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No 2660.
Christiaan Huygens à G.W. Leibniz.
23 février 1691.
La lettre se trouve à Hannover, Bibliothèque royale.
Elle a été publiée par P.J. Uylenbroek1) et par C.I. Gerhardt2).
La minute se trouve à Leiden, coll. Huygens.
La lettre est la réponse au No. 2659.
G.W. Leibniz y répondit par le No. 2664.
Sommaire:
De faire voir qu'il a quelque chose de plus, Fatio est ingè.
Methode de Fatio universelle hors mis aux racines, pas longue, ni n'a besoin de Tables: a les 2 courbes.
Comment il faut considerer la resistance du milieu.
Fautes dans son abbregè. J'avois corrigè mot à mot comme luy dans l'article 5e. Progression. que je vois la paritè, que je pourrois l'avoir apprise de Wallis. Estonne qu'il ne l'ait pas remarquéc ni son utilitè.
qu'il n'a rien determinè de ce qu'on devoit le plus souhaiter.
Courbe de jet pas connu [?] obscuritè paroit de ce que personne n'a rien repris. Comment il a pu publier des choses si peu digérees.
Que je l'impute à son peu de loisir, estant tres persuadè qu'il a toute la subtilitè de connaissances requise pour demontrer des choses bien plus difficiles.
Que je comprens ce qu'il veut dire de la proportion des resistences. Qu'il prend l'esset de la resistence pour la resistence mesme. Que la connaissance du temps n'y est pas requise.
De sa construction de courbe. que c'est par cette mesme courbe que j'ay commencè, sans avoir besoin de toutes ces propositions de luy ni Newton.
Que scachant son expression par progression dont la somme depende de la quadrat. de l'hyperbole, c'est a dire des logarithmes, on en peut aussi bien construire la courbe que par l'equation exponentiale. Que je ne luy en veux pas disputer l'utilitè, ne scachant pas.
Courbe du jet ne se trouve pas comme il pense. Il ne dit rien des jets perpend. en haut.
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A la Haye 23 Février 1691.
Monsieur
Jay vu avec bien du déplaisir dans vostre derniere lettre que vous avez entendu tout autrement et au contraire de mon intention ce que je vous avois escrit, que vostre excuse estoit merveilleuse. Car j'ay voulu dire par là que cette excuse estoit tout à fait superflue, et que j'estois fort eloignè d'avoir aucun soupçon, que vous eussiez contribuè à ce qu'on avoit mis abusivement dans les Actes de Leipzich à mon prejudice. C'est la pure veritè, et il me semble que par toute sorte de raisons vous deviez l'avoir pris de cette manière. Je n'ay pas encore pu avoir ces Actes des mois de Novembre et Decembre de l'année derniere, de sorte que je ne scay si la faute aura estè reparée. Cependant j'ay fort bien compris depuis ma derniere, comment ma series pour l'Hyperbole se rapporte à celle de vos logarithmes et j'ay aussi trouvè que j'aurois pu apprendre cette series du livre de Mr. Wallis, qu'il a escrit de l'Algebre en Anglois3) p. 329, où il range la progression de Mercator et la siene l'une au dessus de l'autre conjointement, qui estant adjoutées ensemble sont le double de la progression a+⅓
a3+⅕ a5 &c., de mesme que vous le faites voir dans vostre lettre du 25 Nov.4). Je m'etonne que Mr. Wallis n'ait pas remarquè cela, ni combien cette progression doublée est plus utile pour la quadrature de l'Hyperbole et pour trouver les Logarithmes que n'est la sienne ni celle de Mercator5), car le calcul en devient plus court de la moitié6).
Depuis quinze jours j'ay revu7), non sans peine, les brouillons que j'avois touchant les mouvements à travers un milieu qui fait resistence, scavoir dans la vraye hypothese, et j'ay fait quelques calculs en suite, pour voir comment ils s'accorderoient avec les vostres8). Je trouve qu'une partie de nostre dispute vient de ce que vous prenez le mot de resistence dans une autre signification que moy et Mr. Newton; car vous appellez resistence la velocitè perdue ou la perte de velo- | |
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cité causée par le milieu, ou la velocitè perdue, et en consequence de cela pour comparer des resistences differentes, vous voulez que la consideration des elemens du temps entre en compte, et qu'à parler exactement, on ne doit pas dire que les resistences sont en raison des velocitez, ni en raison des quarrez des velocitez. En quoy il est evident que vous prenez l'effet de la resistence pour la resistence mesme. Mais à Mr. Newton et à moy la resistence est la pression du milieu contre la surface d'un corps, comme par exemple, quand on tient dans la main une feuille de carton, et qu'on l'agite à travers l'air, on sent une pression qui se peut comparer à celle d'un poids, et qui devient quatre fois plus grande lorsqu'on remue cette feuille deux fois plus viste qu'auparavant, ainsi que j'ay trouvè autre fois à Paris par des experiences fort exactes9). Vous voiez, Monsieur qu'il n'y a que la differente vitesse dont depend cette pression, sans considerer des parties egales ni inegales des temps. Et c'est sans doute la veritable et la plus naturelle notion de la resistence.
Je comprens bien pourtant comment, suivant la vostre, vous voulez conserver l'inscription de vostre article 5, mais c'est comme j'ay dit, en prenant l'effet pour la cause, et toute l'obscuritè de vostre discours vient principalement d'icy; laquelle, à ce que je crois, est cause que personne ne l'a assez examinè pour comprendre ce qu'il y a de vray, ni pour remarquer les abus que vous y corrigez maintenant vous mesme. J'avois fait la mesme correction mot à mot dans la prop. 3. art. 5, que vous m'envoiez dans vostre derniere lettre. A la prop. 6. du mesme article les espaces parcourus, qui à moy sont comme les logarithmes de , selon vous sont comme les logarithmes de (il falloit ou de √(1-vv); ce qui revient pourtant à la mesme chose, (si non que vos logarithmes devienent negatifs) car les logarithmes des racines ont entre eux la mesme raison que ceux de leurs quarrez. Vous aviez de mesme des logarithmes negatifs, en disant que les temps sont comme des logarithmes de , mais dans vostre derniere vous l'avez redressè en mettant . Je m'apperçois assez, Monsieur, en tout cela, qu'il ne vous manque ni habilitè ni science pour demesler toute cette matiere, et d'autres plus difficiles, mais que seulement vous n'avez pas assez de loisir pour adjouter plus d'exactitude et de clartè aux choses que vous avez trouuées.
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Je ne scay pas pourquoy dans tout ce discours de la Resistence vous n'avez rien voulu determiner des choses qui sont comme le fruit de cette recherche, et qu'on peut souhaiter de scavoir, comme si quaeratur tempus descensus liberi ad tempus descensus impediti donec data celeritas obtineatur, hoc est, quae ad celeritatem terminalem datam rationem habeat10); aut si quaeratur ratio spatiorum sic per actorum11); item quae sit ratio temporis ascensus ad tempus descensus, cum corpus recta sursum projicitur celeritate terminali12). Je souhaiterais de
voir comment vos calculs s'accordent aux miens dans ces problemes, et en les comparant ensemble nous pourrions estre assurez tous deux d'avoir raisonnè juste. Le Traité de Mr. Newton en cecy n'est pas sans faute13). Dans l'art. 6. prop. 1. vous faites la ligne du jet bien plus facile à trouver qu'elle n'est en effet, sur quoy je vous prie d'examiner la remarque que j'ay faite dans l'addition à mon discours de la Pesanteur14).
J'ay considerè vostre construction de la Courbe Exponentiale qui est fort bonne. Toutefois je ne vois pas encore que cette expression soit d'un grand secours pour sela. Il y a longtemps que je connois cette mesme courbe15) aussi
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bien que sa compagne16), qui sert aux jets montans, et je la construis par la ligne logarithmique en supposant les velocitez données au lieu que vous supposez les temps.
Quoyque cette lettre soit desia bien longue, il faut que je vous responde à ce que vous souhaitez de scavoir touchant la methode des Tangentes de Mr. Fatio. Vous scaurez donc que l'auteur est depuis quelque temps en cette ville et qu'il me fait souvent l'honneur de me voir. J'avois examinè sa lettre dont je vous ay parlè, où la dite methode estoit amenée jusqu'a un certain point, mais depuis qu'il est icy, il l'a beaucoup perfectionnée, et m'a trouvè les deux mesmes courbes dont je vous avois proposè les soutangentes17), desquelles la 2. a plus de difficultè. Ses calculs ne sont pas longs, ni n'ont besoin d'aucunes Tables, mais il ne scauroit resoudre jusqu'icy les cas, où il entre des racines qui contienent des inconnues et plus d'un terme; par exemple si la soustangente est donnée , x estant l'abscisse, y l'appliquée à angles droits et a une ligne connue. Si vostre methode ne s'arreste pas à ces racines, vous avez quelque chose de plus que Mr. Fatio, quoy qu'il ait desia passè mon attente. Peut-estre c'est pour ces racines que les Tables, dont vous parlez, sont necessaires dans la methode que vous dites reussir toujours.
Cette quadrature de la 1e de mes courbes18), que vous dites estre aisée, marque aussi quelque connoissance extraordinaire. Vous me ferez plaisir de la determiner, à fin que Mr. Fatio se puisse assurer que vous l'avez trouvée, à quoy il m'a avouè n'avoir pu reussir. La figure, au reste, de cette courbe ne consiste pas dans
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les seules 2 demi-ovales, comme je vous avois marquè19), mais elles sont jointes par une croix et le tout ressemble à un 8, ce qui se connoit aisement par l'equation. Quant à la courbe exponentiale20) que vous trouvastes au lieu de cette ligne21), lorsque les signes+et-estoient renversez, Mr. Fatio assure, et m'a demonstrè en quelque façon, que cette exponentiale est impossibile, par où vous voyez que vostre demonstration pour prouver qu'elle satisfait à la soutangente donnée, ne nous est pas claire.
Vous m'obligerez d'achever ce que vous avez trouvè sur la chaine pendante, afin que nous nous communiquions nos meditations. Je crois qu'il y aura bien d'autres geometres qui resoudront ce probleme, car, à dire vray, il ne me paroit pas bien difficile, si ce n'est que vous en demandiez quelque chose de plus que ce que j'en ay trouvé.
22) Mr. Spener m'a dit que, pour faire reussir la boule de souphre de Mr. Guericke, il faut adjouter pour chaque livre 13 grains salis tartari fixi; peut estre l'autheur vous aura donné la mesme recepte. Il me dit aussi qu'il pouvoit oster au fer l'attraction vers l'aimant, mais je ne m'y fie pas trop depuis que j'ay trouve fausse une experience avec le vif argent, qu'il debitoit comme tres certaine23).
Ce n'est pas sans regret que je perds l'esperance de vous voir icy, et je n'aurois pas esté si longtemps sans vous escrire si je ne vous avois tousjours attendu. Je suis Monsieur etc. |
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1)
- Chr. Hugenii, etc. Exercitationes Mathematicae, Fasc. I, p. 68.
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2)
- Leibnizens Mathematische Schriften II, p. 79 et Brietwechsel p. 635.
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3)
- A treatise of Algebra, both Historical and Practical. By John Wallis, D.D. Professor of Geometry in the University of Oxford; and a Member of the Royal Society of London. Plus tard une édition latine du même ouvrage parut sous le titre: Johannis Wallis S.T.D. geometriae professoris Saviliani, in celeberrima Academia Oxoniensis, de Algebra Tractatus, historicus et practicus, anno 1685 Anglice editus, nunc auctus Latine. Oxoniae, E theatro Sheldoniano, 1693. On y rencontre les deux progressions au Caput XC, intitulé: ‘Ejusdem accommodatio ad quadraturam hyperbolae’.
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4)
- Voir la Lettre No. 2639. Consultez aussi sur le même chapitre le § II de la pièce No. 2661, que nous publions comme Appendice à cette lettre.
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5)
- Voir sa Logarithmo-Technia, citée dans la Lettre No. 1669, note 5, à la Prop. XVII.
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6)
- Consultez, sur l'application de la série en question au calcul des logarithmes, l'Appendice II à cette lettre, notre pièce No. 2662.
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7)
- L'appendice I de cette lettre, le No. 2661, contient les résultats de cette revision.
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8)
- Voir le § VIII de la pièce No. 2661.
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9)
- En 1669. La relation de ces expériences, telle qu'elle se trouve dans le livre D des Adversaria, a été reproduite par Uylenbroek dans le Fasc. II (pag. 59-67)
de l'ouvrage cité dans la Lettre No. 2057, note 2. Elle paraîtra encore dans un des volumes des ‘OEuvres complètes’ qui suivront cette ‘Correspondance’.
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10)
- Consultez le § VII de la pièce No. 2661.
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11)
- Quoique cette proportion se déduise assez facilement au moyen des résultats obtenus dans la pièce No. 2661, il est probable que Huygens a en vue la proposition énoncée au commencement du § VI de cette pièce et que ce fut même pendant la préparation de cette partie de sa lettre qu'il ajouta à la proposition en question la phrase que nous avons signalée dans la note 41 de la pièce No. 2661 comme étant une méprise.
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12)
- Voir le § XI de la pièce No. 2661. On remarquera que toutes les proportions indiquées ici sont indépendantes de la valeur absolue de la résistance et de même de l'intensité de la gravité. C'est bien la raison pour laquelle elles ont été mises en évidence ici, comme Huygens l'avait déjà fait pour d'autres plus simples du même caractère dans l' ‘Addition au Discours de la pesanteur’.
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13)
- Consultez le § V de la pièce No. 2661.
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14)
- A la page 175 de l' ‘Addition au Discours de la Pesanteur’ Huygens, après avoir montré comment dans le cas d'une résistance proportionnelle à la première puissance de la vitesse, le mouvement curviligne d'un projectile peut être obtenu par la composition de deux mouvements rectilignes décrits sous l'influence d'une résistance de la même nature, s'exprime comme il suit sur le problème correspondant pour le cas d'une résistance proportionnelle au carré de la vitesse: ‘Mais cette composition de mouvement n'ayant point lieu icy; parce que la diminution du mouvement retardé, dans la diagonale d'un rectangle, n'est pas proportionelle aux diminutions par les costez; il est extrement difficile, si non du tout impossible de resoudre ce Problème’. Or, Leibniz, dans l'article cité dans la lettre No. 2561, note 6, était tombé dans l'erreur d'avoir voulu construire ce mouvement curviligne de la manière signalée ici comme fausse. Comme nous l'avons remarqué déjà, il n'a pas manqué d'avouer son erreur dans l'article cité dans la note 4 de la Lettre No.
2659.
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15)
- En effet, la courbe A R Ω de la figure 1 de la pièce No. 2661 est identique à la courbe transcendante de Leibniz, puisqu'elle représente, comme celle-ci, la relation entre les temps écoulés Aθ, Aϰ, et les vitesses acquises, Aφ, Aσ, etc. Il est incertain depuis quelle époque Huygens s'occupait de cette courbe; toutesois il est probable que ses recherches sur les mouvements avec résistance proportionnelle au carré de la vitesse ont commencé dès qu'il connut les résultats des expériences mentionnées dans la note 9 de la présente lettre.
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16)
- La courbe ARG de la figure 3, de la pièce No. 2661.
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17)
- En effet, les deux équations différentielles:
ou et ou , auxquelles les problèmes, posés par Huygens dans sa Lettre No. 2611, donnent lieu, se laissent réduire à des équations différentielles totales au moyen de la multiplication par une fonction xp yq (y-5 pour la première, x-4 pour la seconde), ce qui constitue la condition nécessaire et suffisante pour
le succès de la méthode de Fatio telle qu'elle a été décrite par Huygens dans sa lettre à de l'Hospital du 23 juillet 1693. Voir encore la note 11 de la Lettre No. 2465.
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18)
- Il s'agit de la courbe 2a2x2=a2y2-y4, satisfaisant à l'équation différentielle
. Voir, sur la quadrature par Huygens de cette même courbe, la Lettre No. 2643, note 13.
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21)
- C'est une méprise. Lisez plutôt ‘au lieu de la seconde de mes courbes’ et consultez la note 6 de la Lettre No. 2627.
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22)
- Selon Gerhardt, l'alinéa suivant ne se rencontre pas dans la lettre, qui se trouve à Hanover.
On peut consulter sur ces communications de Spener la lettre No. 2623, note 3. Ajoutons que la page 57 recto du livre des Adversaria, citée dans la première de ces notes, ne contient aucun renseignement sur l'artifice dont Spener prétendait se servir pour ôter au fer sa propriété magnétique.
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23)
- Voir, sur cette expérience, la Lettre No. 2633, note 15.
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