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Een geschiedenis van de Surinaamse literatuur. Deel 5 (2002)

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Een geschiedenis van de Surinaamse literatuur. Deel 5

(2002)–Michiel van Kempen–rechtenstatus Auteursrechtelijk beschermd

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Résumé Une histoire de la littérature surinamienne

Cette étude est une historiographie de la littérature surinamienne orale et écrite, depuis les expressions les plus anciennes connues jusqu'à 1975, l'année de l'indépendance. Vingtdeux langues sont utilisées au Surinam, certaines d'entre elles dans des situations exclusivement non littéraires, par exemple, lors de rituels religieux. Les trois principales langues littéraires sont le néerlandais (ou le néerlandais surinamien), langue officielle du pays et, pour de plus en plus de personnes, langue maternelle; la lingua franca: le sranantongo ou sranan - langue des esclaves et de leurs descendants, mais parlée aujourd'hui par la plupart des Surinamiens -, et le sarnami, langue du plus grand groupe ethnique (les Indiens, immigrés d'Inde). En ce qui concerne la prose, le néerlandais est, quantitativement, la première langue absolue; dans le domaine de la poésie, le néerlandais et le sranantongo font du coude à coude, tandis que le sarnami gagne en importance depuis 1977. Le javanais surinamien, langue du troisième plus grand groupe ethnique, n'est utilisé sous forme écrite que de façon sporadique; par ailleurs, les expressions littéraires orales dans cette langue font, à l'heure actuelle, l'objet de fortes pressions, pour ne pas dire qu'elles sont sur le point de disparaître. Pour ce qui est des autres langues, leur portée se limite, au plus, à quelques milliers, voire quelques centaines de personnes.

 

Dans la partie théorique (premier volume), sont abordés la recherche, la description et le classement des sources, ainsi qu'une série d'autres problèmes liés à l'historiographie littéraire. J'examine, entre autres, comment a été décrite la littérature produite au sein de territoires comparables au Surinam, de par leur constellation multiculturelle: Afrique du Sud, Inde, Caraïbes. J'aborde ensuite une série de points de vue théoriques et scientifiques, notamment les conceptions en vigueur au sein de la recherche sur les territoires coloniaux et post-coloniaux. La position de l'historiographe, son idéologie, la signification de l'historiographie littéraire nationale, la délimitation du corpus, la place de la littérature coloniale et la transposition d'une matière classifiée en narration historique, sont également passés en revue. Sur base de cette analyse, je propose la définition suivante de la littérature surinamienne:

La littérature surinamienne englobe tous les textes oraux et écrits et autres expressions à caractère communicatif (interactions) comportant un aspect de littérarité, produits dans une ou plusieurs langues utilisées par les groupes ethniques du Surinam, et faisant partie du processus historique rétroactif de contribution à l'une des traditions qui constituent l'identité nationale du Surinam.

Je conclus la première partie par une proposition de modèle d'historiographie littéraire. Résumé en quelques lignes, ce modèle se présente comme suit. Le point de départ est qu'il existe différentes façons d'aborder la littérature (d'un point de vue sociologique, structuraliste ou biographique, etc.), et que toutes ces approches apportent leur lot d'informations. L'historiographie littéraire, quant à elle, rassemble ces pièces d'informations, les classifie, et leur accorde une place dans un récit analytique. De petits éléments constituent les fondations du Profil, c'est-à-dire une série de caractéristiques qui, ensemble, donnent lieu à une description cohérente de, par exemple, l'oeuvre d'un écrivain ou l'activité littéraire d'une compagnie théâtrale. Sur base de ces Profils, l'on

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peut dégager un Patron, c'est-à-dire les grandes lignes de l'histoire littéraire. Il est également possible de ‘zoomer’ sur l'une des fondations qui constituent les Profils: c'est ce que l'on appelle un Close-up.

Le noyau de chaque Profil est constitué de quarre matériaux: la langue, le style, la structure et le contenu d'un texte. Ces matériaux peuvent varier à l'infini: la description adéquate des ces quatre éléments permet donc d'identifier un texte comme une oeuvre d'art unique. Autour de ces éléments gravitent d'autres matériaux qui soutiennent la description; ces éléments ne font pas partie du noyau du texte, mais du contexte: le lien entre un écrivain et d'autres auteurs, l'accueil réservé aux textes par le public ou la critique littéraire, le type de production et de promotion adopté par les imprimeurs ou les éditeurs, etc.

 

On ne peut comprendre une littérature, en particulier la littérature surinamienne, qu'en la replaçant dans un large cadre historico-culturel retraçant, dans les grandes lignes, les développements sociaux. Chaque chapitre se présente donc comme suit: histoire générale (politique, économique, sociale et mentale), histoire démographique, orientation et organisation culturelles du peuple surinamien, politique linguistique et enseignement, développement du secteur artistique et de celui du divertissement, et principales évolutions au sein de la communauté des émigrés surinamiens aux Pays-Bas. Suit une description de l'industrie littéraire de la période: imprimeries et maisons d'édition, librairies, bibliothèques, journaux et périodiques, public lecteur et associations de lecteurs, organisations d'écrivains et prix littéraires.

Cette histoire littéraire ne se veut pas seulement une collection de données positives. L'objectif est également de placer les relations entre ces données dans un rapport logique, ainsi que dans un rapport narratif. Ce qui nous amène au constat inévitable que l'objectivité absolue n'existe pas, puisque des choix doivent sans cesse être opérés. Je pense avoir trouvé un fondement à mon approche dans le pluralisme philosophique de Procee, qui part de l'impossibilité de fixer, une fois pour toutes, la dynamique infinie des interactions, et qui recherche la qualité de ces interactions dans la possibilité de les prolonger. Un équivalent littéraire théorique de cette approche est la théorie littéraire interculturelle, point de départ permettant de déterminer, de la façon la plus précise possible, la position occupée par le chercheur, son background et le contexte culturel dans lequel il se trouve, sa façon de rassembler des connaissances et les lacunes qui peuvent apparaître dans ce processus et, enfin, son système de valeurs, c'est-à-dire ses propres limites dans la formulation de son jugement.

Afin de mieux rendre justice à la littérature surinamienne, je tente de prendre la région des Caraïbes comme point de départ, (Jack Corzani utilise, en l'occurrence, le concept de recentrage). A cet effet, un certain nombre de termes peuvent s'avérer utiles, pour autant qu'ils soient dégagés de leur connotation occidentale: multilinguisme, multi-ethnicité, multiculturalisme, position intermédiaire, créolité, racines (roots), oralité, résistance.

Litterature orale

La littérature orale, à laquelle je consacre l'entièreté du deuxième volume, a été et reste un domaine d'expression extrêmement vital, authentique et essentiel. L'influence de la

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culture orale sur la littérature écrite du Surinam est incontestable. On ne peut donc envisager de décrire la littérature écrite de façon adéquate sans tenir compte de la littérature orale. Ce rapport subtil entre littérature orale et littérature écrite est abordé dans l'introduction générale du chapitre consacré à la littérature orale.

Dans l'introduction de la deuxième partie, j'aborde d'abord la fonction esthétique de la littérature orale. Il y est fait allusion au cadre holistique dans lequel fonctionnent les textes oraux: la différence entre textes sacrés et textes profanes, entre amusement et enseignement, y est bien moins nette que dans les cultures occidentales. Le lien entre le statut et la structure des textes oraux est extrêmement complexe, la façon dont les textes sont lus, la ‘performance rituelle’, est très importante, et les textes font presque toujours partie d'un ensemble plus large accompagné de danses et de chants.

Dans la deuxième partie, j'examine les textes connus des différents groupes ethniques surinamiens, ainsi que des expressions culturelles transmises par la tradition orale. Vient ensuite une description synchronique de toutes les formes de littérature orale existant, aujourd'hui encore, dans les deux communautés surinamiennes: la communauté indigène de Galibi (Kari'na) et la communauté des Marrons de Yaw-Yaw (Saamaka). Les résultats de cette analyse sont ensuite confrontés à la littérature secondaire existante en la matière. Pour ce qui est des autres groupes indigènes, je me réfère aux recherches existantes, principalement le fruit du travail d'anthropologues culturels. J'y dresse un état de choses historiographique et apporte quelques découvertes réalisées sur base d'enregistrements sonores et de notes, complétés d'informations nouvelles émanant de spécialistes.

Les plus vieux habitants du Surinam sont les Indiens, ou Indigènes. Les deux principaux groupes d'Indiens sont les Kari'na (ou Caraïbes) et les Lokonon (ou Arouhuacs) qui, tout comme la tribu plus petite des Warau, se sont établis dans la région côtière. Les Tarëno (ou Trio), les Wayana et les Akuriyo habitent tous à l'intérieur du pays, non loin de la frontière brésilienne. Je dresse le portrait socio-culturel général de chacune de ces peuplades. Viennent ensuite les différents genres narratifs, les différents genres de chansons et les proverbes. Les récits et chansons dotés une force magique particulière sont connus des pyjai, ces chamans qui, au sein de chaque peuple, jouent un rôle tout à fait crucial. L'analyse d'un récit arouhuac et d'un récit trio montre combien la nature, le surnaturel, l'homme et l'animal forment, pour les Indigènes, une unité indissoluble.

Les Afro-Surinamiens, descendants d'esclaves amenés d'Afrique, se distinguent des nègres marrons ou Marrons (intérieur du pays) et des Créoles (villes et régions côtières). Leur culture orale est fortement placée sous le signe du Winti, religion et mode de vie afro-surinamiens. Des six peuplades de Marrons, les Saamaka et les Ndyuka sont les plus importants, les plus petits étant les Matawai, les Paamaka, les Aluku (ou Boni) et les Kwinti. Pour chacun de ces groupes, je dresse l'inventaire des récits, chansons et danses. Je décris aussi leur façon particulière de raconter des histoires et de présenter chants et danses. Pour le groupe des Créoles également, les différents genres sont passés en revue. Une attention toute particulière est accordée aux Anansitoris, histoires héritées d'Afrique, mettant en scène l'araignée Anansi qui, au plein coeur de l'esclavagisme, devint un personnage d'identification particulièrement fort, et est restée très populaire, sous différentes formes. Je dresse le portrait de deux narrateurs, Aleks de Drie et Harry Jong Loy. Je décris le rituel de danse sacré des Créoles, le Wintiprei (jeu de Winti, religion afro-surinamienne), et explique ensuite le développement et la fonction de différents jeux profanes, contenant tous les éléments de l'opposition créole à l'oppresseur colonial. Le

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Du est un jeu dramatisé, mettant en scène des personnages fixes; sà l'époque de l'esclavagisme, il se présente comme une grande comédie musicale; les Lobisingi et les Laku datent d'une période ultérieure. Les groupes d'immigrés ultérieurs apportent également leur propre héritage culturel, lui donnant, au cours des années, un visage proprement surinamien. Dans la culture des immigrés venus d'Inde, les vieilles croyances religieuses et les vieux récits épiques tels que le Rāmāyana et le Mahābhārata continuent de jouer un rôle important. Les représentations annuelles du Rāmlīlā, Jeu de Ram, rencontrent un public très nombreux. La vie du temps du contrat et de l'époque suivante, se retrouve dans une série de récits, de pièces de théâtre et de chansons. Le Baithak gáná connaît un immense succès: à l'origine une musique d'accompagnement lors de représentations théâtrales, il se développe progressivement en tant que genre à part entière accompagné de textes. A travers une histoire, on y explique comment les travailleurs contractuels issus de Java donnent un visage surinamien à leurs expressions culturelles. L'héritage culturel surinamien se manifeste, par ailleurs, dans le chant, le Wayang (théâtre d'ombres), le théâtre, le cabaret et la danse (le Jaran képang, danse avec chevaux). Les autres groupes ethniques (Chinois, Libanais, Juifs) et leurs manifestations culturelles propres, sont présents de façon moins prononcée dans le spectre surinamien.

Litterature ecrite

16ème et 17ème siècles

Dès la fin du 18ème siècle, apparaît ce que l'on peut considérer comme la première littérature surinamienne autochtone écrite. Cette historiographie littéraire se limite, en premier lieu, aux textes produits au sein de l'industrie littéraire surinamienne, ou qui ont eu une influence directe sur la situation surinamienne (par exemple, dans le débat sur l'abolissement de l'esclavage). Quelques textes néerlandais sont analysés: il s'agit de textes ayant joué un rôle dans le débat littéraire du Surinam et qui, de cette façon, éclairent le propre système de valeurs littéraires surinamien.

Les premières rencontres avec les plus anciens habitants des Guyanes, les Indiens, ont énormément contribué à l'imaginaire mythologique. Les premiers récits de voyage ont, sans aucun doute, joué un rôle dans la croyance au lac doré de Parima (Eldorado) et, de cette façon, ont attiré de nombreux aventuriers dans la région. Vers la fin du 17ème siècle, les escarmouches continues entre les puissances européennes connaissent une trêve, lors de la signature de la Paix à Breda en 1667, date à laquelle le territoire correspondant au Surinam actuel ainsi qu'une grande partie de la Guyane anglophone actuelle, reviennent à la République des Pays-Bas Unis. Les contours - reposant parfois sur des fabulations - du pays du Surinam se basent encore uniquement sur des sources européennes, et principalement néerlandaises, qui pour cette raison, font partie intégrante de la première phase de l'histoire de la littérature surinamienne. On ne peut alors encore parler de littérature ‘surinamienne’ écrite: il s'agit de toute une série de récits, de journaux intimes, de pamphlets et de chansons de marins, témoins textuels d'une civilisation coloniale en devenir. A l'époque de la société esclavagiste, rien n'est remis en cause; la lignée des Cham est, en effet, prédestinée à la soumission. De fiction, il n'est donc

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aucunement question au cours de ces siècles. Toutefois, un certain nombre de textes, comme, par exemple, le journal d'Elisabeth van der Woude, datant de 1676, font montre de qualités esthétiques indiscutables.

1700-1775

Une grande partie du 18ème siècle est marquée par des attaques au cours desquelles des esclaves en fuite sapent l'autorité des planteurs, ainsi que par les poursuites onéreuses organisées pour retrouver les fuyards. Ces événements sont évoqués dans différents tableaux historico-géographiques, mais la société esclave du Surinam est principalement décrite par trois auteurs non néerlandais: Aphra Behn, Voltaire et John Gabriël Stedman. Ce sont eux qui ont créé l'image du Surinam en tant que colonie d'esclaves extrêmement cruelle, même s'il n'est pas toujours facile de savoir s'ils ont exercé une influence immédiate ou plus tardive, via les historiographies de Hartsinck, Van Hoëvell ou Wolbers. Il faudra attendre le 20ème siècle, par exemple, pour que Oroonoko, or The royal slave, d'Aphra Behn - datant pourtant de 1688 - ne soit traduit. Il n'empêche qu'à travers le noble esclave Oroonoko, l'auteur a créé l'archétype de toute une série de variantes du noble esclave qui apparaîtront dans la littérature ultérieure. A travers ses gravures (‘photographies’ de l'époque), le récit de l'expédition du capitaine écossais Stedman, Narrative of a five years' expedition against the revolted Negroes of Surinam, datant de 1796, - exerce également une influence, et non des moindres, sur l'imaginaire esclavagiste d'un tas de récits en prose du 19ème siècle.

Deux personnages coloniaux livrent des travaux remarquables sur la colonie: le pasteur J.W. Kals et le gouverneur J.J. Mauricius. Tous deux s'opposent, non pas à l'esclavage en tant que tel, mais au développement de ce système et aux tractations douteuses des coteries de planteurs. A travers sa pièce satirique Het Surinaamsche Leeven (La vie au Surinam, 1771), un auteur se faisant appeler Don Experientia, confirme l'image d'une société dominée par la racaille et par la poursuite du gain.

La pensée des Lumières contribue progressivement au développement d'une nouvelle image de la société des planteurs. Les nègres ne sont plus exclusivement considérés comme des sauvages non civilisés. Le récit anonyme Geschiedenis van een neger (Histoire d'un nègre, vers 1770) crée le bon maître, personnage repris et développé par Elisabeth Maria Post, dans son Reinhart (1791-1792); ce roman épistolaire est le premier texte de fiction néerlandais où la problématique coloniale est abordée en profondeur.

Dans aucun de ces textes, l'homme noir n'est le protagoniste. L'écrit spectatorial De denker (Le penseur, 1774) introduit la perspective noire, en donnant la parole à un Africain qui, de façon subtile, critique le système esclavagiste. Il n'est pas improbable que ce texte soit l'oeuvre d'un écrivain de race blanche. Un autre personnage qui, lui, s'exprime probablement en son nom propre, est Quassi van Timotibo, dont l'érudition suscite l'admiration de beaucoup. De par sa collaboration avec le pouvoir colonial, il a longtemps été considéré comme un personnage douteux, mais est, de plus en plus, perçu comme l'incarnation d'une opposition aussi intelligente que brutale au système qui tentait de l'asservir.

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1775-1800

Durant le siècle des Lumières, l'esclavagisme constitue un thème important dans la littérature néerlandaise et, pour la première fois également, dans les lettres produites au sein de la colonie elle-même. Au cours des dernières décennies du 18ème siècle, le trajet de la littérature écrite sur le Surinam connaît une bifurcation importante. C'est durant cette période que les premières amorces d'une littérature surinamienne autochtone voient le jour, même si les Pays-Bas continuent d'être une référence importante dans l'imaginaire et la vie culturelle.

Au cours du dernier quart du 18ème siècle, l'âge d'or du Surinam en tant que territoire conquis est révolu. On peut néanmoins parler de floraison culturelle, pour toute une série de raisons: l'apparition d'une population permanente, l'augmentation des contacts interraciaux, le contrôle solide de l'économie des plantages depuis Paramaribo, et la très forte orientation vers l'Europe, où les Lumières stimulent l'intérêt pour la vie intellectuelle. Ce dernier aspect se fait particulièrement sentir dans la colonie où les Juifs, en particulier, participent à la vie culturelle. Ils déplacent leur centre culturel de la savanne juive vers Paramaribo, établissent leurs propres organisations, tout en participant activement à toutes les sociétés de poésie non juives. Les Juifs sont également à l'origine d'un texte d'importance: l'Essai historique sur la colonie de Surinam (1788) de David Nassy e.a.

Les premiers comptes rendus de représentations théâtrales datent du début des années 70 du 18ème siècle. Chrétiens et Juifs jouent, dans l'ensemble, les mêmes drames et comédies européens, mais disposent de leur propre théâtre et de leurs propres compagnies, dont l'illustre compagnie juive De Verreezene Phoenix (Le Phénix Ressuscité). Des résultats linguistiques considérables sont accomplis au niveau des langues indigènes et créoles mais, outre un texte écrit en ‘négro-anglais’ (sranan), tous ces textes ont un objectif missionnaire. Sur base de publicités pour ventes publiques de livres, on peut déduire que beaucoup de personnes appartenant aux classes supérieures, possèdent des collections importantes de livres. Les possibilités d'enseignement augmentent, même si cette augmentation n'est pas encore spectaculaire. En 1772, W.J. Beeldsnyder Matroos lance la première imprimerie; deux années plus tard, il publie le premier journal, le Weekelyksche Woensdaagsche Surinaamse Courant (Hebdomadaire Surinamien du Mercredi). Il sera suivi d'autres journaux, tels que De Surinaamsche Nieuwsvertelder (Nouvelles du Surinam, 1785-1793), caractéristique par ses articles virulents et satiriques. Le Surinaamsche Courant (Journal Surinamien), publié la première fois en 1790, et qui paraît en diverses éditions, jusqu'en 1883. De véritables librairies il n'est pas encore question; la première bibliothèque publique, quant à elle, est créée en 1783. La vie associative est, plus que jamais, en plein essor: les loges de francs-maçons poussent comme des champignons, divers ‘collèges’ scientifiques et associations littéraires sont créés, notamment De Surinaamsche Lettervrinden (Les amis des lettres surinamiennes) qui publient quatre recueils de Letterkundige Uitspanningen (Récréations Littéraires). Au sein des cercles de cette dernière association, l'on retrouve trois hommes marquants (les femmes ne font pas partie de ce monde): Jacob Voegen van Engelen, qui publie le périodique De Surinaamsche Artz (Le Docteur Surinamien), Hendrik Schouten, à l'origine de quelques vers satiriques, et l'auteur de l'oeuvre la plus considérable: Paul François Roos. Ces textes sont, en partie du moins, encore tout à fait lisibles, fût-ce par leur force satirique (Voegen van Engelen, Schouten), ou par leur talent descriptif pétillant (Roos). D'un point de vue

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intellectuel, tous trois représentent une société coloniale dont les fruits sont destinés à leur pays d'origine, les Pays-Bas. Néanmoins, ils font, tous trois, preuve d'un attachement particulier à leur nouveau pays, les deux premiers de façon plus critique que le dernier, dont les images idéalisantes constituent sans aucun doute une caricature de la réalité des esclaves. Ces trois auteurs choisirent de rester au Surinam; c'est la qu'ils moururent. C'est grâce à leur contribution que, pour la première fois dans l'histoire du Surinam, l'on peut parler d'une vie littéraire active et d'un véritable circuit littéraire. Une vie littéraire dont, pour l'instant, les non Blancs sont, certes, toujours exclus.

1800-1890

‘L'évolution littéraire’ est un concept peu utile à l'historien du Surinam du 19ème siècle. Les Pays-Bas restent le principal point d'orientation du Surinam culturel, mais aux Pays-Bas, le Surinam n'est plus évalué que d'un point de vue économique; jusqu'à la loi sur l'enseignement de 1876, la ‘mère patrie’ n'estime pas qu'elle a une mission de civilisation à accomplir dans la colonie.

Dans la première moitié du siècle, la civilisation, fortement dominée par la censure coloniale, n'offre pas de terreau propice aux initiatives d'envergure, même si quelques individus donnent, de façon périodique, une impulsion à la vie littéraire. Ainsi, H.C. Focke est, plus que probablement, l'auteur du remarquable ‘Proeve van Neger-Engelsche Poëzy’ (Essai de poésie négro-anglaise), portant le titre Njoe-jaari-singi Voe Cesaari (Chanson de nouvel an pour César), et datant du milieu des années 30. Focke est également l'un des membres les plus actifs de la Maatschappij tot Nut van 't Algemeen (Société à L'usage Générale) qui, durant la première moitié du siècle, est le principal moteur de l'activité intellectuelle, et l'auteur du premier dictionnaire négro-anglais imprimé (1855). Entre 1838 et 1839, J.J. Engelbrecht publie le mensuel culturel et social De kolonist (Le colon) dont les quinze numéros proposent une série de pièces contemplatives dignes d'intérêt. E.A. Jellico van Gogh et E. Soesman estiment que la colonie doit, elle aussi, posséder son association littéraire; en 1853, ils fondent Oefening Kweekt Kennis (L'exercice Engendre la Connaissance); en 1856, celle-ci publie un Jaarboekje (Almanach), contenant un texte de prose de l'hôte de passage Christina van Gogh, clairement au service de la morale chrétienne, ainsi que des contributions de Soesman et Van Gogh (dont la nouvelle De gouden sleutel (La clé d'or) - première nouvelle de l'histoire littéraire du Surinam - a pour décor la colonie). Le pasteur Cornelis van Schaick, qui réside au Surinam entre 1852 et 1861, se montre un publiciste énergique, notamment à travers des morceaux qui paraissent dans quelques journaux surinamiens, à travers son Dichtbundeltje voor de Surinaamsche jeugd (Petit recueil de poésie à l'usage de la jeunesse surinamienne) et à travers son roman De manja (La mangue), remarquable par ses idées progressistes. Van Schaick et Focke font partie des fondateurs de West-Indië (L'Inde Occidentale, 1854-1858), qui s'avère être un successeur honorable au mensuel De kolonist. On n'y trouve pas de prises de position programmatiques sur la littérature, tandis que l'absence d'une réflexion sur ce qui s'écrit tout au cours du 19ème siècle témoigne d'un vide imposant. Ch. Landré et F.A.C. Dumontier, tous deux rédacteurs de West-Indië, fondent, en 1857, la Surinaamsche Koloniale Bibliotheek (Bibliothèque coloniale surinamienne) qui, un siècle durant, demeurera la principale bibliothèque du Surinam.

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On trouve, dans les contributions de Van Gogh et de Soesman au Jaarboekje de 1856, une adhésion tardive au romantisme; toutefois, les grands courants littéraires internationaux n'ont, semble-t-il, jamais été suffisamment puissants pour, atteindre le Surinam, à contre-courant de l'Amazonie. Tandis que les conceptions littéraires changent de façon drastique au cours du 19ème siècle, tandis que la personnalité individuelle de l'écrivain acquiert un poids totalement neuf, le Surinam ne se rend apparemment compte de rien. Il y existe, certes, quelques compagnies de bienfaisance et quelques loges, mais aucune chambre de rhétorique qui soit capable de récupérer et relancer le débat international.

La scène théâtrale connaît, elle, une activité remarquable, et cela durant le siècle presque tout entier. Au cours des premières décennies, l'offre théâtrale est assurée par les compagnies Oeffening Kweekt Kunst (L'exercice engendre l'art) et De Verreezene Phoenix. De cette dernière naît un groupe qui poursuit ses activités sous le nom de Theatre Graave Straat. Après une période de trouble dans les années 30, la compagnie Thalia ouvre, en 1840, les portes de son nouveau théâtre. La troupe, principalement juive, entame une histoire célèbre qui, dès 1853, serait marquée par de perpétuels remous autour de la dégradation et de la restauration de son bâtiment. La programmation est presque toujours d'influence européenne. Le théâtre écrit d'origine surinamienne du 19ème siècle se caractérise largement par sa discontinuité. Une poignée de textes originaux célèbres côtoie un nombre restreint d'adaptations de pièces européennes.

 

Au Pays-Bas, le débat sur l'abolitionnisme bat son plein dès le début du 19ème siècle. Si l'on se penche sur la première moitié du siècle, cependant, on constate qu'aucun texte majeur n'est consacré à l'esclavagisme au Suriname. Aucun livre important qui attire l'attention du grand public sur la situation intolérable que connaissent les colonies d'Inde Occidentale. Aucun texte qui ait influencé l'opinion publique. Ce n'est qu'en 1854, lorsque W.R. baron van Hoëvell publie son Slaven en vrijen onder de Nederlandsche wet (Esclaves et hommes libres sous la législation néerlandaise) qu'un public plus large prend connaissance d'une situation qui, dans les territoires d'outre-mer de la plupart des autres puissances coloniales, appartiennent au passé depuis longtemps déjà.

L'abolition de l'esclavage en 1863 engendre d'abord une renaissance journalistique. La plus grande victoire du siècle est l'élargissement de l'enseignement: alors qu'au début, on ne dénombre que de rares écoles privées destinées aux blancs issus des classes supérieures, en 1876, les écoles sont nettement plus nombreuses; à cette date, apparaît une loi sur l'enseignement qui impose à tous le devoir d'apprentissage.

Dans les années qui suivent l'abolissement de l'esclavage également, apparaissent quelques écrivains singuliers. Kwamina (ps. de W. Lionarons) écrit des romans remarquables dont l'action se situe au début du siècle. Jetta (1869) et Nanni of Vruchten van het vooroordeel (Nanni ou Les Fruits du préjugé, 1881) se déroulent dans un décor de plantages en déclin et dans une colonie orientée vers un autre système économique. Kwamina introduit dans la littérature surinamienne un personnage connu de la littérature des Caraïbes: la mulâtresse. Il plaide pour des conditions d'existence humaines pour les travailleurs, mais sa vision du monde n'est pas fondamentalement différente de celle des écrivains néerlandais coloniaux qui l'ont précédé. Néanmoins, Kwamina est un Surinamien autochtone descendant d'une lignée surinamienne très ancienne, et son oeuvre - écrite en néerlandais agrémenté de dialogues en ‘négro-anglais’ - fait assurément partie de la littérature surinamienne, tout comme celle du Marron Johannes King. Ce dernier nous a lé-

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gué des milliers de pages de prose écrite en sranan, dont quelques visions spectaculaires. Dans ses récits de voyage et ses journaux intimes, King fait preuve d'une âme d'évangéliste aussi forte que la plupart des écrivains de son siècle.

1890-1923

La partie de la colonie que l'on peut assimiler à la culture urbaine lettrée, connaît, après 1890, à un essor culturel qu'elle n'avait plus connu depuis un siècle. Mais, bien que les réjouissances se déroulent essentiellement à l'intérieur des frontières de Paramaribo, la ‘classe aisée’ n'est plus exclusivement de race blanche. Elle prend, en outre, énormément d'expansion. Jusqu'à nouvel ordre, cependant, les nouveaux groupes d'immigrés venus des Indes Britanniques en demeurent exclus.

Les techniques modernes font leur entrée dans la capitale, grâce à l'éclairage public électrique, les lignes télégraphiques et les premiers films. La qualité de l'impression s'améliore; en grande partie sous l'égide de l'imprimeur/éditeur H.B. Heyde qui publie toute une série de livres majeurs. Les bibliothèques se multiplient, la vie journalistique se développe, principalement selon trois voies: la voie évangéliste, la voie catholique et la voie neutre. De nombreux journaux paraissent et permettent la mise un place d'un débat; le Nieuwe Surinaamsche Courant (Le Nouveau Journal Surinamien) publie, la plupart du temps, une page entière d'informations sur le Surinam dans des rubriques telles que ‘Stadsnieuws’ (Nouvelles urbaines) et ‘Kunst- en letternieuws’ (Nouvelles artistiques et littéraires). Les contours d'une critique théâtrale et littéraire de qualité se dessinent, proposant notamment quelques échanges d'idées sur la fonction de la critique, discussion à laquelle participe également Kennis Adelt (La Connaissance Anoblit), une des nombreuses nouvelles associations littéraires. Quasiment tous les journaux, quelle que soit leur dénomination, appliquent au texte une norme éthique, combinée à un jugement artistique sur le jeu d'acteur. La référence en la matière vient toujours des Pays-Bas. Les personnes soucieuses de maintenir un lien actif avec les Pays-Bas, se réunissent au sein du groupe Suriname van het Algemeen Nederlandsch Verbond (Surinam de l'Union Générale Néerlandaise).

Entre-temps, le Surinam a, plus que jamais, glissé vers la périphérie du Royaume des Pays-Bas. Même si, dans son court et remarquable roman De geschiedenis van een kankantrieboom (L'histoire d'un coton géant, 1891), J. de Liefde en finit une fois pour toutes avec l'approche stéréotypée de l'histoire coloniale du Surinam, les représentations du Surinam et des Surinamiens dans la littérature néerlandaise - en particulier dans la littérature des missionnaires - s'accrochent aux vieilles schématisations, pour ne pas dire aux clichés racistes.

Ces textes n'ont assurément pas contribué à corriger l'image qu'avaient d'eux-mêmes les Surinamiens lettrés qui se reconnaissent dans le miroir de cette lecture. La politique culturelle très néerlandocentrique d'après 1876 ne fait rien pour arranger les choses.

Durant les premières années du 20ème siècle, face au déclin des plantations, quelques textes, jètent un regard nostalgique sur le 19ème siècle. Dans les ‘mémoires’ de J.G. Spalburg, E.J. Bartelink, A.W. Marcus et Jacq. Samuels, le déclin de la colonie agricole est l'occasion de lamentations sur le ‘bon vieux temps’.

On observe toutefois quelques signes d'une réorientation mentale progressive. Suite au

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comportement peu diplomatique du gouverneur De Savornin Lohman, un sentiment national nouveau se manifeste dans une série de poèmes de circonstance. L'histoire du Surinam et la vie populaire surinamienne constituent les sources d'inspiration d'un nouvel imaginaire, à caractère plutôt réaliste. Trois personnalités apportent leur contribution à la vie littéraire. G.G.T. Rustwijk publie, avec Matrozenrozen (Roses de marins, 1915), le premier recueil écrit par un poète né au Surinam. J.G. Spalburg écrit le premier recueil surinamien de textes de prose, Bruine Mina de koto-missi (Mina brune, la koto-missi, 1913). Een Beschavingswerk (Une oeuvre de civilisation, 1923), publié par Richard O'Ferrall sous le pseudonyme d'Ultimus, constitue le premier roman à clef; le caractère satirique du texte en fait un livre remarquable pour son époque. L'oeuvre de ces trois auteurs comporte encore de nombreuses réminiscences de l'époque de l'esclavagisme et de l'économie agricole; cependant, tous trois vont plus loin. En tant que représentants de la rationalité et de la modernité, il contribuent à la vie intellectuelle renouvelée de leur époque.

L'orientation vers les Pays-Bas est rejetée avec force dans l'oeuvre de cinq Surinamiens dont les ouvrages paraissent après 1900. F.H. Rikken publie, dans De Surinamer, trois grands romans historiques extrêmement populaires, sous la forme de feuilleton, et se profile, en tant que tel, comme l'écrivain le plus talentueux de son temps. Jacques Samuels écrit une série de textes de prose dont le recueil ne paraît qu'en 1946, sous le titre de Schetsen en typen uit Suriname (Esquisses et types du Surinam). Johann F. Heymans et son roman historique Suriname als ballingsoord of Wat een vrouw vermag (Le Surinam comme terre d'exil ou Ce que femme peut, 1911), E.J. Bartelink et ses souvenirs de planteur, A.W. Marcus et sa poésie et ses discours, ainsi que quelques auteurs d'esquisses naturalistes publiées dans De Surinamer, ont tous laissé une production littéraire qui porte clairement une estampille surinamienne. Leurs ouvrages constituent également les premières expérimentations avec la langue surinamo-néerlandaise, ce qui n'est pas apprécié de tous. Dans la figure colorée du chanteur de rue Goedoe Goedoe Thijm, littérature orale et littérature écrite se rejoignent: il est le chantre de l'actualité des premières décennies du 20ème siècle, et fait imprimer ses chansons sous forme de pamphlets.

Les traductions de la Bible et les chansons du pasteur C.P. Rier, écrites en ‘négro-anglais’, constituent des textes de haute valeur. Si le sranan fait quelques apparitions dans un poème ou un texte de cabaret, les textes écrits dans une des autres langues populaires restent, en dehors de la vie cléricale et de la littérature orale, extrêmement rares.

 

Après 1890, la vie théâtrale connaît une organisation et une structure nettement moins développée qu'au siècle précédent. Thalia entre dans une période mouvementée. La compagnie continue à jouer principalement un théâtre de répertoire, mais supprime les séries d'abonnements. La nouveauté en matière de théâtre se trouve ailleurs, dans des compagnies telles que Oefening Baart Kennis (L'exercice Engendre la Connaissance) et de nombreuses autres, qui connaissent une vie de très courte durée. Les premières pièces de théâtre surinamiennes sont écrites et jouées: Lucij de R.A.P.C. O'Ferrall, en 1896, Te laat of De wraak van een' Boer (Trop tard ou La revanche d'un Fermier) de Jacques Samuels en 1900, et l'opéra wagnérien mythique Het pand der goden (Le gage des dieux) de J.N. Helstone, en 1906. Dans sa pièce, également parue sous forme imprimée, Deugd en belooning of Hoogmoed komt voor den val (Vertu et récompense ou L'arrogance tombe en disgrâce), Joh. C. Marcus montre combien le théâtre néerlandais sert encore toujours d'exemple, même en 1910: la pièce ne contient aucune allusion au Surinam et n'est rien

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de plus qu'une variante des nombreuses pièces du 19ème siècle abordant le motif du père/juge. L'ambiance houleuse qui entoure les représentations de la pièce montre qu'il n'est franchement pas recommandé d'être un dramaturge du terroir.

L'offre théâtrale se distingue par trois sortes de représentations: les ‘soirées variées’ (soirées de cabaret proposant un programme mixte), les opérettes pour enfants, et les représentations d'opérettes. Ces trois genres permettent au théâtre d'accueillir un public toujours plus nombreux. Les associations de danse ou sportives proposent des numéros de cabaret, des farces, des sketches et parfois aussi des drames courts. Elles rendent, elles aussi, les temples du théâtre plus accessibles au grand public. Même si les classes sociales ‘inférieures’ sont toujours exclues de la vie culturelle, l'évolution de l'art de la représentation dans la première partie du 20ème siècle, constitue un pas décisif vers la transformation de la culture populaire orale en un théâtre populaire, qui se produira dans la seconde moitié du siècle.

1923-1957

Avec la parution, en 1923, du recueil de poésie De glorende dag (Le jour qui se lève), de Lodewijk Lichtveld - qui deviendra célèbre sous le nom d'Albert Helman -, on assiste à un nouveau phénomène. D'autres livres écrits par des auteurs surinamiens sont parus aux Pays-Bas auparavant. Mais 1923 marque le début d'une tendance, pratiquée par de nombreux écrivains, à se fixer aux Pays-Bas. La littérature immigrée surinamienne est née; une littérature qui a beaucoup de points communs avec celle du Surinam, mais qui se distingue, sous de nombreux aspects, de la littérature écrite dans la mère patrie. De par leur position complètement différente dans le jeu de forces littéraires et dans le monde en général, les écrivains jouissent d'une perspective entièrement nouvelle; ce changement de réalité et de perspective apporte son lot de nouveaux thèmes qui, à leur tour, réclament souvent un forme différente. L'ouvrage Zuid-Zuid-West (Sud-sud-ouest, 1926) d'Albert Helman, est un roman nostalgique classique. Toutefois, les vrais motifs d'immigration ne sont pas encore présents de façon très prononcée dans les textes de cette première génération d'immigrés, et devront attendre la grosse vague de migrations des années 60, pour se généraliser dans les écrits des auteurs immigrés. Une explication possible à ce phénomène est que les premiers écrivains qui s'installent aux Pays-Bas - Albert Helman, Rudie van Lier, Hugo Pos - appartiennent déjà à la couche supérieure de personnes assimilées de la civilisation surinamienne et se retrouvent, par conséquent, pleinement dans les associations littéraires néerlandaises. Anton de Kom occupe une position particulière. Il se joint au périodique marxiste Links Richten (Aligner à Gauche) et s'attèle, dans son long essai Wij slaven van Suriname (Nous, esclaves du Surinam, 1934) à la réécriture de l'histoire du Surinam comme la dénonciation du colonialisme néerlandais.

 

L'exode qui commence avec Helman - l'auteur qui, tant par l'envergure que par la qualité de ses écrits, a produit l'oeuvre la plus importante - met fin, pour un bon bout de temps, à la production de textes néerlandais au Surinam même. Jusque 1950 environ, la vie culturelle suit les chemins balisés par les différentes factions religieuses: catholique, évangéliste, juive et, de plus en plus, hindouiste et islamique. Si les plumes produisent davantage de flagorneries traditionnelles que de textes audacieux de signature personnelle,

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c'est surtout à travers la sensibilisation au mot et à la forme littéraire que les églises influencent les jeunes écrivains qui feront, plus tard, parler d'eux. Les journaux de l'entre-deux-guerres constituent, pour ainsi dire, le seul moyen pour les écrivains de publier leurs textes. A travers des poèmes sur la famille royale des Pays-Bas, des feuilletons de facture néerlandaise et des rubriques d'art qui traitent encore à 98% de théâtre et littérature néerlandais, ils renforcent l'orientation des classes supérieure et moyenne vers la soi-disant ‘mère patrie’.

La Deuxième Guerre Mondiale joue un rôle déterminant sur la vie sociale et culturelle de la période 1923-1957. Le cantonnement des troupes américaines et l'isolement des Pays-Bas entraînent une prise de conscience par les Surinamiens de leur propre potentiel et de la possibilité d'une position indépendante au sein du Royaume des Pays-Bas (qui deviendra réalité en 1954). L'influence nord-américaine est manifeste à de nombreux niveaux. Ce serait aller trop loin que d'imputer l'élan d'après-guerre à cette influence, mais elle a sans aucun doute joué un rôle.

Le bastion d'après-guerre de l'orientation vers les Pays-Bas est la Stichting voor Culturele Samenwerking (Fondation pour la Collaboration Culturelle), ou Sticusa, dont le siège se trouve aux Pays-Bas, mais qui dispose un organe exécutif à Paramaribo: le Centre Culturel du Surinam. Le CCS qui, progressivement, acquiert une signification grandissante dans la surinamisation de l'offre culturelle.

Dans les années 50, différentes opportunités d'enseignement apparaissent. Le développement des librairies montre que le livre attire un groupe ethnique et social d'intéressés de plus en plus important. Le développement des collections, du nombre de filiales et du nombre d'emprunts de la bibliothèque du CCS montre également qu'un public lecteur très large s'est développé. Diverses activités médiatiques ont lieu, qui contribuent sans aucun doute à l'épanouissement culturel des différentes populations et, de cette façon, au renforcement de l'identité de ces groupes. Le monde de l'art plastique subit une transformation identique à celle de la musique et du théâtre: d'un traditionnalisme modéré dans l'entredeux-guerres, à la recherche effrenée après la Deuxième Guerre Mondiale et l'activité fiévreuse des années 60.

Le retour de quelques écrivains après la Deuxième Guerre Mondiale, donne à la vie littéraire de langue néerlandaise une impulsion considérable. Albert Helman - actif dans de nombreux domaines, contesté dans de nombreux domaines - écrit quelques uns de ses principaux romans et pièces de théâtre au Surinam. Hugo Pos et Wim Salm apportent du sang neuf dans la vie théâtrale. Les journaux les suivent au pied de la lettre, accordent une place toujours plus importante au monde littéraire, et partent, prudemment, à la reconnaissance de leur propre région. Les revues littéraires sont absentes durant la période 1923-1957, mais deux périodiques assument, dans une certaine mesure, la fonction de revues littéraires: Spectrum (Spectre) et Opbouw (Construction). De loin le périodique culturel en langue néerlandaise le plus important, De West-Indische Gids (Le Guide d'Inde Occidentale), paraît entre 1919 et 1960.

L'évolution majeure au sein du Surinam des années 1923-1957 se produit au niveau des langues du peuple, en particulier du sranantongo, et dans une moindre mesure, du néerlandais surinamien. Dans un pays où l'enseignement est façonné par le modèle néerlandais et où les médias - les journaux et, à partir de 1935, la radio Avros - respectent la norme de l'Algemeen Beschaafd Nederlands (néerlandais standard), c'est faire preuve de courage que d'utiliser la variante surinamienne du néerlandais. Un

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courage que l'on retrouve néanmoins chez un certain nombre d'écrivains. Quelques événements marquent le recours de plus en plus prononcé au néerlandais surinamien: la pièce Woeker (Usure) de Wim Bos Verschuur en 1936, les histoires de Peter Schüngel, qui paraissent dans le mensuel Suriname-Zending (Mission Surinamienne) entre 1942 et 1946, le roman Viottoe de Kees Neer en 1948, la traduction par Albert Helman, en 1954, de Green pastures de Connelly, sous le titre Grazige weiden (Verts pâturages), la représentation de Sjinnie de Wim Salm en 1956, et les souvenirs de M.Th. Hijlaard, Zij en ik (Elle et moi, qui ne sera publié qu'en 1978).

Le sranan et la culture populaire créole reçoivent une solide impulsion du Comité Pohama, fondé en 1944, et qui organise des ‘Sranannetie’: soirées culturelles agrémentées de chansons et de déclamations en sranan. Entre 1946 et 1956, le comité publie Foetoe-boi (Coursier), un mensuel qui accorde une attention systématique à toute une série d'aspects de la culture créole. Il s'agit de la première revue culturelle générale écrite en sranan, réalisée par des ‘kleine luyden’ (petites gens), et qui construit une espèce de digue contre l'orientation néerlandocentrique des classes supérieures. Le moteur derrière ces activités est l'enseignant J.G.A. Koenders. Il plaide, dans une série d'essais, de petits livres de langue et de chansons, pour la renaissance du ‘surinamien’ et pour une transformation radicale du système d'enseignement, toujours colonialiste, qui ‘a désemparé notre psyché et a desséché notre intelligence’.

Wie Eegie Sanie (Nos Propres Choses) est le principal héritier de Koenders. Ce groupe d'étudiants et d'ouvriers regroupés autour du charismatique Eddy Bruma, voit le jour aux Pays-Bas en 1950, et se déplace au Surinam quelques années plus tard, où il insufle une nouvelle énergie aux ‘Sranannetie’, à travers des pièces de théâtre de Bruma et Ané Doorson, entre autres, qui mettent en scène l'histoire de l'esclavage et son héritage. Wie Eegie Sanie contribue largement au changement de climat culturel et à la prise de conscience historique, en premier lieu par les Créoles.

Au niveau du sranan, des résultats impressionnants sont accomplis en théâtre. Grâce à ses pièces instructives, Sophie Redmond se taille une place prépondérante dans la transition de la culture orale créole vers une culture écrite et ‘formelle’. Par ailleurs, la traduction, par Paula Velder, de Songe d'une nuit d'été de Shakespeare, représente un moment important de l'émancipation du sranan littéraire. L'univers théâtral témoigne le mieux de l'évolution de la vie culturelle surinamienne vers une réalité pluriforme, de la transformation de la culture orale en culture écrite, de la réévaluation du choix de la langue, du rôle de l'héritage culturel historique national dans l'imaginaire théâtral, et de la surinamisation des troupes d'acteurs.

La compagnie théâtrale Thalia connaît un nouvel essor après la guerre. Sous la direction d'Hugo Pos, les portes s'ouvrent également aux acteurs non juifs et non blancs; on y joue des pièces régionales, ainsi que les oeuvres d'auteurs surinamiens, ou des pièces étrangères traduites et adaptées au public surinamien. La majorité des oeuvres sont, néanmoins, toujours d'origine européenne et nord-américaine.

Progressivement, cependant, les théâtres accueillent de plus en plus d'oeuvres autres que celles du ‘Théâtre Thalia’ et, de cette façon, attirent un public issu d'autres couches de la population. Dans la première partie du siècle, le cabaretier Johannes Kruisland propose, dans ses ‘one-man-shows’, des numéros en ‘négro-anglais’. Les Bonte Avonden (Soirées Hétéroclites) connaissent un franc succès et, dans les années 20 et 30, de courtes scènes en sranan font leur apparition, écrites par Albertina Rijssel. C'est ainsi que naît un

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théâtre populaire créole, inscrit dans la tradition orale de Banya, Du, Laku et Lobisingi, mais qui prend une forme différente une fois sur les planches. En 1927 déjà, Excelsior, compagnie entièrement constituée de femmes noires, proposait, sous la direction de J. Vriese, chef de file de la Neger Vereeniging (Association Nègre) au Surinam, des représentations dans la petite ville de Moengo. De Echo (L'écho), autre compagnie de femmes noires, propose en 1929, des représentations au Thalia, qui provoquent beaucoup de remous auprès d'un public avide de scandales. Après la Deuxième Guerre Mondiale, les jeunes troupes attirent un public toujours plus nombreux issu des classes populaires. Ils créent un nouveau genre: le théâtre populaire créole, principalement joué en sranan, avec quelques bribes de néerlandais surinamien. Ce théâtre repose sur un mélange de tragédie et d'humour, un compte-rendu réaliste de problèmes quotidiens, agrémenté d'effets comiques. Comme il existe rarement une version écrite du texte, improvisation et allusions à l'actualité sont fréquentes. Les journaux qui, après la guerre, paraissent chaque jour, contribuent, avec leurs rubriques régulières de critique théâtrale, à l'intérêt croissant pour le théâtre auprès du grand public.

Le théâtre hindu se joue encore à 99% dans les districts. Dans les années 20, les premières pièces historiques sont jouées, basées sur des oeuvres dramatiques d'Indiens, adaptées aux circonstances locales par des auteurs surinamiens. L'hindi est la principale langue de théâtre (Rahman Khān, premier poète indien, utilise également l'hindi et les autres langues indiennes). Les vieux drames indiens, aux thèmes principalement religieux, restent majoritaires, mais au fil du temps, les textes se simplifient, le sarnami est utilisé de plus en plus souvent et des textes au contenu actuel et réaliste sont également joués.

En 1950, un groupe de Marrons joue, au théâtre Bellevue, ce qui peut être considéré comme un moment important dans la théâtralisation et dans la sécularisation de la culture des Marrons. La contribution de ces derniers au théâtre, ainsi que des Javanais, des Chinois et des groupes indigènes, reste, par ailleurs, extrêmement modeste. Au cours de la période 1923-1957, l'organisation socio-culturelle de pratiquement tous les groupes ethniques subit des transformations majeures.

1957-1975

Jamais la recherche de réorientation n'a été aussi large et jamais l'identité propre n'a été l'objet de l'imaginaire littéraire de façon aussi insistante, que dans les années postérieures à 1957. Des éléments issus des traditions orales sont replacés, par différents auteurs, dans un contexte nouveau de textes écrits. Néanmoins, ces traditions orales ne constituent pas un bouclier aussi puissant contre l'influence de la culture européenne, que ne le sont d'autres éléments, de la même époque, dans la littérature écrite des Antilles. Une explication possible est qu'au Surinam, les traditions orales sont encore très vivantes au sein des différents groupes ethniques et n'ont donc pas besoin de renaître, comme c'est le cas de la littérature orale des Antilles, qui a pratiquement complètement disparu.

Le recueil Trotji (Amorce), de Trefossa, est en quelque sorte le détonateur de toute une série d'activités littéraires. Nombreux sont les poètes qui témoignent de l'inspiration que dégage sa poésie. Toutefois, un grand nombre de facteurs seront, par une interaction et un renforcement mutuel complexes, déterminants pour la dynamique exceptionnelle de la littérature. Vers 1950, le système d'enseignement est remis en question. Ce renouveau

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commence à porter ses fruits. Les bibliothèques se multiplient et desservent des dizaines de milliers de lecteurs dans la ville et dans les districts. Paramaribo compte plus d'imprimeries que jamais auparavant, ce qui constitue une donnée importante pour la production littéraire à compte d'auteur (les maisons d'éditions ne jouent qu'un rôle secondaire). Sticusa et le CCS disposent de moyens pour soutenir les écrivains: bourses de voyage ou d'étude, acquisitions d'ouvrages et prix littéraires. Les journaux accordent une place jamais vue aux critiques qui suivent, de façon assidue, les évolutions culturelles. Une série de débats littéraires très animés - où le poète Corly Verlooghen joue souvent le rôle principal - remplissent les colonnes de ces journaux.

Les journaux littéraires Tongoni, Soela, Moetete et Kolibri offrent, aux auteurs émergeants, une plate-forme, tout comme la page littéraire bihebdomadaire du quotidien Suriname, qui paraît entre 1967 et 1969, et, aux Pays-Bas, le périodique Mamjo. Exception faite de Kolibri et Mamjo, qui se dressent contre la modération d'un nationalisme littéraire précuit, tous les périodiques se présentent comme des anthologies exemptes de fondements programmatiques bien définis. Les contributions aux périodiques ne font pas preuve d'une grande continuité: si l'on en fait l'inventaire, on arrive à un total de 72 auteurs. Seuls deux ont contribué à plus de deux périodiques: Shrinivási et Slory - entretemps devenus poètes canoniques, dont l'oeuvre combine éléments politiques et personnels. Une continuité qui fait d'ailleurs également défaut dans les revues en tant que telles: Soela, avec ses sept numéros, connaît l'existence la plus longue.

Vers 1970, de jeunes metteurs en scène apportent un souffle nouveau et puissant dans les théâtres. Henk Tjon, par exemple, collabore avec fruit, avec l'écrivaine Thea Doelwijt, dans le cadre de la groupe Théâtre Doe. Par ailleurs, le théâtre populaire, avec des groupes tels que le Naks d'Eugène Drenthe et Jagritie de Goeroedath Kallasingh, attire, de loin, le plus de spectateurs.

Des années durant, Avros domine la scène théâtrale, jusqu'à l'arrivée d'une série de stations de radio dont les programmations font la part belle aux langues du peuple et créent de l'espace pour les pièces radiophoniques et les programmes culturels. En 1965, le Surinam acquiert sa propre station de télévision; de productions dramatiques télévisées à grande échelle, cependant, il n'est pas question.

La chute du dernier cabinet Pengel en 1969, constitue le début d'une période politique très secouée. Ce sont essentiellement des poètes qui, à travers leur poésie de combat, de signature authentique, et s'adressant au grand public, se feront les porte-parole du malaise social et de l'aspiration à l'indépendance politique du Surinam. Dès le milieu des années 60, R. Dobru propose une forme textuelle sur laquelle se baseront de nombreux poètes engagés. Son poème ‘Wan bon’ (Un arbre) constitue la confession de foi la plus célèbre du désir d'unité de la population surinamienne.

Etonnament - et contrairement à cette foi en l'unité, caractéristique de ces années - la production littéraire se limite presque toujours à des oeuvres écrites en néerlandais (Verlooghen, Shrinivási, Ashetu) ou en sranan (Rellum, Schouten-Elsenhout, Slory). Shrinivási est, certes, le premier auteur de poèmes en Sarnami, Akanamba, le premier auteur de poésie en Saamaka et André Pakosie, de poésie en Ndyuka; toutefois, aucun recueil complet n'est consacré à l'une de ces langues. Le sarnami devient progressivement une langue de théâtre importante; Goeroedath Kallasingh, le principal dramaturge indien, réclame naturellement plus d'attention pour l'héritage culturel indien, en tant que partie intégrante du patrimoine national.

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Trefossa introduit également des motifs d'immigration dans sa poésie, et il n'est pas le seul. De nombreux auteurs de la période 1957-1975 ont vécu pendant des années à l'étranger et ont subi l'influence de ce séjour outre-mer. Ainsi, le roman Proefkonijn (Cobaye, 1985), de Paul Marlee, s'inscrit dans la tradition moderniste internationale, et peut se lire comme un tissu d'allusions intertextuelles. Aux Pays-Bas, on rencontre des auteurs surinamiens autour de la revue estudiantine Mamjo (dont la plume acérée de John Leefmans et Rudi Kross), autour de l'association Ons Suriname (Notre Surinam) et sa publication annuelle Fri (Liberté), et autour de l'Union Surinamienne et son bimensuel Djogo (Bouteille). Après 1968, Leo Ferrier et Bea Vianen donnent au roman engagé socialement, mais de facture psychologique, sa plus belle expression depuis les livres d'Albert Helman. Ce dernier reste d'ailleurs très présent, à travers son oeuvre propre et toute une série d'activités, mais est sérieusement critiqué par la jeune génération d'écrivains, comme étant quelqu'un qui louche trop en direction du modèle néerlandais.

Divers poètes surinamiens construisent une oeuvre d'envergure et se voient récompensés par des prix littéraires. La prose, en particulier la nouvelle, connaît un renouveau, même si, au bout du compte, peu d'auteurs de prose, répondent réellement aux attentes. Après un premier recueil, Spanhoek (nom d'une place de Paramaribo), Coen Ooft ne produit plus rien. Nel Bradley, Benny Ooft, Thea Doelwijt, Ruud Mungroo, Rodney Russel ne publient plus grand-chose après leur premiers textes de prose, ou passent - comme Doelwijt - à d'autres genres. L'entrée fulgurante dans l'univers des lettres de Leo Ferrier et de son Ātman, connaît une fin abrupte après la parution de son court roman El sisilobi. Seule Bea Vianen, et ses cinq romans, reste présente pendant une décennie, en tant que critique de l'effritement du Surinam. Il faudra attendre 1975, pour que les grands créateurs littéraires après Helman, se hissent sur les marches du podium.

Le développement remarquable de poètes talentueux dans un pays qui, jusque-là, n'avait connu que des faiseurs de vers, a toutefois un revers. Par manque d'infrastructure littéraire de qualité, même les meilleurs écrivains publient leur oeuvre à compte d'auteur. En conséquence, des ouvrages mûrs en côtoient de moins mûrs sur les rayons des librairies. En 1975, il ne se passe pratiquement pas une semaine sans qu'un nouveau recueil de poèmes ne paraisse. Le marché frôle la saturation.

Phénomène inquiétant: au sein des écrivains immigrés, quelques cas sérieux de psychose apparaissent, sans doute favorisés par un mélange de facteurs socio-culturels et psychologiques, comme ‘l'appartenance à plusieurs cultures’ et l'identification problématique de l'homme noir à l'image qui lui est rendue par l'homme blanc.

D'un tout autre ordre, enfin, est la question de savoir dans quelle mesure l'oeuvre politiquement engagée des années 60 et du début des années 70 a fait avancer les choses. Il existe, dans le Surinam de l'époque, un certain sentiment d'unité, comme en témoignent les textes littéraires qui abordent le sujet. Toutefois, en jetant un regard vers le Surinam d'avant 1975, plus d'un écrivain émettra un avis sceptique. Deux des représentants de la nouvelle génération avaient déjà fait leurs débuts vers 1970: Edgar Cairo et Astrid Roemer. Or, ils marqueront tellement de leur empreinte la littérature surinamienne des Pays-Bas des années 80 et 90, que leur oeuvre fait, en fait, partie de la littérature immigrée d'après l'indépendance.

 

Traduit par Annick Capelle


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