De Franse Nederlanden / Les Pays-Bas Français. Jaargang 1986
(1986)– [tijdschrift] Franse Nederlanden, De / Les Pays-Bas Français–
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La place de Villeneuve d'Ascq dans l'agglomération lilloise et la région du Nord
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I. De nouveaux atouts pour la région du Nord1. Une place importante dans la conurbation lilloiseAvec 70 000 habitants (contre 100 000 à Roubaix ou Tourcoing) Villeneuve d'Asq est la quatrième commune de l'agglomération lilloise et la cinquième du département du Nord. | |
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Villeneuve d'Ascq: une image séduisante.
C'est aussi la plus étendue de toutes celles de la Communauté Urbaine de Lille, qui inclut l'ensemble des communes de l'agglomération. Ses services administratifs, ses entreprises diverses installées sur 167 hectares de zones d'activité, ses 115 000 m2 de bureaux, sa vingtaine de milliers d'emplois qui font travailler plus d'un Villeneuvois sur quatre et attirent chaque jour nombre d'actifs de l'extérieur devraient suffire à la faire mieux connaître en France et au-delà de nos frontières. Mais le rayonnement d'une ville n'est pas seulement affaire de données chiffrées, car à ce titre plus d'une urbanisation minière ou industrielle pourrait revendiquer une plus grande notoriété. Il faut encore des équipements de qualité qui en fassent un pôle d'attraction. C'est le cas de Villeneuve d'Ascq. | |
2. Un nouveau pôle intellectuel et économiqueOutre les Universités régionales de Sciences, de Lettres et de Droit que fréquentent près de trente mille étudiants, la ville nouvelle accueille sur son territoire des Instituts universitaires, des Ecoles supérieures, une Unité pédagogique d'Architecture, un lycée et des équipements culturels de premier ordre comme | |
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‘La Rose des Vents’, remarquable salle de spectacle polyvalente, et le Musée d'Art Moderne qui a hérité d'une des plus belles collections de tableaux de France, la donation Masurel. La jeunesse de la population nouvelle et son haut niveau d'instruction expliquent largement le succès que connaissent la plupart des activités culturelles de la ville. 85% des nouveaux Villeneuvois ont moins de quarante ans, les 25-35 ans représentent un habitant sur quatre. Nombreux sont les membres des professions libérales, les cadres supérieurs (17%) ou moyens (25%) et parmi eux, les enseignants. La qualification professionnelle des arrivants est très nettement supérieure à celle du reste des actifs de la région du Nord: plus de la moitié a le baccalauréat. Ce dynamisme démographique s'accompagne d'un dynamisme économique. Avec ses nombreux établissements d'enseignement, ses centres de recherche et ses entreprises modernes, la ville nouvelle offre un nombre élevé d'emplois de qualité. Néanmoins, malgré l'intérêt initial de l'Etat, bien des établissements de recherche ou d'industrie de pointe sur lesquelles la région comptait pour relancer son économie et redorer son image, ont préféré des sites plus agréables en France, même si celui de Villeneuve d'Ascq ne manque pas d'attraits. | |
3. Une image du Nord moins griseVilleneuve d'Ascq contribue à corriger le cliché trop souvent répandu d'une région sous-équipée, accrochée à des industries périmées, et n'offrant qu'un cadre de vie médiocre. Comme l'écrit le géographe Philippe Pinchemel, ‘...la ville nouvelle apporte non seulement à la métropole lilloise, mais également à la région du Nord, un signe, un symbole, un exemple d'innovation et de modernité dont elles ne peuvent que bénéficier’Ga naar eindnoot(1). Pour mesurer sa contribution au rayonnement de l'agglomération lilloise, il suffit d'énumérer quelques unes de ses plus prestigieuses réalisations: son métro entièrement automatique, son stade, l'un des plus beaux de France, un vaste centre commercial, le plus grand réseau français de télédistribution et le Musée d'Art Moderne déjà cité. La plupart des équipements trouvent place dans un cadre de | |
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Les ‘Maisons Hollandaises’.
qualité. L'habitat est confortable et l'architecture répond assez bien aux goûts des gens du Nord comme en témoignent l'emploi de la brique et quelques concessions aux traditions flamandes. Des espaces verts, un parc boisé, un golf et une chaîne de lacs artificiels qui s'inscrivent au coeur des quartiers et finissent par se confondre avec la campagne, soulignent l'attention portée à l'environnement par les concepteurs de la ville. Nouveau pôle à l'intérieur d'une conurbation dont elle renforce la puissance grâce à ses atouts, Villeneuve d'Ascq apparaît de toute évidence comme un espace exceptionnel où se trouvent rassemblés la plupart des éléments dont la région a besoin pour exploiter ses potentialités économiques. | |
II Un rôle néanmoins contesté1. Emergence d'une puissance politique nouvellePourtant, à l'intérieur de l'agglomération, la ville nouvelle, loin de voir reconnu son rôle d'entraînement, a suscité l'hostilité des pôles traditionnels, jaloux de ses privilèges et inquiets de sa concurrence, tant politique qu'économique. | |
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Ces rivalités d'intérêt se sont manifestées à partir de 1970 quand s'est constituée une nouvelle municipalité à la suite de la fusion - fait rarissime en France - des trois communes les plus impliquées dans le projet de ville nouvelle. Isolée, chacune de ces petites communes avait à redouter le pouvoir de l'Etat et des municipalités influentes de l'agglomération. La nouvelle mairie au contraire, par souci d'indépendance d'abord, pour préserver ses droits ensuite, a revendiqué une autonomie toujours plus grande, non seulement face à l'Etat, mais à l'encontre de la Communauté Urbaine de Lille et des autres communes limitrophes. Villeneuve d'Ascq fait figure d'exception parmi les villes nouvelles françaises qui s'appuient sur un grand nombre de communes faibles et diviséesGa naar eindnoot(2). | |
2. Une ville nouvelle néfaste aux intérêts de Roubaix et Tourcoing?Bâtir une ville moderne à proximité de Roubaix et Tourcoing, deux vieilles cités industrielles aux prises avec d'importants problèmes de reconversion et de rénovation, était de nature à provoquer de vives tensions. Selon ces deux villes, l'aménagement de Villeneuve d'Ascq leur aurait pris emplois, commerces et équipements tout en retardant le résorption de leur habitat insalubre. En réalité, il ne s'agissait ni des même crédits ni des mêmes procédures. L'émergence de la ville nouvelle semble plutôt avoir stimulé par réaction le processus de rénovation de Roubaix. | |
3. Une concurrente pour LillePlus justifiées sont les raisons pour lesquelles Lille a pris ombrage de la création de la ville nouvelle. Le départ de ses Universités fut ressenti de toute évidence comme une cruelle amputation. Elle a trouvé en elle une concurrente politique - ce qui explique ses propositions réitérées de fusion -, économique et culturelle. Lille a vu aussi décroître sa population au profit de sa voisine capable d'offrir un cadre de vie agréable et des logements sociaux d'assez bonne qualité: de toutes les villescentres françaises à l'exclusion de Paris, Lille est celle qui a perdu le plus d'habitants entre 1975 et 1982 (plus d'un dixième!). | |
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![]() Des espaces verts soignés. L'un des lacs artificiels.
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III Un rayonnement modeste1. Des ambitions limitéesLe climat de méfiance et de jalousie dans lequel s'est développée la ville nouvelle n'a pas été favorable à son expansion. Il en est même résulté sinon une inhibition, du moins une réticence à aller de l'avant. Des projets ont été retardés, d'autres réduits à la faveur de la crise économique et, finalement, l'achèvement de la ville nouvelle a été précipité. Aussi, en dépit de son dynamisme et de ses atouts, Villeneuve d'Ascq n'a-t-elle encore qu'un faible rayonnement. Il est vrai que ses objectifs d'urbanisation s'étaient voulus modestes. Si la construction de 17 200 logements en quinze ans représentait un projet de taille, il n'avait rien de comparable cependant avec celui des autres villes françaises, notamment parisiennes, dont certaines prévoyaient une population de 400 000 à 500 000 habitants pour l'an 2 000. | |
2. Une attraction seulement localeEn dépit d'une localisation exceptionnelle à quelques kilomè- | |
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tres de la frontière belge, à proximité des puissances économiques de l'Europe du Nord-Ouest, Villeneuve d'Ascq, qui profite du plus grand échangeur autoroutier de France, n'a pas su séduire les entreprises d'envergure nationale ou internationale. A quelques exceptions près, celles-ci n'y ont installé que des antennes locales, simple tertiaire de distribution trop souvent. La ville nouvelle a surtout favorisé le desserrement d'entreprises métropolitaines en expansion, d'administrations en mal d'espace et d'équipements lourds. Ses emplois résultent davantage de transferts que de véritables créations. Jusqu'à présent, la ville nouvelle ne semble pas avoir eu d'effet d'entraînement notable sur l'activité régionale elle-même. Son rayonnement ne s'exerce guère au-delà des limites de la Communauté Urbaine. Seuls ses Universités, son complexe sportif ou son Centre commercial attirent une clientèle éloignée. En fait, malgré son poids démographique et son degré d'équipement, la ville nouvelle continue à être perçue comme une simple extension ordonnée de Lille dont elle est manifestement complémentaire. Villeneuve d'Ascq risque de souffrir longtemps encore de la prépondérance de sa puissante voisine. | |
IV Villeneuve d'Ascq: une identité mal reconnueIl est indéniable que la ville nouvelle reste dans la mouvance de la capitale des Flandres qui conserve une incontestable primauté pour les emplois, les loisirs et les commerces de luxe. De cette relative dépendance résulte une certaine difficulté à identifier Villeneuve d'Ascq. Entité politique propre, elle paraît manquer pourtant d'unité et d'autonomie. Son nom même lui semble parfois contesté au profit de Lille-Est. Les cartes, même récentes, l'ignorent encore souvent. | |
1. Une autonomie toute partielleOn aurait pu croire qu'avec la disparition de toutes les procédures destinées à aménager la ville nouvelle, son accession à une entière responsabilité financière, la reconnaissance de sa réalité administrative et la fin de tout contrôle étatique, Villeneuve d'Ascq aurait trouvé une pleine indépendance. Il n'en a pas été ainsi. Son autonomie politique n'est pas complète dans | |
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Le centre-ville en construction: une concurrence pour Lille?
la mesure où elle n'a pas une souveraineté totale sur l'ensemble de son territoire. Les terrains acquis par l'Etat pour les besoins de la ville nouvelle et restés inoccupés du fait de la réduction des programmes ont en effet été revendus à la Communauté Urbaine de Lille qui en dispose à sa guise. En 1984, par exemple, elle a tenté de faire pression sur l'entreprise d'informatique Bull désireuse de s'installer sur l'un de ses terrains pour l'inciter à faire un choix plus favorable aux intérêts des communes modérées, Roubaix et Tourcoing notamment, hostiles à la municipalité socialiste de Villeneuve d'Ascq. | |
2. Un manque d'unitéL'identification de la commune de Villeneuve d'Ascq se heurte aussi, sur le terrain, à des difficultés d'un autre ordre: il n'est facile ni d'en cerner les limites ni d'en conserver une image claire. C'est qu'il s'agit d'une ville étendue, aux frontières incertaines, avec deux aspects très différents, ‘urbain’ à l'Ouest, agricole à l'Est et au Sud. Son tissu est en outre divisé en quartiers nettement différenciés, partagé entre un centre-ville et plusieurs centres | |
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Le château flamand de Flers (xviième - xviiième siècles), objet d'une contestation spontanée.
de quartier, coupé en deux par une autoroute, hâché par de nombreuses voies rapides, sectionné par un réseau de voirie d'une complexité déconcertante et qui s'ajoute aux ‘no man's lands’, terres de culture, friches, réserves foncières ou parkings, pour désorganiser l'espace. Le mélange de bâtis de plusieurs générations, juxtaposés sans composition d'ensemble, dans une trame très lâche, de faible densité, achève de destructurer l'ensemble. Il en résulte d'évidents problèmes de délimitation et d'‘imagibilité’: où commence la ville nouvelle, où s'arrête-t-elle? | |
3. Une certaine conscience régionaleIl n'y a donc pas lieu de s'étonner si l'on n'observe pas de sentiment de communauté parmi la population villeneuvoise, issue d'horizons très divers et installée dans un milieu urbain mal articulé. Les solidarités se nouent davantage dans le cadre du lotissement ou du quartier. La ville nouvelle a en revanche joué un rôle dans le développement d'une certaine conscience régionale, à la faveur de luttes menées par la population contre la | |
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municipalité ou, avec elle, contre un tiers, soit pour promouvoir une architecture mieux adaptée aux traditions des Flandres, soit pour défendre des monuments d'intérêt historique, tel le Château flamand du xviiième. Ce n'est pas un hasard si Villeneuve d'Ascq a été choisie pour la reconstruction d'un moulin à vent menacé sur son site d'origine à Offekerque.
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La ville nouvelle de Villeneuve d'Ascq occupe désormais une place importante au sein d'une métropole de plus d'un million d'habitants. Mais elle n'a pas réussi à devenir le pôle d'innovation souhaité lors de sa création. Son rayonnement reste modeste, son aire d'attraction limitée à un horizon purement local. Née à l'ombre de Lille, elle doit constamment défendre son autonomie. Malgré ses lacunes et ses faiblesses, la ville nouvelle devrait être le symbole d'un renouveau, un modèle de modernité pour une région du Nord en déclin. Des emplois de choix et un cadre de vie agréable pourraient enrayer le mouvement d'exode qui frappe ‘les Pays-Bas français’. Encore faudrait-il que l'importance de l'enjeu soit mieux comprise et que s'éteignent les rivalités partisanes. | |
Samenvatting:Op het einde van de jaren zestig besliste de Franse overheid een negental nieuwe steden te bouwen. Villeneuve d'Ascq, op vijf kilometer ten oosten van Rijsel, is een van deze nieuwe steden. Zij moest het overwicht van de ‘métropole d'équilibre’ van Noord-Frankrijk versterken en een belangrijke pool van vernieuwing worden. Hoewel weinig bekend buiten de streek, is deze stad, met haar 70.000 inwoners en haar economische activiteiten, toch reeds een belangrijk deel van de Rijselse agglomeratie. Haar universiteiten, theater, en museum maken van deze stad een intellectueel en cultureel centrum waar de vooral jonge en | |
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hooggeschoolde bevolking goed aan haar trekken komt. De groene ruimtes in Villeneuve d'Ascq, de moderne uitrusting en de goede huisvesting doorbreken het traditionele grijze beeld van Noord-Frankrijk. Maar deze dynamische rol stuitte op nogal wat terughoudendheid bij de oude industriesteden zoals Robeke en Torkonje. Deze hadden gehoopt dat een deel van de kredieten die aan de nieuwe stad werden toegekend, gebruikt zouden worden om ongezonde woningen in hun centra te laten verdwijnen en voor de reconversie van hun economische structuur. Ook Rijsel zag in Villeneuve d'Ascq een politiek, economische en demografische concurrent.
Deze onrust is niet echt gerechtvaardigd, want de uitstraling van Villeneuve d'Ascq is nog vrij klein en haar ambities werden stelselmatig beknot. Haar economische rol is praktisch beperkt tot de locale economische activiteiten, zonder nieuwe bedrijven of bewoners uit andere streken aan te trekken.
De nieuwe stad blijft ook afhankelijk van Rijsel, dat zonder twijfel het voornaamste centrum blijft van de metropool. Villeneuve d'Ascq is trouwens onderworpen aan de voogdij van de Communauté Urbaine van Rijsel, die eigenaar is van de nog niet gebruikte terreinen die ter beschikking gesteld waren van de nieuwe stad.
Dit gebrek aan autonomie, samen met een gebrek aan eenheid en samenhang in de ruimtelijke ordening, het ontbreken van een gemeenschapsgevoel, verklaart dat de eigenheid van Villeneuve d'Ascq moeilijk te omvatten is. Ondanks zijn tekorten en zijn zwakheden zou deze stad een symbool kunnen worden van vernieuwing waar het hele Noorden zou baat bij vinden.
(Uit het Frans vertaald door Dirk van Assche) |
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