En ayant lu le mois de feurier, j'ay vu que je vous devois des remercimens de l'honnesteté avec la quelle vous avés bien voulu faire une mention avantageuse de mon calcul10). Je dirai seulement un mot de la difference que vous mettés11), Monsieur, entre ma construction des logarithmes par la Chainette, et entre celle que vous en donnés par la traction; en disant que par la traction le parametre de la courbe, qui est sa tangente universelle, est donné, au lieu que je n'avois point enseigné, selon vous, comment on pourroit trouuer le parametre de la Chainette. Cela est venu sans doute de ce que vous n'aviés pas alors le loisir de jetter les yeux sur ma figure12), car vous auriés pu juger d'abord que la description de la courbe par le moyen d'une chainette en donne aussi fort aisement le parametre. Car la

ligne FAL estant formée par le moyen de la chainette donnée ♀♂ suspendue par les deux bouts F et L, posés dans une meme horizontale, dont le milieu soit H, et le sommet de la chainette A, joignons H ♂, et de son milieu D menons à angles droits une droite DO, qui rencontrera HA prolongée en O, et AO sera le parametre qu'on demande. Car j'avois déja remarqué dans les Actes de Leipzig, en donnant l'explication de la chainette, que lors qu'on fait A ♂ egale à la courbe AL, il se trouue aussi qu'OH et O ♂ sont egales13). Ainsi puisque dans cette description de la courbe, sa longueur, sçavoir celle de la chainette qui sert à la description, est donnée aussi, il est aisé d'en trouuer encore le parametre. Je ne laisse pas de preferer la construction de la Traction non pas tant à cause des Logarithmes, qu'a cause des consequences qui sont d'une grande étendue, puisqu'elle sert à construire toutes les quadratures par un mouuement exact et regle14), dont je souhaitte d'apprendre vostre jugement.
Je souhaitte aussi que vous fassiés part au public de vos nouuelles lumieres sur l'attraction electrique15), et que nous puissions jouir enfin de vostre dioptrique16); ou j'espere que nous trouuerons bien des choses considerables touchant les Me- | |
que cette matiere estoit comme epuisée, et qu'il ne s'agissoit que d'en donner les canons pour epargner aux autres la peine du calcul. Je suis avec zele
Monsieur
Vostre treshumble et tres obeissant serviteur Leibniz. |
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1)
- Chr. Hugenii etc. Exercitationes Mathematicae, Fasc. I, p. 169.
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2)
- Leibnizens Mathematische Schriften, Band II, p. 167, et Briefwechsel, p. 723.
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3)
- L'article cité dans la note 6 de la pièce No. 2824.
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6)
- Parmi les nombreux réfugiés français de ce nom habitant les Pays-Bas, nous n'avons pu identifier le personnage en question.
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7)
- Voir, sur cet ouvrage, la note 7 de la Lettre No. 2797.
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9)
- Claude Guillaume de la Bergerie, chapelain de l'Electrice de Brunswick-Luneburg. Il atteignit l'âge de 84 ans et fut inhumé à Hanover le 6 août 1743.
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10)
- Voir la pièce No. 2793 à la page 407.
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11)
- Voir les pages 412 et 413 de la pièce No. 2793.
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12)
- Il s'agit de la figure de l'article de Leibniz cité dans la note 1 de la pièce No. 2681, laquelle se trouve reproduite sans modification essentielle dans la Lettre No. 2688.
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13)
- Voyez l'article cité dans la note précédente sous l'en-tête: ‘Rectam invenire arcui catenae aequalem’, ou bien la Lettre No. 2688 à la page III.
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14)
- Voir la note 7 de la pièce No. 2824.
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15)
- Comparez la Lettre No. 2633, du 18 novembre 1690, à la page 539, et la Lettre No. 2643, à la page 572. En 1692 Huygens s'est occupé encore d'expériences électriques en étudiant les effets d'attraction et de répulsion produits sur des flocons de coton et d'autres corps légers par une boule d'ambre d'environ un pouce de diamètre. Il les a consignées dans le Livre G des Adversaria, pages 44 et 45, et tâché d'en rendre raison en supposant qu'un corps électrisé est entouré d'un tourbillon. Il paraît, par une note, qu'il a repris ces expériences le 27 décembre 1693.
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17)
- Cette division des phénomènes célestes en phénomènes emphatiques (ϰατ᾽ ἔμφασιν), dus, comme l'arc-en-ciel, à quelque réflexion de la lumière, et en phénomènes substantiels (ϰατ᾽ ὑπόστασιν), comme les étoiles filantes, est empruntée probablement à l'ouvrage pseudoaristotélique ‘De Mundo’, Cap. IV. (Aristdt. Ed. Didot. Vol. III, p. 683).
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19)
- La Lettre No. 2822, à la page 509.
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20)
- Veterum Mathematicorum Athenaei, Bitonis, Apollodorii, Heronis, Philonis, et aliorum Opera, Graece et Latina pleraque nunc primum edita. Ex Manuscriptis Codicibus Bibliothecae Regiae. Parisiis, ex Typographia Regia. mdcxciii. in-fo. L'ouvrage a été commencé par Thevenot et achevé par J. Boivin et Ph. de la Hire.
Jean Boivin de Ville-neuve, né à Montrenil-l'Argilé le 28 mars 1663, obtint en 1692 une place à la Bibliothèque du Roy, où il découvrit et déchiffra un manuscrit palimpseste, contenant la Bible. Il devint professeur de Grec au collège royal et fut membre de l'Académie des inscriptions (1705) et de l'Académie française (1721). Il mourut le 29 octobre 1726.
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21)
- Il s'agit de la Lettre du 24 février 1693, publiée par C.I. Gerhardt dans le Tome II de ‘Leibnizens Mathematische Schriften’, p. 223-227, voir la page 224. Voir encore la note 23.
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22)
- Leibniz l'avait fait vers la fin de l'article d'avril 1689 cité dans la note 2 de la Lettre No. 2512, et dans les termes suivants: ‘invenire lineam, in qua descendens grave recedat uniformiter a puncto dato, vel ad ipsum accedat’, défiant les Cartésiens à en chercher la solution par leur analyse. Et il répéta ce défi dans les articles des Acta de mai et de juillet 1690, cités dans les Lettres No. 2640, note 5, et No. 2623, note 10.
La question d'ailleurs était des plus difficiles pour l'époque, puisqu'elle mène, même dans le cas particulier auquel on s'est borné ordinairement, à une intégrale elliptique, qui ne peut être réduite ni à la quadrature de l'hyperbole, c'est-à-dire aux logarithmes, ni à celle du cercle. Aussi, ce ne fut que cinq ans après qu'elle avait été posée que Jacques Bernoulli l'entama dans les Acta de juin 1694 sous le titre: ‘Jac. B. Solutio problematis Leibnitiani de Curva Accessus & Recessus aequabilis a puncto dato, mediante rectificatione Curvae Elasticae’. Puis, dans les Acta d'août 1694, Leibniz publia sa propre solution sous le titre: ‘G.G.L. Constructio propria problematis de Curva Isochrona Paracentrica. Ubi & generaliora quaedam de natura & calculo differentiali osculorum, & de constructione linearum transcendentium, una maxime geometrica, altera mechanica quidem, sed generalissima. Accessit modus reddendi inventiones transcendentium linearum universales, ut quemvis casum comprehendant, & transeant per punctum datum’. Elle fut reprise ensuite par Jacques Bernoulli dans les Acta de septembre 1694 dans l'article: Jac. B. Constructio Curvae Accessus & Recessus aequabilis, ope rectificationis Curvae cujusdam Algebraicae, addenda nuperae Solutioni mensis Junii’. Enfin dans ceux d'octobre, Jean Bernoulli publia sa ‘Constructio facilis Curvae accessus aequabilis a puncto dato per Rectificationem curvae Algebraicae’.
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23)
- Dans la première de ses Lettres à Leibniz, celle du 14 décembre 1692, de l'Hospital lui avait écrit qu'il ne savait pas encore trouver le moyen de décrire la courbe, définie par l'équation différentielle a2xdx+2y3dy=2a2xdy-a2ydx; quoiqu'il s'y fût beaucoup appliqué à cause que cette courbe avait des propriétés considérables. Alors Leibniz, dans sa réponse dont la date est inconnue, lui apprit à résoudre une telle équation au moyen de séries infinies dont on pouvait calculer autant de termes qu'on voudrait, comme, par exemple celle en question (posant a=1) par la série:x=y-⅖y3-4/75y5-64/4875y7 (lisez-64/5625y7) etc., ou bien par une plus générale renfermant aussi des ‘termes pairs’. Ensuite, dans sa lettre du 24 février 1693, citée dans la note 21, de l'Hospital remarque que l'équation différentielle mentionnée exprimait dans un cas particulier la courbe de descente ‘que vous avez proposée autrefois aux Cartésiens’, montrant comment il était arrivé à cette équation dans ses recherches sur cette courbe. Enfin, dans une lettre de date inconnue, Leibniz lui répondit: ‘Je suis bien aise de sçavoir
que l'équation differentielle que vous m'avés en voyée, Monsieur, sert pour un cas de la ligne ou le poids descendant s'éloigne egalement d'un certain point Cela me servira à y mieux penser un jour. Car autres fois songeant à ce probleme je croyois voir quelque chemin pour le donner’.
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24)
- D'après la solution de Leibniz mentionnée dans la note 22, il s'agit de la quadrature représentée par l'intégrale: ∫a2dz/√az(a2-z2), irréduisible, comme on le sait maintenant, à la ‘commune Géométrie’, puisque c'est une intégrale elliptique.
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25)
- Toutefois de l'Hospital n'avait pas tardé à répondre à la lettre de Leibniz par la sienne du 23 avril 1693, dans laquelle le problème de la courbe isochrone n'est plus mentionné; mais d'après la publication de Gerhardt, il y a eu en effet une interruption dans le commerce de lettres de de l'Hospital avec Leibniz depuis celle du 15 juin 1693 jusqu'à celle du 30 novembre 1694.
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26)
- Voir la pièce No. 2793 aux pages 407, 416 et 417.
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27)
- Voir, sur Michel Rolle, la note 5 de la Lettre No. 2454.
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28)
- Voici l'‘Avis aux Geometres’ que l'on trouve dans le Journal des Sçavans du 20 juillet 1693: ‘On a deposé un prix de soixante pistoles chez M. le Normand Notaire au Châtelet de Paris, pour la premiere personne qui résoudra la question suivante.
Ayant une partie si petite qu'on voudra d'une courbe Geometrique, on demande une metode pour resoudre une égalité donnée par le moyen de cette partie, & d'une autre ligne courbe dont le lieu soit le plus simple qu'il sera possible.
L'on demande aussi que cette metode paroisse publiquement avant le premier Janvier prochain, & qu'elle ne suppose aucune des regles qui sont de l'invention particuliere de M. Rolle.
Mons. Descartes a proposé ce probleme pour une des trois sections coniques seulement, & on n'en avoit jamais proposé un plus beau pour la resolution des egalitez. De plus cette resolution estant absolument necessaire pour perfectionner toutes les parties des Mathematiques, il importe de scavoir s'il n'y a point pour cela de metode qui soit differente de celles que Mr. Rolle a données au public’.
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29)
- Voir l'ouvrage cité dans la note 25 de la Lettre No. 2709.
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30)
- Dans le Journal des Scavans du 31 août 1693, sous le titre: ‘Solution d'un Probleme proposé dans le 28. Journal de cette année, page 336. Par Mr. Bernoulli le Medecin’.
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31)
- Voir l'article anonyme du Journal des Sçavans du 14 septembre 1693, intitulé: ‘Reponse à Mr. Bernoulli le Medecin, au sujet d'une metode qui a paru sous son nom dans le Journal du 31. août dernier’.
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32)
- C'est ce qu'il fit en effet dans le Journal du 18 janvier 1694 sous le titre: ‘Response de M. Bernoulli le Medecin, à l'objection inserée dans le Journal du 14 Septembre dernier, contre une metode qui a paru de lui dans le Journal du moi d'Août précedent’. L'anonyme (sans doute Rolle lui-même) duplique dans le Journal du 15
février par l'article ‘Remarques sur la Réponse qui a esté inserée sous le nom de M. Bernoulli dans le 3 Journal de cette année, au sujet d'un problème de Geometrie’, prétendant ‘que M. Bernoulli n'a point satisfait aux difficultez capitales du problème, & mesme que l'on seroit infiniment éloigné d'y satisfaire par les metodes qu'il a citées pour ce sujet’.
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