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Histoire de la littérature flamande (1849)

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Histoire de la littérature flamande

(1849)–F.A. Snellaert–rechtenstatus Auteursrechtvrij

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Première époque.

Nous l'avons déjà dit: dans son génie poétique la Germanie orientale est plus lyrique; la partie tournée vers l'ouest, ou la Germanie inférieure, plus portée vers la forme épique. Aussi les plus anciens chants nationaux appartiennent-ils aux peuples du nord-ouest et aux habitants du littoral de la mer du Nord, aux Scandinaves, aux Saxons, aux Frisons et aux Anglo-Saxons, c'est-à-dire que nous pouvons revendiquer la gloire d'avoir contribué pour les trois quarts à l'ancienne littérature germanique. Quant au poëme héroïque en particulier, bien que le Beowulf, le Heliand, la Goedroen et le chant des Nibelungen nous soient légués dans des idiomes plus ou

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moins éloignés de notre langue écrite et parlée, il est avéré qu'ils nous appartiennent tout autant qu'à l'Allemagne proprement dite, et cela pour des motifs que nous indiquerons bientôt.

L'épopée du moyen âge se divise d'abord en chants nationaux, relevant de la vie germanique, et en poëmes dont les héros appartiennent à la terre classique de la Grèce et de Rome. Les chants nationaux se rattachent essentiellement à trois cycles, ceux des anciens chants germaniques, de Charlemagne et de la Table Ronde. Au premier rang et par droit d'ancienneté vient se placer l'épopée populaire, établie sur une suite de traditions, propres quelquefois à des populations différentes et dont des hommes de génie surent former un ensemble. Tels sont, outre le chant de Hildebrant, dont il ne reste guère qu'un fragment, le Beowulf, la Goedroen et le chant des Nibelungen. Tous ces poëmes célèbrent d'anciennes guerres des peuples germains, lorsque nos ancêtres païens, ou tout au plus nouvellement convertis au christianisme, menaient encore une vie errante et aventureuse, lorsqu'ils se disputèrent les débris de Rome pour fonder de nouveaux empires. Parmi ces poëmes le fragment du premier, qui date du huitième siècle, offre dans plusieurs endroits une identité palpable avec notre langue; le second n'a probablement pas été traduit de l'anglo-saxon en flamand; le

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troisième n'est connu que par une traduction du néerlandais en haut allemand du quinzième siècle. Quant au chant des Nibelungen ou Nevelingen, il est né sur notre sol, sur les rives du bas Rhin, le berceau de la monarchie franque, longtemps avant de revêtir la forme épique: des émigrants l'importèrent dans l'Allemagne centrale pour passer de la bouche du peuple sous la plume d'un vaste génie; il est cependant probable que nous l'avons emprunté peu d'années après sa naissance aux haut Allemands, qui d'ailleurs possèdent le poëme en son entier, tandis que nous n'en connaissons guère que de bien minces fragments. N'est-elle pas bien regrettable la perte de ces vénérables monuments de notre antique poésie, les seuls où la rude mais belle vie antéhistorique, la vie forestière et maritime se montrent à nous comme un souvenir d'hommes à proportions herculéennes, vivant du seul amour de la liberté et du foyer domestique? Ces trois derniers poëmes doivent d'autant plus nous intéresser, qu'ils contiennent une série de scènes se déroulant sur notre sol. Dans le Beowulf nous sommes témoins d'expéditions sur la Meuse et le Niers: le principal événement de la Goedroen, la bataille de Wulpen a pour théâtre les dunes entre Ostende et Nieuport, selon d'autres l'île de Cadsand, tandis que la patrie primitive du chant des Nibelungen est le bas Rhin, et que le

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héros de ce poëme, Siegfried, originaire de Xanten au pays de Clèves, apparaît comme roi des Pays-Bas. Voilà, certes bien assez de titres pour appeler l'attention du public belge sur des poëmes qui, par eux-mêmes déjà, offrent un intérêt réel, intérêt qui s'accroît encore considérablement lorsqu'on envisage ces documents littéraires sous le point de vue d'une comparaison esthétique et philosophique avec les mythes de la terre classique des Grecs.

Le Beowulf et la Goedroen appartiennent à un genre de poëmes nommés chants de la mer du Nord (Noordzeesagen), subdivision des chants historiques qui mérite une appréciation spéciale.

Les peuples du nord pourraient être nommés dominateurs de l'Océan plutôt qu'habitants de la terre: leur grand bonheur consistait à braver les flots, à vaincre les monstres que la mer poussait vers les côtes, ou à tenter des expéditions lointaines d'où ils rapportaient les dépouilles de ceux qu'ils avaient surpris ou vaincus. Ils partageaient donc avec les autres peuples germains cet amour de la vie aventureuse: aussi enthousiastes du merveilleux, ils le façonnèrent aux allures de leur propre existence: l'esquif prenait la place de l'agile coursier; le héros, au lieu de combattre l'être malfaisant au fond d'une forêt ou dans les flancs de quelque caverne, allait poursuivre l'ennemi au fond d'un marais ou sous les vagues de l'Océan.

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Non contents de longer nos côtes, ils remontaient les rivières bien avant dans le pays, rencontrant partout des peuples aussi capables de tenir la mer que de combattre sur terre. Ces peuples à leur tour ne trouvèrent pas moins de goût à cette double existence, qui pour eux aussi devait avoir son reflet dans les productions de l'esprit. La Goedroen, d'abord simple saga danoise, s'agrandit jusqu'aux proportions d'un poème épique en revêtant la forme flamande, sous laquelle elle passa dans la littérature haut allemande.

Ce poëme consacre l'inaltérable fidélité de la femme germanique. Goedroen, la fille du roi Hetel, et la fiancée de Herwig, est enlevée par Hartmoed, fils du roi Louis de Normandie. Le ravisseur, irrité de la résistance de la jeune princesse, l'abandonne aux capricieuses fantaisies de sa mère. Celle-ci soumet la fille de roi aux travaux de la plus basse domesticité et lui fait laver du linge au ruisseau. Au milieu de ces humiliations, le génie prophétique, sous la forme d'un oiseau, annonce à Goedroen l'arrivée prochaine d'une armée libératrice, précédée de deux messagers. En effet, à l'approche de Pâques, pendant que Goedroen, les pieds nus et transie de froid, se livre à son travail habituel, deux hommes se présentent à elle: c'étaient son frère Ortwin et son fiancé Herwig; mais celui-ci ne veut pas emmener

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Goedroen; il dédaigne de reprendre par un rapt celle qu'il a perdue dans le combat. Les deux amis s'en retournent chez le roi Hetel, pour revenir bientôt, à la tête d'une armée, enlever d'assaut la forteresse et conduire triomphante à la couche nuptiale la jeune fille qui, par amour, a supporté pendant des années les humiliations et les privations les plus duresGa naar voetnoot1.

Si, dans la Goedroen, c'est un chant suave comme le sommeil d'une jeune vierge, dans les Nibelungen, au contraire, tout s'empreint de formes plus mâles, plus robustes; la force individuelle, sans être surhumaine, y dépasse la conception ordinaire. On n'y voit que combats, haine et vengeance; tout y est gigantesque et terrible, jusqu'à l'amour de la femme, qui le dispute à l'homme en vigueur et en passions. La Goedroen se dénoue par une réconciliation, les Nibelungen par le massacre et la ruine de toute une tribu. Ces deux poëmes n'ont pas été mal nommés, celui-ci l'Iliade, celui-là l'Odyssée des peuples germains.

Les croisades, tout en modifiant la condition

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extérieure de l'homme, ne furent pas sans influence sur le sens moral. Outre le changement total qu'ils operèrent dans la vie intime et dans les relations sociales, ces grands événements hâtèrent l'éducation des peuples de l'Europe en les mettant en rapport avec des nations placées à un degré plus élevé, sinon dans l'ordre moral, du moins pour la civilisation. Ce mouvement, essentiellement chrétien, devait tendre à faire oublier tout ce qui, ne découlant pas de la même source, se rattachait aux anciennes croyances de nos pères. Aussi les héros des anciens âges s'effacèrent devant des personnalités plus modernes, plus en harmonie avec la grandeur et la portée du mouvement. Parmi celles-ci nulle n'était comparable à la grande figure de Charlemagne, le héros national de tous les peuples du continent qui s'étaient ligués pour conquérir le sépulcre du Sauveur. L'Italie, l'Allemagne, la France, les Pays-Bas, tous avaient leur part dans l'héritage de sa gloire. Il avait combattu au nord comme au midi pour la même cause qui faisait revêtir la cotte de mailles au chevalier enthousiaste.

Charlemagne devint donc le centre d'un cycle de poëmes où tour à tour le courage guerrier, la foi, l'amour et l'amitié sont dépeints à traits hardis et des plus variés. La force, la liberté individuelle était l'âme du poëme héroïque des anciens Germains;

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l'élément chrétien rehaussé par les couleurs orientales, tout en y introduisant l'enthousiasme, enleva au héros cette liberté individuelle pour le faire agir d'après des inspirations venues du dehors. C'était un monde nouveau, un coin de ciel oriental faisant irruption dans le ciel mélancolique du nord. Les Normands, peuple aussi poétique que vagabond, rassemblèrent les premiers les éléments de ce nouveau genre de poésie; et comme ils avaient adopté la langue du pays après s'être installés sur le sol de la Neustrie, ce fut en français que les principaux poëmes de ce cycle furent primitivement composés.

Si nous nous en rapportons au grand nombre de fragments, récemment recueillis, de poëmes appartenant à ce cycle, et aux citations faites par Maerlant et autres auteurs du treizième et du quatorzième siècle, nous pouvons sans trop de témérité tirer cette conclusion, que pas un seul peut-être de ces poëmes n'a manqué de traducteur flamand.

Les plus considérables parmi ces fragments appartiennent aux romans des Quatre fils Aymon, de Guérin de Monglavie, d'Ogier le Danois, de Guillaume d'Orange et des Douze pairs de Charlemagne. Le Bere Wislau, dont quelques vers seulement nous sont parvenus, paraît plutôt d'origine flamande et antérieur à tout ce que nous connaissons de ce cycle en notre idiome. Les seuls poëmes que nous

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possédions en leur entier sont le Charles et Elegast et le Floris et Blanchefloer; le premier est une composition originale; le second, une imitation libre.

Ce qui distingue ces deux poëmes des traductions, c'est la façon toute particulière dont ils sont traités. Voici, ni plus ni moins, le sujet du premier.

Une nuit, un ange apparaît à Charlemagne et lui ordonne de se lever pour se faire voleur de grand chemin. Le monarque, étonné d'abord, croit avoir rêvé et ne tient nul compte de l'injonction. Mais l'ange renouvelle l'ordre, et Charles est forcé de reconnaître le doigt de Dieu; il obéit.

Chemin faisant il rencontre un chevalier entièrement recouvert d'une armure noire et monté sur un destrier, noir également. C'est Elegast, proscrit par le roi à cause de son irrésistible penchant pour le métier de voleur, métier à cette époque très en faveur chez quelques membres de la noblesse.

Tous deux chevauchent de compagnie, et Charles ne tarde pas à s'assurer que cet homme, traqué comme une bête fauve, est plus attaché à son suzerain que maint de ses courtisans.

Ils arrivent devant le château d'Eggeric, un des grands vassaux du roi. Elegast qui, à son métier de voleur, joint le talent de soumettre à ses enchantements les hommes et les choses, plonge en un sommeil profond tout ce qui respire dans l'enceinte

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du château. Mais au moment où il veut enlever la selle du maître du logis, les clochettes dont elle est garnie font un tel bruit qu'Eggeric et sa compagne se réveillent. Celle-ci prétend que ce bruit n'est qu'imaginaire et que des pensées plus sérieuses préoccupent l'esprit de son époux. Eggeric alors lui avoue qu'il est à la tête d'une conspiration qui doit éclater le lendemain et aboutir au meurtre du roi. La dame, apparentée au roi Charles, veut détourner son époux de ce méchant projet. Eggeric, pour dernier argument, la frappe au visage avec tant de violence que le sang lui jaillit du nez.

Elegast se glisse jusqu'au lit des époux, recueille dans son gant le sang de la dame, et prononce quelques mots magiques qui replongent le château tout entier dans le sommeil. Il raconte ensuite à son compagnon ce dont il vient d'être témoin. Charles, prévenu, prend ses précautions; et au moment où Eggeric avec ses amis et ses vassaux pénètre dans la demeure royale, il le fait arrêter, s'assure en tous points de la vérité des paroles d'Elegast, et punit le traître, tandis que d'un autre côté il rétablit son fidéle serviteur dans ses droits et propriétés.

Charles comprit alors pourquoi cette nuit-là Dieu l'avait forcé à faire le métier de voleur.

Floris et Blanchefloer est le charmant et suave

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tableau des amours d'un fils de roi maure et d'une enfant de noblesse franque enlevée pendant une excursion des infidèles en France et élevée à la cour du roi Fénus. Après plusieurs années de revers, Floris monta sur le trône de son père, se convertit à la religion de Blanchefloer, et épousa celle-ci, dont il eut Berthe, la mère de Charlemagne. Donner une analyse de ce poëme, ce serait faner en quelque sorte une fleur de la couronne qui ceint le front du poëte, Thierri d'Assenede. Constatons seulement avec l'éditeur, Hoffman von Fallersleben, que dans toute notre littérature ancienne et moderne, peu de poëmes peuvent être comparés à celui-ci sous le rapport de la délicatesse et du fini d'exécution, de la clarté d'exposition et du bonheur d'expression. En passant dans la littérature flamande, cette production est devenue une pierre précieuse taillée avec toute la patiente adresse d'un artiste consommé.

Pour les pays soumis à l'influence de la domination franque, Charlemagne était le centre d'un cycle de poëmes nationaux chrétiens; de son côté l'Angleterre, par rivalité selon quelques auteursGa naar voetnoot1, voulut aussi avoir un héros chrétien et national. A des contes populaires bretons se joignit le nom du roi Arthur, et le cycle de la Table Ronde s'accrut rapidement, et

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passa bientôt le détroit pour disputer la vogue aux poëmes nationaux des pays francs.

La Table Ronde était un ordre de chevalerie qui dut son origine aux faits suivants.

La légende raconte que l'apôtre Philippe s'étant dirigé vers les Gaules pour y prêcher l'Evangile, envoya dans le même but en Angleterre son compagnon Joseph d'Arimathie, qui y apporta le saint Calice, nommé le Graal. C'était la coupe dont Jésus-Christ s'était servi pendant la dernière Cène et dans lequel Joseph d'Arimathie avait reçu le sang du Sauveur attaché à la croix. Joseph légua cette précieuse relique à son fils et homonyme l'évêque Joseph, qui le premier institua l'ordre du Saint Calice, ou plutôt de la Table Ronde. Lors de la célébration des fêtes, les adeptes s'asseyaient autour d'une table sur laquelle était déposé le vase précieux. Une place restait vide: c'était celle qu'avait occupée Jésus-Christ et qui était réservée à un descendant de Joseph nommé Galaäd; on l'appelait la place de Galaäd. Plusieurs ambitieux tentèrent de l'occuper, mais en vain: tous furent engloutis dans les entrailles de la terre, jusqu'à ce qu'au quatrième siècle naquit ce Galaäd, depuis si longtemps désiré et qui prit effectivement possession du siége réservé. Le respect mêlé de terreur que cette histoire provoqua dans toute l'Angleterre donna au grand roi Arthur l'idée

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de créer un ordre de la Table Ronde pour la fleur des chevaliers de son royaume. Il fit construire une table d'après le modèle de celle de Joseph, et chaque fois que siégeaient les membres de l'ordre, on laissait vide la place de Jésus. Tout y était d'ailleurs conforme à la légende; seulement le saint calice, l'objet principal pour lequel l'ordre avait été fondé, le calice manquait: il s'était égaré; il avait disparu, à cause, disait-on, des péchés qui désolaient le royaume. Il fallait à tout prix le retrouver. Ici s'ouvre une série de courses et d'exploits des plus aventureux où se signalèrent les chevaliers de la Table Ronde pour découvrir cet objet précieux dont dépendait la paix et l'honneur du royaume d'Angleterre. Les récits de ces hauts faits eurent tant de vogue dans ce pays, que l'on tenait comme dépourvu de toute éducation celui qui ne savait pas par coeur la chronique du Brut, source première du cycle d'Arthur.

Les premiers qui importèrent cette chronique sur le continent, paraissent avoir été des Flamands, et en particulier des colons établis dès 1108 dans le Glamorgan. Le comte Philippe d'Alsace (mort en 1191), prince enthousiaste des croisades, comme on sait, trouvant dans les exploits d'Arthur et de ses chevaliers un aiguillon pour sa propre bravoure, fit composer sur les héros anglais des épopées françaises par des poëtes artésiens qu'il avait à sa solde.

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Ces poëmes ne tardèrent pas à être traduits en flamand par d'autres de ses sujets. Ces traductions pour la plupart sont perdues, si toutefois on peut les regarder comme des poëmes séparés, dont parle Maerlant et les poëtes qui vinrent après lui, et qui sont le Saint Graal, le Tristram, le Galehot, l'Ywein, le Lenval et le Parcival. Bien qu'ils fussent très-goûtés, bien qu'ils dépeignissent leurs héros comme imprimant à l'existence chevaleresque un cachet plus idéal, et donnant à leurs exploits ces trois nobles buts: Dieu, sa dame et son prince, les poëmes du cycle d'Arthur paraissent cependant ne pas avoir été fort répandus. Quand de toutes parts on trouve un grand nombre de fragments appartenant à des épopées du cycle de Charlemagne, le cycle d'Arthur en se brisant, n'a laissé presque aucune trace. Heureusement trois épopées ont échappé au naufrage. Ce sont le Ferguut, le Lancelot et le Walewein. Le premier, imité probablement d'un roman en prose, n'a que six mille vers, tandis que le second, tout incomplet qu'il nous est parvenu par un seul manuscrit, nous offre encore près de cinquante mille vers. Ferguut est le fils d'un fermier, mais de corps et d'âme digne d'être chevalier; ses exploits et ses aventures attirent sur lui la faveur du roi Arthur et lui procurent la main de la belle Galiene. Le Lancelot est le pendant d'un célèbre poëme, le Tristram;

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dans celui-ci règne le ton de l'élégie, dans l'autre l'animation et la gaieté. Le Lancelot raconte les amours du chevalier de ce nom avec la belle Genevre, l'épouse du roi Arthur, ses prouesses et celles du prince Gauvin, de Percheval et autres; il finit par la mort du roi Arthur. Ce poëme, quoique traduit du français, contient néanmoins plusieurs épisodes que son éditeur, le savant Jonckbloet, n'a pas retrouvés dans le manuscrit original. Composé à la fin du douzième siècle, ce ne put être tout au plus qu'un demi-siècle plus tardque parut la traduction flamande, puisque Maerlant en parle comme d'un ouvrage bien connu. Il en est de même du Walewein, au moins pour une partie, qu'un auteur prétend être traduite non du français mais du gallique. La traduction ayant été faite par deux écrivains, par Penninc et Vostaert, il se peut que celui-ci soit postérieur au premier d'à peu près un demi-siècle, puisque le seul manuscrit existant porte la date de 1350, si toutefois cette date peut se rapporter à la traduction plutôt qu'à la transcription.

Non moins célèbres que les paladins de Charlemagne et du roi Arthur, nous trouvons au moyen âge les héros de la Grèce antique et notamment les défenseurs de Troie et le destructeur de l'empire de Darius. On chanta les exploits d'Hector et d'Alexandre, qui retentirent par toute l'Europe comme des

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faits appartenant à la chrétienté, et même à l'histoire nationale chez certains peuples, parmi lesquels nous signalons les Brabançons dont les princes auraient été les descendants de quelque compagnon d'infortune d'Enée. Ces poëmes forment les sujets d'un quatrième cycle surnommé le Classique, parce qu'aux temps antiques, la Grèce fut la terre où la civilisation brilla avec le plus d'éclat.

Au moyen âge les chefs-d'oeuvre de la littérature d'Athènes et de Rome n'étaient pas tout à fait inconnus aux peuples germaniques. Des fragments d'une traduction de l'Enéide, traduction qui remonte au douzième siècle, ont été trouvés depuis peu; Thierri d'Assenede parle des oeuvres de Juvénal, de l'Art d'aimer d'Ovide, comme de livres qu'on mettait entre les mains de la jeunesse; Maerlant cite Homère avec respect et comme un grand maître en poésie. Les poëmes du cycle classique ne sont pourtant pas des traductions du grec: celui de la destruction de Troie est simplement une épopée du moyen âge, et les héros grecs et troyens sont des chevaliers chrétiens. Ce poëme, écrit avec verve et facilité, serait dû, selon les recherches les plus récentes, à deux auteurs, à Siger Dieregodgaf, qui aurait composé la première partie sur des récits latins, et à Maerlant qu'on prétend avoir élaboré le reste sur l'ouvrage français de Benoît de Saint-Maure. On avait cru jusque-là que chacun de ces deux auteurs

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avait écrit un poëme propre, puisque dans la première partie se trouve le nom de Siger et que Maerlant avoue avoir composé avant 1270 un poëme sur la fondation et la ruine de Troie. Probablement que ce poëte, dont nous parlerons bientôt plus amplement, a éerit son oeuvre avant le milieu du treizième siècle, alors que son esprit n'avait pas encore pris la direction dont toute la littérature flamande devait bientôt se ressentir. La même remarque s'applique à son poëme d'Alexandre, qu'à la demande d'une noble dame il traduisit ou plutôt imita du latin de Philippe de Castellione.

Il est probable que le cycle classique ne s'est pas limité aux seuls poëmes d'Alexandre et de la guerre de Troie: quelques indices rendent probable que les Flamands chantaient les exploits de Jason et des Argonautes, ainsi que la vie légendaire des premiers empereurs romains. A la rigueur on pourrait encore y rapporter les aventures de Partenopes de Blois et de la belle Meliore, s'il suffisait de constater que le héros de ce roman est un descendant de Priam. C'est d'ailleurs un poëme féerique qui eut au moyen âge une vogue immense, tant en Allemagne et dans les Pays-Bas qu'en France, son pays natal. De la traduction qui doit dater au moins du milieu du treizième siècle, il ne nous reste que quelques fragments, en majeure partie trouvés au delà du Rhin.

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Après avoir énuméré tant de héros français, bretons, grecs et romains, après avoir constaté qu'au moyen âge Flamands et Frisons, Brabançons et Hollandais se plaisaient encore à la lecture des Nibelungen, de la Goedroen, du Hildebrant et autres épopées appartenant à des générations perdues dans l'abîme des âges, il serait consolant de pouvoir s'arrêter devant les figures plus modernes, qui appartiennent à la patrie, qui ont préparé l'état actuel des choses et la vie propre des peuples néerlandais. Malheureusement il n'en est pas ainsi: si nous ne rattachons à cette catégorie de poëmes ceux qui tout à l'heure nous passeront sous les yeux, il nous faudra renoncer à jamais à retrouver les traces des traditions historiques et nationales que ces oeuvres intellectuelles peuvent renfermer. Il est probable que l'histoire de Liderick et de sa mère, que le récit des faits d'armes de Baudouin Bras-de-fer contre le roi de France reposent sur des sagas chantées par quelque poëte flamand. Peut-être que le Flandrys, dont le savant allemand Mone trouva à Louvain un fragment, perdu depuis, fut un poëme de ce genre. Guillaume Grimm publia il y a quelques années un fragment d'une épopée allemande qu'il intitula Rudolf, du nom du héros. Rudolf était un comte flamand qui prit part au siége d'Ascalon en Palestine, l'année 1148. Le poëme est évidemment traduit du flamand; point

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digne de remarque, car la même chose est arrivée à quantité d'autres productions flamandes tant originales que traduites du français, tandis que très-peu de pièces allemandes du moven âge sont passées dans la littérature néerlandaise. Parmi les poëmes qui ont été ainsi transplantés dans la littérature d'outre-Rhin, outre l'ancienne épopée de la Goedroen, dont nous avons parlé plus haut, on peut citer Ogier le Danois, Renaud de Montalban, Malagys et les Enfants de Limbourg. Ce dernier poëme rappelle en quelque sorte par son nom le souvenir de notre pays; mais à part le nom, c'est une série d'aventures qui se passent dans l'empire grec, et offrent beaucoup d'intérêt sous le rapport de l'art, des moeurs et des croyances. Il paraît qu'il eut pour auteur un certain Hendrik qui vécut au milieu du quatorzième siècle, quoique des critiques fassent remonter son origine à un siècle plus tôt.

Si, dans tous ces romans destinés à rappeler des aventures, les souvenirs patriotiques, les usages et les moeurs indigènes occupent bien peu de place, nous possédons par contre un poëme qui à lui seul éclipse les productions des trois cycles en honneur au moyen âge; je veux parler du poëme du Renard. Après avoir été soumis à une incubation de plusieurs siècles sur le sol germanique, si l'on peut s'exprimer ainsi, ce poëme de la nature, ce tableau

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de genre dans l'art épique, naquit là où la différence entre les castes de la société était le moins tranchée. Peut-être pour quelques lecteurs cette idée ne sera pas très-claire; on me permettra de la développer. Il y a longtemps que les célèbres frères Grimm ont fait une distinction entre le poëme naturel et le poëme artificiel (Natuer-en Kunstgedichten). Le premier, issu du peuple, réfléchit exactement sa manière d'être, sa nature intime, tandis que le poëme d'art n'est sorti d'une plume indigène qu'après avoir subi quelque influence de l'éducation artificielle de son auteur. Le premier c'est le vêtement simple; le second, la toilette plus ou moins soignée. Pour qu'un poëme tel que le Renard naquît, il fallait un peuple qui se plût à la vie libre de la nature, qui ne fût pas l'esclave de ses maîtres, chez qui le souvenir de la vie propre de la famille ne fût pas éteint; il ne pouvait se trouver chez lui de ces fils dégénérés, devenus étrangers à leur patrie par des liens qui aujourd'hui vont rattacher l'homme en dehors du cercle de la nation. Plus que toute autre contrée, la Flandre réunissait ces conditions. Tout en conservant l'amour de la nature, trait distinctif entre les peuples germains et les peuples romans, les Flamands, que ce même amour de la liberté individuelle avait fait affluer vers les villes, avaient

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acquis trop rapidement un bien-être véritable et une prospérité réelle pour qu'ils abandonnassent si promptement leur état naturel.

De là jaillit la première partie du Renard, sans signe aucun de contact avec d'autres formes de pensée, tout naïf, tout national, et par cela même si grand, si sublime. L'auteur n'avait subi ni les rigueurs du cloître, ni les exigences de caste de la noblesse: au moins ne les fit-il pas passer dans son poëme; et s'il a été moine ou clerc il n'y a que plus de mérite. Dans la seconde partie du Renard, on voit se développer un esprit philosophique remarquable, une connaissance profonde de la fable chez les peuples classiques et un penchant naturel à s'en servir; en un mot c'est un poëme plus savant. Si, de nos jours, ce chef-d'oeuvre du moyen âge est fort peu apprécié, si même on le regarde comme ne présentant aucun intérêt, c'est que l'on cherche l'art et l'intention là où l'on devrait laisser son âme s'épanouir à la naïveté de la peinture.

Dans ses deux formes, le Renard est l'épopée du peuple, de la bourgeoisie, en opposition avec les poëmes chevaleresques. Ce caractère particulier de naturel, de bonhomie, se trahit par le système de la traduction: tandis que les poëmes des différents cycles passent dans le haut allemand à l'usage des grands seigneurs d'outre-Rhin, le Renard au contraire

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trouve un traducteur bas saxon, qui fait connaître ce chef-d'oeuvre aux bourgeois des villes hanséatiques. Glorifions-nous donc doublement et de ce que ce beau monument littéraire soit né sur notre sol et de ce qu'il soit un brillant résultat de notre manière d'être spéciale. Glorifions-nous de ce que tous les peuples de l'Europe germanique aient rendu justice aux mérites de notre poëme. Du bas saxon le Renard passa en danois, du danois en suédois, et il paraît même, dit Gervinus, qu'il en existe une traduction islandaise. Dès le quinzième siècle il s'en fit une traduction anglaise sur une édition en prose. Et n'a-t-on pas vu de nos jours Goethe, le grand poëte allemand moderne, vouer sa muse à reproduire dans sa langue ces vers flamands du douzième siècle? On sait que les Français qui, au moyen âge, étaient encore à moitié Francs, ont composé plusieurs branches du Renard.

La première partie du Renard a été composée vers l'an 1177; l'autre au milieu du siècle suivant par Guillaume van Utenhove, prêtre à Ardenbourg prés de Bruges. Le poëme entier nous fut longtems disputé: les uns prétendirent que le Renard était traduit du français; d'autres voulurent faire passer la traduction bas saxonne pour une oeuvre originale. Willems, dont la perte prématurée a été si sensible aux lettres flamandes, jeta dans ce

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chaos d'opinions le flambeau de sa perspicacité, et décida irrévocablement la question à l'avantage de la Flandre.

Le poëme du Renard était l'avant-coureur d'une ère nouvelle, en lutte avec les anciennes idées, féconde, riche d'avenir, sans pitié pour cette poésie douce et tendre qui avait trôné jusqu'alors. Semblable à ces fleurs qui aiment à se balancer aux caresses du zéphyr dans un doux rayon du soleil, cette poésie s'étiole et se fane sous le souffle des passions politiques et au contact de la froide raison. Le Renard, c'était l'expression du bon sens populaire, c'était la raison de la foule contre les iniquités des grands et le déréglement des moines, revêtant les formes caustiques de la satire, mais avec toute la supériorité de talent que donne la liberté individuelle. Le Renard enfin, c'était le conte populaire élevé à la hauteur de l'épopée, c'était la philosophie s'ignorant encore elle-même, et trop jeune pour se draper, morne et réfléchie, dans le manteau du raisonnement.

On marchait à pas accélérés vers cet état de choses qui allait donner à la commune toute la force, pour ne laisser au maître que l'ombre du pouvoir. Doit-on attribuer à cette soif ardente du peuple pour la liberté, l'indifférence que les princes flamands montrèrent pour la langue et la littérature

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nationale? Nous sommes tentés de le croire; l'histoire nous montre plusieurs comtes de Flandre, attachant à leur cour des poëtes français et leur faisant composer des ouvrages de longue haleine, tandis que peu d'entre eux daignent prêter l'oreille aux accords de la lyre flamande, même au jour du danger. Aussi Louis de Nevers, demandant du fond de sa prison de Montargis une éducation flamande pour ses enfants, nous apparaît-il comme une figure d'autant plus grandiose dans les annales de la Flandre, que, seul parmi cette race princière il avait le véritable sentiment de la force vitale de la nation. Quelle différence entre ces fiers vassaux de la France, sans cesse menacés de la destruction de leur pouvoir, abdiquant toute énergie lorsqu'il s'agit d'opposer à leurs tyrans la force morale puisée dans l'âme de leurs sujets; quelle différence entre ces princes qui ne voient leur autorité que dans leur épée, qui écoutent avec délices l'écho des accents dont est fatiguée déjà l'oreille de leur ennemi; quelle différence entre ces étrangers au milieu de sujets dont ils ne comprennent ni la vie ni les besoins, et ces ducs de Brabant, ces lieutenants-généraux de l'Empire, qui tout gendres qu'ils étaient des rois de France, non contents de protéger la langue comme l'expression d'une nationalité forte, se font une gloire de l'ennoblir, en la

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rendant l'égale de la langue des Romains pour la rédaction des constitutions, et la préférant à celle des trouvères pour charmer eux-mêmes les loisirs des premières dames du duché! Quelle différence de sentiment national entre Jean Ier de Brabant, se parant du titre de troubadour flamand, et Guy de Dampierre qui craint de montrer la moindre sympathie pour ce qui vient du coeur, pour l'élément national proprement dit. Certes une nationalité ne se fait ni ne se défait en un seul jour, mais ce n'est pas à la grandeur d'âme, aux larges vues de ses comtes que la Flandre au moyen âge est redevable de sa puissance; au contraire elle doit tout à elle même, et souvent en dépit de ses souverains, tandis que pour son mouvement intellectuel le Brabançon trouva un puissant auxiliaire dans l'esprit national fortement prononcé de ses suzerains. Presque étranger au pays par naissance, Guy, entre autres, montra qu'il l'était tout-à-fait par l'esprit, et certes ce ne fut pas par amour pour ce prince si antinational que les Flamands secouèrent le joug de la France.

C'est sous le règne de Guy de Dampierre qu'apparaît dans toute son énergie l'homme à qui il appartenait de donner une autre face à la littérature flamande, de substituer la littérature didactique à la poésie pittoresque. Jacques van Maerlant est son nom. Avant lui la poésie était un art vagabond,

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qui, dans les longues soirées d'hiver, s'asseyait au coin du feu du castel féodal, consolant la jeune damoiselle, et payée de ses efforts par une larme d'attendrissement. L'été, elle folâtrait dans les champs à côté de la jeune dame. Elle errait de manoir en manoir, cherchant des aventures pour les transporter en d'autres lieux, embellies de tous les artifices du récit. Dédaignant les villes, elle se montrait partout où le sang noble coulait dans les veines, et c'était par exception qu'elle daignait parfois accorder quelques faveurs aux plus notables d'entre les roturiers. A la cour elle se vit bien accueillie: le prince la comblait de bienfaits et cherchait à se l'attacher; souvent aussi ce fut à elle seule qu'il dut toute sa renommée.

N'était-ce pas là l'esprit de ce temps chevaleresque? La noblesse était éparpillée dans le plat pays, enfermée dans ses châteaux forts; les princes mêmes séjournaient rarement dans les villes. Plus tard on voit la poésie suivre la noblesse dans les communes, et même se mettre sous la protection du bourgeois enrichi.

Du temps de la chevalerie, le poëte voyageur s'appelait Spreker, Segger ou Vinder. Les deux premiers termes équivalent à celui de Conteur, le troisième à celui de Trouvère, Troubadour. Les récompenses qu'il recevait des grands consistaient en argent, chevaux et habits. ‘Les seigneurs quittaient souvent

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leur robe pour en revêtir celui qui les avait amusés; et celui-ci, à son tour, se faisait honneur de la porter dans les grandes occasions, pour inviter celui qui l'écoutait à ne pas être moins généreux que les autres. (Roquefort, Poésie française dans les XIIe et XIIIe siècles, p. 87 et suiv.)’ Il voyageait seul ou avec un compagnon, et dans ce dernier cas, il prenait le nom de Gezel, équivalent de ménestrel.

L'encouragement accordé par les grands à la poésie fit accroître si considérablement le nombre des trouvères, que les dons commencèrent à diminuer; il en résulta une gêne matérielle d'un côté, de la déconsidération de l'autre. D'ailleurs cette vie errante et vagabonde menait à une corruption de moeurs qui marchait parallèlement avec l'état de détresse des Mécènes, qui ne fit qu'augmenter. La démoralisation s'accrut à tel point, qu'en France par exemple, ces poëtes ambulants s'associèrent à des saltimbanques et conducteurs d'animaux apprivoisés, et que sous le règne de Philippe-Auguste s'érigea la ridicule royauté des ménestriers. Dans les Pays-Bas, plusieurs gezellen furent condamnés au dernier supplice pour vol et autres crimes. C'étaient les symptômes de la ruine d'un ordre de choses dont ils étaient la dernière expression.

La nature de son caractère explique pourquoi le

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Spreker, Zegger ou Gezel n'écrivait ni ne débitait pas de fort longs poëmes. Cet honneur était réservé au poëte sédentaire, attaché à une cour ou à quelque grand seigneur. Honoré du titre de poëte par excellence, il s'appelait alors Dichter, quoiqu'il ne soit pas sans exemple que le nom de Spreker lui fut donné également. Nous avons les oeuvres de plusieurs sprekers, consistant pour la plupart en sproken (contes, fabliaux, fables, satires, allégories et poëmes érotiques) écrits sous les inspirations les plus différentes, pour tous les rangs de la société, pour la noblesse, pour le cloître, pour la bourgeoisie, même pour le vilain. Parmi les poëtes ambulants qui vécurent avant Maerlant, très-peu ont légué leur nom à la postérité; ils ont eu autant de soin à se cacher que les auteurs de vastes épopées, comme si avant la victoire de la bourgeoisie il n'y avait pas eu de mérite à être poëte flamand. Ce n'est que dans le courant du quatorzième siècle qu'on voit figurer les noms d'Augustynken, de Lodewike, de Jean van Hollant, de Jean Dille, de Colpaert, de Pieter van Iersele, de Guillaume van Hildegaertsberge, de Baudouin Van der Loren. Ce dernier était contemporain de Philippe d'Artevelde et probablement compagnon d'armes du célèbre capitaine gantois. C'était une âme ardente, qui ne respirait que pour la patrie et la liberté, véritable

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poëte cherchant des voies non battues et y marchant sans cesse avec bonheur. Le savant et laborieux M. Blommaert a publié une partie des oeuvres de Van der Loren.

Parmi les fabliaux flamands, il y a un recueil qui mérite une mention toute particulière, c'est le Minneloep (Cours de l'amour). C'est un recueil de près de cinquante contes amoureux, mais dont l'auteur a su faire un ensemble, en classant ses contes par ordre et d'après les divers degrés de l'amour qu'il divise en quatre espèces: l'amour inconstant, l'amour noble et pur, l'amour illicite et l'amour licite. Le Minneloep, dont l'auteur est Dirc Potter, probablement un gentilhomme, n'est pas un simple recueil de contes; l'auteur a su les enrichir d'observations intéressantes; il compare les différents degrés de l'amour et en discute la valeur. Sous ce rapport ce recueil rentre dans la catégorie des poëmes didactiques, et l'auteur peut être envisagé comme le devancier de Houwaert et de Cats, ou mieux comme tenant le milieu entre ces poëtes didactiques et l'auteur du roman de la Rose, ce poëme allégorique qui a fait tant de bruit au moyen âge et qui a eu l'honneur d'être traduit du français dans presque toutes les langues de l'Europe.

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Ce court exposé ne concerne que la partie flamande du poëme. Le combat qui se donne pendant l'enlèvement doit avoir eu lieu prés de Wulpe, village aux environs de Nieuport, à quelques licues du château fort du roi Hetel, dont le nom s'est conservé dans le village d'Ettelgem, à deux lieues de Bruges. M. Mone croit qu'il s'agit de Wulpen, village submergé aux environs de Breskens. Quoi qu'il en soit, nous nous accordons à trouver ce lieu en Flandre.
voetnoot1
Halbertsma, Naoogst. I. bl. 5.

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