De Franse Nederlanden / Les Pays-Bas Français. Jaargang 1986
(1986)– [tijdschrift] Franse Nederlanden, De / Les Pays-Bas Français–
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La pratique de l'antisémitisme par les journalistes de ‘La Croix du Nord’, pendant l'affaire Dreyfus
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![]() L'abbé Henri Masquelier ou Cyr: il utilise les slogans. (L'Album-souvenir des fêtes jubilaires de la Croix du Nord, 1889-1914).
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I. Des journalistes catholiques et antisémites:Les plus actifs des journalistes de La Croix du Nord étaient des prêtres. Encore vicaire, Henri Masquelier quitta une paroisse de Douai pour se lancer dans l'aventure journalistique en 1889 et fonder une nouvelle Croix provinciale. Celleci connut des débuts difficiles mais l'énergie du fondateur lui permit de prendre de l'importance. Dix ans après son apparition dans la presse nordiste, La Croix du Nord était un quotidien dont le tirage (25.000) témoignait d'une audience sûre. Henri Masquelier était avant tout un homme d'action, taillé pour la lutte; il était aussi un journaliste apprécié: ‘il y avait en lui du Veuillot’ écrivait-on à sa mortGa naar eindnoot(2). Il s'attristait surtout de la déchristianisation des couches populaires de la société aussi concevait-il son journalisme comme une nouvelle forme d'apostolat. L'amélioration sociale, en cette fin de xixe siècle, exigeait de répandre la bonne parole par la ‘bonne presse’Ga naar eindnoot(3) et de ‘rechercher la clientèle des usines en faisant appel au dévouement des bons ouvriers’Ga naar eindnoot(4). Enfin, cette amélioration | |
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sociale tant souhaitée, devait permettre une politique plus favorable au catholicisme et c'est tout naturellement que son activité journalistique le conduisit au combat politique. En 1898-99, son ralliement au principe républicain était sincère mais il désirait vivement l'instauration d'une république plus soucieuse des choses religieuses, plus cléricale en quelque sorte. Ses sympathies allaient très spontanément aux nationalistes de droite et il soutenait fermement le paternalisme des patrons catholiques du NordGa naar eindnoot(5). En 1898-99, ses proches collaborateurs appartenaient au cercle d'amis sûrs et anciens: les vicaires de sa paroisse à Douai ainsi que son curé, Mgr. Jaspar qui signait Le ParrainGa naar eindnoot(6) et enfin l'abbé Moché qui utilisait le pseudonyme L'Escuyer. Ces deux derniers prêtres, avec l'abbé Masquelier qui écrivait sous les surnoms de Cyr ou Dem, rédigèrent la majorité des éditoriaux antisémites qui s'étalaient en première page. Edmond Jaspar était déjà âgé de soixante ans, en 1899; d'abord enseignant, il dut se retirer dans une paroisse de Cambrai puis à Douai à cause d'une santé fragile qui ne l'empêchait nullement de lutter vaillamment contre la laïcisation des écoles. Par la suite, il obtint le titre de Prélat de Sa Sainteté. L'abbé Moché, outre son travail journalistique, militait dans le parti clérical. Occasionnellement, quelques prêtres collaboraient à La Croix du Nord, notamment des professeurs de l'Université catholique de Lille. Jules Didiot occupait la chaire de morale à la Faculté de Théologie dont il était le doyen. Il édifia les futurs prêtres et les bons catholiques en les prévenant de l'antichristianisme du Talmud. Le P. de Pascal, dominicain sécularisé, était l'auteur d'un livre préfacé par Drumont: La Juiverie; lui-même démontrait, avec conviction, que socialistes et juifs ne formaient qu'un seul et même ennemi de l'Eglise. Ces conférences se donnaient à l'Université catholique en début d'année universitaire, en 1897 et 1898, et La Croix du Nord élargissait l'audience de ces cours à ses lecteurs, en les résumant régulièrement. Enfin les amis du quotidien catholique, pour beaucoup membres de la petite et grande bourgeoisie, militaient bien volontiers dans les rangs des antisémitesGa naar eindnoot(7). Quelques-uns répondaient | |
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Mgr. Jaspar ou Le Parrain: il élabore une démonstration. (L'Album-souvenir des fêtes jubilaires de la Croix du Nord, 1889-1914).
à l'appel de La Libre Parole pour la veuve Henry, d'autres participaient à l'essor de l'Action FrançaiseGa naar eindnoot(8). Les étudiants de l'Université catholique se montraient souvent aux premières lignes des manifestations antisémites. Si les prêtres journalistes limitaient leurs activités antisémites à la rédaction d'un éditorial ou d'un article, leurs amis ou leurs lecteurs ne s'en tenaient pas à des discours. Ils enseignaient la haine du juif, ils entretenaient de leurs deniers les oeuvres antisémites, ils manifestaient dans la rue pour obtenir l'exclusion des juifs. Les écarts de langage dans ces manifestations étaient autant de slogans lancés par La Croix du Nord. | |
II. Comment manifestaient-ils leur antisémitisme?Le fondateur, Henri Masquelier se réservait très souvent la rédaction de l'éditorial, il écrivait surtout si l'heure était grave. Ses deux principaux collaborateurs, Le Parrain ou L'Escuyer, produisaient moins (cf. annexe p.). Quelques articles portaient les signatures obscures de K d'Oche, Stéphane, Le Français ou Le Lorrain; d'ailleurs ces différents pseudonymes | |
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LES EDITORIAUX ANTISEMITES DE LA CROIX DU NORD EN 1898-1899.
Répartition des éditoriaux selon les sujets et selon les auteurs. | |
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pouvaient cacher un seul et même journaliste ou l'un des trois éditorialistes. Henri Masquelier, Edouard Moché et les autres auteurs se livraient rarement à l'invective contre les juifs en tant que tels; ils leur reprochaient plutôt d'être les alliés, sinon les maîtres, des ennemis du catholicisme. Ils étalaient leur répulsion du juif à l'occasion d'un écrit antisocialiste ou antidreyfusard ou antiprotestant, ce qui revenait au même. Par contre, deux autres journalistes se spécialisèrent: la signature de K d'Oche se lisait au bas des articles antimaçonniques, Le Parrain traitait volontiers de la question juive. Ce dernier livra à ses lecteurs des séries d'articles qui constituaient de véritables études: en février-mars 1897, il informa ses lecteurs des infamies du Talmud; un an plus tard, il dévoila le dangereux programme des rabbins; la semaine sainte 1898 fut l'occasion de dénoncer le déicide; d'octobre à décembre 1899, il s'indigna de l'horreur du meurtre rituel et condamna très sévèrement le judaïsme. Ainsi donc, ces journalistes manifestaient différemment leur aversion du juif. Les abbés Masquelier et Moché n'exprimaient pas nettement leurs sentiments antisémites; ils n'élaboraient pas de doctrine à force d'arguments précis et de démonstrations brillantes. En fait, leur antisémitisme sommeillait en eux et se réveillait à la moindre occasion fournie par le contexte politique et ils énonçaient leur répulsion du juif dans des slogans. Il n'en était pas de même avec Mgr. Jaspar qui faisait figure d'érudit antisémite si l'érudition peut être antisémite! Par ses études pseudo-savantes, il éblouissait le lecteur non averti qui ne demandait qu'à être conforté dans ses impressions reçues à la lecture des slogans. Sa science s'exhibait dans sa prétention à connaître les livres antisémites et les rites de la religion haïe. Il agissait donc en spécialiste de la question juive à qui la rédaction confiait le soin d'instruire le catholique moyen. La différence entre les deux genres n'empêche pas la complémentarité. L'antisémitisme de La Croix du Nord se diffusait selon deux méthodes: la première n'était qu'agitation verbale conduite par l'agitation de la rue; la seconde était un enseignement à méditer quand l'effervescence populaire tombait. La première utilisait les leitmotive et faisait appel à la passion; la | |
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seconde utilisait les démonstrations et faisait appel à la raison. Les journalistes se spécialisèrent dans chacune des deux méthodes, partageant néanmoins le même but. | |
III. Crédibilité des procédés:En réalité, les raisonnements de Mgr. Jaspar n'étaient que déraison. La critique de ses sources rend peu crédibles ses arguments. En effet, ses sources juives souffraient d'indigence: il ne s'en tint qu'à deux philosophes juifs du Moyen-Age, Maïmonide et AlboGa naar eindnoot(9). Il ne les avait pas lus et faisait confiance à des auteurs antisémites qui les avaient pratiqués avant lui. Ses sources catholiques présentaient plus de sérieux, Mgr. Jaspar connaissait bien l'Ancien et le Nouveau Testament; toutefois son interprétation des versets bibliques servait à consolider son antisémitisme. Ainsi l'Epître aux Hébreux ix, 22, lui permettait de prouver que les Hébreux utilisaient déjà le sang pour la rémission des péchés. Une telle lecture partisane ne tenait pas compte des versets précédents et péchait donc par omissionGa naar eindnoot(10). Effectivement, le texte biblique, dans sa traduction française (Bible de Jérusalem), dit: ‘D'ailleurs selon la Loi, presque tout est purifié par le sang et sans effusion de sang il n'y a point de rémission’. En arrêtant là sa lecture Mgr. Jaspar pouvait aisément suggérer à ses lecteurs que le culte hébraïque exigeait un meurtre, déjà à l'époque du Christ. Et les lecteurs avaient confiance en ce prêtre journaliste, ils ne vérifiaient pas sa citation, et comme celle-ci précédait une énumération de prétendus meurtres rituels, ils pouvaient conclure à la pratique de ce rite sanglant par les juifs, ceux-là même qui se rendirent coupables de déicide. Or une lecture honnête aurait dû remarquer que quelques versets plus haut, le texte biblique parlait de sacrifices d'animaux! Les sources les plus sûres venaient, en fait, des auteurs antisémites abondamment lus par les éditorialistes de La Croix du Nord. Leur choix se portait sur les sommités du genre: Drumont et Röhling. Le premier suscita une grande admiration chez Mgr. Jaspar à cause de ‘son oeuvre de désinfection sociale’Ga naar eindnoot(11), et le second fut d'autant plus suivi par ce même éditorialiste que l'archiviste de la Bibliothèque Vaticane lui | |
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conseilla de s'en tenir ‘aux déclarations d'Auguste Röhling’. Avec ces illustres antisémites, les prêtres de La Croix du Nord utilisaient tous les textes accusateurs sans s'occuper de leur authenticité. De la sorte, ils contribuèrent à la divulgation de faux comme le discours du grand rabbin ReadclifGa naar eindnoot(12), pour ne citer qu'un exemple. Les procédés pour propager cet antisémitisme manquaient d'honorabilité. Certains journalistes ramassaient de grotesques ragots pour servir d'informationGa naar eindnoot(13) ou reproduisaient de fausses nouvellesGa naar eindnoot(14). Les dénonciations personnelles parurent peu dans les colonnes du journal. Certes, les rédacteurs ne résistèrent pas au plaisir malsain de rappeler, sans cesse, l'origine juive du socialiste Welhoff, cible de choix puisqu'il s'occupait de la trésorerie de la mairie de Lille, elle aussi socialiste. Les noms de deux autres personnes furent présentés à la vindicte des lecteurs: le professeur Wahl et le substitut du procureur de Douai. Mais on ne les dénonçait pas seulement parce qu'ils étaient juifs mais plutôt parce qu'ils portaient la responsabilité d'autres ‘méfaits’: le ‘judaillon Wahl’ personnifiait les mauvais penchants de la Ligue des Droits de l'HommeGa naar eindnoot(15) et le second personnage ralentissait le déroulement des affaires juridiquesGa naar eindnoot(16). Quelques dreyfusards nordistes virent leur nom s'imprimer dans le quotidien catholique qui pourtant ne publia aucune liste de notables juifs, ni même de magasins juifs malgré les fréquents appels au boycottageGa naar eindnoot(17). L'antisémitisme de l'abbé Masquelier et de ses collaborateurs ne s'abaissa pas à ce vil procédé de la délation. Pour cela, il paraît moins nocif, pour les personnes mais non pour la religion, que l'antisémitisme d'un Drumont ou d'un autre abbé journaliste: Desportes qui régulièrement sortait des listes de juifs de la ville dans son journal très antisémite Le Lillois, vers 1890. Tous ces procédés faisaient appel à l'empirisme et à la haine plutôt qu'à la raison et à la charité. L'empirisme d'ailleurs, Le Parrain ne se cachait pas d'y recourir pour prouver la réalité du meurtre rituel: l'abondance des assassinats venait ‘asseoir notre thèse, sinon il n'y a plus qu'à biffer de tous les cours de logique, le traité Certitude’ disait-ilGa naar eindnoot(18). La conviction précède la démonstration! | |
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IV. Le bon combat: l'affaire FlamidienMalgré son antisémitisme, l'abbé Masquelier n'était pas un journaliste de bas étage. Incisif et virulent envers ses adversaires, il déploya un grande énergie quand un des siens se trouva dans la situation du capitaine juif. Le frère Flamidien était un Dreyfus placé dans le bon campGa naar eindnoot(19). De février à juillet 1899, l'affaire Flamidien mobilisa toutes les forces catholiques; il est vrai que les assauts des anticléricaux mettaient en danger les amis de La Croix du Nord: excès journalistiques et bagarres de rue les atteignaient souvent. Cyr jugeait sévèrement ces antiflamidiens venus pour la plupart des rangs radicaux et socialistes: ‘des milliers d'énergumènes, de repris de justice et de femmes perdues’Ga naar eindnoot(20). L'abbé Masquelier releva hautement la tête; de la mi-février jusqu'à la fin du mois de mars, ses éditoriaux fustigèrent les calomniateurs et s'efforcèrent de démontrer l'erreur judiciaire. Il se réserva cette tâche difficile mais qui, au fond, convenait à son tempérament de lutteurGa naar eindnoot(21). Il agit alors en défenseur acharné d'un innocent injustement emprisonné, à la manière d'un autre défenseur, non moins acharné, d'un autre prisonnier non moins innocent: Bernard Lazare. Ils eurent en commun la même opiniâtreté et la même ardeur à soutenir une cause juste. Dans ce combat écrit, Cyr se montra loyal et n'accusa que les socialistes et les anticléricaux d'entreprendre un mauvais combat contre la religion; il ne mit nullement en cause les juifs lillois. Bien sûr, Welhoff reçut sa part d'imprécations mais cellesci s'adressaient plus au socialiste participant aux manifestations qu'au juif. Avec courage, et persévérance, Cyr s'acharna à souligner l'arbitraire des enquêteurs et les abus du juge d'instructionGa naar eindnoot(22). Il s'insurgea, à juste titre, contre les hommes qui confondaient présomption et certitudeGa naar eindnoot(23). Il oubliait alors que lui-même et Mgr. Jaspar en faisaient autant dès qu'il s'agissait de Dreyfus ou des juifs. Qu'un juif soit coupable, le prêtre journaliste n'en doutait pas; qu'un frère soit coupable, il exigeait alors des preuves irréfutables. Il réprouva tout ce que les antisémites avaient proclamé et entrepris contre les dreyfusards. Ainsi, il refusait d'admettre qu'une faute commise, à supposer qu'elle le fût, par un des | |
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membres d'une communauté rejaillît sur toute la communauté. Il condamnait les anticléricaux qui voyaient dans tout prêtre ou religieux un violeur ou un assassinGa naar eindnoot(24). Or que faisait-il contre les dreyfusards? Il montrait le même sectarisme que ses ennemis en accusant tous les juifs de trahison. Il déniait aussi l'existence d'un prétendu ‘Syndicat Flamidien’ alimenté par les grosses bourses catholiques et d'une souscription qui devait permettre de faire accélérer l'enquête. Pourtant, jamais il ne douta de la réalité du ‘Syndicat Dreyfus’ qui aurait vécu de l'or abondant des juifs. Il dénonçait encore ‘ces scènes sauvages entremêlées de refrains et de cris de mort que Le Réveil répète complaisamment sans mot de blâme’Ga naar eindnoot(25), mais il applaudit à d'autres ‘scènes sauvages’ et à d'autres ‘cris de mort’ dès lors qu'ils visaient les juifs. Le frère Flamidien fut bien la victime de la passion anticléricale, comme le capitaine Dreyfus fut la victime de la passion antisémite. Cyr se rendit compte d'une certaine similitude entre les deux affaires mais la comparaison s'arrêta vite puisque pour lui, Dreyfus était coupable et non innocent comme le frère; son fanatisme antisémite faussait son jugementGa naar eindnoot(26). L'affaire Flamidien ne servit donc pas à faire naître le moindre sentiment de charité lucide à l'égard de Dreyfus. L'abbé Masquelier et ses collaborateurs étaient des hommes honnêtes mais cette honnêteté, ils la réservaient à certaines catégories de citoyens: les bons Français, c'est-à-dire les catholiques patriotes et nationalistes. Les juifs, les socialistes, les franc-maçons étaient voués à l'anathème. Les anticléricaux, antiflamidiens n'agissaient pas différemment. L'animosité partisane, le persiflage méchant faisaient perdre tout bon sens aux deux camps. Quelle clairvoyance et quelle sérénité fallait-il à Anatole Leroy-Beaulieu pour oser écrire, en 1902: Les Doctrines de Haine. L'Antisémitisme, l'Antiprotestantisme, l'Anticléricalisme; mais il est vrai qu'avec une poignée d'autres catholiques, il naviguait à contre courantGa naar eindnoot(27). | |
Conclusion:Pour les journalistes de La Croix du Nord, il fallait donc en finir avec les juifs; savaient-ils comment faire? Leur volonté de | |
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nuire, bien que réelle, n'était pas gratuite; ils agissaient dans un monde qui se laïcisait et dont ils percevaient mal le bouleversement. Ils se persuadaient que le processus laïcisateur disparaitrait avec les juifs! Pour cette raison le mépris, sentiment bien peu chrétien, fut enseigné par ce journal, or la forme achevée de ce mépris se trouve dans le nazisme. A travers ce quotidien, c'est l'Eglise catholique qui doit être mise en cause car les antisémites de La Croix du Nord étaient des prêtres, eux-mêmes soutenus dans leur édification par d'éminents professeurs de l'Université catholique de Lille. Et pourtant les clameurs intolérantes, les journalistes catholiques les reçurent en plein visage de la part des anticléricaux qui se déchaînèrent dans l'affaire Flamidien. Ils mesurèrent la nocivité des procédés déloyaux mais cela ne suffit pas à les amener à plus de compassion envers les juifs. Un juif trahissait nécessairement, c'était un axiome! | |
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Samenvatting:Zoals zoveel katholieken aan het einde van de negentiende eeuw, gaven ook de journalisten van La Croix du Nord blijk van antisemitisme. De actiefste onder hen waren priesters. Priester Henri Masquelin stichtte in 1889 La Croix du Nord, want de journalistiek was voor hem een nieuwe vorm van apostolaat, waarmee hij de ontkerstening van de werkende klasse wilde bestrijden. Hij was voorstander van de republiek, maar dan wel met een klerikale inslag. Masquelin en zijn medewerkers, Mgr. Jaspar en priester Moché, waren de auteurs van de meeste antisemitische hoofdartikelen. Het blad had ook zijn tijdelijke medewerkers, met name hoogleraren van de Katholieke Universiteit van Rijsel, o.m. Jules Didiot, die moraal doceerde en het anti-christianisme van de Talmoed wou blootleggen. Voorts waren er de anti-joodse vrienden van La Croix du Nord, vaak mensen uit de burgerij, onder wie sympathisanten van de Action Française. De priesters-journalisten beperkten hun antisemitisme tot geschriften: hun vrienden en lezers evenwel zamelden geld in voor antisemitische groepen en gingen de straat op om de uitsluiting van de joden uit openbare functies te eisen. Ze gebruikten daarbij slogans die door artikelen van La Croix du Nord waren geïnspireerd. Masquelin en zijn medewerkers richtten hun aanvallen zelden tegen de joden als zodanig; ze verweten hun veeleer de bondgenoten te zijn van de socialisten, de protestanten en de tegenstanders van Dreyfus, kortom van de vijanden van de Katholieke Kerk. Jaspar evenwel schreef uitvoerig over de joden: over de zogenaamde aanvallen van de Talmoed op het christendom, het programma van de rabbijnen, de godsmoord en de rituele moorden. Zijn artikelenreeks werd een scherpe veroordeling van het jodendom. De redeneringen van Jaspar misten elke grond. Als bronnen gebruikte hij twee middeleeuwse joodse filosofen die hij niet eens gelezen had en alleen kende uit antisemitische geschriften. Uit het Oude en het Nieuwe Testament, die hij uiteraard wel goed kende, citeerde hij verzen die uit hun verband werden gerukt. De belangrijkste bronnen voor de journalisten van La Croix du Nord waren voor het overige Drumont en Röhling, kopstukken van het antisemitisme. Masquelin en zijn medewerkers vielen de joden zelden persoonlijk aan, maar ze gaven voortdurend blijk van vooringenomenheid. In de zaak van de katholieke Flamidien verzette Masquelin zich terecht tegen degenen die vermoeden met zekerheid verwarden, een onderscheid dat hij en Jaspar evenwel vergaten te maken zodra de beschuldigingen betrekking hadden op Dreyfus en andere joden. Masquelin en zijn medewerkers waren ‘eerbare mannen’ maar hun eerbaarheid gold alleen in verband met de ‘goede’ Fransen: de patriottische en nationalistische katholieken. We moeten wel toegeven dat hun tegenstanders in de zaak Flamidien niet beter waren, ook zij blonken uit door partijdigheid. De journalisten van La Croix du Nord wilden de laïcisering tot staan brengen en ze dachten dat ze dat konden doen, door met de joden af te rekenen.
(Samenvatting door Omer Vandeputte) |
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