De Franse Nederlanden / Les Pays-Bas Français. Jaargang 1984
(1984)– [tijdschrift] Franse Nederlanden, De / Les Pays-Bas Français–
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Aspects de la vie des Lillois pendant la période bourguignonne
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‘Une cité moulte escrillante et périlleuse’...Ga naar eindnoot(3)Au Moyen Age, l'une des premières préoccupations des Lillois concerne les eaux. Née dans une cuvette topographique argilosableuse, à pente faible, la ville s'est développée dans une boucle | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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Lire et écrire. Miniature du Maître de Wavrin (BML).
de la Deûle, en un site marécageux, difficile à maîtriser, mais dont l'attrait défensif est incontestable. L'eau est une alliée. Menacés, les habitants bloquent les chenaux d'écoulement et inondent le plat-pays afin d'empêcher les manoeuvres de l'adversaire. La rivière contribue aussi à la naissance et à l'essor des activités. Outre les artisanats nombreux à qui elle fournit matière première et énergie, elle alimente des pêcheries. Une rupture de pente, en ville, en accélère le cours, ce qui favorise l'installation de moulins et oblige les ‘navieurs’ à décharger leurs cargaisons ou à les transborder. En amont, elle assure la liaison avec l'Artois; en aval, elle fait de Lille un des points de départ et d'arrivée de la batellerie scaldienne. De belles études ont mis en lumière ces multiples sollicitations de l'hydrographie.Ga naar eindnoot(4) Elles oublient souvent que les villes ne suivent pas l'eau de façon mécanique. Replacée dans un contexte géographique plus ample, la Deûle fait figure de rivière modeste, au tracé incertain, au débit faible faute d'une déclivité suffisante. Utile, elle est aussi une lourde charge. Au cours du XVe siècle, les Lillois poursuivent leurs efforts pour lutter contre les effets de l'alluvionnement et assurer la navigabilité. En ville, de nombreux ruisseaux charrient une eau bourbeuse. Leurs tracés, en ‘baïonnette’, joints à la multiplication des | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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Survivance de l'architecture médiévale: une maison de bois de la rue de Fives (BML-Carton Lefebvre 13 pièce 37).
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Le franchissement d'une rivière. Miniature du Maître de Wavrin (BML).
bras-morts, la présence de latrines en surplomb, le rejet des déchets artisanaux font de Lille une cité largement polluée. Une telle situation force la municipalité à agir en multipliant en vain les interdits et à organiser ici et là des nettoyages collectifs lorsque l'atmosphère devient trop pestilentielle. Cela n'empêche d'ailleurs nullement les habitants de fréquenter les ‘baigneries’ pour ‘y folyer de leurs cors avec des filles de mauvaise vie...’. Parallèlement, les fontaines et les ‘buisses’, les conduites de bois qui en assurent la desserte, sont traitées avec un soin particulier, car Lille manque d'eau potable. Quant aux Ducs, à maintes reprises ils se plaignent auprès de l'échevinage de la puanteur qui envahit, lors des fortes chaleurs, cette ‘Venise du Nord’.Ga naar eindnoot(5) Le paysage s'en ressent. Y circuler est souvent pénible. Les chaussées, encombrées d'immondices, sont difficilement praticables lorsqu'il pleut. Seuls les axes principaux paraissent avoir été précocement pavés de carreaux de grès. Le reste est constitué de routes de terre parfois renforcées de faissines qui leur procurent une solidité toute relative. Leur entretien, sommaire, laisse lui aussi beaucoup à désirer. Il est vrai que cette tâche n'incombe qu'en partie à la mairie. Des maisons religieuses, de | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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simples particuliers, les Ducs, détiennent en ville des rues, des ruelles, des maisons, des portions de places, voire des sections de l'enceinte. Une situation aussi complexe, source d'innombrables conflits de juridiction, entrave l'action d'une municipalité déjà encline à la passivité. Si quelques services collectifs, celui de la collecte des fiens notamment, voient le jour, l'entretien des rues et des canaux est laissé à l'initiative des riverains.Ga naar eindnoot(6) Les édiles se contentent le plus souvent d'encourager celle-ci par la publication de ‘bans’ à la fois incitatifs et répressifs dont la répétition semble prouver l'inefficacité. En revanche, les Lillois dépensent beaucoup pour se protéger. Ils ont le tort de ne pas étaler leurs efforts dans le temps, de pratiquer une gestion ‘saccadée’, commandée par les menaces de guerre. Ajoutons que, gênée financièrement, écrasée de dettes et victime d'une fiscalité d'Etat de plus en plus pesante, la commune ne peut entreprendre de grands travaux d'embellissement ou d'urbanisme. Ici, le luxe n'a guère de place; il faut parer au plus pressé. L'habitat doit s'adapter. Le bois l'emporte chez les particuliers. Les très rares images conservées, ainsi que des survivances architecturales, laissent deviner des demeures en bois, s'épaulant mutuellement avec un ou deux étages en saillie surplombant la rue, façades plaquées de planches, toitures en auvents couvertes de chaume ou de bardeaux. Il en résulte une menace permanente d'incendie que la municipalité essaie de prévenir en organisant le guet, en forçant les citadins à plaquer d'argile les murs, en préconisant l'usage de la tuile. Seuls les édifices religieux, civils et ducaux utilisent la pierre. Le sol, meuble, imprégné d'eau, rend nécessaire la pose de pieux de chênes ou le creusement de tranchées dont le fond, tapissé de planches, supporte les murs. Indispensable mais coûteux, le grès, importé d'Artois, en soubassement, freine la montée du salpêtre. Le calcaire local, gélif, convient surtout au parement. Seul l'usage de la brique, que Philippe le Bon réprouvera parce qu'elle fait ‘meschant ouvraige’, assure à bon prix la solidité des édifices d'envergure.Ga naar eindnoot(7) Il faut décidément rejeter au rang des idées reçues les charmes d'un ‘Lille médiéval résidentiel’ qui aurait attiré la cour des | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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Valois de Bourgogne et, dans son sillage, ‘l'élite de la société féodale de la région’.Ga naar eindnoot(8) A cette ville d'aspect très banal, les princes ont d'ailleurs souvent reproché son inconfort. Le palais Rihour comblera non sans peine et tardivement cette lacune. | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
‘Un grant et honourable peuple?...’.Nous savons peu de choses des gens qui habitaient cet espace.Ga naar eindnoot(9) Le silence des sources oblige à formuler des hypothèses. Lille compterait à l'avènement de la période bourguignonne 22 à 24.000 habitants. Ce total élevé s'explique par un afflux ‘d'étrangers’ venus de Flandre y trouver refuge pendant la décennie 1375-1385. Le départ d'une partie de ces gens, joint à un incendie meurtrier, à l'épidémie de 1400, feraient chuter ces effectifs à 15-16.000 personnes. Ensuite, une lente phase de récupération que prolonge un long marasme porterait ce chiffre à une vingtaine de milliers d'habitants dans les années 1430. En 1438, une fois encore, la chaîne des fléaux produit une rechute grave et le nombre des survivants retombe au niveau de 1.400, qui semble bien constituer le minimum démographique séculaire. Franchi le milieu du XVe siècle, une reprise s'amorce: Lille compterait 24-26.000 habitants à l'avènement de Marie de Bourgogne. La dépression qui affecte alors les Pays-Bas l'effleure à peine. Elle accueille des gens que la guerre chasse et cet apport fortifie sa position. Il amorce aussi le mouvement d'expansion de la ‘Renaissance’, dont les premiers dénombrements se feront l'écho. Les conjectures, auxquelles nous en sommes réduits,Ga naar eindnoot(10) font de Lille probablement la plus grande ville francophone du Comté de Flandre, en tout cas la hissent au rang des grandes métropoles des Pays-Bas, après Gand et Bruges. Elles aident aussi à discerner les tendances d'une évolution démographique. Les déplacements de population peuvent expliquer en partie une telle vitalité. Les sources dépeignent en effet une cité en voie de désertion lorsque famines et épidémies la surprennent. Inversement, les réfugiés, victimes de la guerre, y affluent et beaucoup, par la suite, s'y installent. L'observation du comportement d'un échantillon particulier de citadins, mieux connus | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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La Place centrale et la halle échevinale de Lille (BML).
parce que privilégiés, confirme et précise ces impressions. Il s'agit des bourgeois, membres d'une caste au sein de laquelle on pénètre par achat ou par naissance. A Lille les conditions d'accès sont particulièrement sélectives. Les nouveaux venus sont connus; une étude sérielle est possible. Elle confirme, en premier lieu, les grands flux de population déjà esquissés. L'évolution des effectifs de la bourgeoisie lilloise amplifie même ces tendances globales puisque de l'avènement de Philippe le Hardi au centre de la période la communauté diminuerait presque de moitié pour tripler ensuite. Elle prouve aussi que la contraction du groupe accompagne un glissement important de ses membres vers l'extérieur; le bourgeois lillois de plus en plus émigre vers le plat-pays ou vers d'autres villes. Un phénomène inverse et compensatoire comble les vides laissés par ces transferts. Cette greffe, consolidée par la qualité de chefs de famille exigée des nouveaux membres, assure la survie de la communauté et explique son ascension finale. Elle compte au moins 1.000 familles en 1477-82, soit quarante pour cent de plus qu'à l'avènement de Philippe le Hardi, les trois quarts résidant en ville. | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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Particulièrement instructive est l'étude de l'origine géographique de ces nouveaux bourgeois. Elle permet de tracer les aires d'influence de la cité. Une première zone d'attraction englobe la banlieue proche, les bourgades voisines, franchit les limites de la châtellenie pour atteindre la ceinture des villes périphériques. Passé les limites de cette couronne, d'une trentaine de kilomètres de rayon, le périmètre de recrutement s'étend, se déforme, perd son aspect annulaire.Ga naar eindnoot(11) L'est l'emporte, plaçant le Hainaut au premier rang des terres d'émigration. Les contrées du sud, Artois, Picardie, suivent. Du nord et du nordest, au contraire, vient peu de monde; enfin l'ouest avec Bergues, Nieuport et Mardyck occupe une place marginale. L'ampleur des courants hennuyers et méridionaux est accrue par ceux qui arrivent des pays de ‘par-delà’ et évidemment de Paris. Au total, Lille exerce une forte attraction sur ses voisines, recrute ensuite dans un horizon géographique en forme d'éventail balayant de façon prioritaire l'est et le sud. Ces courants migratoires posent en premier lieu la question des relations ville-campagne. Un véritable ‘chassé-croisé’ soude Lille à son plat-pays. Les bourgeois enrichis investissent volontiers leurs capitaux dans la terre, achètent des seigneuries, s'efforcent d'y vivre ‘noblement’. Ce processus de ‘colonisation’, déjà entamé, paraît bien aller en s'amplifiant au cours du XVe siècle. Heureusement, la ‘trahison’ des notables délaissant le monde citadin dont ils sont issus pour s'approprier la campagne est compensée par un mécanisme inverse. Lille est plantée au coeur d'un ‘monde plein’. Du réservoir humain qui l'environne partent chaque année des ruraux de conditions sociales variées. L'exode des ‘pauvres’, difficile à mesurer, est guidé par la misère, le brigandage ou le passage des gens d'armes. Leurs plaintes sont montées jusqu'à nous grâce aux enquêtes fiscales. En 1449 ils veulent ‘tout abandonner leurs lieux’ pour aller ‘es bonne ville’.Ga naar eindnoot(12) Sans doute iront-ils y mendier et grossir les rangs du prolétariat urbain. Un second courant fait glisser vers la ville les couches supérieures des sociétés villageoises. Il s'agit d'artisans, de commerçants, à qui Lille offre un espoir de promotion, des chances de s'enrichir. Les horizons ouverts par le marché urbain, son équipement | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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‘Plan de la ville de Lille dans les siècles passez-1560’. Copi d'un plan du XVIe siècle, réalisée vraisemblablement au XVIIIe siècle (BML).
bancaireGa naar eindnoot(13) et commercial, n'ont aucun équivalent dans les bourgades proches. Il continue aussi à monopoliser certaines activités. La présence d'une infrastructure routière étoilée, sa rencontre avec une voie d'eau aménagée patiemment par les Lillois..., tout cela joue un rôle attractif décisif, que la présence de la cour, aux moins dans la seconde moitié du principat de Philippe le Bon, renforcera. Pour les immigrants qui franchissent le cercle des villes périphériques, des liens commerciaux, humains, matrimoniaux, voire culturels et linguistiques, ont pu agir. Ne négligeons pas non plus la présence des cours souveraines. Nombreux sont les Lillois qui se rendent à Paris au XIVe siècle parce que le Parlement y siège; ils y résident, y nouent des attaches. Lille au XVe siècle attire à son tour des Bourguignons et des Parisiens dans le sillage des ducs. Deux forces exercent une action décisive. L'une est négative: l'attraction lilloise paraît d'autant plus forte que les autres cités sont victimes du marasme économique et de la guerre. La seconde, incitative, est liée à la présence de la cour qui attire les | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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Un Merchier. Miniature du Maître de Wavrin (BML).
fabrications de luxe.Ga naar eindnoot(14) Les deux peuvent conjuguer leurs effets: sous Louis XI les malheurs que connaît Arras renforcent l'ascendant de Lille.Ga naar eindnoot(15)
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Les lignes qui précèdent n'ont pas pour ambition de proposer des vérités absolues. Elles répondent au souci de mieux situer ces Lillois du Moyen Age dont on sait encore bien peu. Elles prouvent que, s'ils ne pouvaient guère s'enorgueillir d'habiter une ville particulièrement attractive, ils bénéficiaient en revanche d'un avantage numérique, situation qui ne pouvait qu'y attirer les Valois de Bourgogne. | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
‘Un siècle de ribaudailles?...’Il était bon, autrefois, d'attribuer un rôle décisif aux ravages de la guerre de Cent ans. L'historiographie lilloise traditionnelle, obnubilée par les sept sièges subis par la ville, a largement insisté sur les risques auxquels l'exposait une situation frontalière.Ga naar eindnoot(16) Placée aux confins méridionaux des Pays-Bas, elle ralentit la marche d'envahisseurs venus du sud; occupée par les Français, elle devient la citadelle avancée du royaume barrant | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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La guerre. Miniature du Maître de Wavrin.
la route aux conquérants du nord. Le temps oblige cependant à nuancer tout cela et à relativiser les phénomènes géographiques. Un rapide examen des événements marquants montre que, pendant le siècle bourguignon, les Lillois ont plus été alarmés que réellement assaillis. La première alerte est consécutive aux révoltes flamandes et à la reprise des combats par les Anglais qui les forcent à se mettre en état de défense durant l'été 1382. L'échevinage mobilise la milice bourgeoise et renforce le guet. L'arrivée de l'ost royal, sa victoire, écartent toute menace. Si le plat-pays reste meurtri, Lille est indemne. L'année suivante, la progression des Anglais l'effraie; mais leur chevauchée s'arrête sur la Lys. La paix conclue à Tournai apporte vingt-cinq années de calme. Quand éclate la querelle opposant Bourguignons et Armagnacs, les Lillois s'inquiètent. En 1414, une population que l'on devine fort anxieuse se prépare à résister aux soldats qui envahissent l'Artois et assiègent Arras. Peine perdue: des détachements ennemis sont signalés à Seclin mais la cité ducale est épargnée. Plus graves sont les retombées du | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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désastre d'Azincourt.Ga naar eindnoot(17) Des cohortes de soldats incontrôlés et débandés errent dans les parages, bientôt suivis des ‘Engles’. Plusieurs mois durant, l'atmosphère est tendue, jusqu'au traité de Troyes, accueilli avec enthousiasme par les Lillois. Pendant une bonne décennie les champs de bataille se déplacent vers le sud; les opérations ne font qu'égratigner les lisières méridionales des possessions ducales. C'est le redressement français qui relance dans le nord la ‘dynamique des conflits’. Le traité d'Arras est, ici, source de dommages. Depuis Calais, les troupes anglaises viennent ravager le plat-pays. Ensuite, Lille connaît une longue accalmie à peine troublée par les commotions urbaines ‘à répétition’ qui assombrissent la fin du principat de Philippe le Bon. Elle profite de la longue paix tant vantée par Philippe de Commynes. L'intervention royale sous le Téméraire alarmera, une fois encore, les Lillois sans aboutir à cette ‘catastrophe’ que d'aucuns ont voulu voir. Voici restituée, en quelques lignes, la trame des événements. Sans enjoliver le tableau on peut avancer que ‘la guerre’ a, en un siècle, avivé l'inquiétude des Lillois pendant une quinzaine d'années et qu'entre des phases de tension s'intercalent de longues ‘séquences’ d'accalmie. Lille sans être un havre de paix n'a été confrontée à aucun siège. Cette chance qui semble sourire aux Lillois ne peut évidemment s'expliquer par les seuls bienfaits de la politique ducale. On sait que, pratiquant un jeu de bascule souvent ambigu, les Valois de Bourgogne ont essayé de profiter au mieux des conflits pour affermir leur position. Les Pays-Bas n'ont cependant pas été cette ‘terre de promission’ imaginée par le chroniqueur. Les assaillants s'y sont aventurés et les soulèvements y ont été fréquents. Lille offre dans ce contexte de tension pour premier avantage d'être bien défendue. L'enceinte dont elle hérite, reconstruite à la fin du XIIIe siècle, modernisée et consolidée sous Louis de Male, est dissuasive. Longue d'environ 4.500 mètres, flanquée de 35 tours percée de 8 portes fortifiées, elle est couverte à l'est par le château de Courtrai. L'échevinage et les représentants des princes font renforcer ce dispositif. Chaque menace déclenche une activité fébrile sur les murs. On recreuse les fossés et on élimine tout ce qui pourrait être exploité par l'adversaire. Répits et trèves | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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Les remparts de Lille - La porte Saint Pierre. Gravure de Brun-Lavainne.
sont mis à profit pour consolider le système défensif et l'adapter aux progrès des techniques de siège. Au début du XVe siècle débute l'érection de la Noble Tour. Sous le Téméraire les ‘abords méridionaux’, devant les courtines, se couvrent de ‘bollewercqs’ destinés à repousser la ligne de feu d'un adversaire éventuel. Signe des temps, l'ennemi potentiel change. Sous Louis de Male les ‘communiers gantois’ menaçaient la partie nord de la ville; la Flandre était alors en effervescence. Un siècle après, le péril vient du sud. L'effort de construction change de polarité, lui aussi. Mais l'important est ailleurs; il concerne moins la résistance d'un mur que la qualité d'une position.Ga naar eindnoot(18) Au XVe siècle, la géographie des conflits qui longtemps a handicapé Lille et l'a transformée en une ville-bouclier la sert. Située en un point où s'infléchit le cours de la Deûle, elle peut surveiller, à l'ouest, l'interfluve, jusqu'à la dépression marécageuse de la Lys. A l'est, elle domine la plaine de la Marque. Déjà bien abritée par ces remparts naturels, elle a pour deuxième chance d'être bien placée sur l'échiquier géo-politique. Eloignée de Calais, elle se trouve à l'écart des chevauchées anglaises. A bonne distance des | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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turbulentes communes septentrionales, elle échappe aux coups de mains des milices flamandes. Le glacis protecteur des cités méridionales, agrandi en 1435 des villes de la Somme, la met hors de portée des attaques françaises. De fait, suffisamment à l'écart des épicentres des conflits, elle bénéficie d'une paix relative.
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Siècle de ‘bonheur’ ou de malheurs? Epoque de ‘ribaudailles’ ou temps de paix? Ville de ‘plaisir’ ou cité ‘périlleuse’...? Les lignes qui précèdent n'épuisent bien évidemment pas des sujets aussi vastes. Elles ne répondent d'ailleurs même pas à ces questions, parce que leur formulation est devenue aujourd'hui très contestable. Elles veulent simplement présenter quelques résultats d'une recherche en coursGa naar eindnoot(19) qui répudie ces problématiques désuètes dont longtemps l'historiographie lilloise a été encombrée. Eviter le manichéisme, sortir des pièges tendus par une poignée de chroniqueurs, de Froissart à Commynes, à des générations d'historiens, est nécessaire si l'on veut atteindre une vérité qui n'est jamais absolue. | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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Annexe.
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Décennies | Moyennes | Indices | Total Recettes | Importance |
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1390-99 | 58 Lb | 100,0 | 25030 Lb | 0,1% |
1400-09 | 90 Lb | 155,2 | 21361 Lb | 0,4% |
1410-19 | 121 Lb | 208,6 | 24761 Lb | 0,5% |
1420-29 | 126 Lb | 217,2 | 37919 Lb | 0,3% |
1430-39 | 227 Lb | 391,3 | 30828 Lb | 0,7% |
1440-49 | 272 Lb | 468,9 | 38554 Lb | 0,7% |
1450-59 | 680 Lb | 1172,4 | 43411 Lb | 1,5% |
1460-69 | 960 Lb | 1655,1 | 38975 Lb | 2,4% |
1470-79 | 1087 Lb | 1874,1 | 54437 Lb | 1,9% |
Ce que coûte le patrimoine immobilier communal:
Décennies | Moyennes | Indices | Total Charges | Importance |
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1390-99 | 2562 Lb | 100,0 | 24264 Lb | 10,5% |
1400-09 | 1719 Lb | 67,0 | 21286 Lb | 8,0% |
1410-19 | 1627 Lb | 63,6 | 23853 Lb | 6,7% |
1420-29 | 4007 Lb | 156,4 | 37768 Lb | 10,6% |
1430-39 | 1652 Lb | 64,5 | 30469 Lb | 5,4% |
1440-49 | 2934 Lb | 114,5 | 37874 Lb | 7,7% |
1450-59 | 4109 Lb | 160,4 | 39824 Lb | 10,3% |
1460-69 | 2083 Lb | 81,4 | 36662 Lb | 5,6% |
1470-79 | 5461 Lb | 213,1 | 52160 Lb | 10,4% |
(Unité: la livre parisis monnaie de Flandre).
Samenvatting:
Bovenstaand artikel is het resultaat van onderzoek dat wil afrekenen met de misvattingen die de geschiedschrijving van Rijsel vertekenen. Historici steunen hun onderzoek te eenzijdig op de kroniekschrijvers die in hun werk een opvallend vertekend beeld van Rijsel schetsen. Vandaar de noodzaak om andere bronnen aan te boren. Zo werpen vooral administratieve en fiscale documenten een nieuw licht op de middeleeuwse Nederlanden waarvan Rijsel deel uitmaakte.
Het karakter van Rijsel wordt grondig bepaald door ‘het water’. De stad die zich in een lus van de Deûle ontwikkelde, lag in een waterrijk en drassig gebied dat moeilijk te beheersen viel. Het water was Rijsel, als het op haar verdediging aankwam, evenwel een bondgenoot. Het zorgde verder voor het op gang komen van allerlei bedrijvigheid en activiteit. Naast de Deûle was er nog het stedelijk waternet met zijn vele slijkerige beken die erg vervuild waren. De overheid moest zelfs als het te erg was, collectieve waterzuiveringsacties organiseren. Van een wegennet moet je niet veel voorstellen.
Financieel gehinderd door een drukkende rijksfiscaliteit, kon de stad zich geen urbanisatieprojecten permitteren. Wat de bewoning betreft, is de opvatting achterhaald dat Rijsel een residentiestad was met grote aantrekkingskracht op het Bourgondische hof en de feodale elite. Over de bevolking tijdens de Bourgondische periode moeten bij gebrek aan preciese gegevens hypothesen worden gehanteerd. Rijsel was vermoedelijk de grootste Franstalige stad van het Vlaamse Graafschap en na Brugge en Gent een van de grote agglomeraties in de Nederlanden. Bij het begin van de periode telde Rijsel 22 à 24.000 inwoners en naar het einde van de vijftiende eeuw toe 24 à 26.000. In de loop van de periode daalde het inwonertal drastisch door hongersnoden, epidemieën en stadsbranden en het steeg snel wanneer vluchtelingen en oorlogsslachtoffers te Rijsel hun toevlucht zochten. Rijsel oefende op zijn onmiddellijke omgeving grote aantrekkingskracht uit, maar de immigranten kwamen ook van verder afgelegen gebieden, vooral uit het oosten, met name uit Henegouwen, en ook wel uit het zuidelijk gelegen Artesië en Picardië. In de traditionele geschiedschrijving lees je wel eens dat Rijsel door zijn geografische ligging veel te lijden heeft gehad van militaire conflicten. Rijsel moest, liggend op de grens van de Zuidelijke Nederlanden, nu eens de opmars van troepen uit het zuiden tot staan brengen, dan weer, toen ze door Franse troepen was bezet, als vesting fungeren om de invallen uit het noorden af te slaan. Met vele concrete voorbeelden wordt die zienswijze, zeker voor de Bourgondische periode, genuanceerd. Zonder een geflatteerd beeld te geven mag men zeggen dat de oorlog Rijsel tijdens die periode hoop en al 15 jaar verontrustte en dat periodes van spanning afwisselden met lange periodes van windstilte. Was Rijsel geen oord van vrede, het was ook nooit een slagveld. Rijsel stond trouwens toen in een veilige positie op het geo-politieke schaakbord. Het epicentrum van de conflicten die toen woedde, lag in Kales (Calais) of in de noordelijke Vlaamse steden.
(Samenvatting door Werner Duthoy)
- eindnoot(1)
- Cet article résume quelques-uns des propos développés dans notre thèse de doctorat de IIIe cycle, soutenue en juin 1980 devant d'Université de Lille III. Une version résumée et allégée de ce travail a été publiée sous le titre Finances et politique à Lille pendant la période bourguignonne, aux éditions des Beffrois, Dunkerque, 1982, 285 p..
- eindnoot(2)
- Notre information provient de plusieurs séries déposées aux archives municipales et départementales de Lille: comptabilités urbaines et domaniales, recueils des décisions scabinales, registres des bans et lois municipales, livres de bourgeoisie...
- eindnoot(3)
- Istores et chroniques de Flandres, p. 345.
- eindnoot(4)
- (g.) sivery: Histoire de Lille, p. 153. (r.) dion: La géographie de la circulation dans la partie centrale de la région du Nord, Lille, 1940.
- eindnoot(5)
- Cf. (a.) croquez: Histoire de Lille, p. 270.
- eindnoot(6)
- (l.) lefebvre: Particularités des rues du vieux Lille, Bull. Com. Hist. du Dép. du Nord, 1911, pp. 367-455.
- eindnoot(7)
- (m.) bruchet: Notice sur la construction du Palais Rihour de Lille, P.J. 4 & 5.
- eindnoot(8)
- (a.) benoit: Quelques hôtels particuliers à Lille au temps de Philippe le Bon, Bull. Com. Hist. du Nord, 1959, pp. 129-136.
- eindnoot(9)
- Selon les auteurs, leur nombre oscible entre 5.000 et 30.000, fourchette considérable propice à toutes les fantaisies. Récemment, le chiffre de 40.000 habitants a même été proposé pour le XIIe siècle!
- eindnoot(10)
- Ces estimations sont tirées de chiffres de consommations et d'archives fiscales. Cela donne les limites de leur scientificité. En cette ‘période de préstatistique’, selon l'expression de M. le professeur G. Fourquin, il faut renoncer définitivement ou proposer quelques ordres de grandeur simplement probables.
- eindnoot(11)
- Cf. (p.) desportes: Reims et les Rémois aux XIII et XIVe siècle, Paris, 1979. Du même auteur: Réceptions et inscriptions à la bourgeoisie de Lille aux XIVe et XVe siècles, Revue du Nord, t. 62, pp. 541-571.
- eindnoot(12)
- (m.) braure: Etude économique sur les châtellenies de Lille, Douai, Orchies, d'après les enquêtes fiscales des XVe et XIVe siècles, Lille, 1928.
- eindnoot(13)
- Même phénomène à Hondschoote selon les travaux d'E. Coornaert.
- eindnoot(14)
- (r.) marquant: La vie économique à Lille sous Philippe le Bon, Paris, 1940, et (d.) clauzel: L'économie lilloise d'après les comptes communaux, esquisse d'histoire quantitative, op. cit., 203 sq..
- eindnoot(15)
- (m.) vanhaeck: Histoire de la Sayetterie à Lille, Lille, 1910, 2 vol..
- eindnoot(16)
- brun lavainne: Les sept sièges de Lille, Lille, 1838.
- eindnoot(17)
- Cf. (s.) calonne et (d.) clauzel: Conjoncture et société à Lille pendant la période bourguignonne, Revue du Nord, 1974, pp. 365-384. Et (f.) lecuppe: Les grands fléaux au XVe siècle en Flandre, Artois, Hainaut, Cambrésis, Lille, D E S, 1954.
- eindnoot(18)
- (p.) thomas: Lille au XIVe siècle, Bull. Soc. Géo. Lille, 1925, pp. 208-221.
- eindnoot(19)
- Notre thèse de Doctorat d'Etat sur Lille et ses campagnes de la fin du XIIIe siècle au début du XVIe siècle sous la direction de M. le Professeur G. Fourquin.