De Franse Nederlanden / Les Pays-Bas Français. Jaargang 1978
(1978)– [tijdschrift] Franse Nederlanden, De / Les Pays-Bas Français–
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Jean-Baptiste Wicar
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![]() J. de Madrazo, Portrait de Wicar (Lille, Musée des Beaux-Arts).
Royale de Peinture et de Sculpture où il obtient une médaille dès 1780. Cependant, en 1781, il renonce à la gravure et entre dans l'atelier de David pour apprendre à peindre. Il devient l'un des élèves préférés du maître et l'accompagne en Italie lorsque celui-ci se rend à Rome en 1785 pour peindre dans l'atmosphère antique Le Serment des Horaces destiné au Roi. Wicar exécute alors un Jugement de Salomon, aujourd'hui au Musée de Lille, très fortement marqué par l'influence davidienne et finalement assez peu original et sensible.
On a dit que ce premier voyage avait suggéré à Wicar l'idée de reproduire par la gravure les principaux chefs-d'oeuvre du Palais Pitti et de la Galerie du Grand Duc de Toscane, ouvrage connu sous le titre de Galerie de Florence. C'est, semble-t-il, lui faire trop d'honneur, mais Wicar fut effectivement le principal dessinateur de cette vaste entreprise qui connut un immense succès et pour laquelle il séjourne de nouveau en Italie de 1787 à 1793. | |
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Wicar revient alors à Paris où l'amitié de David, député à la Convention et familier de Robespierre et de Marat, lui vaut, le 13 janvier 1794, le poste de Directeur des ateliers de peinture de la Manufacture Nationale de Porcelaine de Sèvres, puis, le 17 janvier, celui de Conservateur des Antiquités au Museum, avec logement au Louvre. Admis à la Société Républicaine des Arts, placée également sous l'influence de David, Wicar déploie un fanatisme exacerbé en multipliant les attaques contre les artistes restés en Italie (Fabre, Gauffier, Gagnereau, par exemple), contre les peintres de genre ‘d'une obscénité révoltante pour les moeurs républicaines’, dont Boilly faisait partie et, d'une manière générale, contre tout ce qui n'apparît pas radicalement républicain. Cette intransigeance, qu'il manifeste aussi au Museum et à la Commission temporaire des Arts, lui vaut de nombreux ennemis qui profitent de la chute de Robespierre, suivie de celle de David, pour l'attaquer. Wicar a beau démissionner aussitôt de ses fonctions, il est emprisonné le 3 juin 1795, mais sera libéré dès le 25 du même mois grâce à la constitution d'un dossier habilement composé pour sa défense. Sur les conseils de son protecteur et ami, le diplomate François Cacault, qui dira plus tard de lui qu'il ‘a été un des fous les plus fous et un criard insupportable dans la Révolution’, Wicar part en Italie à l'automne de 1795. Connaissant son ardeur révolutionnaire et son habileté à défendre ses intérêts, l'on ne s'étonnera pas de le voir graviter autour des états-majors militaires et des représentants de la France en Italie et obtenir finalement une place auprès de la Commission chargée de réquisitionner les oeuvres d'art au fur et à mesure de l'avance des armées françaises dans la péninsule. Il est difficile de préciser quel fut son rôle exact, mais il est certain que sa profonde connaissance du pays et de ses collections a dû le rendre particulièrement efficace en cette occasion. Finalement, après avoir parcouru l'Italie au gré des événements, il se retrouve à Rome au début de l'année 1801 où il bénéficie de l'appui sans réserve de Cacault, qui vient d'être chargé par le Premier Consul de négocier | |
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![]() Raphaël, Apollon jouant du violon, (Lille, Musée des Beaux-Arts).
un concordat avec le Pape. Il se fait des relations importantes, le Cardinal Fesch et Lucien Bonaparte entre autres, ce qui lui permettra d'être nommé Directeur de l'Académie des Beaux-Arts de Naples par Joseph Bonaparte le 8 juillet 1806, un an après avoir été élu membre de l'Académie de Saint-Luc à Rome. Toutefois, il ne parvient pas à établir son autorité et il quittera définitivement Naples au printemps de 1809. Désormais, Wicar se fixe à Rome où il cherche à s'imposer comme peintre d'histoire et de portrait. Il se souvient, en effet, avoir peint pour Cacault, en 1803, un tableau évoquant la Signature du Concordat par Pie VII. Outre, des sujets antiques tels que Virgile lisant l'Enéide, qu'il exécute en 1819 pour le grand mécène qu'était le Comte Sommariva à Milan, ou Coriolan aux portes de Rome, destiné peut-être au roi de Bavière, il peint des tableaux religieux: une Résurrection du Christ pour la cathédrale de Ravenne, un Baptême du Christ pour la cathédrale de Foligno et un Mariage de la Vierge pour celle de Pérouse. Mais l'oeuvre à laquelle il attache le plus | |
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![]() Raphaël, Etudes pour la Vierge d'Albe (Lille, Musée des Beaux-Arts).
d'importance est la Résurrection du fils de la veuve de Naïm, gigantesque composition, achevée en 1816, qu'il ira présenter en Angleterre, sans grand succès d'ailleurs. Lille, cependant, n'oublie pas tout à fait le peintre et elle le sollicite en 1825 de présenter une ou plusieurs oeuvres à une grande exposition artistique à laquelle participeront Carle et Horace Vernet, Demarne, Constable, Lawrence, parmi d'autres, mais Wicar décline l'invitation. Quelques années plus tard, en 1832, le peintre lillois Edouard Liénard, professeur de dessin aux Ecoles académiques de la ville et membre de la Société des Sciences, des Arts et de l'Agriculture de Lille, rend visite à Wicar au cours d'un voyage à Rome et lui dit la considération dont il jouit en sa ville natale. Celle-ci s'est manifestée en 1809 par son élection comme Membre correspondant de la Société des Sciences de Lille, qui renouvelle son geste en 1833 et envoie à l'artiste une série complète de ses Mémoires. Ce sera l'une des dernières joies de Wicar qui meurt le 27 février 1834. Par testament en date du 28 janvier 1834, Wicar léguait: ‘A | |
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![]() Michel-Ange, Sept études de grotesques (Lille, Musée des Beaux-Arts).
la ville de Lille le grand tableau représentant la Résurrection du fils de la veuve de Naïm. A la Société royale des Sciences, Lettres et Beaux-Arts de la même ville de Lille, plusieurs dessins de Raphaël d'Urbin, de Michel-Ange Buonarotti et de quelques autres peintres célèbres... Un dessin avec cadre de bois et avec verre représentant Virgile lisant l'Enéide devant Auguste et une esquisse à l'huile avec cadre doré... A l'Académie de dessin de Lille, son Portrait en habit à l'espagnole; un dessin en huit cartons du grand tableau représentant la Résurrection du fils de la veuve de Naïm; le carton du tableau représentant Notre Seigneur Jésus-Christ qui reçoit le baptême de la main de saint Jean-Baptiste et six académies copiées d'après nature’. Wicar avait en effet rassemblé d'importantes collections et il n'a pas manqué de se trouver des détracteurs pour lui reprocher, sans preuves, d'avoir profité sans scrupule de sa position à la Commission des Arts près de l'Armée d'Italie pour confisquer à son profit certaines oeuvres d'art. Il n'est pas impossible qu'il se soit servi de cette situation, qui lui a incontestablement fourni l'occasion de compléter sa remarquable connaissance des richesses artistiques de l'Italie, | |
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![]() Montagna, La Vierge et l'Enfant (Lille, Musée des Beaux-Arts).
Pontormo, Saint Michel (Lille, Musée des Beaux-Arts). mais il semble peu probable qu'il ait été assez imprudent pour réquisitionner systématiquement à son avantage. En tout cas, comme l'a écrit Albert Châtelet, ‘On lui doit cette justice de reconnaître qu'aucun feuillet de ses collections ne porte le cachet des collections de Mantoue et de Modène dont il aurait, dit-on, opéré la saisie’Ga naar eind(1). Quoiqu'il en soit, les troubles de cette période ont mis sur le marché quantité d'oeuvres qu'il était possible d'acquérir à bon compte et Wicar a certainement su tirer parti de ces circonstances favorables.
Force est de reconnaître notre ignorance de l'origine des collections de Wicar, commencées peut-être dès l'époque où il travaillait à la Galerie de Florence, si l'on se réfère à des notes portées sur un carnet de portraits exécutés selon toute probabilité vers 1790. Mais on soupçonne aisément la passion qui l'animait et l'opiniâtre persévérance qu'il manifestait en ce domaine. Ne le voit-on pas à plusieurs reprises donner des instructions précises à son fidèle collaborateur Giangiacomo | |
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![]() Le Guerchin, Femme captive délivrée par des soldats (Lille, Musée des Beaux-Arts).
pour qu'il suive avec efficacité et discrétion telle affaire qui pouvait s'avérer intéressante? Ne trouve-t-on pas, de même, sur des albums d'atelier des indications sur les achats effectués ou des mentions du genre de celle-ci: ‘Monsieur Guiseppe Pazzini, imprimeur à Sienne, a des dessins’? En outre, on sait qu'il dispose en différentes villes d'Italie de correspondants sûrs qui l'informent et peuvent éventuellement acheter pour lui. Ainsi en est-il, par exemple, du marchand d'estampes florentin Luigi Bardi. Tout compte fait, il apparaît que Wicar fut ‘un acheteur attentif, prudent, bien renseigné et souvent heureux’Ga naar eind(2). Pourtant, tout n'allait pas sans difficulté comme en témoigne la mésaventure florentine dont Wicar fut victime.
Lors d'un séjour à Florence, sans doute en 1798, Wicar avait remis trois caisses de dessins lui appartenant à la garde d'un certain Giuseppe Giustini qui, pour plus de sûreté, les confie aux deux Pampaloni père et fils, mais ceux-ci ouvrent les caisses et vendent leur contenu à un peintre secondaire nommé Antonio Fedi, simulant un incendie pour dissimuler ce vol. Fedi cède à son tour un certain nombre de dessins au collectionneur anglais William Young Ottley, de passage dans la ville, au mois de février 1799. Assez curieusement, Wicar | |
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n'est pas informé de ce forfait lorsqu'il séjourne à nouveau à Florence de fin mars à début juillet de la même année pour faire un choix dans les collections grand'ducales à la suite de l'entrée des troupes françaises dans la ville. La nouvelle lui parvient au Quartier Général français à Milan en juillet 1800. Wicar multiplie les démarches pour rentrer en possession de ses biens, allant jusqu'à remettre un dossier sur cette affaire au Ministre français des Affaires étrangères, Talleyrand, lui laissant entendre, afin de l'intéresser, qu'il avait toujours eu l'intention de léguer cette collection au Museum de Paris après sa mort. Il n'omet pas en même temps de faire pression sur Ottley afin que celui-ci lui restitue son bien. Mais toutes ces démarches demeurent vaines et le collectionneur anglais conserve les dessins acquis à Florence, dont la plupart étaient de Raphaël. Cependant, Wicar ne se laisse pas abattre et il entreprend aussitôt une nouvelle collection qu'il vend en 1823 au grand marchand londonnien Samuel Woodburn. Elle est finalement acquise par le peintre Lawrence qui sut aussi devenir propriétaire, parmi bien d'autres, de la collection Ottley. Finalement, l'essentiel des pièces rassemblées par Lawrence aboutissent au British Museum et surtout à l'Ashmolean Museum d'Oxford, qui comptent ainsi dans leurs collections bon nombre de dessins de Raphaël ou de Michel-Ange ayant appartenu à Wicar. Celui-ci entreprend aussitôt une troisième collection et, en 1824, il a la chance de duper Fedi en lui rachetant à bon compte, par personne interposée, les dessins que celui-ci lui avait volés en 1799. Juste retour des choses, qui permit à Lille de recevoir un ensemble prestigieux. Le don de Wicar à sa ville natale ne comportait pas sa collection de tableaux, sur laquelle nous sommes très mal renseignés. Pourtant, en 1801, l'artiste se plaint d'avoir été dépouillé de plusieurs tableaux, dont une toile de Van Dyck, un Portrait par Barocci et une Tête de vieillard due au Pérugin. D'autre part, grâce à une plainte pour vol déposée par Wicar à Naples au début de l'année 1809, nous savons qu'il avait acheté dans cette ville des tableaux pour compléter sa collection, où l'école napolitaine n'était pas suffisamment représentée. Il avait | |
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![]() C. Dolci, Tête de femme (Lille, Musée des Beaux-Arts).
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l'intention de les envoyer à Rome, mais son ancien ĺève Tito Barberi, qu'il avait chargé de l'opération, a tenté de s'approprier ces tableaux au nombre de 52. Les pièces du dossier nous permettent de savoir que, parmi ces oeuvres, se trouvaient un Philippe IV en pied par Vélasquez, un Saint Sébastien par Calabrese, une esquisse de bataille par Jacques Courtois dit le Bourguignon, un Saint André sur la croix par Lo Spagna et un Saint Jérôme par Fra Bartolommeo. Toutefois, l'on peut se demander si Wicar n'avait pas rassemblé ces peintures pour en tirer un bénéfice financier, puisqu' après les avoir récupérées et expédiées à Rome, il les vend au Général Miollis, qu'il avait connu au Siège de Gênes en 1800 et qui était devenu Gouverneur de la Ville éternelle en février 1808. Une telle interprétation semble confirmée par l'acte du Gouvernement pontifical en date du 29 septembre 1826 qui demande aux deux peintres Cammuccini et Wicar un relevé de tous les tableaux existant chez eux ‘afin d'y reconnaître ceux qui ne peuvent s'aliéner à l'étranger et ce pour mettre terme aux réclamations de Messieurs les propriétaires d'objets insignes qui se plaignent de la rigueur employée envers eux, tandis que les artistes sont libres de faire ce qu'ils veulent des objets remarquables qu'ils possèdent et, particulièrement, les deux chevaliers sus-nommés qui en font commerce’. Malheureusement pour nous, Wicar réussit à éluder cette enquête et il ne fournit jamais, semble-t-il, le document sollicité, nous privant ainsi d'une information précieuse sur l'état de sa collection de tableaux à cette époque. De même, l'inventaire après décès est fort peu précis et ne nous apporte que de rares indications. On y relève toutefois ‘cinquante-neuf petits tableaux, oeuvres des premières écoles du Quattrocento’; des oeuvres ‘à la manière de Lucas Signorelli, Guido Reni, Luini, Zuccari, Le Caravage, Pannini, Castiglione’, etc..., du moins selon l'opinion de l'expert Pasinati chargé de cette opération. Il s'y trouve aussi une Déposition de Croix de Fra Angelico, une Etude pour le Massacre des Innocents de Guido Reni, une Sainte Madeleine de Bronzino, un Portrait d'homme du Tintoret, un Saint Pierre avec les | |
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![]() P. Dandini, Homme tirant sur une corde (Lille, Musée des Beaux-Arts).
mains jointes de Ribera, une Annonciation d'Annibale Carracci, un Christ portant sa croix et une Etude de Tête de vieillard de Giovanni Lanfranco et une Madone protectrice d'Andrea Verrocchio, sans compter un Portrait de Richelieu par Philippe de Champaigne. Mais que valent ces attributions? Cependant, plus qu'à ses tableaux, Wicar semble avoir porté une affection particulière à ses dessins, qu'il conservait dans des albums reliés, certains en maroquin rouge pour les oeuvres les plus précieuses. Ainsi, selon l'acte de reconnaissance officiel du legs qui a été établi le 21 mai 1834 à Saint-Louis-des-Français, la caisse destinée à la Société des Sciences, de l'Agriculture et des Arts de Lille renfermait-elle: ‘No 1. Grand volume in-fo contenant cinquante et une feuilles sur lesquelles sont collés divers dessins de plusieurs Maîtres, plus une gravure. - No 2. Grand volume in-fo contenant trente six feuilles avec des dessins de Raphaël. - No 3. Grand volume in-fo contenant quarante deux feuilles avec des dessins de plusieurs Maîtres. - No 4. Autre volume in-fo, mais plus petit, renfermant soixante huit feuilles avec des dessins de l'école | |
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florentine. - No 5. Autre volume in-fo, comme le précédent, renfermant des dessins de plusieurs Maîtres sur cent une feuilles. - No 6. Un volume relié en maroquin rouge dans un étui renfermant des dessins originaux de Michel-Ange Buonarroti sur quatre-vingt onze feuilles (Architecture). - No 7. Un petit volume relié en rouge renfermant des petits dessins sur trente neuf feuilles. - No 8. Un cahier de cinquante feuilles avec des dessins dont plusieurs sont des copies. Cent cinquante neuf feuilles sur lesquelles sont collés différents dessins de plusieurs Maîtres. Vingt cinq gravures’. L'ensemble comprenait ainsi environ mille trois cents dessins.
Cette nomenclature sommaire est déjà alléchante, mais que dire de l'inventaire dressé après l'arrivée des caisses à Lille, puisqu'on y trouve soixante-huit Raphaël, cent quatre-vingt dix-sept Michel-Ange, six Andrea del Sarto, un Giovanni Bellini, deux Botticelli, trois Caravage, huit Annibal Carrache, deux Corrège, dix Fra Bartolommeo, sept Giotto, six Guerchin, huit Guido Reni, cinq Ghirlandajo, trois Jules Romain, trois Leonard de Vinci, deux Mantegna, treize Masaccio, cinq Parmesan, un Pérugin, deux Tintoret, huit Titien, un Véronèse, deux Dürer, trois Lucas de Leyde, un Rembrandt, six Poussin, un David! Tous ces noms se retrouvent dans le premier catalogue imprimé des collections, publié en 1856 et dont Louis Gonse devait dire vingt ans plus tard: ‘Le catalogue du Musée Wicar est tellement insuffisant qu'en vérité il existe à peine pour le visiteur, qu'il n'existe point pour l'érudit. C'est à peu de chose près l'inventaire tel quel dressé en 1835 qui répète, dans la plupart des cas, les attributions souvent incertaines de Wicar’Ga naar eind(3), ce que cet auteur regrette d'autant plus que la collection lui apparaît comme ‘l'un des plus prêcieux trésors de la France’. De fait, les attributions de l'époque étaient particulièrement généreuses et un travail d'étude critique s'imposait pour avoir une connaissance plus objective de ce fonds. Le catalogue de 1889 apportait une amélioration sensible sur ce point, mais il est nettement dépassé aujourd'hui et il serait très souhaitable de pouvoir en réaliser une nouvelle édition qui tiendrait compte des apports de l'érudition contemporaine. | |
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![]() A. Dürer, Portrait de Lucas de Leyde (Lille, Musée des Beaux-Arts).
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Telle qu'elle est rassemblée au Musée des Beaux-Arts de Lille, l'importance de la collection Wicar ne peut être appréciée que si l'on recherche les points de comparaison au Louvre même, selon Louis Gonse, qui poursuit:
‘Certes, Wicar, obéissant à la mode de son temps, a accueilli avec un zèle regrettable les produits ronflants de la décadence italienne, de cet art où la grâce frivole et maniérée, le métier et l'abondance expéditive sont tout; il a donné aux Gigoli, aux Ferreti, aux Furini, aux Meucci et autres une trop large hospitalité; mais, en somme, son goût secret et sa bonne fortune le servirent principalement dans la chasse qu'il fit aux reliques de la belle époque et, tout compte fait, les grandes choses l'emportent de beaucoup sur les petites. Si l'on jugeait de la valeur d'une collection de ce genre, ce qui serait bien excusable, par le nombre des dessins de Raphaël qu'elle renferme, le Musée Wicar se placerait au nombre des trois ou quatre plus belles et sur le même rang que le Louvre, les Uffizi, Oxford et l'Académie de Venise, au-dessus de l'Ambrosienne, de l'Albertina et du British Museum, au-dessus de toutes les collections particulières. Pardonnons donc à Wicar quelques faiblesses pour les fa presto de la décadence en faveur des soixante-huit dessins de Raphaël dont il a doté la ville de Lille. Mettons soixante après épuration et révision sévère: c'est un chiffre admirable et qui se passe de commentaire’Ga naar eind(4). Cet enthousiasme reflète bien la richesse, la diversité et la qualité de la collection Wicar où, si nous admirons toujours autant les dessins du XIVe et du XVe siècle, nous jugeons moins sévèrement les oeuvres des XVIIe et XVIIIe siècles.
A coup sûr, les dessins de Raphaël constituent l'un des joyaux de la collection, même si la critique d'aujourd'hui restreint à une vingtaine de feuillets, dont certains comportent un revers, le nombre des oeuvres considérées comme authentiquement du Maître. Parmi ces dessins de style divers couvrant l'ensemble de la carrière de l'artiste, nous citerons une charmante Tête de jeune garçon coiffé d'une barrette, oeuvre de jeunesse pleine de sensibilité et de délicatesse, une importante feuille d'étude pour le Couronnement de saint Nicolascolas | |
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![]() N. Poussin, Le Massacre des Innocents (Lille, Musée des Beaux-Arts).
de Tollentino exécuté en 1501 pour l'église San Agostino à Citta di Castello, ou encore des études pour l'Ecole d'Athènes ou le Parnasse de la Stanza della Segnatura au Vatican. Toutefois, la pièce la plus prestigieuse, qui est aussi l'un des dessins les plus célèbres de Raphaël, reste sans doute le feuillet qui comporte sur chacune de ses faces une superbe étude pour la Vierge d'Albe exécutée vers 1508-1509 et conservée aujourd'hui à la National Gallery de Washington.
Le nombre des dessins de Michel-Ange a lui aussi fondu considérablement, puisque le recueil de dessins d'architecture considéré jadis comme l'une des pièces les plus précieuses du legs Wicar, où l'on trouve effectivement de nombreux croquis se rapportant aux travaux de Michel-Ange, notamment à la Bibliothèque Laurentienne de Florence, s'est avéré être | |
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finalement l'oeuvre d'Aristotile da Sangallo, imitateur du Maître et son collaborateur pour la préparation des fresques de la chapelle Sixtine. L'on en regrette d'autant plus les nombreux et remarquables dessins de Michel-Ange de l'Ashmolean Museum d'Oxford provenant de la collection Wicar. Bien connu est le dessin pour la Coupole de Saint-Pierre de Rome, mais beaucoup moins notoire est la feuille avec Sept études grotesques où se manifeste le goût de la Renaissance pour la caricature. De même, on ne retient plus aujourd'hui de Titien que trois petits feuillets, montés ensemble, avec des études très libres et très primesautières pour le célèbre tableau du Martyre de saint Pierre martyr autrefois à San Giovanni e Paolo à Rome, mais détruit par un incendie en 1867.
S'il fallait s'attarder un peu en compagnie de ces grands maîtres, on ne saurait évoquer la multitude d'artistes de ce temps dont Wicar a collectionné les dessins. Si l'école de Florence est particulièrement bien représentée, elle n'accapare pas tous les soins de Wicar qui semble n'avoir jeté aucune exclusive. Quelques exemples suffiront à évoquer ce vaste panorama artistique. Un Saint Luc en méditation de Pérugin rejoint dans sa monumentalité les études de Filippino Lippi, à la pointe d'argent sur papier préparé rose, ou bien une Vierge à l'Enfant de Montagna, jadis attribuée à Giovanni Bellini. Une grande force se dégage également d'une Tête d'homme de Bramantino alors que les dessins à la pierre noire de Fra Bartolommeo donnent une impression de plus grande délicatesse. La feuille avec Trois études d'homme nu à la sanguine par Pontormo, dont une autre feuille évoque Saint Michel Archange, introduit un certain maniérisme, dont on trouve un autre exemple dans une feuille d'étude de Parmigianino et qui attient son paroxisme chez Nicollo dell'Abbate avec Jupiter sur son aigle tendant la main vers Sémélé. On peut rattacher à la même veine le Martyre de saint Sigismond par le célèbre Vasari, que l'artiste lui-même a monté dans un encadrement dessiné analogue à ceux qu'il utilisait pour les dessins de Maîtres qu'il collectionnait lui-aussi. Bien d'autres artistes mériteraient de figurer à ce palmarès, depuis Spinelli jusqu'à | |
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Giulio Romano en passant par Piero di Cosimo, Albertinelli, Beccafumi ou Puligo. Les siècles suivants sont également bien représentés avec une série de dessins des Carrache dont un beau Polyphème et Galatée à la plume; Guido Reni dont une admirable étude de Vieillard à mi-corps exécutée d'après nature à la sanguine rehaussée de gouache blanche, s'impose par son autorité; Le Guerchin évoqué par cinq beaux dessins de techniques différentes dont une très belle Femme captive délivrée par des soldats. Le périple se poursuit avec Carlo Dolci dont on remarque particulièrement une Tête de femme empreinte de délicatesse ou avec Furini dont la belle étude pour La Madeleine donne tort à Gonse qui reprochait à Wicar d'avoir réuni aussi des feuilles de ces artistes ‘décadents’. L'on se félicite aussi de trouver des oeuvres de Pietro Dandini, de Pier Leone Ghezzi, Giovanni Domenico Ferretti, Sebastiano Conca, Carlo Maratta, Federico Zuccaro et l'on regrette que le seul dessin donné comme étant de Guardi ne soit pas de lui, mais heureusement cette lacune a été comblée depuis. L'importance capitale du fonds italien ne doit pas masquer que la collection de Wicar comportait aussi un certain nombre de dessins de l'école allemande et de l'école française. Pour ceux-là, c'est de Wicar que l'on tient huit dessins d'Apôtres attribués à Hans Holbein, un fort beau Saint Jean dans le désert considéré autrefois comme étant d'Albrecht Altdorfer mais qu'il faut restituer à Lucas Cranach et surtout le splendide Portrait de Lucas de Leyde par Albrecht Dürer qui est évidemment l'une des pièces insignes du Cabinet des dessins du Musée de Lille. Deux dessins seulement appartiennent à l'école française, mais ils sont de qualité puisqu'il s'agit d'une frémissante étude à la plume de Poussin pour le Massacre des innocents du Musée Condé à Chantilly et d'une composition très élaborée pour le Serment des Horaces de David, ce qui a fait dire un peu vite à certains que Wicar avait collaboré à l'exécution de ce célèbre tableau puisque, l'on s'en souvient, il avait accompagné David à Rome au moment de sa réalisation. Cet ensemble remarquable atteste la sûreté de choix de Wi- | |
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car, en même temps que son goût très ouvert. Il convient d'autre part de souligner le mérite de cette passion pour le dessin, car à cette époque on était loin d'accorder la même importance qu'aujourd'hui à ces feuilles auxquelles les artistes ont souvent confié le meilleur d'eux-mêmes. En tout cas, par son geste en faveur de sa ville natale, Wicar s'est acquis une renommée qu'il n'aurait sûrement pas atteinte par sa seule production. | |
Samenvatting:Het rijke prentenkabinet van het Musée de Lille heeft zijn ontstaan te danken aan de testamentaire beschikkingen van de schilder Wicar (Rijsel 1762 - Rome 1834). Wicar kreeg zijn eerste artistieke opleiding aan de Ecole de Dessins de l'Académie van zijn geboortestad. In 1779 ging hij naar Parijs om er de graveerkunst te leren, maar in 1781 hield hij ermee op en kwam op het atelier van David; hij werd één van zijn beste leerlingen. Vier jaar later vergezelde hij David naar Rome. Het artistieke Italië maakte een geweldige indruk op hem. Van 1787 tot 1793 was hij er weer: hij maakte er de schetsen van de beroemde Galerie van Florence, een verzameling reprodukties van de belangrijkste werken uit de kollekties van de hertog van Toscane.
Wicar was een aanhanger van de revolutie. Met de steun van David bekleedde hij verschillende officiële funkties in Parijs: hij werd namelijk konservator van de afdeling ‘Antiques’ in het Louvre, maar hij zou vooral naam maken als lid van de kommissie (toegevoegd aan de oprukkende ‘Armée d'Italie’) belast met de vordering van kunstwerken in Italië. In 1801 vestigde hij zich in Rome en bouwde er interessante relaties op. In 1806 werd hij door Joseph Bonaparte benoemd tot direkteur van de Académie des Beaux-Arts van Napels, maar in 1809 keerde hij voorgoed naar Rome terug. Wicar wilde nu historie- en portretschilder worden, maar zijn stijl bleef koud en enigszins konventioneel zoals dat het geval was bij vele van Davids leerlingen. Toch bleek hij een goed tekenaar te zijn en zijn potloodschetsen zitten vaak vol teergevoeligheid. Terzelfdertijde was Wicar druk bezig met het samenstellen van een verzameling schilderijen en vooral tekeningen; men heeft hem verweten - ten onrechte naar het schijnt - persoonlijk profijt te hebben getrokken van zijn opdracht als lid van de vorderingskommissie bij de ‘Armée d'Italie’. We kennen inderdaad de herkomst niet van de tekeningen die Wicar bijeengebracht heeft, maar wel kunnen we beamen wat Fernand Beaucamp, zijn belangrijkste biograaf, zegt: ‘dat Wicar een opmerkzaam, voorzichtig, goed geïnformeerd en dikwijls fortuinlijk koper was’. In 1799 werd hij slachtoffer van een grote diefstal in Florence; vooral schetsen van Michelangelo en Rafaël werden gestolen en doorverkocht | |
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aan een Engelse verzamelaar. Wicar stelde een nieuwe kollektie samen en verkocht die in 1823 aan de grote Engelse handelaar Samuel Woodburn, die ze aan de schilder Lawrence afstond. De kern van deze twee verzamelingen bevindt zich tans in het British Museum en vooral in het Ashmolean Museum te Oxford. In 1824 slaagde hij erin de tekeningen die nog in het bezit van de Florentijnse dief waren gebleven, terug te krijgen, en ondertussen verwierf hij nog méér belangrijke stukken. Deze derde verzameling, die meer dan 1300 schetsen bevat, zal Wicar legateren aan de Société des Sciences, de l'Agriculture et des Arts van Rijsel, waarvan hij enige jaren voordien tot korresponderend lid was benoemd. Na wat gesjacher stond de Société het eigendom van de kollektie af aan de stad Rijsel, maar behield het vruchtgebruik ervan tot in 1865. Zo is het Rijselse museum eigenaar geworden van een prestigieuze kollektie, die Louis Gonse, met het entoesiasme eigen aan zijn tijd, ‘één van de kostbaarste schatten van Frankrijk’ noemde. Men telde in elk geval achtenzestig werken van Rafaël, honderd zevenennegentig van Michelangelo, zes van Andrea del Sarto, één van Giovanni Bellini, twee van Botticelli, drie van Caravaggio, acht van Annibale Carracci, twee van Correggio, tien van Fra Bartolommeo, zeven van Giotto, zes van Guercino, acht van Guido Reni, vijf van Ghirlandajo, drie van Giulio Romano, drie van Leonardo da Vinci, twee van Mantegna, dertien van Masaccio, vijf van Parmeggiano, een van Perugino, twee van Tintoretto, acht van Titiaan, een van Veronese, twee van Dürer, drie van Lucas van Leyden, één van Rembrandt, zes van Poussin en één van David.
Sindsdien heeft men zich een beter oordeel kunnen vormen over de waarde van deze kollektie: een opvallende kollektie, die getuigt van Wicars trefzekere keuze en zijn openheid, omdat de kollektie zowel werken uit het quattrocento als uit de 18e eeuw bevat. De twintig schetsen van Rafaël alleen al maken de verzameling tot een prestigieus geheel, vooral dan de studies voor de School van Athene en de Parnassus en niet het minst die voor de Maagd van Alba (tans in de National Gallery in Washington). De bundel architektuurschetsen die vroeger aan Michelangelo werden toegeschreven en als een van de merkwaardigheden uit de verzameling bekend staat, is gebleken het werk te zijn van Sangallo, maar de schets voor de koepel van de Sint-Pietersbasiliek van Rome en een blad met Zeven studies van grotesken zijn wel degelijk van de hand van Michelangelo. De school van Florence is biezonder goed vertegenwoordigd met o.m. een Mediterende Sint-Lucas van Perugino, een reeks studies van Filippino Lippi en andere van Fra Bartolommeo. Er zijn ook bladen met schetsen van Pontormo, Nicollo dell' Abbate, Vasari, Giulio Romano, Beccaffumi of Puligo. Uit latere eeuwen zijn daar namen als Carracci, Guido Reni, van wie we zeker de prachtige studie van een Grijsaard tot aan het middel (naar het leven) moeten vermelden; Guercino met vijf mooie tekeningen, waaronder een heel mooie Gevangene, die door soldaten wordt bevrijd, en voorts Carlo Dolci, Furini, Dandi, Maratta, Zuccaro... Ofschoon de Italianen in de verzameling domineren, mogen enkele tekeningen uit de noordelijke scholen zeker niet onvermeld blijven: een erg mooie Sint-Jan in de woestijn van Lucas Cranach (vroeger aan Albrecht Dürer toegeschreven) en vooral het prachtig Portret van Lucas van Leyden (zilverstift) door Albrecht Dürer, één van de meest opmerkelijke stukken uit het prentenkabinet van het Rijsels museum. Er zijn maar twee Franse stukken aanwezig, maar het zijn stukken van kwaliteit: een studie van de Moord op de onnozele kinderen van Poussin (in het museum Condé in Chantilly) en een ver uitgewerkte pagina voor de Eed der Horatiërs van David. |
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