De Franse Nederlanden / Les Pays-Bas Français. Jaargang 1984
(1984)– [tijdschrift] Franse Nederlanden, De / Les Pays-Bas Français–
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![]() Un grand ouvrage religieux: le frontispice de la Bible de 1617, gravé par Collaert d'après Rubens (Bibliothèque Nationale, Paris).
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L'imprimerie et l'édition à Douai, au XVIe et au XVIIe siècle
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versité, et 35 communautés religieuses, 19 masculines et 16 fémininesGa naar eindnoot(6). L'imprimerie douaisienne a connu son plus grand éclat à la fin du XVIe et surtout dans le premier tiers du XVIIe siècle. Sur les quelque 3250 unités bibliographiques, publiées à Douai de 1563 à 1700, plus de 2000 (dont, il est vrai, 655 placards de thèse) l'ont été entre 1601 et 1635. Elle décline nettement à partir de 1636, alors que les opérations de la Guerre de Trente ans s'étendent au nord de la France, et pâtit des circonstances politiques et des guerres de Louis XIV, qui ont souvent ravagé cette région. Le rattachement de Douai au royaume de France en 1667 n'a guère modifié cet état des choses. Pour situer Douai dans son contexte régional, il faut rappeler que la production d'Arras se situe autour de 400 unités bibliographiques de 1520 à 1700, mais 314 d'entre elles datent du demi-siècle 1591-1640! Celle de Lille est d'environ 750 de 1594 à 1700, et celle de Valenciennes se limite à une centaine pour le seul XVIIe siècle. Dans ce même siècle, plus de 500 ouvrages étaient imprimés à Saint-Omer, mais 70% sortaient des presses du collège des Jésuites anglais.
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Il faut maintenant dresser le panorama des principales familles d'imprimeurs et de libraires, qui se sont succédées à Douai depuis 1563. D'abord les premiers typographes de Douai: les Boscard, venus de Louvain Jacques, 1563-1580: 31 éditions; sa veuve, 1586-1611: 221 éditions, dont 196 placards de thèses; leur fils, Charles, 1596-1610: 47 éditions. Il exerça ensuite à Saint-Omer jusqu'à sa mort en 1629. Louis De Winde, venu d'Anvers, puis sa veuve, 1564-1576: 35 éditions. Viennent ensuite les deux grandes familles d'imprimeurs de la fin du XVIe siècle et du début du XVIIe siècleGa naar eindnoot(7): Les Bogard ou Bogart (Bogaerdt en flamand), venus de Louvain Jean, 1574-1626: 486 éditions; ses fils, Pierre et Martin, 1627-1638: 57 éditions. | |
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Les Bellere, venus d'Anvers Balthazar I, 1593-1640: environ 700 éditions; sa veuve, ses fils, Pierre et surtout Balthazar II (1642-1685) et la veuve de celui-ci ont encore une production substantielle: 140 éditions de 1640 à 1700. A leurs côtés, d'autres imprimeurs sont très actifs au début du XVIIe siècle: Pierre Borremans, 1603-1616, puis sa veuve, 1616-1625: 106 éditions; les Kellam Laurent I, d'origine anglaise, imprime à Louvain de 1597 à 1600, à Valenciennes en 1601 et 1602, puis à Douai de 1603 à 1613; sa veuve imprime seule de 1613 à 1619; elle signe des éditions avec son fils, Thomas, de 1618 à 1620; Simon n'apparaît qu'en 1664; ensemble: 154 éditions. Pierre Auroy, 1604-1631, puis sa veuve, 1631-1640; ensemble 171 éditions, plus une édition au nom d'André Auroy en 1638Ga naar eindnoot(8). Marc Wyon, 1609-1630, puis sa veuve, 1630-1661; ensemble 182 éditions. D'autres imprimeurs et libraires ont une activité plus modeste: François Fabri, libraire, 1603-1611; Henri Usselinx, libraire, 1606-1620; Joseph Duhamel, 1609; Noël Wardawoir, 1614-1617; Antoine Doby, libraire, 1620-1626; Henry Taylor, 1622-1623; Jean Diestre, 1632; puisqu'ensemble, ils ne totalisent qu'une trentaine d'éditions. Il faut pourtant mettre encore à part quatre noms: Gérard Pinchon, libraire de 1609 à 1628, puis imprimeur de 1629 à 1636: 41 éditions; les Telu Pierre, 1618-1619, puis sa veuve, 1619-1647, et Nicolas, sans doute leurs fils, 1629, totalisent 86 éditions; | |
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Jean de Fampoux, 1621-1652: 82 éditions; les Patte Gérard, seulement libraire, 1622-1653: 61 éditions; son fils Jean, imprimeur, 1649-1682, et la veuve de celui-ci, 1689: 19 éditions. Ainsi dans le premier tiers du XVIIe siècle, six ou sept ateliers typographiques ont fonctionné simultanément, et plusieurs libraires avaient une activité suffisante pour publier des éditions sous leur propre adresse. La plupart de ces noms disparaissent vers le milieu du siècle, époque où, nous l'avons dit, la typographie douaisienne est en déclin. A côté des Bellère qui subsistent, de nouveaux noms apparaissent: Jean de Spire, 1632-1645: 14 éditions; les Serrurier, 1633-1683: 118 éditions; Jean, sa veuve, puis leurs enfants, Christophe et Marie; les Mairesse: 1635-1700: 86 éditions; Jacques jusqu'en 1644, sa veuve jusqu'en 1676, puis leur fils Michel jusqu'en 1719 (mais nous n'avons pas recensé ses éditions du XVIIIe siècle (une quarantaine); Denise Hudsebaut, 1638-1640: 2 éditions; Antoine Dieulot, puis sa veuve, 1656-1679: 17 éditions; François Sarazin, 1679-1692: 4 éditions; Nicolas d'Assignies, 1681-1689: 10 éditions. On voit donc que, dans la seconde moitié du siècle, seuls trois ateliers ont une production appréciable, ceux des Bellère, des Serrurier et des Mairesse. Plusieurs ateliers fonctionneront au XVIIIe siècle, mais deux seulement seront importants, ceux des Willerval (1725-1792) et des Derbaix (1726-1791). La production de ce siècle (jusqu'en 1790) doit se situer autour de 550 unités bibliographiques, et ne comporte guère d'ouvrage considérable.
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La production des presses douaisiennes est assez diversifiée, mais la première place est tenue par le domaine religieux que l'on peut considérer sous quatre aspects assez différents. Il y a d'abord de gros traités manifestant l'essor de la Faculté de | |
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théologie au début du XVIIe siècle, avec des professeurs célèbres comme Estius (Guillaume Van Est, 1542-1613) et François Sylvius (1581-1649). D'où l'impression de gros in-folios à cette époque: à côté d'ouvrages d'Estius ou de Sylvius se remarquent la grande édition de la Bible des théologiens de Douai en six volumes (1617), deux éditions de la Somme de saint Thomas d'Aquin (1614 et 1623), de gros commentaires de celle-ci, notamment par Sylvius, par le dominicain Domingo Banez et par le jésuite Jean Le Prévost, les Opera omnia de saint Grégoire le Grand (1615), la Theologia moralis du bénédictin Gregorius Sayr, le cours de théologie du jésuite Francesco Amici etc. Un autre aspect de la production religieuse est constitué par de nombreux petits ouvrages de piété et de dévotion, liés à la présence de multiples maisons religieuses dans la ville et dans la région, qui ont souvent fourni des auteurs, des traducteurs ou des éditeurs: Louis de Blois, abbé de Liessies, Jean d'Assignies, abbé de Nizelles, le jésuite Antoine de Balinghem, Arnold de Raisse, chanoine de Saint-Pierre de Lille pour ne prendre que quelques exemples. Dans ce domaine, il serait curieux d'étudier l'oeuvre d'un simple laïc, Paul Du Mont (1532-1602) qui était receveur général de la ville de Douai, d'autant plus qu'il s'est expliqué sur son oeuvre dans la préface de L'Anatomie du corps politique de Jean Michel (1581) et dans celle du Thrésor des faictz et dictz mémorables de Marco Marulik (éditions de 1585, 1596, 1599, mais pas reprise dans celle de 1604, publiée après sa mort). D'ailleurs ces petits ouvrages sont mal conservés; ils ont bien sûr souffert de l'usage, mais ils ont aussi été victimes du dédain qu'inspirait leur aspect modeste et leur texte. Dédain souvent immérité, car si certains textes ont bien vieilli, bien des auteurs marquants dans l'histoire de la spiritualité y apparaissent; par exemple, nombreuses traductions des Espagnols: Antonio de Guevara, Luis de Granada, Francisco Arias, Luis de La Puente, Diego Alvarez de Paz, les principaux ouvrages de saint François de Sales (la première édition douaisienne de l'Introduction à la vie dévote paraît en 1610 avec un privilège de novembre 1609), de Jean-Pierre Camus etc. On remarque aussi de fréquentes rééditions de petits manuels de pastorale, | |
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Un ouvrage de dévotion: la troisième édition douaisienne de l'Introduction à la vie dévote (Bibliothèque Nationale, Paris).
![]() Un ouvrage catholique anglais. L'auteur est, en réalité, David Baker (Bibliothèque Nationale, Paris).
![]() Un ouvrage d'histoire locale et religieuse (Bibliothèque Nationale, Paris).
![]() Un recueil juridique (Bibliothèque Nationale, Paris).
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tels l'Examen ordinandorum de Peter Binsfeld, les Aphorismi confessariorum de Manuel Sa, ou le De Institutione sacerdotum du cardinal jésuite Francisco Toledo. Le troisième aspect de cette production religieuse est assez particulier. Il s'agit d'ouvrages de spiritualité ou de polémique en anglais, liés à la présence à Douai de réfugiés catholiques et de plusieurs maisons religieuses et collèges anglais, écossais et irlandais. On dénombre 6 éditions en anglais au XVIe siècle et 164 au XVIIeGa naar eindnoot(9), sans tenir compte de quelques éditions portant l'adresse de Douai, mais imprimées secrètement en Angleterre. Cette production, destinée à l'exportation clandestine en Angleterre, est faiblement représentée dans les bibliothèques françaises. Elle est due surtout aux Auroy, aux Kellam (d'origine anglaise) et aux Wyon. Rappelons ici pour mémoire que les presses du collège anglais à Saint-Omer ont produit, au XVIIe siècle, 350 éditions de tels ouvrages. L'influence des réfugiés anglais se manifeste aussi dans des publications en latin; le jésuite Richard Gibbons a traduit ou édité plusieurs ouvrages, les franciscains Angelus a Sancto Francisco et Franciscus a sancta Clara, Richard Bristow, Matthew Kellison etc. en ont publié plusieurs. Au chapitre des influences sur la production religieuse de Douai, rappelons ce qui a été dit des spirituels espagnols. Une influence déterminante est celle des ordres religieux présents dans la ville, et la plus nette est celle des Jésuites; c'est pour cela que sont parues à Douai de nombreuses éditions et traductions d'auteurs jésuites de divers pays, des Pays-Bas et d'Espagne bien sûr, mais aussi d'Italie et de France, ainsi que des régions allemandes touchées par la Contreréforme: une trentaine d'éditions d'ouvrages spirituels de Hieremias Drexel, une vingtaine d'ouvrages théologiques de Martin Becanus, originaire du Brabant, mais enseignant en Autriche, etc. Une autre influence est à souligner, bien qu'elle se place à un niveau différent, celui du mécénat, celui des hautes sphères religieuses locales. En effet, les épîtres dédicatoires, typiques des ouvrages de l'époque, s'adressent certes à des autorités laïques, mais le plus souvent à des dignitaires ecclésiastiques: 26 éditions sont dédiées à Philippe de Caverel, abbé de Saint-Vaast d'Arras, mort en 1637, 14 à Jean Du Joncquoy, abbé de Marchiennes, 11 à Catherine de Coupigny, abbesse de l'Honneur-Notre-Dame | |
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Un ouvrage scolaire dont subsiste un seul exemplaire.
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lès Flines etc., et à travers les noms de leurs abbés, abbesses ou prieurs, on voit défiler au gré des épîtres dédicatoires un grand nombre d'abbayes des Pays-Bas du sud et régions voisines: Anchin, Anvers (S. Michel), Bergues (S. Winoc), Bonne Espérance, Bruges (S. André), Cambrai (S. Aubert), Cambron, le Cateau-Cambrésis (S. André), Clairmarais, Cysoing, Denain, Douai (Notre-Dame des Prés et la Paix-Notre-Dame), les Dunes, Eeckhout, Eversham, Floreffe, Fontenelle-lès-Valenciennes, Furnes (S. Nicolas), Gand (le Mont-Blandin), Gembloux, Grammont (le Grand Beauprez, S. Adrien), Hasnon, Hautmont, Henin-Liétard, Herkenrode, Lessines, Liessies, Lobbes, Loos, Marquion (Notre-Dame du Verger), Maubeuge (Ste Aldegonde), Mont-Saint-Eloi, Oignies, Phalempin, Ribemont (S. Nicolas des Prés), Saint-Amand, Saint-Ghislain, Saint-Hubert, Saint-Omer (S. Bertin, Ste Marguerite), le Saulchoir, Sin-le-noble (Notre-Dame de Beaulieu), Soissons (Notre-Dame, S. Crépin), Tongerloo, Tournai (S. Martin), Valenciennes (S. Jean, S. Sauve), Vicoigne. On trouve aussi des évêques ou archevêques parmi les dédicataires, ceux d'Anvers, Arras, Boulogne, Cambrai, Malines, Namur, Saint-Omer, Tournai, Ypres, ainsi que des dignitaires ou des membres des chapitres d'Aire, Anvers, Cambrai, Douai, Gand, Lille, Namur, Ypres. Pour fastidieuse qu'elle soit, cette énumération manifeste, du moins, l'insertion de l'édition de Douai dans le contexte religieux local. Un dernier aspect de cette production est constitué par les Quaestiones ou thèses de théologie. Quelques-unes sont publiées en fascicules d'un ou de deux cahiers, mais la plupart le sont sous forme de placards. Si plus de 650 de celle-ci ont été retrouvées, elles se limitent aux années 1606-1611 et 1615-1625, parce qu'elles ont été préservées dans deux recueils formés anciennement, se trouvant, l'un à la bibliothèque municipale de Douai, l'autre à celle de l'abbaye de Saint-André lès BrugesGa naar eindnoot(10). C'est grâce à ces recueils que l'on a conservé le témoignage d'une production qui a été probablement plus régulière et plus abondante, mais qui a disparu massivement à cause d'une forme qui la vouait à l'éphémère. Cela est confirmé par le fait qu'une seule thèse d'une autre discipline a été retrou- | |
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vée, une Repetitio medica de calculo renis et vesicae de 1653, dans le plat d'une reliure!Ga naar eindnoot(11). Il est évident que ce n'est pas la seule thèse de médecine qui ait été imprimée à Douai. Un autre domaine caractéristique de la production douaisienne est lié aux besoins de la Faculté des arts et des collèges. Il s'agit d'ouvrages à caractère pédagogique, mal conservés comme il est habituel pour les manuels scolaires, victimes de l'usage, production dont nous ne saisissons sans doute qu'un aspect résiduel. Un exemple frappant est celui des textes mis au programme des diverses classes des collèges de Jésuites dans la province de Gaule Belgique. Seulement seize éditions, publiées entre 1613 et 1689, peuvent être répertoriées; encore les unes ne sont-elles conservées qu'en un seul exemplaire, et les autres connues par des références bibliographiques. Or la forme du titre: Auctores classis... in collegiis Societatis Jesu provinciae Gallo-Belgicae praelegendi anno... implique une publication annuelle pour chaque classe! Plusieurs auteurs de grammaires figuraient aussi à ces programmes, notamment Emmanuel Alvarez pour le latin et Jacob Gretser pour le grec; les 13 éditions douaisiennes de l'un et les 24 de l'autre, qui subsistent, sont suffisamment rares pour que l'on soupçonne la disparition de plusieurs autres. On peut faire la même remarque pour les ouvrages grammaticaux de Jean Blumerel, Johann Buchler, Pierre Deschampsneufs, Hadrianus Junius, Jean Pillot, Cypriano Soarez, Jean Tixier de Ravisy et autres. La même rareté se manifeste dans la publication de textes antiques à l'usage des étudiants, que ce soient les belles traductions latines d'Aristote, publiées en in-4o par Bogard au XVIe siècleGa naar eindnoot(12) ou, à plus forte raison, les auteurs latins que le même Bogard et Bellère publiaient au XVIIe siècle en in-16, in-24 ou même in-32: Boèce, Catulle, Florus, Horace, Justin, Juvénal, Lucain, Martial, Quinte-Curce, Salluste, Sénèque, Silius Italicus, Stace, Suétone, Térence, Tite-Live, Valère-Maxime, Virgile et, surtout, Cicéron et Ovide. Les autres domaines sont plus faiblement représentés. L'activité des autres facultés de l'Université apparaît moins dans la production douaisienne: quelques ouvrages de droit, et notamment de droit canon (tels les six in-folios de Prospero Farinacci | |
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chez Wyon en 1618) et une dizaine d'éditions de coutumes locales (Artois, Cambrai, Douai, Lille, Orchies). Guère d'ouvrages de médecine sauf ceux de Louis Du Gardin, professeur à Douai (une quinzaine d'éditions). La littérature est représentée par quelques ouvrages de poésie, latine ou française, plus souvent religieuse que profane. Par contre, les ouvrages historiques sont assez nombreux. Ils intéressent l'histoire générale comme la Bibliotheca mundi de Vincent de Beauvais (Bellère, 1624), seule édition de ce grand ouvrage depuis le début du XVIe siècle, ou l'Historia universa d'André Van Hoye (Bellère, 1629); aussi l'histoire religieuse comme l'Historia anglicana ecclesiastica de Nicolas Harpsfield (Wyon, 1622) et plusieurs ouvrages hagiographiques; enfin l'histoire régionale et locale, par exemple, l'Histoire de Tournai de Jean Cousin (Wyon, 1619-1620), la Gallo-Flandria sacra et profana de Jean Buzelin (Wyon, 1624) ou les Recherches des antiquitez et noblesse de Flandre de Philippe de L'Espinoy (Wyon, 1631 et 1632). L'histoire locale et l'histoire religieuse sont souvent liées, comme dans la Belgica christiana d'Arnold de Raisse (Bellère, 1634), l'Histoire des saints de la province de Lille de Martin Lhermitte (Bardou, 1638) etc. Les sciences sont représentées par quelques ouvrages de mathématique d'Euclide et du jésuite, Charles Malapert. Parmi les ouvrages divers, citons par exemple cinq éditions du Thrésor des récréations, deux ou trois du Grand cuisinier et du Secrétaire des secrétaires etc., mais surtout les impressions musicales sorties des presses de Bogard et de Bellère, et devenues rarissimes. Les langues employées dans les impressions douaisiennes sont avant tout le latin et le français qui semblent s'équilibrer. Le grec n'apparaît guère que dans quelques ouvrages grammaticaux et dans les recueils d'Auctores dont la rareté a été évoquée plus haut. Les éditions en flamand, une trentaine, demeurent rares et épisodiquesGa naar eindnoot(13). Il faut enfin citer pour mémoire une édition en espagnol: une traduction de Tacite, imprimée par Wyon en 1629. *** L'activité typographique de Douai alimentait un public important et qui avait l'avantage de se renouveler, celui des étudiants | |
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de l'Université, celui aussi des religieux de nombreux couvents dont la vie était souvent liée à celle de l'Université. C'est ce qui explique la large diffusion des éditions douaisiennes, achetées sur place par des étudiants, laïcs ou religieux, qui les remportaient ensuite avec eux. Elle avait en outre un impact régional comme plusieurs passages de cet article l'ont souligné. De plus, il existait un commerce du livre assez substantiel pour permettre la présence de plusieurs boutiques de libraire dans la ville. Quant aux imprimeurs, ils ne se limitaient pas à la vente de leur propre production, mais ils étaient aussi libraires comme la plupart des imprimeurs de cette époque. Deux ont laissé un catalogue qui permet d'apprécier ce phénomène. Balthazar Bellère, l'un des principaux imprimeurs de Douai, publiait en 1603 un catalogueGa naar eindnoot(14) sous le titre de Thesaurus bibliothecarius répertoriant les 3000/3500 ouvrages qu'il proposait alors à sa clientèle. A ce catalogue, il a donné vingt suppléments, échelonnés de 1604 à 1636, et recensant environ 14.000 ouvrages (avec probablement des redites). Le supplément de 1605 indique bien la provenance de ces ouvrages: Librorum diversorum indiculus, qui vel ex typographia Balthazaris Belleri prodierunt, vel ab aliis editi, in numero ab eo possunt permutationis ergo in gratiam bibliopolorum suppeditari. Il pratiquait donc le troc comme beaucoup de ses collègues, en utilisant des exemplaires de sa propre production pour acquérir d'autres titres. En 1614 paraissait aussi un Hortulus bibliothecarius continens florentissimos flores librariae Petri BorremansGa naar eindnoot(15). Sous ce titre imagé, Borremans proposait un millier d'ouvrages à sa clientèle. Chez l'un comme chez l'autre, l'éventail des titres est assez large, mais les livres religieux tiennent une place importante comme dans la production douaisienne elle-même, et leur provenance correspond assez bien à la carte de la Contreréforme en Europe. Douai étant francophone, on remarque aussi la grande place tenue par les livres français, et surtout parisiens. Pour terminer, il faut dire quelques mots de l'illustration. Si elle n'est pas spécialement brillante dans les éditions douaisiennes, elle n'est pourtant pas négligeable. Dans les ouvrages du premier tiers du XVIIe siècle, on trouve souvent la signature de | |
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Martin Baes, graveur d'origine anversoiseGa naar eindnoot(16), dont l'activité principale semble s'être déployée au service des imprimeurs de Douai, pour qui il a gravé de nombreux frontispices ainsi que des vignettes; on trouve aussi sa signature dans des éditions d'Arras, de Tournai et de Valenciennes. Entre autres, signalons la suite qu'il a gravée d'après Wierix pour le Cor Deo devotum d'Etienne Luzvic (Bellère, 1627). Le nom d'une vingtaine d'autres artistes apparaît épisodiquement dans les éditions douaisiennes. A côté de Rubens d'après qui est gravé le frontispice de la Bible de 1617, relevons les noms de Pierre Rucholle, d'Anvers, et de Jean Waldor, de Liège, qui reviennent à plusieurs reprises. Il faut encore remarquer les eaux-fortes d'Antoine Serrurier pour le Jardin d'hyver ou cabinet des fleurs de Jean Franeau (Borremans, 1616), les curieuses illustrations du De Coronis et tonsuris de Prosper Stellart (Bellère, 1625) et, bien sûr, les cartes de la Descriptio Ptolemaica de Cornelius Wytfliet (Fabri, 1603, 1605, 1607 et 1611), d'ailleurs reprises des éditions antérieures à Louvain. | |
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SamenvattingHet drukken begon in Dowaai in 1563 enkele maanden na de stichting van de universiteit aldaar; het beleefde zijn hoogtepunt eind zestiende en vooral begin zeventiende eeuw. Van de 3250 boekwerken die er tussen 1563 en 1700 van de pers kwamen, zijn er meer dan 2000 tussen 1601 en 1635 gedrukt. In de loop van de zestiende-zeventiende eeuw werkten in Dowaai vijfentwintig drukkerijen en omstreeks 1620 waren er zes of zeven tegelijkertijd actief. Van deze drukkerijen kennen we het jaar en de produktie. De twee belangrijkste zijn Bogard met 543 uitgaven van 1574 tot 1638, en Bellère met 840 uitgaven van 1593 tot 1700, zonder die van het begin van de achttiende eeuw. De drukkerijen van Dowaai leverden vooral godsdienstig werk af: theologische tractaten en vrome boekjes, spiritualiteit en polemisch werk in het Engels, afkomstig van vluchtelingen, en leerstellingen, waarvan er zeker heel wat verloren zijn gegaan. Al bij al een verscheidenheid van lokale en vreemde aard. Een aparte groep vormden de schoolboeken: bloemlezingen, spraakkunsten, antieke schrijvers, waarvan er meer zijn gedrukt dan overgeleverd. Er waren weinig medische, juridische en literaire werken bij, meer historische, vooral in verband met de lokale geschiedenis en/ of de kerkgeschiedenis. Dowaai was niet alleen een centrum van de boekdrukkunst, maar ook van de boekhandel: de universiteit zorgde aanhoudend voor nieuwe klanten. Er waren verscheidene boekhandels, en de drukkers zelf dreven handel in boeken, zoals blijkt uit de catalogi van Balthazar Bellère (1603-1636) en van Pierre Borremans (1614). Van de illustratoren onthouden we als zeer belangrijk de naam van de graveerder Martin Baes, die in het begin van de zeventiende eeuw leefde en vooral in Dowaai werkzaam was.
(Uit het Frans vertaald door Omer Vandeputte.) |
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