
Pièces inédites.

Avant tout parlons des Archives de la Maison d'Orange Nassau. - C'est pour nous le fonds principal; tout le reste est accessoire et ne sauroit venir qu'en seconde ligne.

Elles sont à la Haye et forment une collection très-riche, qui renferme, outre beaucoup de pièces appartenant aux anciens Princes d'Orange-Châlons, tous les papiers de la branche cadette de Nassau; la Maison de Nassau-Dietz les ayant réunis par l'extinction des rameaux d'Orange en 1702, de Hadamar en 1711, de Dillenbourg en 1739, et de Siegen en 1743Ga naar voetnoot1.

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[p. 3*]

Un assez grand nombre de pièces appartient a une époque reculée; aux siècles qui forment la transition du Moyen-Age vers l'Histoire Moderne. Beaucoup de papiers sont relatifs aux Comtes et Princes de Nassau restés en Allemagne. Mais la partie la plus remarquable est sans contredit celle que nous publions; les Documents relatifs au seizième et au dix-septième siècle et aux Princes d'Orange Stadhouders des Pays-Bas.

Il y a des actes de toute espèce; des extraits baptistaires, des contrats de mariage, des testaments, des comptes, des titres divers de proprieté, des commissions de Gouvernement; tout ce qui concerne la vie publique et privée. Il y a enfin beaucoup de documents du genre qui forme l'objet spécial de notre Recueil; une infinité de correspondances particulières, de Lettres confidentielles, intimes.

En appréciant la libéralité éclairée de notre Roi, on comprendra que ces papiers de Famille n'ont jamais pu être livrés inconsidérément aux regards du public, et que, la science n'étant pas toujours une garantie suffisante de discrétion parfaite, les savants eux-mêmes n'y ont guère eu accèsGa naar voetnoot1. Maintenant donc, que des révolu-

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tions successives, mettant un abyme entre le présent et le passé, ont permis de publier une partie de ces manuscrits précieux, nous avons l'avantage d'aborder une mine non exploitée et de communiquer des documents qui, presque tous, ont le mérite de la nouveauté.

La Correspondance de Guillaume Premier est infiniment plus riche que celle des Stadhouders qui vinrent après lui. Ceci s'explique, entr'autres par ses rapports intimes avec la Maison de Nassau-Dillenbourg, dont les papiers ont été conservés dans un ordre parfait, tandis que les Archives de la Maison d'Orange semblent avoir éprouvé de grandes pertes. Il n'est pas impossible que beaucoup de pièces aient été détournées durant les commencements de la minorité de Guillaume III; et, sans aucun doute, par suite de son avénement au trône de la Grande-Bretagne, une infinité de Manuscrits sont restés

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[p. 5*]

en Angleterre qui devroient se trouver parmi les documents de la Famille.

 

Les Lettres sont écrites en entier de la main de celui qui les envoye; ou bien elles n'ont d'autographe que la signature; ou bien enfin elles sont de simples copiesGa naar voetnoot1.

Gardons nous toutefois de supposer que des sécretaires aient rédigé toutes celles qui ne sont pas écrites par les Princes eux-mêmes. On conservoit la copie d'une Lettre autographe; on expédioit parfois des Duplicata; souvent aussi le sécretaire écrivoit sous dictée. Le hasard a fait retrouver, tantôt la copie, tantôt l'original; et il est clair que, pour décider qu'une Lettre n'est pas émanée de l'esprit et du coeur de celui au nom duquel elle est écrite, il faut avoir recours à des indices d'un genre moins matériel.

 

Cette remarque, touchant la rédaction des Lettres par les Princes eux-mêmes, est particulièrement vraie à l'époque où commence notre Recueil.

Au seizième et au dix-septième siècle les Souverains, surtout les Princes d'Allemagne, manioient également l'épée et la plume. Maîtres de pays patrimoniaux, ne connoissant guère de différence entre leurs affaires personnelles et celles de l'État, n'étant pas à même d'avoir une Chancellerie coûteuse, ils traitoient communément sans intermédiaire, quelquefois dans des réunions personnelles, le plus souvent par des lettres intimes, d'une manière simple et directeGa naar voetnoot2. Leurs correspondances pri-

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vées étoient en même temps des correspondances politiques. Au reste bien des fois le ton des Lettres non-autographes indique suffisamment qu'elles n'ont pas été rédigées par procurationGa naar voetnoot1.

 

Il importe surtout de savoir si Guillaume I lui-même rédigeoit d'ordinaire ses Lettres.

Nous publions de lui quelques brouillons. Les unsGa naar voetnoot2 écrits négligement, à la hâte; des idées fugitives, des notes jetées rapidement sur le papier. D'autres revus et corrigés avec soin; chaque phrase est retouchée, chaque expression mûrement pesée; documents précieux dans lesquels, après des siècles, on assiste à la formation des idées, on suit le travail de l'espritGa naar voetnoot3. - Puis il y a un nombre considérable de ses Lettres autographes. Et nous n'hésitons pas à dire que la plupart de celles dont nous n'avons pu donner que de simples copies, ont néanmoins été écrites, ou tout au moins dictées par lui.

En effet comment se persuader que, correspondant

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presque toujours sur des matières graves, secrètes, délicates; connoissant, mieux que personne, l'influence de la parole, soit prononcée, soit écrite; se trouvant habituellement dans des circonstances critiques, dans des conjonctures où la moindre indiscrétion pouvoit le compromettre, il ait confié souvent à d'autres le travail important et difficile de mettre en rapport les nuances des expressions avec celles des idéesGa naar voetnoot1.

Mais ce n'est pas notre seul argument. Les Lettres d'un personnage tel que Guillaume I, même en voyageant incognito, portent la marque indélébile de leur origine; et, mieux encore que la main par l'écriture, l'âme se révèle par le styleGa naar voetnoot2.

Toutefois nous devons faire une observation relative aux Lettres en Allemand. Nous ne serions pas surpris que plusieurs d'entr'elles aient été, traduites sur un brouillon François autographeGa naar voetnoot3.

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[p. 8*]

Mais, si le Prince s'est servi très-rarement de sécretaires pour sa correspondance, faudra-t-il également lui attribuer la rédaction des documents apologétiques, des déclarations solennelles, et autres pièces du même genre publiées en son nom?

Nous ne doutons pas qu'il n'y ait souvent eu une grande partGa naar voetnoot1. Cependant il est également hors de doute que, surtout à des époques où il étoit surchargé de travaux, il aura mis à profit les talents de ses serviteurs et de ses amis pour la rédaction de documents pareilsGa naar voetnoot2.

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[p. 9*]

Une circonstance particulière nous oblige à traiter incidemment la question si Guillaume I a écrit des Mémoires biographiques.

L'affirmative a été soutenue, il y a quelques années, par un de nos hommes d'Etat, distingué par ses talents, sa droiture, et son érudition, et dont la mort, survenue en 1835, a été un sujet de regrets sincères et universels. M. le Baron Roëll désiroit provoquer des recherches touchant ces Mémoires dans nos Archives et dans celles de Berlin.

Il se fondoit sur un passage des Lettres, Mémoires et Négociations de M. le Comte d'EstradesGa naar voetnoot1.

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Malgré cette citation, nous ne saurions croire qu'un écrit du Prince sur les principaux événements de sa vie ait réellement existé.

Il devroit se trouver dans nos Archives. La Maison d'Orange-Nassau eût conservé un tel document avec un soin extrême: on ne peut supposer que, lors du partage de la succession de Guillaume III, elle s'en fût dessaisie en faveur de la Maison de Brandebourg. Et cependant il n'est pas inscrit sur notre Catalogue; Mr Arnoldi n'en fait aucune mention; nos recherches ont été infructueuses, et dans la correspondance du Prince il n'y a nul indice d'une composition de ce genre. Comment une pièce si remarquable s'est-elle égarée? Comment le souvenir ne s'en est-il pas perpétué dans la Maison d'Orange, au moins par tradition? Comment, supposé même qu'elle ait été transportée à Berlin, n'en a-t-on aucune connoissance? Comment se fait-il que d'Estrades seul nous ait révélé l'existence d'un trésor aussi précieux?

Mais, dira-t on, les Mémoires de Fréderic-Henri, retrouvés dans les papiers de la Princesse sa fille, épouse

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du Prince d'Anhalt-Dessau, restèrent également inconnus durant quatre-vingt années.

Il est vrai; mais d'abord, après 80 années ils ont vu le jour, tandis qu'après deux siècles et demi on ne sait rien encore de ceux de Guillaume I; mystère d'autant plus inexplicable, vû que d'Estrades en avoit eu connoissance, qu'il avoit sans doute communiqué la chose à plusieurs amis, et que ses Lettres ont eu un très-grand nombre de de lecteurs. - En outre l'original des Mémoires de Fréderic-Henri est aux Archives, écrit de la main du célèbre Constantin Huygens: la Princesse d'Anhalt n'en avoit reçu que la copie. Il en existe une autre à BerlinGa naar voetnoot1, donnée sans doute à l'Electrice de Brandebourg, fille aînée de Fréderic-Henri. Si Guillaume I a composé des Mémoires, tous ses enfants auront désiré posséder ce récit. D'où vient que rien n'a transpiré de tant de copies? D'où vient que nous n'avons pas retrouvé l'original? - Enfin (et sans discuter ici la question si Fréderic-Henri a écrit lui-même ses Mémoires, ou s'il n'a fait que revoir et corriger le travail d'un officier ou d'un sécretaire) il y a loin d'un récit de faits militaires à une exposition raisonnée d'événements politiques; et c'est néanmoins ce dont il s'agit ici, et même d'une composition fort achevée, d'Estrades s'écriant n'avoir jamais rien lu de si beau. Il semble difficile, impossible même, que, dans une vie aussi agitée, surchargé d'occupations, suffisant à peine aux travaux indispensables de la journée, et d'ailleurs constamment au point de voir s'évanouir le fruit de ses

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efforts, Guillaumel ait eu le loisir et l'envie de rédiger un pareil écrit.

Il y a encore d'autres difficultés. D'Estrades a lu sans doute les Mémoires en entier; car il dit, ‘je lus ensuite l'apologie,’ et il n'aura pas interrompu la lecture d'un écrit qu'il trouvoit de toute beauté. Et néanmoins tout ce dont il parle se rapporte aux temps antérieurs à l'explosion des troubles dans les Pays-Bas. Ces Mémoires eussent donc fini, au plus tard, avec le départ du Prince en 1567. Ce n'eût donc été qu'un commencement de Mémoires, un préambule, une espèce d'introduction.

Puis il affirme avoir lu ce travail, et l'Apologie, et l'Instruction pour Maurice, dans une seule visite. Même en supposant une concision de style extrême, la visite doit avoir été d'une longueur démésurée. - Cette remarque, dira-t'on, subsiste, même en supprimant les Mémoires; l'Apologie seule occupant dans le Corps Diplomatique de Dumont environ dix-huit pages in folio à deux colonnes. Mais on oublie que le cas ici n'est pas le même; car d'Estrades connoissoit l'Apologie; imprimée du vivant de Guillaume I en plusieurs langues, envoyée aux Cours de l'Europe, et qui avoit fait grande sensation dans le monde politique: il a donc pu se borner à parcourir le Manuscrit, rédigé par Villiers, et sur lequel le Prince avoit peut-être fait des corrections autographes.

Faudra t'il supposer que d'Estrades ait fait un conte à plaisir? Ce seroit se débarrasser de la difficulté fort aisément; mais n'allons pas trancher un noeud avant d'être sûr qu'il est insolubleGa naar voetnoot1.

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Voici l'explication qui nous paroît la plus naturelle. D'Estrades aura eu en main les minutes des Avis et des discours dans lesquels le Prince, avant que les troubles éclatèrent, exposa plus d'une fois ses vues sur la marche des affaires et la situation critique du paysGa naar voetnoot1. Dès lors, abandonnant l'idée d'une espèce d'écrit biographique, on comprend qu'il n'est parlé que des événements avant-coureurs de la révolution; on ne s'étonne plus que d'Estrades ait pu lire ces exposés, parcourir l'Apologie, et lire en outre l'Instruction pour Maurice en une seule visite, et l'éloge qu'il donne à ces compositions, écrites avec beaucoup de soin, n'a rien que de fort naturel. Quant au titre de Mémoires, il convient parfaitement à des Exposés de ce genreGa naar voetnoot2.

Quoiqu'il en soit, l'existence de Mémoires biographi-

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ques, très-invraisemblable à notre avis, n'est cependant pas décidément impossible. Beaucoup de personnages célèbres, au 16e siècle et particulièrement en France, rédigèrent ou firent rédiger un narré plus ou moins exact de leur carrière militaire ou politique. Nul ne contestera à Guillaume I les talents requis pour transmettre dignement le souvenir de ses destinées et les leçons de son expérience à la postérité. Le prix d'un pareil trésor est assez grand pour qu'on le cherche aussi longtemps qu'il reste la moindre chance de le trouver.

 

Après avoir parlé des Archives que le Roi a daigné placer sous notre surveillance, nous dirons un mot, en passant, des autres Dépôts qu'on nous a permis de consulter.

La collection des Archives du Royaume des Pays-Bas, quoique très-vaste, ne m'a fourni, malgré l'obligeance extrême de M. l'Archiviste de Jonge, qu'un très-petit nombre de matériaux. La raison en est simple; les pièces officielles et diplomatiques n'ayant pas ce caractère de communication intime qui doit être le trait saillant et distinctif de notre Recueil.

Dans l'Introduction de notre Tome IV il y a quelques détails sur nos recherches dans les Archives de Paris, de Besançon, et de Cassel. Les Manuscrits de Granvelle nous ont particulièrement intéressé, et l'on pourra se convaincre dans ce Tome-ci, que nous les avons mis largement à contributionGa naar voetnoot1.

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Les circonstances politiques ne nous ont pas permis de profiter des nombreux documents dans la Bibliothèque de

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Bourgogne et dans les autres Depôts en Belgique. Nous le regretterons moins, si le zèle pour les souvenirs nationaux qui s'y est manifesté depuis quelques années, se portant aussi sur l'époque la plus mémorable de nos annales, les Manuscrits relatifs aux temps de Charles-Quint et de Philippe II ne tardent pas trop à être livrés au public.

§ II.
Ouvrages historiques.

Les livres dont il nous a fallu faire usage formeroient une Bibliothèque. Leur énumération seroit fastidieuse et tout au moins inutile. Il suffira d'en indiquer, d'en caractériser un petit nombre; ceux auxquels nous avons eu plus particulièrement, plus constamment recours dans nos recherches.

 

Auparavant, pour fixer le point de vue d'où il faut, selon nous, considérer cette littérature historique, il nous semble nécessaire de montrer rapidement dans quel esprit l'histoire de la Maison d'Orange et celle des Provinces-Unies a été traitée depuis l'origine de la République jusqu'à nos jours.

Incontestablement dans le dernier quart de siècle nous avons fait des progrès, quant à la manière de considérer les temps passés. La preuve en est que, sans crainte d'être contredit par ceux dont l'opinion a du poids, nous pou-

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vons affirmer que l'Histoire de la Patrie a été longtemps exposée avec injustice et passion, de part et d'autre, il est vrai, mais surtout d'après les opinions et les intérêts du parti anti-Stadhoudérien.

Ce fait s'explique aisément. Dès la fin du seizième siècle l'Aristocratie communale fut opposée aux Stadhouders. Elle voyoit en eux les seuls antagonistes qu'elle eût vraiment encore à redouter. Par la révolution, le Clergé Catholique-Romain étoit banni et le Clergé Protestant n'avoit acquis aucune influence immédiate sur les affaires de l'Etat; la Noblesse étoit appauvrie, décimée; les Régences des Villes n'avoient donc, pour devenir toutes-puissantes, qu'à se débarrasser entièrement du pouvoir royal. C'est assez dire que, par calcul et presque par instinct, leurs efforts alloient se diriger contre le Stadhoudérat. En effet cette charge, ce pouvoir, dont, par la confusion des rapports, il devenoit facile de modifier la nature et de restreindre les limites, étoit néanmoins un reste de Monarchie au milieu d'une République improvisée; une espèce de protestation permanente contre la forme de Gouvernement que les circonstances avoient substituée à l'ordre traditionnel; et, qui plus est, cette autorité (aux yeux des Aristocrates, une espèce d'anomalie) offroit un point de ralliement, une pierre d'attente, une espérance à tous ceux qui revendiqueroient des droits usurpés.

Ce n'est pas qu'il n'y eût eu moyen de s'entendre; pourvu que le Stadhouder, au lieu d'être le Chef et le modérateur des Etats, eût consenti à devenir tout de bon leur ministre: on eût changé ainsi un adversaire importun, un dangereux rival, en un auxiliaire pré-

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cieux; par lui on eût contenu et réprimé le peuple; on se fût déchargé sur lui de toute responsabilité. Mais les Princes de la Maison de Nassau ne se prêtèrent pas à cette combinaison, n'acceptèrent pas ce rôle subalterne et passif. Investis d'un pouvoir que généralement on jugeoit essentiel et inhérent à la République; forts du souvenir des services rendus au pays; soutenus par la plus grande partie de la nation, qui voyoit en eux ses défenseurs naturels; justement indignés des prétentions de la Hollande et en particulier de la Ville d'Amsterdam, trop souvent le centre de bien des intrigues déplorables et illicites, ils se crurent tenus de rétablir l'équilibre, de repousser les attaques de l'intérêt particulier contre le Corps de l'Etat, et de récupérer ou tout au moins de maintenir les libertés du peuple que les entreprises des patriciens avoient enlevées ou venoient incessamment menacer. Dès lors il y eut entr'eux et l'Aristocratie un antagonisme perpétuel; et, lorsqu'elle n'eut pas besoin de leurs services, elle s'efforça de se soustraire à un contrôle parfois très-embarrassant. On conçoit donc avec quelle défaveur, surtout dans des moments de crise et de lutte, leurs actions et leurs intentions furent jugées. Ils furent accusés de flatter la populace, de viser au despotisme.

Au dixhuitième siècle, le parti anti-Stadhoudérien se renforça du parti révolutionnaire et libéral. Le champ de l'histoire fut exploré au profit des opinions nouvelles, le mot de République fut jugé synonyme de celui de liberté; par conséquent rien de plus simple que de voir dans nos oligarques des patrons du peuple et dans les Stadhouders des tyrans. Ayant adopté ce point de vue, un débordement de reproches et d'injures contre ceux-ci fut inévi-

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table. Il y eut une époque où la haine les transforma en antagonistes des droits de l'humanité.

Ce n'est pas tout. - Le culte Réformé étoit la religion de l'Etat. Les lois devoient être conformes au principe Chrétien qui formoit la base de cette Eglise Evangélique; au reste tous les membres de l'Eglise dominante étoient, sans acception de personne, soumis au pouvoir temporel. Sur tous ces points les différents partis étoient d'accord. Mais il y avoit néanmoins de graves dissentiments. Fidèles aux principes des Réformateurs et aux notions de la véritable liberté, les Stadhouders défendoient, par attachement et par devoir, d'abord la liberté de conscience pour tous, puis la foi et l'indépendance de l'Eglise Réformée, tenue de faire respecter dans son sein les points fondamentaux de sa croyance; libre de refuser toute intervention de l'Etat; lequel, à moins de circonstances exceptionnelles, ne prenoit connoissance de ses décisions, en matière de dogme et de discipline, que pour les faire exécuter. L'Aristocratie avoit des vues moins larges et plus intéressées. Le parti anti-Stadhoudérien eut constamment des affinités, des rapports, des alliances avec le parti héterodoxe. Désirant étendre sa domination, il prêtoit facilement l'oreille aux suggestions des sectaires qui, pour n'être pas mis au ban de l'Eglise, faisoient assez bon marché de ses libertés. Un tel accord eût produit un contrat de servitude pour prix d'une protection funeste. Ici encore les Stadhouders intervinrent en faveur de l'Eglise établie et de ses principes constitutifs. De là de nouvelles invectives; ils prenoient, disoiton, les dehors de la piété, les apparences de la ferveur religieuse, pour acheter l'appui du Clergé orthodoxe. Ce

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fut pis encore quand à l'héterodoxie succéda l'incrédulité. Elle admit à peine dans le passé la sincérité d'une foi qu'elle avoit abandonnée; dans les efforts des Princes d'Orange et de leurs adhérents elle ne vit que deux mobiles, l'ambition et le fanatisme.

Ces préventions injustes se propageoient avec facilité. Le parti anti-Stadhoudérien, qui longtemps eut en mains un pouvoir arbitraire et exclusif, fut constamment nombreux dans les classes qui donnent le ton à l'opinion publique; il domina surtout dans la province de Hollande, contre les empiétements de laquelle les Stadhouders avoient eu le plus fortement à lutter, et qui, plus qu'aucune autre, étoit le centre des lumières et la résidence des gens de lettres. L'affluence des étrangers étoit extrême, par suite du commerce et par les événements politiques; la plupart contractoient des relations avec les familles opulentes de nos grandes villes. Endoctrinés par la noblesse bourgeoise; encouragés, salariés par leurs patrons, ils répétoient la leçon qu'on leur avoit faite; de bonne ou de mauvaise foi, ils adoptoient les préjugés de la caste qu'ils avoient le plus habituellement fréquentée; excités par l'ambition et la reconnoissance, ils les répandoient dans de nombreux écrits. Ainsi l'opinion des Aristocrates devint générale, à force d'être proclamée; et l'écho de ces mille voix réagît souvent sur les habitants des Provinces-Unies émerveillés de ce nombre infini de témoignages, dont il eût toutefois été facile d'expliquer l'admirable concert.

Il fut démontré que les Stadhouders, auxquels du reste on vouloit bien ne pas refuser, ni quelques talents militaires, ni quelque habileté diplomatique, avoient eu le

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pouvoir absolu pour but constant, principal, unique; que, pour y atteindre, ils avoient employé toute espèce de moyens; caressé, excité les passions de la multitude, provoqué la guerre, favorisé l'intolérance et la fougue dogmatique des Calvinistes; et que notre histoire pouvoit se résumer dans le récit de leurs projets d'usurpation, déjoués chaque fois par la prudence extrême et le dévouement sublime des autorités municipales. On ne se contenta point de vanter les talents extraordinaires des Barneveld et des de Witt, de louer leur caractère énergique, de déplorer la triste fin d'une carrière, dans laquelle d'importants services semblent avoir racheté de graves erreurs; mais l'on s'obstina à métamorphoser ces chefs habiles et audacieux d'un parti lequel aspiroit à réunir tous les pouvoirs, en véritables démophiles, en martyrs sublimes de leur amour pour la liberté. La détermination hardie de Guillaume II, subjuguant, jeune encore, ses adversaires par son audace, devint un crime de lèsemajesté-aristocratique. Guillaume III, sauvant l'Europe par les combinaisons de son génie, ne fut qu'un ambitieux ordinaire, sacrifiant les intérêts de la République au désir de se ceindre le front du bandeau royal; Maurice, après quarante années de victoires, après l'abaissement de ses adversaires dans l'Eglise et dans l'Etat, se refusant à toute augmentation de pouvoir, et donnant ainsi par le fait, le plus éclatant démenti aux accusations d'absolutisme, fut, à force de calomnies, assimilé au dernier des tyrans; le père de la patrie, le fondateur de la liberté, Guillaume I lui-même, malgré une vie de sacrifices, ne put échapper au soupçon d'avoir été guidé par un égoïsme hypocrite. Ainsi, grâces à l'esprit de parti, notre his-

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toire, travestie, défigurée, étoit, par des métamorphoses successives, devenue un recueil de contre-vérités.

Vers la fin du siècle dernier il y eut une dissonnance au milieu de cet accord presqu'universel. Le célèbre Kluit, Professeur à Leide, dans des Ouvrages d'une rare érudition, souleva le voile qui couvroit une foule d'erreurs; mais ses écrits, rédigés avec beaucoup de ménagements et de réticences, eurent fort peu de retentissement en dehors du monde savant. Ce n'étoit pas à cette époque qu'on approfondissoit sérieusement des doctrines peu en harmonie avec les idées reçues. On ne s'inquiéta guère des preuves; on crut faire assez en condamnant hautement les résultats. On admira la science prodigieuse de l'écrivain; on regretta la tendance des opinions qu'il avoit professées. Aussi ne franchirent-elles pas les bornes de quelques dissertations académiques. La protestation contre les préjugés fut, pour le moment, à peu près inutile. Auprès du public ils se maintinrent dans leur droit mal acquis de chose jugée: on mettoit au ban de l'opinion quiconque osoit émettre un doute modeste et discret.

Mais il n'est pas donné à l'homme d'exclure la vérité pour toujours Quand, en 1813, au terme de la triste époque de nos disputes révolutionnaires et de notre anéantissement politique, une nouvelle lumière se leva sur la patrie réhabilitée, un souffle de rénovation en toute chose se fit sentir. Il y eut alors une de ces époques trop courtes et qu'il faut saisir au passage, parcequ'elles ne reviennent qu'à de longs intervalles, où le sentiment religieux et national, longtemps comprimé, réagit avec force et promet un meilleur avenir. L'influen-

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ce favorable sur les études historiques fut manifeste. Le mouvement spontané contre le double joug d'un Gouvernement anti-national et d'un despotisme militaire et administratif, le retour à une existence indépendante, le loisir d'une situation pacifique et tranquille après des troubles multipliés et des guerres qui sembloient ne devoir jamais finir; le besoin d'échanger le vague des théories arbitraires contre quelque chose de positif; le désir si naturel de fonder et d'affermir le patriotisme sur la base inébranlable des traditions communes, firent reporter les regards avec amour sur les actions mémorables de nos Ayeux. Un examen libre et impartial devenoit plus facile; l'organisation de la République ayant été abandonnée, ce qui avant 1795 se rattachoit d'une manière plus ou moins directe aux intérêts de la génération contemporaine, tomboit définitivement dans le domaine paisible du passé: le feu de la souffrance, on le croyoit du moins, avoit consumé jusqu'au dernier germe de la discorde.

Cependant il falloit laisser beaucoup à l'action lente et régulière du temps. On ne détruit pas en un jour des opinions qui ont joui, durant plusieurs générations successives, d'un empire incontesté. D'ailleurs la tendance anti-Stadhoudérienne avoit, non pas réellement, mais moyennant une légère illusion d'optique, assez de conformité avec les idées libérales qui, dans notre pays comme ailleurs, reprenoient un libre cours après la chute de Bonaparte. Il étoit donc à craindre que longtemps encore les tentatives de réforme céderoient à l'influence de la routine. Mais un esprit d'une trempe extraordinaire vint bientôt par ses attaques hâter la démo-

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lition de l'édifice que plusieurs auroient encore voulu étayer. Bilderdyk, homme d'un rare génie et d'un caractère ardent, et qui n'avoit jamais fléchi devant les nouveaux systèmes, soit en religion, soit en droit public, saisissant avec ses forces gigantesques les armes préparées par Kluit, rattachant l'étude de notre histoire aux grands principes de la légitimité et du Christianisme, fondit tout à coup sur ceux qui se traînoient paisiblement dans le sentier battu; troubla, terrassa ces foibles antagonistes, qui, dans un doux sentiment de quiétude, ne songeoient qu'à se livrer à leurs goûts littéraires, ou à leurs penchants politiques. Dans le sentiment de sa force, il attaqua de front ce qui sembloit inattaquable; il renversa des réputations usurpées, et, comme s'il eût visé à des résultats inverses, il exalta ce qu'on avoit coutume de traiter avec mépris; il traîna par la boue ce qui avoit été l'objet d'une constante adoration. Il y eut, pour l'étude de notre histoire un choc violent, une espèce de tremblement de terre du monde moral. L'impression fut vive, particulièrement sur les jeunes étudiants auxquels il communiquoit ses vues et le feu dont il étoit dévoré; leurs thèses et leurs écrits en firent foi.

On jeta les hauts cris. C'est la coutume et presque le droit de ceux qui se sentent griévement blessés. On accusa Bilderdijk de paradoxe, d'obscurantisme, et, malgré l'absurdité du reproche, vû la tendance prononcée du Gouvernement vers les principes libéraux, on ne rougit pas de parler même de servilisme. Peu s'en faut qu'en l'honneur de la liberté de penser ce qu'on veut et de dire ce qu'on pense, on eût imposé à Bilderdijk le silence ou

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l'exilGa naar voetnoot1. On le regardoit comme un perturbateur public. Quoi de plus naturel? Il contestoit à la plupart de nos hommes de lettres la légitimité de leurs affections, et de leurs antipathies, et, ce qui peut-être leur étoit plus douloureux encore, il les dérangeoit dans le repos de leurs convictions et de leurs habitudes; et, si, lors de la première apparition des Institutes de Gajus, des Professeurs en Droit se sont irrités contre le malencontreux

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antiquaire qui bouleversoit leurs études par sa découverte, comment n'auroit-on pas repoussé avec indignation Bilderdijk, provoquant un remaniement complet de nos Annales par sa violente attaque! En outre, liant le passé à des vérités universelles, il avoit donné à ses principes et à ses idées une actualité menaçante. Une levée de boucliers étoit donc inévitable. Mais il étoit trop tard; le coup étoit porté. Bilderdijk avoit dissipé le prestige d'infaillibilité dans lequel l'opinion dominante avoit trouvé sa sauvegarde; il avoit fait sentir, même à ses antagonistes, la nécessité de revenir sur des questions qu'on avoit crû décidées. Nous regrettons l'aigreur, l'amertume, qui, de part et d'autre, vinrent trop souvent changer les discussions en disputes; mais au moins, et ce fut là un gain immense, la science, longtemps stationnaire, parcequ'on croyoit avoir atteint les limites de la vérité, reprit sa marche par l'impulsion du doute.

Il nous semble qu'on peut résumer à peu près de la manière suivante l'opinion actuelle de la plupart des hommes modérés et impartiaux. Son principal caractère est de n'être pas encore définitivement fixée, mais de marcher à la conquête de la vérité avec une hardiesse qui, après la découverte de beaucoup d'erreurs, n'a qu'un très-foible respect pour les jugements traditionnels. Se rappelant qu'il n'y a pas de marque de partialité plus sûre et plus ridicule à la fois, que de vouloir louer ou condamner les adhérents d'un parti en masse, on convient que l'aristocratie communale a rendu de très-grands services et qu'une foule d'hommes distingués est sortie de ses rangs, mais on se demande si les efforts de cette classe ont mérité les éloges qu'on lui a si prodigalement donnés;

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si, jalouse de son indépendance, elle a eu un respect égal pour les libertés publiques; si elle n'a pas eu constamment en vue l'extension de ses privilèges et l'agrandissement de son pouvoir, accaparant, aux dépens des Stadhouders et du peuple, la direction de l'Etat; si sa domination n'est pas devenue un joug difficile à porter, insupportable même à plusieurs époques; si ses relations à l'étranger ont toujours été marquées au coin d'un véritable patriotisme; et si, dans le cas que ses empiétements successifs n'eussent rencontré que de foibles obstacles, elle n'eût pas dégénéré aisément, à l'instar de Venise, dans un gouvernement d'Oligarques. De même, sans se laisser égarer par un enthousiasme sans bornes, on croit qu'il est juste d'examiner si les Princes d'Orange, auxquels on reproche de s'être opposés plus d'une fois à la paix, n'ont pas déjoué ainsi les manoeuvres d'un ennemi doublement redoutable lorsqu'il sembloit vouloir déposer les armes; si, en maintenant la Religion Réformée, ils n'ont pas, à part leur conviction personnelle, agi conformément à leurs obligations envers Dieu et envers les hommes; si les jugements sévères sur chacun d'eux en particulier ne reposent pas, en grande partie, sur des bruits controuvés et des calomnies accréditées; enfin, pour ne pas oublier ici une accusation qui leur fut commune, si, au lieu de pencher vers la tyrannie, ils n'ont pas avec un zèle, qui souvent au moins, fut désintéressé, combattu la tendance d'une caste égoïste, disposés à lui laisser une influence légitime, maisdécidés à ne pas sacrifier à ses exigences hautaines les droits du reste des citoyens.

On ne craint plus d'aborder même les points sur lesquels autrefois l'esprit de parti ne pouvoit supporter la moindre contradiction. La mémoire de Guillaume II a

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été, jusqu à un certain point, réhabilitée. On rend plus de justice aux actes et aux intentions de Guillaume III. On convient que le titre d'amis du peuple va mal aux chefs d'une faction oligarchique. On reconnoît que les Régences avoient, par de longues menées, mis successivement les droits des bourgeoisies à néant. Si tous ne voient pas en Maurice le défenseur de l'Eglise et de l'Etat contre l'oppression des Arminiens et des Aristocrates, plusieurs avouent que sa conduite en 1618 et 1619 a été atrocement dénaturée. On comprend même, chose qui long-temps parut si difficile à concevoir, que le fameux Synode de Dordt n'a pu être l'objet d'un jugement équitable à une époque d'incrédulité ou d'indifférence, et que cette Assemblée, en condamnant des erreurs, déplorables en elles-mêmes et plus funestes encore par leurs conséquences, a rendu un service important à la Chrétienté et sauvé l'Eglise de la corruption, comme le Stadhouder a préservé l'Etat de la guerre civile. Enfin l'on est d'accord que l'ignorance ou l'esprit de parti ont beaucoup omis et beaucoup exagéré, qu'ils ont dépeint une multitude de faits sous des couleurs fausses, et qu'avant de se disputer sur l'appréciation des événements et des personnages, il faudra savoir si les hommes et les choses ont réellement été tels qu'on a en coutume de se les réprésenter.

 

Voici donc où nous en sommes. Une Histoire des Pays-Bas, ou même des Provinces-Unies, n'existe pas encore et ne sauroit encore exister. L'insuffisance de tout ce qu'on nous a donné sous ce titre, est manifeste, et l'on commence à se défier, mème plus ou moins, croyons

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nous, à se moquer de l'outrecuidance avec laquelle plusieurs de nos écrivains ont raconté les événements, indiqué les causes, déduit les conséquences, tracé les portraits, analysé les caractères, et démêlé, comme par un art magique, jusqu'aux plus fines nuances du coeur et de l'esprit. Dans l'investigation des faits l'on a recours aux sources contemporaines et aux pièces inédites. On comprend qu'il faut une autre base à l'édifice et que les travaux préparatoires ont à peine commencé.

Quels sont les devoirs que cet état de choses prescrit? Mettre une grande ardeur dans les recherches, éviter toute précipitation, quand il s'agit de juger; s'abstenir de toute arrière-pensée, de tout but particulier qui pourroit rendre suspect le dévouement à la vérité.

 

Ces réflexions préliminaires nous permettent d'être brefs en ce que nous avons à dire sur

1o.les Ouvrages relatifs à l'Histoire générale de notre Pays.
2o.ceux qui se rapportent spécialement aux temps de Guillaume I.
3o.quelques écrits récents qui, sans traiter directement des Pays-Bas, nous ont néanmoins été fort utiles.

 

Nous ne ferons mention que d'un nombre d'Auteurs très-restreint: non seulement parceque nous ne voulons ici parler que de quelques uns d'entre les livres que nous avons le plus fréquemment cités; mais encore parcequ'il y a une infinité d'écrits de divers genre sur notre Histoire, qui ont joui durant un temps d'une grande renommée, et que toutefois nous avons passé sous silence dans notre

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Recueil. Des compositions souvent détestables, où l'igno rance le dispute à la mauvaise foi, eurent la vogue, aussi longtemps que les passions y trouvèrent leur écho. L'éclat trompeur de ces productions éphémères est un grand mal: la satyre contemporaine auroit dû en faire bonne et prompte justice; les réfuter maintenant seroit un anachronisme; on ne feroit que les sauver de l'oubli. En outre, parmi la multitude des Auteurs d'un vrai mérite, nous avons été contraints de faire un choixGa naar voetnoot1; sans cette précaution il n'y eût pas eu de fin à nos recherches.

 

Nous avons, quant aux Histoires générales des Provinces-Unies, laissé de côté plusieurs mauvaises rhapsodies qu'on a décorées de ce nom; ne citant que les Ouvrages de Wagenaar et de Bilderdyk, qui nous semblent être l'expression des deux tendances que nous avons décrites.

En effet le premier réprésente l'opinion anti-stadhoudérienne et le statu quo, prolongé chez plusieurs jusqu'à nos jours; l'autre les principes nationaux et orangistes et le réveil historique dont nous sommes témoins.

 

Le travail de WagenaarGa naar voetnoot2 a été durant de longues années l'objet de panégyriques outrés. On se félicitoit d'avoir le récit complet de nos annales; puis l'écrivain appartenoit à la clientelle de la Régence d'Amsterdam, et sa prédilection manifeste pour ses patrons étoit un titre aux éloges des

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modérateurs de l'opinion publique. Il y eut compensation plus tard; car l'on conçoit que, dans la lutte contre les traditions aristocratiques, son ouvrage ait été l'objet des plus violentes attaques. En bonnejustice, Wagenaar ne pouvoit échapper à la sévérité de la critique. Il a traité le Moyen Age sans les connoissances requises et surtout avec une profonde ignorance du Droit Féodal, qui néanmoins est la base de tant de droits et de rapports. Il a considéré la République d'après le point de vue étroit des Etats de la Hollande. Son talent de rédaction est médiocre, le style lourd et diffus. Toutefois on ne sauroit l'accuser de mauvaise foi; et, s'il est aisé de rassembler dans sa longue histoire une quantité de bévues et d'erreurs, qui maintenant nous semblent même ridicules, l'équité exige qu'on lui rende le témoignage qu'à son époque il a fallu un labeur prodigieux pour composer un ouvrage lequel, encore de nos jours, malgré tant de critiques, n'a pas été remplacé de manière à ce qu'on puisse entièrement s'en passer.

Il faudroit être peu jaloux de la gloire de Bilderdyk pour prétendre que le récit superficiel, entremêlé d'observations acerbes et d'invectives parfois très-inconvenantes, qu'on a publié sous le nom d'Histoire de la PatrieGa naar voetnoot1, soit une oeuvre digne de lui. Peut-être, malgré tous les vices de cette composition informe et bizarre, est-il néanmoins permis de dire que Bilderdijk, poète incomparable, sublime, avoit le génie de l'histoire; car un génie tel que le sien a toujours quelque chose d'universel. Ajoutons qu'avec des principes arrêtés, avec un coup-d'oeil pénétrant et ferme,

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il lui a été facile de saisir le caractère des évènements et de les grouper autour des grandes lignes qui déterminent leur cours. Un homme comme lui a le tact de bien choisir ses sources; c'est ainsi que, dans le commencement des Troubles, on le voit suivre pas à pas, mais toujours avec discernement, le Mémorial de Hopper, petit ouvrage très-propre à contrebalancer l'exagération de nos historiens. Toutefois, s'il eut les prérogatives du génie, il en eut aussi les inconvénients: cette confiance qui s'abandonne aux inspirations faciles d'une espèce de divination historique; cette surabondance de force qui ne permet pas la médiocrité même dans les écarts; cette ardeur qui, au lieu de guider, emporte; cette inflexibilité devant laquelle les événements se plient, pour ne point la heurter. Idéalisant, en bien ou en mal, les objets de ses sympathies ou de ses répugnances, son zèle à refouler l'erreur lui fait outrepasser les bornes de la véritéGa naar voetnoot1. D'ail-

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leurs rien ne sauroit suppléer à la connoissance des faits, et Bilderdijk, dans la plupart des sciences humaines fort au dessus de la médiocrité, ne possédoit cependant pas en histoire le degré de science indispensable pour éviter une foule d'inexactitudes et d'erreurs. Et nous ne parlons point de ces erreurs de détail, que personne, dans un ouvrage d'une telle étendue, ne sauroit éviter; nous parlons d'erreurs graves et fondamentales, qui font révoquer en doute la compétence de l'écrivainGa naar voetnoot1. Pour apprécier cet ouvrage, il faut se rappeler son but spécial. C'est une ébauche; une récapitulation des principaux faits, assaisonnée de remarques piquantes, une analyse raisonnée, servant de fil conducteur à des enseignements particuliers. Bilderdijk avoit déclaré une guerre à mort à cette histoire stéréotypée qui avoit pris possession des esprits. Dans la chaleur du combat, il se laissoit entraîner par fois à frapper plutôt fort que juste; et on lui en voudra moins peut-être, si, comme il est probable, il avoit le dessein, non de faire adopter aveuglément des convictions opposées, mais de provoquer un examen nouveau et de sérieuses recherches. C'est par cette ardeur de polémique

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qu'on peut expliquer la critique perpétuelle et violente de Wagenaar; celui-ci sembloit avoir posé des bornes aux recherches, et ces bornes il falloit les renverser. Sous ce rapport les leçons de Bilderdijk ont rendu de grands services; mais ces cahiers ont fait leur temps; on a pu subvenir à leur aridité par des remarques parfois très-intéressantes, mais il n'en est pas moins vrai que cet écrit, en lui même, ressemble déjà à une armure antique, objet curieux, mais inutile dans nos luttes et qu'on transporte de l'arsenal au musée.

 

Ici nous devons parler des Ecrivains qui, traitant un objet spécial, poursuivent leurs recherches à travers toutes les époques de la République. Ainsi, par ex., M. Bosscha a exposé la suite de nos faits d'armes sur terre-fermeGa naar voetnoot1, et M. de Jonge les fastes de notre MarineGa naar voetnoot2. M. Meyer, en décrivant nos Institutions judiciaires, a raconté, d'une manière fort intéressante, la marche et les excès de l'Aristocratie communale; ses prétentions, ses empiétements, son insolence; les causes qui contrebalancèrent l'action funeste d'une multitude d'abusGa naar voetnoot3. Nous omettons d'autres écrits plus ou moins recommandables;

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mais nous ne saurions entièrement nous taire sur l'Histoire Ecclésiastique de M.M. Ypey et DermoutGa naar voetnoot1 et la réfutation par M. van der KempGa naar voetnoot2. Sans vouloir examiner si l'Ouvrage attaqué est réellement une accusation perpétuelle du Clergé orthodoxe et une Justification, quelquefois même un panégyrique, de ses antagonistes, il nous semble évident que l'Eglise Réformée des Pays-Bas, fidèle à son origine, fidèle à l'ensemble des vérités qui la caractérisent, ne pourroit ratifier la mission d'historiographes que M.M. Ypey et Dermout se sont attribuée, et nous devons avouer en outre que les progrès de la science depuis l'impulsion donnée par Kluit n'ont été mis à profit par eux, ni durant l'époque si particulièrement importante de Leicester, ni dans celle de Guillaume I. Les rapports de celui-ci avec l'Eglise sont même défigurésGa naar voetnoot3. La franchise est ici d'autant plus impérieusement prescrite que plusieurs écrivains venus plus tard ont suivi à l'égard de M. van der Kemp (dont l'Ouvrage, quoiqu'on aimeroit à y effacer un bon nombre d'expressions trop acerbes, a sans contredit de grands mérites) une tactique, qui, pour être assez commune, n'en est pas moins digne de mépris. Un livre ébranle-t-il les opinions reçues, on a garde de le réfuter; on feint de ne pasle connoître; on évite d'attirer sur lui l'attention publique; on tâche de le tuer par le silence et l'oubli. Triste manège qui peut réussir pour un temps, lorsqu'un parti s'est emparé de la direction des journaux et que la

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somnolence d'un peuple et d'une époque double la force de ces influences soporifiques. Toutefois à la longue ces petites intrigues tournent à la confusion de leurs auteurs; elles trahissent leur manque de courage et leur peu d'amour pour la véritéGa naar voetnoot1.

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Parmi les Ecrivains qui ont plus spécialement traité les temps de Guillaume I, nous avons eu recours surtout à trois auteurs contemporains, Bor, van Meteren, et van ReydGa naar voetnoot1; on hésite à leur donner le titre d'historien et toutefois ils méritent un nom plus relevé que celui d'annaliste.

L'Ouvrage de BorGa naar voetnoot2 est sans contredit le plus remarquable. C'est le récit des événements de 1555 à 1600, composé en grande partie par l'insertion textuelle ou l'analyse scrupuleuse de pièces authentiques. L'exactitude de cet homme laborieux est étonnante et sa véracité ne sauroit être révoquée en doute. Son livre est un magasin rempli de documents précieux; et l'intérêt qui s'attache à une narration simple et circonstanciée, fait oublier ce que le manque total d'art historique et d'agréments de style a de monotone et de déplaisant.

Le travail de van MeterenGa naar voetnoot3 embrasse la période de 1559 à 1612. Même bonne foi, même ardeur dans la recherche de faits et de documents; beaucoup de particularités

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remarquables que son prédécesseur semble avoir ignorées: ce second Ouvrage est le complément indispensable du premier.

On trouve plusieurs Lettres de van Reyd dans notre RecueilGa naar voetnoot1. Sécrétaire du Comte Jean de Nassau, il fut témoin oculaire de beaucoup d'entre les faits qu'il raconte; admis dans la société des personnages marquants, il apprit à connoitre à fond les événements et les hommes. Son HistoireGa naar voetnoot2 ne parut qu'après sa mort. Elle va de 1566 à 1601, mais ne devient détaillée qu'en 1583. Homme franc et droit, il étoit incapable de déguiser la vérité.

Peut-être les admirateurs de Hooft nous reprocheront de n'avoir presque jamais fait mention de celui qu'ils appellent le Tacite des Pays-Bas. Son OuvrageGa naar voetnoot3, par l'éloquence des discours, par la beauté et le fini des tableaux, par la concision et le style vigoureux du récit, est un monument impérissable, un chef-d'oeuvre national. Toutefois, s'il nous est permis de communiquer franchement nos impressions personnelles à la lecture d'un Auteur si vanté, il nous semble que l'imitation de l'historien Romain y est trop souvent forcée, qu'elle devient presque un tour de force, et se montre beaucoup plus dans la coupure des phrases que dans la profondeur des idées on dans la pénétration du coup d'oeil politique. Dans bien des endroits on sent le travail du rhéteur; et nous aimons la rude et naïve simplicité des écrivains à la manière de Bor, s'inquiétant fort peu de la forme, beaucoup

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plus, que cette composition au style prétentieux et aux couleurs éblouissantes, où la forme souvent emporte le fond. Quelque grand que puisse être son mérite sous le rapport littéraire, nous ne voyons pas que l'histoire ait beaucoup profité de son travail.

Nous devons beaucoup aux Lettres de Languet. - François et l'un des hommes les plus remarquables de son époque par ses talents littéraires et politiques, amené à la Réforme par les écrits de Mélanchthon, et longtemps en divers pays agent secret de l'Electeur Auguste de Saxe, il avoit un grand talent d'observation, beaucoup d'usage des Cours, voyoit de près les événements et les intrigues, et rendoit un compte détaillé de ses remarquesGa naar voetnoot1. Il entra en rapports avec la Maison de NassauGa naar voetnoot2. Il étoit intimement lié avec le Sr Du Plessis-Mornay. C'est un bel éloge d'avoir été l'ami de ce personnage si remarquable, qui unissoit aux talents de l'homme d'État la foi simple et fervente d'un véritable disciple de

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Christ. - Les Lettres d'un tel voyageur abondent, on peut le croire, en détails précieux.Ga naar voetnoot1

 

Les écrivains que nous avons cités, avec la meilleure volonté d'être justes envers leurs antagonistes, vivoient cependant au milieu des passions agitées et ne pouvoient toujours se soustraire à ces influences, pour ainsi dire, atmosphériques. Delà de fortes préventions contre le Roi, les Espagnols, et les CatholiquesGa naar voetnoot2. En outre ils ne sont pas suffisamment instruits des faits qui se passèrent en Belgique; leurs renseignements ne sont très-exacts, ni sur les commencements des troubles, ni sur l'époque où les 17 Provinces firent de nouveau cause commune. Il a donc fallu prendre des renseignements chez l'ennemi, et consulter surtout le principal Auteur Catholique, StradaGa naar voetnoot3. Il est parfaitement informé, ayant à sa disposition beaucoup de documents secrets, entr'autres la correspondance inédite et confidentielle du Roi

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avec la Duchesse de ParmeGa naar voetnoot1. Jésuite, il n'étoit nullement porté pour le Prince d'Orange, ni pour les Protestants en général; on s'en apperçoit; mais sa partialité n'est pas aussi excessive qu'on pourroit le supposerGa naar voetnoot2. Il semble, malgré ses préventions nationales et religieuses, s'être souvenu

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de la loi fondamentale de l'histoire: peut-être faut-il remarquer qu'il étoit Italien, que son ouvrage est dédié au Prince de Parme, Italien, et qu'en Italie on n'aimoit pas les EspagnolsGa naar voetnoot1.

 

Le Recueil de M. Hoynck van PapendrechtGa naar voetnoot2 nous a fourni plusieurs Mémoires curieux.

D'abord la Vie de Viglius, qu'il a écrite ou dictée, et dont le meilleur commentaire se trouve dans ses Lettres, soit à Hopperus, soit à d'autres personnagesGa naar voetnoot3.

Puis les Commentaires de J.B. de TassisGa naar voetnoot4, de 1559 à 1598, moins remarquables cependant qu'on ne pourroit le supposer d'après les talents et les relations du général diplomate.

Surtout le Recueil ou Mémorial des Troubles des Pays-Bas par Hopperus, de 1559 à 1565; opuscule très-intéressant; où, parfaitement informé, il retrace l'origine et les progrès du mécontentement universelGa naar voetnoot5.

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Nous avons cité plus d'une fois la biographie de Guillaume Premier, par M. de BeaufortGa naar voetnoot1. Quant à l'investigation des faits, ce travail n'est pas sans mérite; mais il y a des longueurs, des hors-d'oeuvre, des dissertations et des diatribes continuelles contre toute espèce de tyrannies et de tyrans, saufl'aristocratie et les aristocrates; et, ce qui est plus à regretter encore, l'auteur, appartenant au parti des Régences, à une époque où ce parti étoit tout-puissant, ne se borne pas à cette influence indirecte, mais trop souvent il dénature les faits en les décrivant au point de vue de ses passions politiques. Nous aurons occasion d'en faire la remarqueGa naar voetnoot2.

 

Il nous reste à indiquer quelques publications récentes sur l'histoire des divers pays de l'Europe au 16e siècle.

 

C'est surtout en Allemagne que nous avons trouvé de puissants secours.

Une érudition solide est l'apanage de ce pays. L'étude y absorbe la vie des savants. L'existence est concentrée dans le travail du cabinet; on le poursuit, quelquefois malgré le bruit des armes, et plus souvent au milieu des distractions plus étourdissantes encore des discussions

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politiques. Là est encore un ardent amour de la vérite et une stricte fidélité au devoir, qualités précieuses dont le dévouement consciencieux est le résultat.

Il a fallu ce mobile relevé à M. von Rommel pour le faire persévérer dans une tâche aussi laborieuse que son Histoire de la Hesse. Les trésors des Archives de Cassel sont dispensés avec choix et largesse dans ce beau travail, sans contredit une des plus excellentes compositions historiques de notre époque.

Le même témoignage est dû aux écrits de Mr. RankeGa naar voetnoot1. Non seulement par ses laborieuses recherches, il a découvert une infinité de documents, mais avec une grande sagacité il a mis à profit d'autres qu'on connoissoit déjà; il a indiqué des rapports, des aperçus nouveaux; faisant jaillir la lumière où avant lui il n'y avoit eu que ténèbres; enfin il a réussi à rendre ses écrits populaires par la fraîcheur et l'intérêt du récit. Il réunit quelques traits de caractère et dépeint ainsi, avec des couleurs naturelles, les personnages marquantsGa naar voetnoot2. Souvent cette réunion de science et de vie nous a rappelé les paroles de Mme de Stael sur Jean de Muller: ‘Son érudition, loin de nuire à sa vivacité naturelle, étoit comme la base d'où son imagination prenoit l'essor, et la

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verité vivante de ses tableaux tenoit à leur fidélité scrupuleuseGa naar voetnoot1.’

Ayant cité plusieurs fois deux Ouvrages de M. von Raumer, nous sommes tenus d'exprimer, sans détours, notre opinion à leur égard.

Le premier, ses Lettres écrites de ParisGa naar voetnoot2, ne nous semble pas un modèle à suivre; au contraire c'est, à notre avis, res mali exempli. Même sans avoir les connoissances étendues et variées de cet écrivain renommé, il est très-facile, pour quiconque aura fait quelques études historiques, d'extraire dans les Bibliothèques, en compulsant les Manuscrits, un bon nombre de passages saillants, de les ranger dans un certain ordre de matières, et d'y ajouter quelques remarques; mais, si des travaux de ce genre sont bons pour piquer la curiosité des oisifs, la science en profite peu. Il lui faut plus que des morceaux détachés, pris au hasard, en grande partie traduits, qui rarement donnent une idée de l'ensemble et de l'esprit des originaux, et dont l'assemblage ne paroît pas être le résultat de sérieuses recherches.

Le second Ouvrage est son Histoire de l'Europe depuis la fin du 15e siècleGa naar voetnoot3. C'est, ce nous semble, un des meilleurs résumés de l'Histoire Moderne; et comme tel, nous avons cru pouvoir y renvoyer nos lecteurs, bien

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que nous ne soyons d'accord avec l'Auteur, ni en religion, ni en politiqueGa naar voetnoot1. Nous devons faire observer en outre que dans le jugement qu'il porte sur ce qui a eu lieu dans les Pays-Bas, il a tout uniment adopté les erreurs traditionnelles, avec cette conviction naïve et facile qui ne tient pas compte des opinions opposéesGa naar voetnoot2.

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Dans un livre qui embrasse des siècles, il seroit injuste et ridicule de vouloir une exactitude parfaite dans les détails. Mais on est en droit d'exiger, d'abord que là où l'écrivain tranche les questions les plus difficiles et les plus délicates, il soit à la hauteur de la science, au lieu d'être un demi-siècle en retard; ensuite que, précisément à cause de l'imperfection inévitable dans une oeuvre pareille, il mette de la circonspection dans ses arrêts et parfois s'abstienne de juger. Une Histoire générale doit constater les conquêtes que l'étude a faites; si, au contraire, l'Auteur accrédite, par un suffrage respectable, des erreurs déjà réfutées, plus sa renommée est grande et son mérite réel, et plus il contribue à retarder les progrès de la vérité.

 

Le France d'autrefois peut, en matière d'érudition, marcher de pair avec l'Allemagne moderne. On est saisi d'admiration à la vue de ces Collections gigantesques où des générations successives d'ouvriers obscurs transmirent à la postérité le résultat de leurs travaux et de leurs veilles. Mais que dire du temps présent? Nous serons le premier à citer avec respect les noms de M. Champollion-Figeac, Guérard, Weiss, et de plusieurs autres savants, dans lesquels les Bénédictins trouveroient encore de dignes émules; mais eux-mêmes, placés dans l'époque actuelle par exception et, pour ainsi dire, par anachronisme, reconnoissent et déplorent la décadence des études historiques, au moins pour ce qui en concerne les bases et la véritable solidité.

Nous n'en rechercherons pas ici les causes. On pourra, croyons nous, les trouver en grande partie dans l'esprit

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d'une génération qui répugne à ces travaux sans éclat, dont l'amour de la science est le mobile et le progrès de la science le but. L'histoire en France est devenue un moyen; on l'étudie pour y trouver des armesGa naar voetnoot1. Dès lors elle devient une cire molle que chacun façonne d'après ses préoccupations diverses. Les faits se plient aux systèmes avec une facilité étonnante; les raisonnements contraires trouvent leur appui dans des événements identiques. On aborde l'histoire avec des convictions arrêtées; on veut les y retrouver; il est rare qu'on ne croye les y retrouver en effet. Des hommes doués du génie historique par excellence n'ont pas entièrement évité cet écueil. Voyez M. Guizot! Méditant les révolutions de l'Angleterre pour y indiquer la prophétie d'un changement dynastique, il a, malgré sa rare sagacité, méconnu l'influence des opinions religieuses; c'est-à-dire, la cause déterminante des événements qu'il a du reste décrits avec un si admirable talent. Voyez encore M. Thierry! Se livrant à l'investigation du Moyen Age, avec la ferme assurance d'y rencontrer la réalisation des doctrines du libéralisme, il a, nonobstant sa pénétration dans le génie aussi bien que dans les moindres détails d'une époque, sous quelques rapports mal

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caractérisé l'affranchissement des Communes; en attribuant l'origine de ce mouvement universel au besoin d'une liberté dont les hommes d'alors n'auroient pas même saisi le sens et la portée. Toutefois on profitera toujours à lire et à méditer les ouvrages d'écrivains pareils. Il y a une autre classe d'auteurs dont on ne sauroit dire autant. Ce sont ceux qui, se donnant l'air d'avoir fouillé les Bibliothèques, pâli sur les MSS., épuisé les textes, cachent souvent une ignorance extrême sous les dehors d'une profonde érudition. Plus nous admirons le style inimitable de M. de Chateaubriand, et plus nous éprouvons un sentiment pénible (car c'est une douleur réelle de voir le génie se mettre au niveau de la médiocrité) en lisant ses Etudes historiques, où la connoissance la plus superficielle des faits semble vouloir se déguiser par un ton tranché et par une présomption inconcevable dans les jugements. De même nous ne saurions grandement nous féliciter de l'apparition des nombreux volumes publiés sous le nom de M. de Capefigue. Cet écrivain cum suis (car, malgré le peu de profondeur des recherches, nous n'admettons pas même la possibilité qu'il ait composé cette bibliothèque historique à lui seul), désirant exciter l'intérêt de ses lecteurs, use et abuse à cet effet de deux moyens. D'abord il donne avec profusion des lambeaux de Manuscrits, et il faudroit jouer de malheur, si, dans le nombre, il n'y en avoit pas d'intéressants; ensuite il manie fort bien le levier de l'exagération. Toutefois, quand il outre les caractères, quand il pousse les suppositions à l'extrême, quand il prend le contrepied de l'opinion reçue; quand il frappe d'étonnement par ses paradoxes; quand il saisit

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une idée piquante, mais qu'il en fait une source d'erreurs, en l'isolant, en la fortifiant, en lui faisant dépasser sa véritable portéeGa naar voetnoot1, il sera permis de dire que des ouvrages pareils, quel que puisse être, sous d'autres rapports, leur mérite, servent plus à embrouiller les études historiques qu'à les faire avancer.

Il nous est également pénible de devoir parler du Recueil des Archives curieuses de l'Histoire de FranceGa naar voetnoot2. Rarement nous fumes à un tel point désappointé, comme en parcourant les volumes publiés sous ce titre pompeux. Au lieu de pièces inédites, des documents déjà publiés; au lieu de pièces rares, un bon nombre de documents trèsconnusGa naar voetnoot3; au lieu de pièces intéressantes, beaucoup d'un intérêt médiocre, ou qui même, loin de mériter une édition nouvelle, n'auroient jamais dû voir le jourGa naar voetnoot4. Et c'est à Paris, au milieu d'une abondance de Manuscrits dont l'impression seroit pour la science un service réel, qu'on fait une publicationGa naar voetnoot5 pareille!

 

Quant à des ouvrages Anglois, n'en ayant guère cité, nous nous bornons à émettre le voeu que les savants de

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la Grande-Bretagne nous donnent, à l'exemple de MrEllisGa naar voetnoot1, un choix des Lettres historiques enfouies encore dans les collections particulières et surtout dans les Bibliothèques et les Musées NationauxGa naar voetnoot2.

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Le Due de Nassau posséde, à Wisbaden ou à Idstein, les papiers de la branche aînée.
voetnoot1
Il n'y a eu que Mr Arnoldi, Conseiller de Régence à Dillenbourg, auquel la confiance du Prince d'Orange, en le nommant conservateur de ce Dépôt, ait également permis d'en faire usage pour l'aváncement des études historiques. Il a publié ou analysé plusieurs documents dans deux ouvrages: l'un (Historische Denkwürdigkeiten, Leipzig 1817) renferme un grand nombre de particularités intéressantes et environ une soixantaine de Lettres, appartenant presque toutes à la première moitié du 16e siècle; l'autre (Geschichte der Or. Nass. Länder und ihrer Regenten, Hadamar 1799-1819, 3 Th.) donne un récit détaillé de la vie de plusieurs Comtes de Nassau, mais s'arrête à Guillaume I. - Le Professeur H. W. Tydeman (Bilderdijk, Geschied. des Vaderlands, T. VII p. 241) affirme que M. Bilderdijk a eu connoissance des Lettres que nous publions; mais cette assertion, hasardée et en tout cas beaucoup trop générale, se fonde uniquement sur ce qu'en effet Bilderdijk semble avoir vu la correspondance de Guillaume I avec Anne d'Egmont; peut-être se trouvoit-elle encore entre les mains d'un particulier; ce qui est d'autant plus vraisemblable, puisque nous l'avons déterrée parmi les papiers de Louise de Coligny; ce qui montre bien que les préposés aux Archives ne l'avoient pas encore attentivement examinée. Du reste, il se peut que tel ou tel document, tel ou tel registre, soit avant d'entrer dans les Archives, soit ensuite, ait été communiqué à quelque savant; mais on peut être sûr que, si un homme comme Bilderdijk avoit eu accès aux Archives, les traces de ses recherches seroient profondément empreintes dans ses écrits.
voetnoot1
Nous désignons les secondes par un astérique (*), les dernières par une croix (†).
voetnoot2
Une masse énorme de ces Lettres et billets autographes, expression vivante de la diplomatie de l'époque, est sans doute enfouïe encore dans les Bibliothèques d'Allemagne. On peut en juger par ce que M. con Rommel a publié des Archives de Cassel; et récemment M. Ranke a écrit (Deutsche Geschichte, I. p. viii) que la correspondance entre l'Electeur Jean-Fréderic de Saxe et le Landgrave Philippe de Hesse, à Weimar, formeroit à elle seule une série de Volumes.
voetnoot1
Ainsi par ex. en lisant la Lettre 92, écrite par le Landgrave Guillaume, on avouera, je pense, qu'un sécretaire eùt employé des termes plus élégants et moins énergiques (p. 294).
voetnoot2
Par ex. T. VI. p. 64.
voetnoot3
N.o 304e, L. 731, et L. 748.
voetnoot1
Il se plaint d'être mal entouré. La correspondance est suspendue dès qu'il se trouve indisposé (T.V. p. 46).
voetnoot2
En veut-on des exemples frappants; on n'a qu'à lire les Lettres 657, 689, 690 et surtout (T.V. p. xxviii, sqq.) la Lettre 692, expression admirable et touchante d'un coeur brisé et d'un esprit pénétrant et calme au milieu des coups redoublés de la mauvaise fortune. - De même on peut aisément démêler les Lettres qui ne sont pas destinées uniquement à celui à qui on les adresse (par ex. les Lettres 311, 515, 1060). Il y a un contraste frappant entre le ton ordinaire du Prince et la gravité, la retenue, la solennité de ce style sémi-officiel.
voetnoot3
Le Prince connoissoit plusieurs langues. Parlant de ses alentours Languet, (Epist. secretae, I. 2. 92) écrit: ‘animadverti plerosque in eâ aulâ varias linguas tenere;’ et il ajoute: ‘ipse Princeps est plurium peritus.’ Mais, élevé à la Cour de Bruxelles, il paroît avoir écrit de préférence en François. Du moins nous n'avons guère de Lettres autographes de lui en Allemand. Celle qui se trouve T. II. p. 31, est probablement une copie écrite de sa main; elle aura été faite sur une traduction, et, même en supposant le contraire, la délicatesse extrême du sujet rend le cas tout-à-fait exceptionnel. Ses Lettres autographes au Comte Jean de Nassau et au Landgrave Guillaume de Hesse (T. III. L. 331-335, 337-339) sont toujours en François, tandis que parmi les copies un bon nombre est en Allemand et que le Comte Louis de Nassau leur écrit toujours dans cette dernière langue (L. 182, 184, 209). Les brouillons de tout genre (N.o 304c) sont en François; et, ce qui est plus significatif encore, parfois on trouve un Post-Scriptum en François à une Lettre en Allemand (T. III. p. 91, in f.). Un indice assez curieux vient à l'appui de notre supposition; e'est qu'à la Lettre 26, qui est une minute autographe, on a joint une version en Allemand. La Lettre 29 est évidemment un brouillon destiné à être traduit pour l'Electeur de Saxe.
voetnoot1
Par ex. à la Justification de 1568, communément attribuée à Languet (III. p. 186): le n.o 304c prouve que la même année il travailla en personne à un Mémoire justificatif de la prise des armes.
voetnoot2
Le Mémoire sur la situation critique des Pays-Bas en 1566 paroît être du Comte Lonis de Nassau (T. II. p. 429, in f.). L'Apologie en 1580 est de Villiers (T. VII p. 263, medio); certes l'enflure qu'on y remarque n'a rien de commun avec le style du Prince; style mâle et vigoureux, où la simplicité est toujours unie à la force. Probablement le Prince aura mis plus d'une fois à contribution la plume ferme et élégante de Marnix. Avant de confier à d'autres le travail de la composition, il les aura soigneusement mis au fait de l'ensemble et du détail de ses idées; puis il se réservoit le jugement définitif, sur le fonds et sur la forme. - Il examinoit attentivement les actes dont il assumoit la responsabilité; et l'on reconnoit sa main, même dans des déclarations qui n'émanoient pas directement de lui; par ex. dans la Justification des Etats-Généraux en 1578 (T. VI. p. 347).
voetnoot1
‘Après avoir reçû en plusieurs rencontres des preuves de l'amitié et confinance de M. le Prince d'Orange Henri, il m'en donna un jour une grande marque, en me menant dans son Cabinet, où m'ayant montré les Mémoires du feu Prince Guillaume son Père, il me permit de les lire.’
‘Je puis dire n'avoir jamais rien lû de si beau. Les sujets des mauvais offices qu'il avoit reçûs du Cardinal de Granvelle y sont très bien expliquez; tous les conseils qu'il donnoit à la Duchesse de Parme, lors Gouvernante des Pays-Bas, pour ne pousser pas ses Peuples dans le désespoir, y sont marqués avec tant de force et de zèle pour le maintien de ces Pays, que le meilleur sujet du Roi d'Espagne n'eût pas mieux agi pour le service de son Maitre, que ce Prince n'avoit fait.’
‘Je lus ensuite l'Apologie qu'il a faite contre le Roi d'Espagne, et l'Instruction qu'il donna au Prince Maurice son Fils.....
Ensuite de cette Lecture je remerciai M. le Prince d'Orange, et lui témoignai la reconnoissance que j'avois de la confiancé qu'il prenoit en moi. Il me répondit à cela avec tant de bonté que j'en fus sensiblement touché, et me fit monter seul dans son carossc pour l'accompagner à la promenade’ (Lettres de d'Estrades, I. 46).
voetnoot1
D'après le témoignage de M. le Baron d'Yvoy de Mydrecht (chez de Wind, Bibliotheek der Nederlandsche Gesehiedschrijvers, I. 483).
voetnoot1
C'est l'opinion de M. Schlosser dans les Heidelberger Jahrbücher, 1837, n.o 1, p. 7. Il trouve notre explication forcée et tout-à-fait inadmissible: mieux vaut, dit-il, simplement déclarer ‘c'est une erreur, un mensonge,’ que d'avoir recours à une fiction aussi étrange.
voetnoot1
Bor, I. 131 et ci-après T. II. p. 429.
voetnoot2
Un Mémoire est ‘un écrit dans lequel on expose et l'on approfondit une affaire’ (Dictionnaire de Laveaux). L'Ouvrage de d'Estrades lui-même (Lettres, Mémoires et Négociations) en fournit un exemple. Il y en a un autre dans une Lettre du Prince écrite en 1584 au Comte Jean de Nassau: ‘Je le dédui plus amplement dans mes mémoires que j'envoie à la Reine d'Angleterre’ (ms.). Nous crûmes d'abord qu'il s'agissoit de Mémoires biographiques; mais, continuant à lire, nous vîmes bientôt qu'il étoit question d'un avis spécial sur la nécessité d'avoir recours à la France; que le Prince lui-même donnoit le nom de Discours à ce Mémoire, et que par conséquent d'Estrades avoit pu donner le nom de Mémoires à des Avis et à des Discours.
voetnoot1
Les travaux préparatoires étant terminés, l'on commencera bientôt à publier ces Manuscrits. D'abord on avoit voulu donner séparément ce qui a rapport aux différents Etats; un Recueil pour l'Espagne, un autre pour les Pays Bas, et ainsi de suite. Nous nous sommes élevé contre cette forme de publication (T. IV, p. ix); on semble l'avoir abandonnée. M. Gachard (Compte rendu des séances de la Commission royale d'histoire, à Bruxelles, III, i. p. 25) le regrette; mais c'est, à ce qu'il nous semble, par un mal-entendu. Il n'a jamais été question, comme M. G. le suppose, d'amalgamer les Mémoires de Granvelle et les documents du même genre avec l'Apologie de Charles-Quint, ou l'ambassade de St. Mauris, ou les Ambassades de Simon Renard, ou quelqu'une des collections qui, par leur nature, forment un tout distinct et complet. Il faut faire de celles-ci un ouvrage à part; c'est même ce que nous avons dit expressément (l.l.); il seroit inconcevable et nous n'avons aucun motif de le penser, que, tombant de Charybde en Scylla, on se fût décidé maintenant à former un pêle-mèle universel. Si nous sommes bien informé, l'alternative concernoit uniquement la Correspondance du Cardinal, qu'il falloit publier, soit d'après la division par Etats, soit d'après l'ordre chronologique. Nous persistons à croire qu'en prenant ce dernier parti, l'on a bien choisi et qu'il n'y avoit pas à hésiter. Le Cardinal ne considéroit pas les diverses parties de la Monarchie isolément; il les embrassoit sous un point de vue général (Comme M. Ranke a dit de Charles-Quint, qu'il gouvernoit ‘die einzelnen Lande von einem allgemeinen Gesichtspunkte aus:’ Fürsten u. Völker, I. p. 101. ‘Nur aus dem Complex seiner Reiche konnte die Einheit seines Denkens hervorgehn;’ Deutsche Geschichte, I. p. 469). En morcelant les Lettres de Granvelle, de Morillon, de Viglius, et d'autres, pour en recoudre arbitrairement les lambeaux, on auroit non seulement méconnu la nature et la connexité des faits, mais en outre brisé l'unité de la pensée; tandis que, lorsqu'on ne fait que suivre la série du temps, les événements se présentent dans leur marche et leur enchaînement naturels, et chaque Lettre explique et complète celles qui l'avoisinent.

voetnoot1
Aux mérites de M. Kemper, Professeur à Leide, qui en 1813, par un dévouement énergique, s'est acquis des droits impérissables à la gratitude de ses concitoyens, il faut ajouter l'indignation généreuse avec laquelle il repoussa de pareils desseins. ‘In een land waar vrijheid van denken en schrijven een grondwettig beginsel van Staat is, zoude men met gezag tusschen beide komen, in de behandeling van geschiedkundige geschilpunten; en zij die dit voorstellen, noemen zich voorstanders van liberaliteit?’ Verhandelingen enz van Kemper, iii. p. 165. - Toutefois, les doctrines du libéralisme régnant presque sans contradiction, on conçoit parfaitement l'animosité contre les enseignements de B. - Kemper lui même, défenseur zélé des principes de la Révolution et ne voyant dans leurs conséquences funestes qu'une fausse application de ce qu'il croyoit être la vérité, écrit en 1805: ‘Ik verfoei zijne staatkundige gevoelens, omdat zij in mijne oogen alle zedelijke waarde van den mensch als zoodanig te gelijk met alle burgerlijke vrijheid ondermijnen:’ l.l. p. 153. Ses opinions s'étoient beaucoup modifiées en 1823: ‘Hoe zeer ik van onzen grooten B. in de meeste zijner Staatkundige resultaten verschille, is het echter niet te ontkennen dat... zijne verdiensten aan onze Vaderlandsche geschiedenis zeer groot zijn:’ p. 166. Mais cette espèce de palinodie, disons mieux, ce noble aveu de préventions exagérées, ne trouvoit alors guère d'écho. - Du reste nous ne prétendons nullement embrasser toutes les doctrines de B., surtout en politique; au contraire nous croyons que parfois il est tombé dans de graves erreurs; entr'autres en faisant de la Monarchie la forme essentielle de la légitimité.
voetnoot1
Par ex., sans négliger entièrement Bentivoglio, Burgundus, Dinothus, v.d. Haer et tant d'autres, nous avons cru devoir, entre les écrivains étrangers sur les Troubles du 16e siècle, nous attacher spécialement à Strada.
voetnoot2
Vaderlandsche Historie, Amst. 1752-1759, 21 Tom. 8o.
voetnoot1
Historie des Vaderlands, Amst. 1832-39. 12 Tom. 8o.
voetnoot1
Après s'être élevé avec raison contre les détracteurs outrés du régime féodal, il va jusqu'à prétendre que l'oppression même n'avoit rien d'humiliant et que la classe qui gémissoit sous le despotisme, étoit ennoblie (anoblissement d'un genre nouveau!) par le caractère élevé de la Noblesse dont elle avoit à supporter le joug cruel. ‘Daar was onderdrukking, ja, maar zij verlaagde, zij schandvlekte, zij fletrisseerde niet.... Alles strekte om den mensch te verheffen, ook de onedelen werden veredeld door den invloed dien het op hen had: ’ I. p. 123, sq. Le passage entier, véritable dithyrambe sur les avantages de la Féodalité, est très-curieux, en ce qu'il nous montre le poète, se livrant tout entier à une idée favorite et perdant de vue les considérations qui chez un simple historien, eussent aisément contrebalancé et modifié cet enthousiasme. - Après avoir parfaitement senti qu'on avoit exagéré les torts et méconnu les droits et la situation difficile des Espagnols nos antagonistes, il excuse leurs intentions et leurs actes de manière à briser de nouveau l'équilibre qu'il avoit entrepris de rétablir (voyez ci-après T. IV. p. 35).
voetnoot1
B. prétend que les Capitulaires des Rois de France se faisoient de commun accord avec le Peuple (T. I. p. 131); tandis qu'aucune classe d'habitants n'avoit à intervenir dans la volonté du Monarque. Puis il attribue à de fort ignobles motifs le zèle des Princes Allemands pour la Réforme (ci-après, II. 266); tandis que, s'il avoit étudié cette époque, il auroit vu que, durant deux générations au moins, leur désintéressement, leur dévouement fut hors de doute.
voetnoot1
Neêrlands Heldendaden te Land: voyez Tom. III. p. 211.
voetnoot2
Geschiedenis van het Nederlandsche Zeewezen.
voetnoot3
Esprit, origine et progrès des Institutions Judiciaires; la Haye et Amst. 1819-1823. 6 T. 8o. Le Tome IV traite des Pays-Bas. - Israélite et libéral, on ne s'étonne pas qu'il ait méconnu la nature de notre révolution, s'imaginant ‘qu'elle ne prit qu'accidentellement un caractère religieux’ (p. 207). Comme la plupart des révolutions du 16e siècle, elle prit nécessairement ce caractère; c'étoit l'esprit de l'époque et la conséquence de la persécution systématique contre la Réforme.
voetnoot1
Geschiedenis der Nederlandsche Hervormde Kerk, Breda 1819-1827, 4 Deelen 8o.
voetnoot2
De Eere der Nederl. Her[poblem]. Kerk gehandhaafd, Rott. 1830-1833, 3 Deelen 8o.
voetnoot3
T.V. p. 272.
voetnoot1
Reconnoissons qu'ils ne se taisent pas toujours par un sentiment d'impuissance et que souvent aussi le désir de conserver la paix est leur principal mobile. On ne doit point, disent-ils, réfuter l'erreur, de crainte d'occasionner des disputes. Même si la chose n'étoit pas de notoriété publique, nous ne serions pas dans le cas de devoir chercher nos preuves au loin; car ce systême de mutisme est prôné dans l'Ouvrage de M.M. Y. et D., comme une garantie contre la renaissance des excès du fanatisme. ‘Men hield er zich van overtuigd dat, hoe krachtiger ongegronde gevoelens wederlegd worden, zooveel te heviger doorgaans de gemoederen, en van hen welke tegenspraak lijden, en van de tegensprekers, aan het gisten geraken, wijl de ijver van den eenen dien des anderen gaande maakt:’ T. IV. p. 670. Et il ne s'agit pas de points secondaires; car ils appliquent immédiatement leur théorie à un Auteur dont ils déclarent eux-mêmes: ‘Hij had zich eenige vrijheden veroorloofd die veler aandacht tot zich trokken.... Die vrijheden bestonden in het maken van allerlei bedenkingen tegen of op de voornaamste hoofdwaarheden van het Evangelie, gelijk dezelve van de protestantsche kerkgenootschappen beleden worden, als op die aangaande de Godheid van den Zaligmaker der wereld, den oorsprong van het zedelijk kwaad, de eeuwigheid der straffen, inzonderheid den waren aard der verzoening door J.C. te wege gebragt, enz.’ p. 671 et p. 433, sq. Cet exemple est un entre mille par lesquels on pourroit aisément montrer que cette doctrine craintive et paresseuse, assez généralement admise dans notre pays, s'étend même aux erreurs les plus funestes. Dès lors l'on conçoit que la prudence humaine donne des conseils de ce genre; seulement il est assez difficile de les concilier avec les préceptes Evangéliques. On avoit cru jusqu'ici que la défense et même l'attaque contre des opinions subversives du Christianisme faisoit partie du bon combat de la foi (1 Tim. 6. vs. 12 et 2 Tim. 4. vs. 7): on ne s'étoit pas persuadé que la paix avec le mensonge étoit recommandée par le Seigneur, quand il dit: ‘Je suis venu mettre en la terre la division’ (St. Luc. 12. vs. 51); ni que ce fut cette paix de l'indifférence et de la mort dont il parloit à ses disciples: ‘Je vous laisse la paix: Je vous donne ma paix: Je ne vous la donne point comme le monde la donne’ (St. Jean. 14. vs. 27).
voetnoot1
Bor a vécu de 1559 à 1635, van Meteren de 1535 à 1612, van Reyd de 1550 à 1602.
voetnoot2
Oorsprongk, begin en vervolg der Nederl. Oorlogen, Amst. 1679, 4 Tom. fol.
voetnoot3
Historien der Nederlanden, Rott. 1647. fol.
voetnoot1
Voyez surtout T. VI. p. 324, sq.
voetnoot2
Historie der Nederl. Oorlogen, Leeuwarden, 1650. fol.
voetnoot3
Nederl. Historien, Amst. 1703, 2 Tom. fol.
voetnoot1
Son épitaphe décrit fort bien son aptitude à une vocation si délicate: ‘Excellens ingenium, prompta memoria, peracre judicium. Praestans morum elegantiâ, comitate gravitateque perinsigni, fide animique magnitudine, sapientiâ et pietate.’
voetnoot2
Déjà en 1559 il accompagna en Italie le Comte Adolphe de Nassau. En 1564, le Prince d'Orange ayant voulu l'employer auprès de sa personne (l.l.), il s'offrit à le servir dans sa Principauté: ‘non quod sperem me meis rebus bene consulturum (nam non possum ibi sine summo periculo vivere), sed quia turpe judico vivere in otio et in nullâ re prodesse Reipublicae aut Ecclesiae Dei:’ l.l. Cette offre n'eut pas de suites; ce ne fut qu'en 1579 qu'il se rendit auprès du Prince et, après avoir fait pour lui un voyage en France (T. VII. p. 335, sq.), il mourut dans les Pays-Bas en 1581.
voetnoot1
La Collection principale contient les rapports à l'Electeur (Epistolae secretae ad Augustum Saxoniae Ducem, Halae 1709, 4. 1559-1581). Puis il y a les Lettres aux Camérarius, père et fils, savants distingués (Epp. ad Camer., Groningae, 1646, 8o. ao. 1554-1580). Enfin celles au jeune Philippe Sidney, si connu par sa valeur, ses talents, et sa pieté (Epp. ad Ph. Sydnaeum, Lugd. B. 1646, 8o, ao. 1573-1580). Le premier de ces Recueils est publié avec une négligence extrème; plein de fautes typographiques, et quelquefois dans un désordre complet. Une nouvelle Edition des Lettres de Languet, rangées par ordre chronologique, en y ajoutant les inédites qui se trouvent encore, par ex., à Cassel, seroit très-désirable; on en a fait jusqu'ici trop peu de cas.
voetnoot2
Par ex., ci-après p 221 et VI. p. 448.
voetnoot3
De Bello Belgico, Antw. 1649, 2 Tom. 8.
voetnoot1
‘Cognitio mihi abunde suppeditatur ab illorum qui haec ipsa aut gesserunt aut gerenda mandârunt, autographis et commentariis; quorum a copiâ delectuque instructior haud facile quis aliquando scripsit historiam:’ I. 4, sq. [...] Apud me supra centenas literae Philippi Regis ejusdem manu aut arbitrariis notis exaratae ad Margaritam:’ p. 170. Nous n'avons trouvé que deux faits sur lesquels il a des rapports inexacts. D'abord il partage l'opinion commune sur le départ de Granvelle par ordre du Roi (ciaprès, p. 220). Ensuite il attribue dans la Conférence de Bayonne beaucoup d'ardeur contre les Huguenots à la Reine Cathérine de Médicis; toutefois elle avoit montré des dispositions bien différentes (ciaprès, p. 380, sqq.) Mais Strada se justifie en citant le témoignage de Philippe II: ‘conjecturis omissis, ex literis manu Regis ad sororem super hoc colloquio scriptis comperta haec habeo.’ (I. 181): et il paroit en effet que le Roi, craignant de décourager sa soeur, avoit cru, en cette occasion, devoir dissimuler (ci-après p. 419).
voetnoot2
On a pris plus d'une fois pour des calomnies ce qui ne méritoit pas ce nom. Par exemple, s'il accuse le Landgrave de Hesse d'avoir offert sa fille en mariage au Prince d'Orange, même en consentant à ce qu'elle devint Catholique, il paroît en effet que ce bruit, quoiqu'indigne du caractère de Philippe de Hesse, avoit trouvé créance en Allemagne (ci-après p. 59, sq.). S'il reproche au Prince d'Orange d'avoir promis à la Duchesse de Parme que sa seconde épouse se conformeroit aux usages de l'Eglise Romaine, il est maintenant avéré que de telles promesses furent données dans les termes les plus formels (p. 53). Quelquefois Strada écarte d'odieux soupçons, ou du moins les révoque en doute (III. p. lxvii et T. VI. p. 512). M. Broes loue cette modération, dans ses remarques sur Strada (F. van Marnix, Amst. 1838, I. p. 289-365).
voetnoot1
Cette antipathie perce dans le passage suivant: ‘nimiâ Hispanorum gratiâ apud Regem offendi paullatim Belgae; inde in mores, quorum ubique retinens est Hispanorum natio, transferre odia.’ (I. 80).
voetnoot2
Analecta Belgica, Hagae, 1743, 3 Tom. 4o.
voetnoot3
A quoi il faut ajouter les Lettres de Hopperus publiées séparément (Hopperi Epistt. ad Viglium, Traj. ad Rhenum, ao. 1802), et qui du reste ne donnent pas une haute idée des talents de l'écrivain. Peut-être les passages inédits, en dialecte Frison, contiennent-ils des détails plus importants.
voetnoot4
T. VII. p. 29.
voetnoot5
Il y a quelques erreurs de détail. Lui aussi fait partir Granvelle par la volonté secrète du Roi. La fameuse Lettre des trois Seigneurs (p. 153) est donnée, mais à tort, comme résultat direct de l'Assemblée des Chevaliers; l'une fut écrite en 1563, l'autre eut lieu une année auparavant. Simon Renard quitta les Pays-Bas plusieurs mois après le Cardinal; cependant Hopperus place son départ avant celui de Granvelle. - Ces inexactitudes se retrouvent chez Bilderdyk (voyez Hist. des Vaderlands, VI. p. 31 et 34, et cidessus, p. 32*).
voetnoot1
Leven van Willem I. Leijden en Middelburg, 1732. 3 T. 8o.
voetnoot2
Par ex. T. II. p. 170, T. VII. p. 10, sqq. et p. 590, in f.
voetnoot1
Ses deux principaux ouvrages sont l'Histoire des Princes et des Peuples de l'Europe Méridionale (Fürsten und Völker von Süd-Europa, Hamb. und Berlin, 1827-1836, 5 Th.) et l'Histoire de l'Allemagne durant l'époque de la Réforme (Deutsche Geschichte im Zeitalter der Reformation, Berlin 1839, 2 Th).
voetnoot2
La figure est reproduite alors par la lumière historique et non par le pinceau de l'écrivain: ce sont, pour ainsi dire, des pertraits daguerréotypés.
voetnoot1
Comme exemple de la touche vigoureuse avec laquelle il caractérise une époque, nous citons, entre beaucoup d'autres morceaux, le remarquable fragment Ueber die Zeiten Ferdinands I und Maximilians II, inséré dans le Historisch-politische Zeitschrift (Hamburg, und Berlin, 1832-1839), I. p. 223-339.
voetnoot2
Briefe aus Paris (Leipzig 1831, 2 Th.)
voetnoot3
Geschichte Europas seit dem Ende des fünfzehnten Jahrhunderts (Leipzig 1832-1838).
voetnoot1
Quant à sa manière de juger le Christianisme, il suffira de transcrire un seul passage, relatif à une prédication en Ecosse: ‘Als der Geistliche immer wieder darauf zurückkam: Gottes Zorn habe nur durch das Blut seines einzigen Sohnes gestillt werden können, ward mir diese Theorie einer Versöhnung der Menschen mit Gott zum Entsetzen, und die alttestamentarische Erzählung (wo statt des Sohnes der Bock geschlachtet wird) erschien mir milde, im Vergleich mit der umgewandelten Lehre dieses angeblich intensivsten und tiefsinnigsten Christenthums’ (Briefe aus England, II. 374). Avec une telle ignorance de l'Evangile, exprimée sur un ton pareil, on est incapable de comprendre les Réformateurs et la Réforme. - La profession de foi de M.v.R. en politique ne semble pas très-explicite. On doit le ranger parmi les admirateurs de ce sémilibéralisme changeant, qui prend pour de l'impartialité et de la modération son manque de fixité et de force, et, presque sans le vouloir, se plie aux impressions du présent et du passé; opinion vague qui tantôt rampe à terre, et tantôt se perd dans les nuages, pour ne pas marcher sous l'empire d'un principe positif. On n'a, pour s'en convaincre, qu'à parcourir son Opuscule Ueber die geschichtliche Entwickelung der Begriffe von Recht, Staat, und Politik, où il lance ses arrêts avec une assurance et une légéreté qui contraste singulièrement avec la profondeur des vues dont parfois il ne semble entrevoir, ni le caractère, ni la portée.
voetnoot2
Ainsi, par ex., dans le triste épisode de 1618, il dit du Prince Maurice: ‘er ging darauf aus sich fast unumschränkt zu machen’ (III. p. 205); il nomme Barneveld ‘einen unbefangenen parteilosen Vertheidiger der Rechte und Gesetze seines Vaterlandes’ (l.l.); il prononce anathême sur le Synode de Dordrecht (l.l. p. 209).
voetnoot1
‘Die Schriften französischer Autoren sind im Grunde eben so viele politische Acte: völlig zu verstehn und zu erklären nur durch die Lage des Verfassers in jedem Momente... Eine deutsche Arbeit wird dagegen immer das Product einer dem Gegenstande gewidmeten Einsamkeit seyn; auch werden wir übereinkommen, dasz die Historie sich von den Tendenzen des Augenblicks frei zu halten und den Inhalt ihrer Epoche rücksichtlos und objectiv an das Licht zu bringen hat:’ Ranke, Hist. polit. Zeitschrift, II. 604.
voetnoot1
Voyez, par ex., ci-après III. 498, 500.
voetnoot2
1e Série, Paris 1834-1837, 15 Vol. in 8o; Louis XI à Louis XIII.
voetnoot3
Par ex., le Testament de Mornay, T. XV. p. 305-345.
voetnoot4
Par ex., la Vie de Calvin par Bolsec: T.v. p. 303-386 Catholique ou Protestant, on devroit avoir honte de reproduire un ramas de calomnies pareilles.
voetnoot5
Spéculation seroit plus caractéristique. M. Nisard a écrit spirituellement contre la Littérature légère; la Littérature vénale offriroit ample matière à un Manifeste.
voetnoot1
Original Lettres illustrative of English History; London, 1825-1827.
voetnoot2
Après la composition de ce Tome nous avons lu le Coup-d'Oeil sur la Révolution Belge du 16e siècle, inséré par M. de Gerlache dans son Histoire du Royaume des Pays-Bas, Brux. 1839, 2 Vol. 8o. Cet apercu est remarquable; l'auteur est instruit, il est doué d'une grande perspicacité, et d'ailleurs il se connoit en révolutions. Toutefois il commet de graves erreurs. Il nie (T.I. p. 55) que Viglius se soit opposé à l'impôt du 10e denier: cependant, dans une autobiographie de V., on lit, à l'an 1571: ‘Opponit se fortiter et imperterritus, quantumvis Albanus visus sit gravius aliquid in eum attentaturus;’ et l'on peut voir dans les Analecta Belgica, I. p. 287-320, les détails de cette résistance courageuse. - Il affirme (p. 83) qu'après le départ de Granvelle, ‘l'esprit du Gouvernement ne changea point; les anticardinalistes n'ayant pas plus de part aux affaires qu'auparavant, continuèrent à cabaler;’ toutefois il est évident, par le témoignage unanime des historiens, auquel on pourra joindre maintenant de nombreux passages de nos Lettres, que les Seigneurs devinrent tout-puissants et la Gouvernante elle-même anticardinaliste. - Il prétend (p. 24) que, depuis la mort de Charlesquint, ‘les Belges se voyaient dégradés du rang de nation, pour n'être plus que de simples provinces espagnoles:’ et toutefois l'histoire est là qui prouve que, si jamais Philippe II eût nourri un tel projet, il eût perdu l'Espagne avant de pouvoir l'exécuter. - ‘Il est digne de remarque, “dit-il”, que le calvinisme qui avait envahi les Flandres, s'arrêta presqu'aux limites du pays Wallon. Cela s'explique, je crois, par le caractère différent des deux peuples’ (p. 85). Avant de vouloir expliquer un fait, il est bon de le vérifier. C'est précisément le pays Wallon qui fut envahi par la Réforme: ‘primae inter-Belgas urbes nutavere Tornacum, Insulae, ac Valencena:’ Strada, i. p. 126. Elle y poussa des racines et ce ne fut que par la violence, par les supplices, et par des expéditions militaires (voyez par ex I. p. 180 et III, p. 13) qu'on parvint à l'en extirper. - M. de G. se fait l'écho de tous les préjugés et de toutes les calomnies contre le Protestantisme. Ce fut, selon lui, ‘un élan vers la servitude;... chaque chef de secte se mit à la place du Pape’ (p. 31): nous renvoyons ici à la 2e Sect. de notre 2d Chapitre. - Durant la première époque des Provinces-Unies, dit-il, ‘les Hollandais ont peu de chose à reprocher à l'inquisition espagnole elle-même.’ (p. 88). Puisque M. de G. ne croit pas à la tolérance Chrétienne de nos Ayeux, nous nous bornerons, pour preuve de la fausseté de cette accusation, à citer notre remarque T.V. p. 69, où l'on verra que le nombre des Catholiques, à l'époque dont il parle, n'eùt pas permis de suivre les errements, je ne dis pas de l'inquisition espagnole, mais en général des inquisiteurs papistes. - Enfin M. de G. cite (p. 67) le Mire, qui dit, dans sa Chronique Latine, qu'en ‘France, pendant la seule année 1562, les calvinistes donnèrent, d'après leur aveu, la mort à 4000 religieux des deux sexes, déshonorèrent 12000 religieuses; dévastèrent 20,000 églises, détruisirent 2000 couvens, 90 hôpitaux, etc.’ La citation est exacte: le Mire dit: ‘Hugonotti ipsi suis in libris fatentur.’ Il est toutefois fort à regretter qu'il n'ait pas jugé à propos de nommer ees auteurs. Ce n'est pas apparemment de la Noue, qui, parlant précisément de cette époque et du commencement des guerres civiles, écrit: ‘Quand il se commettoit un crime en quelque troupe, on bannissoit celui qui l'avoit commis, ou on le livroit ès mains de la justice, et les propres compagnons n'osoyent pas mesmes ouvrir la bouche pour excuser le criminel, tant on avoit en détestation les méschancetez, et estoit-on amateur de vertu:’ Discours, p 819. Ce n'est pas de Bèze, qui consacre deux volumes de son Histoire des Eglises Réformées de France à l'an 1562, et raconte en détail la série de massacres commis par les Cath. Romains, à laquelle s'applique en général ce qu'il dit des horreurs qui eurent lieu en Provence: ‘s'ensuivirent infinis et incroyables désordres, n'y ayant espèce de cruauté plus que barbare et inhumaine qui n'y ait esté exécutée’ (iii. p. 318); tandis que, du côté des Protestants, le nombre des traits de vengeance est extrêmement restreint; et que, par ex., même le Baron des Adrets, un des plus cruels, entra à Grenoble, après que la Principauté d'Orange eut été mise à feu et à sang par les Catholiques, ‘avec si bon ordre qu'il n'y eut pillage ni saccagement fait en la ville’ (iii. p. 269). Sans doute, et de Bèze lui même en convient, il y eut, de part et d'autre, ‘d'horribles et plus qu'énormes desbordements’ (ii. 251); mais la proportion, chez les deux partis, ne fut point la même, et on put remarquer, dans le tumulte des camps et des discordes civiles, l'influence salutaire des principes Evangéliques. - Il est souvent difficile de se tenir en garde contre la partialité outrée de récits pareils; ici au contraire, (et il est assez surprenant que M. de G. ne s'en soit point apercu) il est difficile d'être induit en erreur, l'exagération et le zèle mensonger du Chroniqueur étant poussés décidément jusqu'au ridicule. Que deviendroit l'Histoire, si, pour faire prévaloir ses opinions, il étoit permis de mettre de côté toute espèce de critique, et de présenter, comme arguments sérieux, de pareilles balivernes!

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