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La surveillance des machines demande du soin. Mais l'arrêt automatique en cas d'incident diminue la peine des hommes.
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L'industrie textile du Nord et du Pas-de-Calais
Pierre Garcette
Lille (F)
Quand prend fin la guerre de 1939-1945, l'industrie textile du Nord et du Pas-de-Calais, est pratiquement intacte. Si la région, en certains endroits, a été ravagée et meurtrie par des bombardements intenses et répétés, par de furieux et douloureux combats, peu d'usines textiles ont été détruites. La région dispose donc d'un potentiel textile important, réputé pour la qualité de ses produits, réparti dans de nombreuses entreprises, de toutes dimensions, aptes à toutes les fabrications.
Dans l'opinion publique française, et même à l'étranger, les ‘grandes familles textiles du Nord’ ont la réputation d'être à la fois riches et entreprenantes. Certains ‘leaders’ sont considérés comme des ‘managers’ de tout premier plan dont l'influence régionale et nationale est reconnue, et qui jouissent parfois d'une excellente notoriété internationale.
Pour les Français, l'activité de la région du Nord tourne autour de trois pôles d'activités traditionnelles: le charbon, la sidérurgie, le textile. L'industrie textile emploie, à elle seule, à cette époque, plus de 200.000 personnes, c'est à dire autant que les Houillières. Elle est considérée, à juste titre, comme le premier employeur de main-d'oeuvre de la région.
Au moment où la France est libérée, les industriels textiles se trouvent dans la situation suivante. La demande de biens
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Les femmes filles ou femmes femmes constituent environ la moitié de la maind'oeuvre ouvrière de l'industrie textile.
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textiles est considérable. Après quatre ans de guerre et d'occupation, tous les Français ont besoin de refaire leur garderobe. Donc, les débouchés ne manquent pas. Par contre, l'énergie est rare. C'est le moment où l'on demande aux mineurs, qui y parviendront, de ‘gagner la bataille du charbon’, pour assurer le redressement national. C'est le moment aussi où, faute de devises, il est difficile d'importer des matières premières d'origine étrangère: laine, coton, jute.
Enfin, si le matériel n'a pas été détruit, il a vieilli. Les machines n'ont pas été renouvelées pendant la guerre. Les incertitudes qui avaient précédé le déclenchement du conflit, et la crise économique qui avait sévi de 1930 à 1936, avaient eu pour effet de ralentir ou de différer les investissements. De sorte que, lorsque l'activité reprend, après la guerre, les machines les plus modernes dont dispose l'industrie textile sont déjà vieilles de quinze ans.
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La concentration textile la plus importante d'Europe.
Il reste qu'en 1945, comme aujourd'hui, l'industrie textile du Nord de la France représente la concentration textile la plus importante d'Europe. Par le nombre des travailleurs qu'elle emploie: nous l'avons dit, plus de 200.000 à l'époque. Par le volume de sa production que l'on peut évaluer au tiers de la production textile française. Par la variété de ses fabrications. A l'exception de l'industrie de la soie, qui reste une spécialité lyonnaise, toutes les branches d'activité et tous les stades de transformation sont représentés. Peignage, filatures et tissages traitent la laine, le coton, le lin, le jute.
Importante en Europe, l'industrie textile du Nord - Pas-de-Calais représente la quasi totalité de l'industrie linière, plus de la moitié de l'industrie lainière, la moitié de l'activité du jute, plus du tiers de l'industrie cotonnière, une part importante de la bonnueterie et de la confection, la quasi totalité des denteles, tulles, broderies et guipures travaillés en France.
Cette industrie est très concentrée. La moitié de la production textile du Nord - Pas-de-Calais est réalisée dans l'agglomération de Roubaix-Tourcoing. Si l'on y ajoute la région lilloise,
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on dépasse certainement les deux tiers. A Roubaix-Tourcoing domine la laine. A Lille domine le coton. Fourmies prolonge l'activité de Roubaix-Tourcoing. Cambrai est spécialisé dans des activités plus fines. La renommée d'Armentières vient de ses tissages de toile (coton et lin).
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Modernisation de l'appareil de production.
Si, trente ans après, l'industrie textile du Nord - Pas-de-Calais représente toujours le tiers de l'industrie française, les évolutions que l'on a pu noter sont considérables.
La première concerne la modernisation de l'appareil de production. En trente ans, mais plus spécialement au cours de ces dernières années, l'on a assisté à la transformation radicale du matériel. L'on a pu constater, par exemple, une augmentation quasi constante des vitesses, des capacités, des débits, à la généralisation des systèmes ‘autonettoyeurs’, et des systèmes d'‘autorégulation’.
Des métiers de conception révolutionnaire sont apparus, comme le métier à tisser sans navettes. Le bobinoir automatique et l'autoclave de traitement thermique se sont implantés partout. La teinture sous pression, avec programmation, s'est considérablement développée.
Déjà fonctionnent, dans certains établissements, des machines nouvelles basées sur le principe de la ‘filature à bout libre’, qui supprime broche, anneau, curseur, et permet de produire directement du fil sur grosses bobines, à partir d'un ruban.
Bref, à tous les stades: peignage, filature, tissage, teinture, impression, apprêts, des techniques nouvelles sont apparues et ont été mises en oeuvre, et ceci dans toutes les branches, y compris la bonneterie et l'industrie du tapis.
Tout cela a provoqué la multiplication des essais, des contrôles, des vérifications, qui concernent les rendements, les finesses, les régularités, les résistances, l'élasticité, la froissabilité, etc...
L'industrie textile fait désormais largement appel aux techniques avancées des autres industries. Elle utilise aussi bien
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Les ateliers sont souvent déserts. L'industrie textile devient une industrie de capitaux.
les ressources de l'électronique que celles de l'industrie chimique. Dès lors, les investissements sont très importants (600 millions de francs, pour le Nord, au cours de l'année 1975, année noire) et font que l'industrie textile naguère encore industrie de main-d'oeuvre devient progressivement une industrie de capitaux.
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L'arrivée des fibres chimiques.
Seconde évolution: l'utilisation de plus en plus massive des fibres chimiques. Deux indications sont à cet égard significatives. Les fibres chimiques représentent actuellement 60% environ de l'approvisionnement de l'industrie textile française en fibres principales. Dès 1968, la consommation des textiles chimiques en France a dépassé celle du coton. Depuis 1970, elle dépasse celle du coton et de la laine réunis.
Sans que ni la laine, ni le coton, ni le lin, n'aient démérité - leurs qualités naturelles restent très prisées - les fibres chi- | |
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miques, artificielles ou synthétiques, ont détrôné les fibres naturelles.
Face à cette évolution, les industriels textiles du Nord se sont d'abord montrés quelque peu réservés. Ils ont pris le temps de la réflexion. Mais dès qu'ils eurent saisi les perspectives qui s'offraient à eux, ils se sont empressés de combler, et bien au-delà, le léger retard qu'ils avaient pris. Ils ont fait mieux encore. Ils ont favorisé la venue de puissantes installations de production. C'est ainsi que Rhone Poulenc Textile a créé à St Laurent Blangy, près d'Arras, une puissante unité, et que Courtaulds a fait de même, en créant à Calais une usine spécialisée dans la fabrication de fibres acryliques.
Cette évolution, loin d'avoir été nuisible à l'industrie textile, lui a été profitable. Elle a permis une progression de la consommation. Sans les fibres chimiques, les biens textiles seraient aujourd'hui rares et chers. Les fibres chimiques ont permis la création de produits et d'emplois nouveaux. Elles ont contribué au développement de la recherche. Elles ont été un facteur d'expansion.
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L'évolution des débouchés.
Troisième évolution: celle des débouchés. L'industrie textile du Nord, comme l'industrie textile française, approvisionnait jadis, non seulement le marché intérieur, mais elle bénéficiait de débouchés privilégiés dans les territoires qui faisaient partie de son ‘empire colonial’. La perte de l'Indochine, celle des territoires africains, et notamment d'Afrique du Nord, ont été, pour les industriels du textile, des ‘coups durs’ dont certains pensaient qu'ils ne se relèveraient pas.
Mais la perte de l'Indochine date de 1954, celle de l'Algérie, de 1962. Entre ces deux dates, en 1958, est intervenu le démarrage du Marché Commun. Au départ, ce Marché Commun faisait peur. Puis il a servi d'aiguillon. Aujourd'hui, les exportations des industriels textiles du Nord au sein du Marché Commun, en Allemagne, notamment, sont devenues très importantes, et ont apporté d'appréciables compensations.
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Les tissages se produisent de plus en plus. Toutefois, il est difficile de surmonter le handicap du bruit.
A cette évolution des marchés s'est ajoutée une évolution sensible de la demande des consommateurs. Il n'est plus question de fabriquer aujourd'hui des kilomètres de satinette noire pour les paysannes bretonnes, pas davantage que le drap dont on se servait pour couper les soutanes des prêtres. Le temps n'est plus où les industriels du textile pouvaient être assurés de vendre, avec certitude, ce qu'eux-mêmes, ou leurs pères, fabriquaient il y a dix ou cinquante ans. Il n'est pas exclu du tout que, dans cinq ou dix ans, l'industrie textile fabrique des produits qui n'ont pas encore été inventés.
Toujours est-il que des inventions récentes ont provoqué à la fois des fabrications nouvelles et des débouchés nouveaux. C'est vrai, avec des fortunes diverses, des ‘non tissés’, des tapis ‘tuft’, des ‘tissu-maille’.
Et c'est ainsi que certains secteurs textiles que l'on croyait condamnés, retrouvent une résistance nouvelle. C'est le cas de la filature de lin, activité spécifiquement nordiste. Certes,
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la filature de lin ‘au mouillé’, dont les productions servent à la fabrication du ‘linge de maison’, est durement concurrencée par les synthétiques. Mais la filature de lin ‘au sec’ dont l'activité avait été compromise ces dernières années par la réduction sensible des ‘commandes administratives’ (en provenance de l'Armée, notamment) a retrouvé un appréciable débouché, appelé à se développer, grâce à la mise au point du ‘vêtement mural’: véritable tapisserie textile, facile à poser, chaude, confortable, et qui ‘transforme’ les appartements.
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La restructuration.
La modernisation de l'appareil de production, l'utilisation de matières premières nouvelles, la perte de débouchés privilégiés et la conquête de nouveaux marchés: ces trois évolutions ont profondément transformé l'industrie textile française et l'industrie textile du Nord en particulier.
L'une des caractéristiques essentielles de l'industrie textile du Nord est de regrouper presque exclusivement des ‘entreprises familiales’, fondées, le plus souvent, au cours du siècle dernier. Ce qui, à l'origine, était une force, est parfois devenu, au fil des générations, une faiblesse. C'est un fait bien connu des économistes et des financiers: la rentabilité de l'industrie textile est faible. Dès lors, il est souvent difficile, et parfois impossible, de rémunérer de façon convenable les capitaux détenus par les membres de la famille. Et il ne peut être question de ‘réaliser’ le quart d'une filature, ou le huitième d'une retorderie, pour désintéresser tel ou tel ayant droit.
L'évolution des débouchés, le besoin de nouveaux capitaux pour assurer la modernisation, l'obligation de faire face à une concurrence plus sévère, la nécessité de sortir de structures de capital ‘sclérosantes’: telles sont quelques unes des raisons qui ont provoqué une tendance très nette à la concentration, au cours des dix dernières années.
Quelles ont été les modalités de cet effort de restructuration? Il a pris des formes très diverses. Fermeture pure et simple: les cas ont été assez rares. Fusions ou absorptions afin
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Malgré les progrès des machines pour assurer une qualité parfaite, il faut quand même vérifier si les pièces produites sont vraiment sans défauts.
d'accroître la surface des entreprises: situation beaucoup plus fréquente. Création de groupes établissant des liens financiers entre plusieurs entreprises, chacune d'entre elles conservant cependant son existence juridique et un certain degré d'autonomie.
Ou bien l'on veut créer, ou renforcer, l'intégration verticale, par exemple entre filateurs et tisseurs, entre filateurs et bonnetiers. Ou bien l'on veut créer, ou renforcer, l'intégration horizontale, entre des firmes qui fabriquent des produits similaires ou complémentaires. Ou bien l'on veut diversifier largement les activités d'une entreprise ou d'un groupe en associant des firmes appartenant à des branches différentes. Et, dans cette diversification on va même jusqu'à la confection et à la distribution.
Parmi les six groupes textiles constitués en France, le développement de trois d'entre eux a particulièrement frappé l'opinion. Celui d'Agache Willot, de DMC (Dollfus Mieg & Cie), de la Lainière (Prouvost Masurel). Dans chacun de ces grou- | |
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pes, ce sont des industriels textiles du Nord qui détiennent les postes de direction prépondérants.
Il est assez remarquable de constater que, dans les trois cas, les accords se sont conclus autour d'une marque commerciale réputée et d'une société cotée en Bourse: Agache, D.M.C., Lainière. Nombre de problèmes délicats, posés par les Sociétés de Famille qui ont traité avec ces groupes, ont pu ainsi être résolus. Concrètement, il est plus facile de répartir entre les divers propriétaires un paquet d'actions représentant la valeur de l'ancienne société que de trouver les capitaux nécessaires à son rachat.
L'avantage essentiel de ces groupes est de disposer de moyens financiers plus importants, de pouvoir mettre au point des réseaux commerciaux appropriés, de définir une politique commune, de rationaliser la production, de mieux appréhender les perspectives de consommation.
Après une croissance extrêmement rapide, les groupes textiles du Nord ont ‘soufflé’ pendant quelques années, et ralenti leur expansion du fait de la crise économique. Certains industriels textiles se sont plaints de ces développements. D'autres n'ont qu'un espoir: fusionner avec des groupes plus puissants et plus solides. Cela s'explique par la grande diversité des entreprises.
Quoi qu'il en soit, si puissants que soient ces nouveaux groupes, ils ne représentent qu'une faible part de l'industrie textile régionale, et les effectifs qu'ils emploient ne doivent pas dépasser 20% de l'ensemble du personnel ouvrier.
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Evolution de la main-d'oeuvre et des emplois.
Tant d'évolutions ne pouvaient manquer d'avoir sur la main d'oeuvre, d'importantes répercussions.
La première remarque qui s'impose a trait à la réduction des effectifs. Plus de 200.000 personnes en 1945, moins de 100.000 aujourd'hui. Rien d'étonnant à cela. En Europe, comme en France, les effectifs de l'industrie textile décroissent d'environ 3% par an. Il en est de même dans le Nord.
Cette évolution est inévitable. La consommation textile aug- | |
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mente constamment, certes, mais faiblement, et en tous cas moins vite que les progrès de la productivité. Il faut donc de moins en moins de personnel pour assurer une production identique. A fortiori lorsque la production diminue, ce qui arrive parfois dans certains secteurs.
Mais l'industrie textile du Nord se trouve dans une situation particulière. Dans l'agglomération de Roubaix-Tourcoing, jamais le Textile n'a pu trouver sur place toute la main-d'oeuvre dont il avait besoin. C'est pourquoi l'on a fait appel, jadis, à de très nombreux frontaliers belges. On en comptait encore 25.000 en 1958. Mais l'industrialisation de la Flandre, la dévaluation progressive du franc français par rapport au franc belge, ont de plus en plus incité les ouvriers belges à travailler dans leur pays. On n'en compte plus, désormais, que quelques milliers. Pour les remplacer, on a dû recourir à l'emploi d'une main-d'oeuvre immigrée qui est devenue un peu à la fois très importante, au point d'atteindre un seuil qu'il serait désormais difficile, et peut-être même imprudent et dangereux, pour diverses raisons, de dépasser. En outre, les industriels de Roubaix-Tourcoing recrutent des femmes et des jeunes filles dans le Bassin Minier, où les emplois féminins sont rares. Les industriels de Lille font de même, car l'importance des activités tertiaires lilloises absorbe une part appréciable de la main-d'oeuvre féminine.
Bref, dans l'agglomération de Lille-Roubaix-Tourcoing, qui représente, rappelons-le, les deux tiers du textile régional, on peut estimer que 35 à 40% des effectifs ne sont pas des Français résidents.
Du même coup, la réduction constante des effectifs du fait de la crise ou de l'amélioration continue de la productivité, pose des problèmes sociaux d'une ampleur moins grande, au moins sur le plan local. Le ‘turn over’ est important: nombre de jeunes filles interrompent leur activité textile au moment de leur mariage. Dès lors, il suffit de ne pas embaucher pour que les départs volontaires (joints aux départs en retraite) provoquent une diminution sensible des effectifs. Quand on se rappelle que les effectifs sont passés de plus de 200.000
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en 1945 à moins de 100.000 aujourd'hui, cela ne signifie pas du tout qu'il y a eu plus de 100.000 licenciements. Il s'en faut de beaucoup. Sans doute y en a-t-il eu de 25 à 30.000 environ. Mais, là encore, la densité de l'activité textile au sein de l'agglomération a généralement permis que les reclassements s'opérent assez rapidement, tout au moins pour les emplois de production. Il reste que, si les conséquences sociales de la réduction des effectifs du Textile ont été relativement faibles, il en est quand même résulté une perte de richesses.
Autre évolution, rarement signalée, mais cependant réelle: les emplois offerts par le Textile ne sont pas restés figés, tout simplement parce que l'industrie textile s'est transformée.
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Transformation
L'industrie textile s'est transformée sous l'influence de l'évolution des moeurs et du genre de vie. Cette évolution s'est manifestée de multiples manières, en raison des besoins variés - et variables - qu'exprime le marché: qu'il s'agisse de l'habillement, de l'hygiène, de l'équipement de la maison, des articles fonctionnels pour l'automobile, le bateau, etc...
Le Textile s'est transformé parce qu'il a dû ‘intégrer’ toutes les novations qu'apportait le progrès scientifique et technique. Les progrès dans l'industrie chimique ont assuré le développement des fibres nouvelles et le perfectionnement des fibres naturelles. Les progrès en électronique et en automatique ont donné naissance à de nouveaux matériels et à de nouveaux procédés de fabrication. Les progrès en informatique ont facilité la gestion des entreprises textiles, rendue complexe par l'infinie variété des produits et le constant renouvellement des modes.
L'industrie textile s'est transformée parce que, pour produire vite et mieux, pour adapter sa production aux fluctuations du marché, pour conquérir de nouveaux débouchés, il lui a fallu faire appel à un nombre croissant de techniciens, d'ingénieurs, de stylistes, de cadres commerciaux et administratifs, et de chercheurs.
Sur ce dernier point, le textile du Nord a entrepris de remar- | |
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quables efforts. Les laboratoires d'entreprise se sont développés, de même que les laboratoires professionnels. La ‘section Nord’ de l'Institut Textile de France est particulièrement vivante. Le CREST (Centre de Recherche et d'Enseignement Supérieur Textile), installé au coeur de la métropole Nord, à Villeneuve d'Ascq, est appelé à rendre, et a déjà rendu, les plus grands services.
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La menace des importations.
Depuis trente ans, l'industrie textile du Nord n'a jamais cessé d'avoir des difficultés, mais elle les a toujours surmontées. La disparition des débouchés privilégiés dans les territoires d'Outre-Mer était un véritable coup dur. La création du Marché Commun pouvait susciter des inquiétudes. L'arrivée massive des fibres synthétiques était une véritable révolution. Mais l'industrie textile du Nord s'est adaptée, et, comme nous l'avons dit, elle a trouvé au sein du Marché Commun une compensation appréciable aux débouchés qu'elle avait perdus.
Bref, l'industrie textile du Nord a fait preuve de résistance, démentant, année après année, les pronostics pessimistes de ceux qui prédisent sa mort rapide depuis... trente ans.
Mais elle paraît, cette fois, sévèrement menacée par deux évolutions qui ne dépendent pas d'elle, et qu'il lui est difficile de maîtriser.
La première est le comportement des consommateurs. Il semble que la consommation des biens textiles augmente plus faiblement que par le passé. Est-ce dû à la crise économique, à la progression moins sensible du pouvoir d'achat? Ce n'est pas sûr. Il n'est pas exclu qu'aux yeux du public des pays évolués, les biens textiles présentent moins d'attraits que par le passé. Les personnes aisées des grandes villes - surtout les hommes - s'habillent désormais durant le weekend comme des paysans bretons du début du siècle, et sont ravis d'enfiler un vieux pantalon de velours et un chandail rapiécé. On s'habille beaucoup moins bien pour les dîners en ville ou les cérémonies officielles. Dans tous les milieux,
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on semble donner la primeur aux disques, aux appareils électro-ménagers, à la télévision, à la voiture, aux loisirs, plutôt qu'aux biens textiles.
S'il s'agit des jeunes - dont on avait pensé qu'ils représenteraient un marché énorme - un jean et un polo leur suffisent. S'ils vont ‘à la neige’, les étudiants se prêtent anoraks et blousons, gros chandails et chaussettes, et le tour est joué.
Cette évolution est-elle sensible? Sans doute ne faut-il pas en exagérer l'importance. Mais elle paraît devoir se poursuivre et, peut-être, s'accentuer. Elle n'est pas, pour nous, négligeable.
La seconde menace, la grande menace, la vraie menace, vient de l'accroissement sensible et constant des importations, en provenance des pays en voie de développement, surtout pour les articles cotonniers.
Les articles d'importation créent une concurrence devant laquelle les industriels nordistes sont désarmés, car les prix sont extrêmement bas. Ces prix s'expliquent par des salaires dix fois moins élevés, une absence quasi totale de charges sociales et de congés, une utilisation quasi constante du matériel, et parfois même des aides à l'exportation.
Au début, les importations ont porté surtout sur les ‘filés de coton’, ce qui a beaucoup gêné les filateurs de la région, et l'on sait qu'ils sont nombreux. Mais les magasins à grande surface n'ont pas hésité à importer des articles terminés, de qualité souvent moyenne ou médiocre, sans doute, mais de prix très abordables. D'autres commerçants ont fait de même. Désormais ce ne sont plus seulement les filateurs qui sont touchés, mais tous les stades de transformation, les tisseurs, les bonnetiers, les confectionneurs.
On le sait, il n'y a de solution à ce problème qu'au niveau européen. L'accord multi-fibres de 1973 devenait caduc au 31 Décembre 1977. Mal conçu, inappliqué et inapplicable, il devait être remplacé par un autre accord.
Le nouvel accord a été signé en Décembre 1977. Le texte de cet accord, qui concerne plusieurs dizaines de pays, est très complexe et ne peut être résumé en quelques lignes.
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Cet accord marque un progrès. De toute évidence, il a voulu protéger les pays victimes d'importations exagérées. Il leur a donné des garanties sans, pour autant, bloquer les échanges. Il a fait un choix, tout à fait dans l'esprit de l'accord de 1973, entre les pays riches et les pays pauvres.
Depuis cet accord, on peut raisonnablement s'attendre à ce que les importations ne progressent plus du tout au même rythme que par le passé, et qu'elles auront tendance à se stabiliser - pour certains produits sensibles en particulier - au cours de la période 1978-1982.
Cet accord doit permettre à l'industrie textile de reprendre souffle. Mais, si la progression des importations sera ralentie, le volume des importations ne diminuera pas. Ce qui est perdu est perdu. L'industrie textile devra donc rechercher des compensations par le développement du marché intérieur et par le développement des exportations.
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Des chances réelles.
Face à ce danger des importations, le plus sérieux sans doute que l'industrie textile ait eu à affronter depuis trente ans, l'industrie textile du Nord conserve cependant des chances réelles.
La première réside dans ‘l'avance technique’ qu'elle a acquise, résultat d'une longue tradition industrielle et d'investissements importants. C'est cette ‘avance technique’ qui peut permettre de mettre au point de nouveaux produits, ouvrant ainsi de nouveaux débouchés.
La seconde réside dans les... exportations. L'industrie textile du Nord, comme d'ailleurs l'industrie textile française, exporte surtout à l'intérieur du Marché Commun. La qualité et l'originalité de ses fabrications devraient être de nature à tenter d'autres clients étrangers.
La troisième réside dans les biens textiles autres que l'habillement. C'est dans le domaine des vêtements, des sous-vêtements, des chaussettes, que la concurrence des pays en voie de développement est sévère et dangereuse. Mais il reste tous les textiles de l'ameublement, les textiles industriels:
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deux secteurs qui devraient connaître un appréciable développement.
Reconnaissons-le: il s'agit davantage de chances ‘intellectuelles’ que de chances ‘concrètes’. Mais l'essentiel, pour le Textile du Nord, c'est de ne pas ‘baisser les bras’. Jusqu'à présent, elle ne l'a jamais fait. D'autre part, en pareille matière la solution ne peut venir que de mesures et d'efforts convergents. Les importations ne seront pas stoppées, mais elles peuvent être freinées. Les exportations peuvent se développer. La consommation peut être stimulée. De nouveaux produits peuvent être mis au point.
Depuis trente ans, l'industrie textile du Nord, on l'a vu, n'a jamais cessé de se battre, pour s'adapter. Le combat doit continuer.
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Samenvatting:
De tekstielindustrie van de Nord-Pas-de-Calais had nauwelijks te lijden onder de Tweede Wereldoorlog, wel was de uitrusting grotendeels verouderd geraakt en de invoer van grondstoffen (wol, katoen, jute) was beperkt. Maar de afzetmogelijkheden waren groot: de Fransen moesten hun garderobe vernieuwen en Frankrijk kon uitvoeren naar zijn kolonies. Bij de bevrijding was de tekstielindustrie de belangrijkste werkgever van Noord-Frankrijk: 200.000 personen waren erin tewerkgesteld. Het was toen en het is nog altijd de belangrijkste koncentratie van tekstiel in Europa; alle vormen van bewerking en verwerking zijn er aanwezig: kammen, spinnen, weven, wol, katoen, vlas en jute.
De tekstielindustrie van de Nord-Pas-de-Calais omvat nagenoeg de hele vlasindustrie van Frankrijk, meer als de helft van de wolindustrie, de helft van de jute-industrie, meer als een derde van de katoenindustrie, een aanzienlijk deel van de bonnetterie en de konfektie, bijna de hele kantnijverheid, de tule-industrie, het borduurwerk en de guipure. De helft van de tekstielproduktie van de Nord-Pas-de-Calais is gekoncentreerd in de agglomeratie Roubaix-Tourcoing, met de streek van Rijsel erbij zeker de tweederde van de Nord-Pas-de-Calais: in Roubaix vooral de wol, in Rijsel het katoen, Fourmies sluit bij Roubaix-Tourcoing aan, Kamerijk legt zich toe op verfijnde produkten en Armentiers tenslotte is bekend om zijn katoenen en linnen weefsels.
Na dertig jaar heeft de tekstielproduktie van de Nord-Pas-de-Calais, die nog altijd een derde van de hele tekstielproduktie van Frankrijk vertegenwoordigt, een opvallende evolutie beleefd; allereerst wat de modernisering van het produktieapparaat betreft, vooral in de laatste jaren: er is een konstante toename van de snelheid, de kapaciteit, de afzet en van het gebruik van zelfreinigende en zelfregelende systemen. Revolutionaire veranderingen zijn: het weven zonder schietspoel, het automatisch bobijnen en het spinnen ‘à bout libre’.
Een tweede verandering ligt in de doorbraak van de chemische vezel:
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momenteel vormt hij ongeveer 60% van de voorraden van de Franse tekstielindustrie. Sinds 1970 is het verbruik van de chemische vezel groter als die van het katoen en de wol samen. De industriëlen van de Nord hebben hun aanvankelijke terughoudendheid tegenover de nieuwe vezel opgegeven en hebben de vestiging van grote produktie-eenheden bevorderd. Deze evolutie is de tekstielindustrie ten goede gekomen; zonder de chemische vezel zouden de tekstielwaren zeldzaam en duur zijn. De chemische vezel is een stimulans geweest voor het wetenschappelijk onderzoek, heeft nieuwe produkten en nieuwe tewerkstelling voortgebracht en de ekspansie bevorderd.
Het derde punt van de evolutie: de afzet. De Overzeese gebieden boden de Franse tekstielindustrie interessante afzetmogelijkheden. Het verlies van Indochina en van de Afrikaanse territoria is een harde klap geweest voor de tekstielindustrie, maar de Gemeenschappelijke Markt heeft voor aanzienlijke kompensaties gezorgd: Duitsland werd een belangrijke afnemer.
Ook de verbruiker van tekstielwaren heeft een evolutie doorgemaakt. De ‘non-tissus’, de ‘tuft’, de ‘tissu-maillé’, de jeans staan in de gunst van het koperspubliek. De industrie fabriceert nu goederen die tien jaar geleden nog moesten worden uitgevonden, en zal over tien jaar produkten verkopen die vandaag nog niet bestaan.
De Franse tekstielindustrie - vooral familiebedrijven - werd geherstruktureerd. Van de zes Franse tekstielgroepen worden er drie - zeer belangrijke - door de industriëlen uit de Nord geleid: Agache Willot, D.M.C. en La Lainière. Deze groepen hebben het grote voordeel dat ze over belangrijke financiële middelen beschikken, dat ze aangepaste verkoopnetten kunnen uitbouwen, een gemeenschappelijke politiek uitstippelen, de produktie rationaliseren en beter de veranderingen in het gedrag van de verbruiker kunnen opvangen.
De modernisering van het materieel en de konstante ontwikkeling van de produktietechnieken hebben het aantal tewerkgestelden met plusminus 3% per jaar doen verminderen, zodat de tekstielindustrie van de Nord vandaag maar een 100.000 werknemers meer heeft. De opdrachten zijn veranderd. Om vlugger en beter te kunnen produceren, om de produktie aan de marktschommelingen te kunnen aanpassen, om nieuwe afzetgebieden te veroveren heeft de tekstielindustrie van de Nord een beroep moeten doen op een stijgend aantal technici, ingenieurs, ontwerpers, meer kommercieel en administratief stafpersoneel en onderzoekers. Wat deze laatsten betreft heeft de tekstielindustrie van de Nord zich opvallende inspanningen getroost.
Ondanks al deze positieve veranderingen en ontwikkelingen wordt de tekstielindustrie van de Nord ernstig bedreigd door de invoer, met name vanuit de Derde Wereld. Dit probleem kan echter alleen op Europees niveau een oplossing krijgen. Het akkoord ‘Multi-Fibres’ van 1973 is op 31 december 1977 vervallen. Het was geen goed akkoord, het werd niet toegepast en kon ook niet toegepast worden. Niettemin behoudt de tekstielindustrie van de Nord reële kansen, vooreerst door haar moderne technische uitrusting, vervolgens door de eksportmogelijkheden en ten slotte door de fabrikage van andere tekstielwaren dan kleren. Dertig jaar al vecht de tekstielindustrie van de Nord om zich aan te passen aan de nieuwe omstandigheden, zonder ophouden: die strijd is nog niet gestreden. |
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