De Franse Nederlanden / Les Pays-Bas Français. Jaargang 2002
(2002)– [tijdschrift] Franse Nederlanden, De / Les Pays-Bas Français–
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La lutte contre les patois et le flamand L'action des premiers inspecteurs de l'enseignement primaire du département du Nord
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dans cette antique transmission des patois, et que chaque école soit une colonie de langue française en pays conquis.’Ga naar eindnoot5 Tout juste pouvons-nous signaler quelques nuances apportées à ce discours dogmatique, comme celles qui sont soulevées par Dupont, un instituteur auteur d'une méthode de lecture. Dressant la liste des départements et régions de France où les populations parlent un dialecte ou
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il constate que dans certaines régions (Alsace et Lorraine allemande notamment) l'usage d'un dialecte, quand il n'a pas été un frein à la scolarisation des enfants, pourrait, ‘utilisé comme terme de comparaison’, aider à l'apprentissage du français. A l'inverse, il estime que dans les provinces du Midi, en Corse et en Bretagne, les taux de scolarisation étant très faibles, les dialectes locaux resteront longtemps des obstacles à l'instruction des enfants et des adultes et au progrès dans sa composante essentielle de l'époque qu'est l'agriculture; les paysans ne pouvant, écrit-il, profiter des ouvrages propres à hâter les progrès parce qu'ils n'en comprennent pas les termes français. Avec l'exemple du département du Nord, nous voyons se mettre en évidence les différents tenants d'un débat qui se prolongera, comme l'a montré Jean-François Chanet, durant toute la IIIe République. Ce débat oppose les dogmatistes de l'unité nationale par la ferme imposition du français, soit le strict respect des règlements scolaires, et ceux, politiciens ou pédagogues, croyant possible l'élaboration de cette unité tout en valorisant la diversité des terroirs: les langues régionales et les patois sont alors considérés comme des vecteurs singuliers pouvant contribuer à l'apprentissage du français, la langue maternelle et la langue nationale se montrant en ce cas complémentaires.Ga naar eindnoot8 Notre recherche montre qu'à l'abstraction des discours à visée nationale, forcément réducteurs car ne pouvant prendre en compte la diversité des situations locales, les acteurs de la vie scolaire ont cherché à opposer les leçons tirées de leur propre expérience. En l'espèce, les inspecteurs primaires, avec le recul que pouvaient leur donner un recrutement national (et la mobilité géographique qui en découleGa naar eindnoot9) et, pour la plupart d'entre eux, leur propre expérience dans l'enseignement secondaire, ont pu servir d'utiles relais entre des instituteurs, au recrutement départemental, confrontés à la double exigence de devoir respecter les programmes scolaires tout en ayant le souci de ‘rentabiliser’ au mieux les temps d'école, et les hauts fonctionnaires de l'administration scolaire, inspecteurs d'académie ou recteurs, capables, grâce à leurs contacts réguliers, d'influer sur la politique ministérielle et les règlements qui en découlent. | |
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Les débuts de la monarchie de Juillet dans le Nord: vers l'imposition du françaisPour les inspecteurs provisoires de la mission de 1833Ga naar eindnoot10, l'usage du flamand constituait indubitablement un frein au développement de l'instruction primaire dans les arrondissements de Dunkerque et Hazebrouck: ‘Un des principaux obstacles qui s'opposent dans l'arrondissement de Dunkerque, aux progrès de l'instruction primaire, et contre lequel luttent courageusement quelques instituteurs, c'est le flamand que les élèves parlent continuellement’.Ga naar eindnoot11 Tout autre semblait être le problème posé par les patois parlés dans les autres arrondissements du département, ramenés, par cet inspecteur de l'arrondissement de Valenciennes, à une simple déformation linguistique chronique: ‘Il faut remarquer que les enfants sont tellement accoutumés à entendre prononcer et à prononcer eux-mêmes i pour e, que dans tout le canton, en lisant tant, pendant, en temps, ils prononcent, tint, pindant, en timps’.Ga naar eindnoot12 Dès lors, dans ce vaste département du Nord, les stratégies adoptées par le recteur et l'inspecteur d'académie allèrent grandement différer selon qu'il s'agissait de lutter contre l'emploi du flamand dans les écoles primaires des arrondissements de Dunkerque et Hazebrouck ou bien de corriger les ‘erreurs linguistiques’ occasionnées par l'usage d'un patois dans les arrondissements de Lille, Douai, Cambrai, Valenciennes ou Avesnes-sur-Helpe. Chargés de faire appliquer les consignes ministérielles et rectorales dans leur circonscription, les inspecteurs primaires se sont, dès 1835, employés à imposer aux instituteurs primaires l'emploi des manuels de lecture, d'orthographe et de grammaire approuvés par le ministère de l'instruction publique; l'objectif avoué étant d'arriver, par la formation des jeunes générations, à imposer l'usage d'un français ‘correct’ à l'ensemble de la population du territoire. A cette mission première des instituteurs que sont les apprentissages de la lecture et de l'écriture dans un français commun à tous, les inspecteurs primaires ont très vite ajouté la nécessité de corriger le parlé des enfants. Dans une France essentiellement rurale, aux patois usités innombrables, les inspecteurs primaires se trouvèrent donc confrontés à une tâche extrêmement difficile. | |
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Estimant que ‘c'est encore à cet âge de quatre à sept ans qu'on peut le mieux rectifier le langage vicieux et incorrect à l'imitation duquel les enfants des classes pauvres sont ordinairement enclins’Ga naar eindnoot13, le premier inspecteur primaire du département du Nord, Alexandre Carlier (nommé en mars 1835), a rapidement réalisé tout le bénéfice que la langue française pouvait tirer de la multiplication des salles d'asile dont les directrices, à l'image des directeurs des écoles primaires, devaient être des références linguistiques pour les enfants: ‘C'est surtout dans les départements de la France où un patois provincial se trouve encore mêlé à l'usage de la langue nationale, qu'il importe de faire diriger les Salles d'Asile et les Écoles primaires par des personnes qui sachent parler la langue française d'une manière correcte et nettement articulée. Tous les progrès faits à cet égard augmenteront le bienfait de l'unité française, unité que toutes les nations doivent nous envier’. Il propose donc aux directrices des salles d'asile une série d'exercices qu'il estime propre à perfectionner le langage de leurs jeunes élèves: ‘L'un des meilleurs exercices qu'on puisse pratiquer pour préparer ce perfectionnement de langage est la récitation des conjugaisons des verbes, prononcée en mesure et avec ensemble, dans la première ou la plus haute classe des Salles d'Asile. - Exemple: Réciter, à voix moyenne et à voix basse alternativement, et toujours en mesure, et accompagner même d'un geste ou battement de mesure, la récitation de tous les temps d'un verbe: Je marche, J'ai marché, Je marcherai, Je marcherais. Tu marches, Tu as marché, Tu marcheras, Tu marcherais. etc.... La prononciation s'épure par la répétition de tous ces temps d'un même verbe régulièrement prononcés. Les j'avions, les j'étions et autres solécismes disparaîtront du langage populaire; la langue nationale s'infiltrera dans les habitudes et deviendra le langage habituel’. Quelle que soit l'efficacité des exercices proposés par l'inspecteur primaire, il nous est presque impossible de juger de ses effets à moyen ou long termes, le ‘parlé’ n'étant que rarement mentionné dans les rapports d'inspection. Nous notons cependant que près de trente ans plus | |
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tard, dans son ‘Rapport général sur la situation des écoles de garçons en 1864’, un inspecteur primaire du département du Nord constatera, à son grand regret, que l'enfant est, sur le plan linguistique, avant tout tributaire de son environnement familial: ‘L'enseignement de la langue est la tâche la plus difficile pour nos instituteurs. En effet, ils se trouvent en présence d'un patois que paralyse une partie de leurs efforts. Les enfants, quoi qu'on fasse, parlent le jargon de la famille, et à l'école, ils écrivent comme ils parlent, comme ils prononcent’.Ga naar eindnoot14 Ironie du sort et hasard des nominations, il semble, si l'on se fie aux témoignages de quelques membres de la Société pour l'instruction élémentaire, présidée par le député, et futur vice-président de la Seconde République, Boulay de la Meurthe, que dans certains cas, l'inspecteur primaire lui-même, censé parler un français des plus académiques, éprouvait les pires difficultés à se faire comprendre des élèves et des instituteurs de sa circonscription à cause d'un accent un peu trop prononcé: ‘(...) il serait désirable que le gouvernement choisît avec plus de soin et d'attention les agents qu'il charge de ces importantes fonctions; car j'en connais qui, partout où ils sont allés faire leurs inspections, ont été jugés fort défavorablement, et dont ni les enfants ni les instituteurs n'ont compris le jargon. Pourquoi envoie-t-on dans le nord des méridionaux dont l'accent prête à rire aux jeunes élèves?’.Ga naar eindnoot15 Cette appréciation ne met cependant pas en cause les inspecteurs primaires nommés dans le département du Nord durant la monarchie de Juillet. En effet, un seul d'entre eux (sur sept) n'était pas né et n'exerçait pas avant sa nomination dans le département du Nord. Il s'agissait du sous-inspecteur primaire Laurent Dantec. Né à Metz, il dirigeait une école primaire privée à Strasbourg avant sa nomination dans le Nord en 1841 sur un poste crée et rémunéré par le conseil général. Quant aux six inspecteurs nés dans le département, un seul, Debruyne, nous est signalé comme parlant flamand. Mais, alors que les deux arrondissements flamingants du département sont les arrondissements de Dunkerque et d'Hazebrouck, cet inspecteur fut nommé dans l'arrondissement de | |
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Lille. Ceci peut laisser supposer que la capacité à parler le flamand ne constituait pas, pour le recteur et le ministre responsables des affectations, une qualification professionnelle reconnue ou, pour le moins, ‘utile’, sauf à tenir compte du fait que cet arrondissement vit, avec le développement de l'industrie textile, des villes comme Roubaix et Tourcoing se grossir d'une population ouvrière pour la grande majorité venue des Flandres belges. | |
De 1838 à 1848: vers un usage toléré du flamandDans son étude sur l'utilisation du flamand et du français dans l'enseignement en Flandre françaiseGa naar eindnoot16, Émile Coornaert souligne que durant la monarchie de Juillet, les maîtres, malgré la loi Guizot instaurant dans chaque commune une école primaire où l'enseignement devait être donné uniquement en français, ‘usèrent assez longtemps d'une utile liberté’. La preuve en est, écrit-il, que les élèves, durant cette période, ‘firent habituellement usage d'un lexique franco-flamand, Den nieuwen cabinet’. Ainsi, alors que la loi du 28 juin 1833 donnait aux recteurs et aux inspecteurs d'académie et de l'enseignement primaire la possibilité d'imposer l'usage du français dans les écoles primaires des arrondissements de Dunkerque (61 communes) et d'Hazebrouck (57 communes), les instituteurs primaires de ces arrondissements purent, sans encourir aucune sanction, continuer à enseigner en flamand. Pour ce faire, il a nécessairement fallu que ces instituteurs reçoivent l'accord, aussi informel soit-il, des inspecteurs primaires du département. A défaut d'une quelconque circulaire approuvant l'usage du flamand dans les écoles primaires des arrondissements d'Hazebrouck et de Dunkerque, il semble que nous pouvons faire remonter cet accord tacite, de l'inspecteur primaire Carlier, à mai 1838, date de la publication de son rapport général sur l'instruction primaire dans le département du Nord. En effet, alors que durant l'inspection extraordinaire de 1833 ce même inspecteur, qui exerçait à cette date les fonctions de régent au collège de Dunkerque, écrivait qu'un ‘des principaux obstacles qui s'opposent dans l'arrondissement de Dunkerque, aux progrès de l'instruction primaire, et contre lequel luttent courageusement quelques instituteurs, c'est le flamand que les élèves | |
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parlent continuellement’, il nuança ses propos dans le rapport faisant suite à sa troisième tournée d'inspection, soulignant le fait que les deux arrondissements flamingants sont ceux qui répondent le mieux aux exigences de la loi du 28 juin 1833 en ce qui concerne l'entretien et l'équipement des écoles communales, deux dispositions constituant un préalable essentiel à tout développement de la scolarisation: ‘Parmi les arrondissements qui se distinguent par la possession de locaux convenablement disposés pour les écoles, je citerai en première ligne Hazebrouck et Dunkerque. (...) En seconde ligne, Avesnes, Lille, et en troisième, Douai, Cambrai qui sont en retard sous ce rapport.’Ga naar eindnoot17 ![]()
Société Dunkerquoise, fondée à Dunkerque en 1852.
Ce constat, renforcé par les premières statistiques scolaires publiées d'après leurs rapports, a conduit les inspecteurs primaires à réviser leur position quant aux effets prétendument négatifs de l'usage du flamand sur le progrès de l'instruction primaire. L'expérience du terrain, confrontée aux mesures de la fréquentation scolaire et du taux d'alphabétisation des conscrits, a relativisé chez les inspecteurs primaires l'importance du flamand comme facteur pouvant expliquer l'avance ou le retard du taux d'alphabétisation dans ces arrondissements. En effet, comme le montreront François Furet et Jacques Ozouf dans une étude précisément consacrée à ce département du NordGa naar eindnoot18, l'usage | |
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du flamand n'est qu'un facteur parmi tous ces facteurs que sont la densité d'habitations, le taux d'équipement en locaux scolaires et surtout la distribution du département en zone urbaine ou rurale, industrielle ou agricole. Forts de ce constat, les inspecteurs primaires en poste dans le département ont laissé aux instituteurs primaires des arrondissements de Dunkerque et d'Hazebrouck une relative liberté dans l'emploi de la langue d'enseignement. Ils se sont, par contre, employés à doter toutes les communes de locaux scolaires convenables et à chercher les meilleures façons d'y conduire les enfants en âge de les fréquenter. Un rapport de l'instituteur primaire lillois, Victor DerodeGa naar eindnoot19, sur la délimitation des zones d'emploi des langues française et flamande ne put, en 1845, que les conforter dans leur choix. En effet, au terme d'une étude sur l'évolution des bassins d'implantation du français et du flamand dans le département entre 1790 et 1840, il arrivait à la conclusion, réjouissante pour des membres de l'Université, que ‘la langue flamande tend par une marche assez rapide à se retirer devant la langue française (...) par une trouée qui suit à peu près la grande route de Lille à Dunkerque’. Cherchant à expliquer ce phénomène, il avance plusieurs hypothèses, parmi lesquelles ne figure pourtant pas le développement de l'instruction primaire dans les arrondissements de Dunkerque et d'Hazebrouck: ‘Quelle est la cause active de cette progression incontestable? C'est 1o la nature même de la langue, plus harmonieuse, plus avancée que sa rivale; 2o c'est la multitude des écrits qui naissent chaque jour en français, tandis que le flamand est presque privé de toute littérature; 3o c'est la domination du peuple français et de son influence commerciale; 4o c'est l'éducation que les Flamands aisés vont chercher en France; 5o c'est la présence des administrations françaises dans les grands centres de population, et celle des employés dans les communes’. | |
Durant la Seconde République: rappel du dogme républicain de l'unité linguistiqueA la bienveillante tolérance des inspecteurs primaires de la monarchie de Juillet pour l'usage du flamand dans les écoles primaires du département, succéda, durant la Seconde République, des positions beaucoup moins conciliantes. Dès | |
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1849, les inspecteurs primaires se virent rappeler par le recteur, les termes de la circulaire ministérielle du 27 octobre 1838, jusque-là guère appliquée, une circulaire dans laquelle Salvandy invite les recteurs à user de tous leurs pouvoirs pour amener les élèves des écoles primaires qui ‘parlent un idiome local’, à parler le français.Ga naar eindnoot20 Au début de l'année 1852, un journal d'Hazebrouck dénonça cette nouvelle position des autorités universitaires contre l'emploi du flamand: ‘Les comités supérieurs, agissant nous ne savons sous quelle influence et sous quel prétexte vague, ont d'abord créé des embarras et restreint le nombre des leçons qui devaient se répéter en flamand; tout cela joint à la sévérité des inspecteurs, outre passant leur mission, a fini par déterminer les instituteurs à mettre les bornes les plus étroites à l'enseignement du flamand.’Ga naar eindnoot21 Flament, l'inspecteur primaire en charge des arrondissements de Dunkerque et d'Hazebrouck, directement mis en cause par cet article, se défendra quelques mois plus tard, dans son rapport général sur l'inspection des écoles primaires pour l'année scolaire 1852-1853, de tout sectarisme contre le flamand mais réaffirmera très clairement le dogme de l'instauration de l'unité nationale par l'usage exclusif du français, n'hésitant pas, à quelques occasions, à faire appel à la justice pour fermer des écoles en infraction avec la loi: ‘J'ai découvert quelques écoles, où la maîtresse ne sait rigoureusement parlant, pas un seul mot de français. Signalées à l'autorité, les unes ont été fermées par jugement, les autres ont échappé à l'action de la justice en dissimulant adroitement leur situation réelle; il en est un grand nombre dont l'existence m'échappe, protégées qu'elles sont par les autorités locales. Pour qu'on ne se méprenne pas sur mes intentions, je désire qu'on soit bien persuadé que je ne veux point m'ériger en censeur de la langue flamande; ce serait juger ce que je ne connais pas. Il ne vise point non plus à son extinction; ce serait faire preuve d'étroitesse d'esprit. Je dis plus: ma pensée est que les rapports de voisinage établis entre la Belgique et beaucoup de communes de ces arrondissements rendront utile l'emploi de la langue flamande. Ce que j'ai voulu seulement, c'est signaler la tendance des | |
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campagnards et de certaines personnes plus avancées, dont je respecte les opinions sans les partager, la tendance, dis-je, à introniser la langue flamande au détriment de la langue nationale, comme si la mesure prise par le conseil académique à cet égard n'était point de nature à tout concilier. Ce que j'ai voulu, c'est faire connaître par quelles voies détournées les enfants sont éloignés des écoles que la loi a faites, que les communes, l'Etat et le départemententretiennent’.Ga naar eindnoot22 Dans le même temps, les autorités universitaires, revenant sur une position défendue quelques années plus tôt par certains inspecteurs primaires, publièrent dans la revue de l'académie, en réponse à l'attaque du journal d'Hazebrouck, un article dans lequel elles affirment que l'apprentissage de la langue française peut très bien dans ces arrondissements se faire sans passer par l'étape de l'apprentissage du flamand qui, précisent-elles, n'est souvent pas le vrai flamand mais plutôt un patois qui varie de village en village: ‘Peut-on initier à la connaissance de la langue française les enfants dont la langue maternelle est le flamand sans commencer par l'étude de cette dernière langue? L'expérience est là qui répond à cette question d'une manière affirmative. Dans tous les chefs-lieux de cantons de ces deux arrondissements (à l'exception de deux), dans un grand nombre de communes, les instituteurs ont abandonné complètement le flamand. Ils n'en ont pas moins très bien réussi dans leur enseignement, et cela le plus souvent, il faut le dire, malgré le mauvais vouloir de certaines autorités locales, aidées parfois dans leurs prétentions par les préventions malheureuses des pères de familles’.Ga naar eindnoot23 | |
Les débuts du Second Empire: retour à la tolérance du flamandNous constatons cependant que cette position officielle ne fut pas très longtemps partagée par les inspecteurs primaires des arrondissements de Dunkerque et d'Hazebrouck. En effet, moins de deux ans après la publication de cet article, l'inspecteur primaire Bernot, constatant le retard pris sur le plan de l'instruction primaire par l'arrondissement d'Hazebrouck, dénonça l'interdiction faite aux instituteurs d'enseigner le français par l'intermédiaire du flamand comme une de ses principales causes. Les rares | |
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réussites, qu'il met en valeur dans un long développement de son rapport, sont à mettre au crédit des instituteurs qui ont osé enfreindre cette interdiction. A l'inverse, il ne peut s'empêcher de blâmer l'attitude de ceux qui ‘ont trouvé plus commode de s'en tenir à la lettre de la défense’ car, écrit-il, cette position, pourtant conforme aux instructions officielles, est nuisible à tous les apprentissages: la langue française, certes, mais aussi l'arithmétique et l'instruction religieuse: ‘(dans l'arrondissement d'Hazebrouck) l'enseignement y est moins avancé que partout ailleurs; on conçoit qu'il en soit ainsi puisque les enfants sont instruits dans une langue autre que leur langue maternelle qui est le flamand. Comme il avait été défendu aux instituteurs malgré les réclamations d'un comité flamand composé en majorité d'ecclésiastiques d'enseigner le français à l'aide du flamand et que défense avait été faite aux instituteurs de prononcer dans l'école un seul mot flamand, il est arrivé que les bons instituteurs, seuls, ont triomphé des difficultés d'une pareille situation et ils n'y ont réussi, ajoutent-ils, qu'en enfreignant en secret la défense de l'autorité et en enseignant le français par la langue maternelle. Les autres ont trouvé plus commode de s'en tenir à la lettre de la défense: ils ont enseigné à lire et à écrire exclusivement le français. Ils ont même fait apprendre quelques règles d'orthographe que les enfants récitent plus ou moins bien mais qu'ils n'appliquent pas n'ayant point l'intelligence suffisante des phrases qui leur sont dictées. D'où est résultée une véritable absence de culture intellectuelle qui se trahit toutes les fois qu'une question fait appel au jugement et au raisonnement des élèves, particulièrement en arithmétique et en instruction religieuse.’Ga naar eindnoot24 Beaucoup moins convaincu des bienfaits que l'instruction primaire peut tirer de la langue flamande que son collègue, l'inspecteur primaire de l'arrondissement de Dunkerque, Flament, qui deux ans plus tôt prononçait pourtant un discours relativement conciliant, n'hésite pas à affirmer, témoignant peut-être d'une expérience de terrain malheureuse, que ‘la civilisation’ est en retard dans la partie flamande du département: ‘Un point qui laisse à désirer beaucoup, c'est l'enseignement de la véritable politesse et des bonnes manières; sous | |
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ce rapport, la civilisation est encore bien en retard dans les campagnes de la Flandre, surtout dans les communes limitrophes de la Belgique.’Ga naar eindnoot25 Il reconnaît cependant que dans son arrondissement, le français fait quelques progrès, des progrès qu'il impute pour l'essentiel aux jeunes instituteurs car ‘ceux-ci comprennent mieux les méthodes et en font une plus utile application’. L'année suivante, et malgré les réticences affichées par son collègue, l'inspecteur primaire Bernot réitérera ses propos sur l'utilité de laisser, pour un bon apprentissage ultérieur du français, les enfants de cette partie du département apprendre le flamand à l'école. Fort de sa déjà longue expérience, il émet l'idée que le flamand n'est pas plus un obstacle que le patois aux progrès de l'instruction primaire, et donc qu'il n'y a pas lieu d'adopter une politique scolaire différente du reste du département dans les arrondissements de Dunkerque et d'Hazebrouck: ‘On a remarqué que l'élève qui sait lire dans une langue sait lire dans l'autre après quelques semaines d'exercice. On va même jusqu'à dire que le flamand n'offre pas plus d'obstacle aux progrès de l'instruction que le patois de Lille’Ga naar eindnoot26. Sur ce point, les premières années du Second Empire ne sont pas sans rappeler la monarchie de Juillet. Malgré des dispositions législatives toujours aussi strictesGa naar eindnoot27, la position des administrateurs de l'enseignement primaire se montre bien moins doctrinaire que sous la Seconde République. Il est probable, en ce qui concerne le département du Nord, que la position du recteur fut influencée par le rapportGa naar eindnoot28 qu'il commanda au délégué cantonal de Bergues (ardt. d'Hazebrouck), également officier d'académie, Louis Cleisaecker, sur les questions suivantes: ‘1o Indiquer l'origine des idiomes et patois locaux, rechercher les moyens de propager la langue française dans les campagnes et signaler les obstacles qui s'opposent à cette propagation. 2o Causes générales de la richesse ou de la pauvreté des habitants des villes et des campagnes. 3o Influence du développement de l'instruction primaire sur la richesse du pays et sur l'émigration des habitants des campagnes dans les villes’. En effet, ce dernier souligne que la volonté d'extirper la langue flamande pour la remplacer par la langue française, une vo- | |
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lonté qu'il fait remonter à la conquête de la Flandre maritime par ‘le grand roi’ Louis XIV, tend malencontreusement à priver sa population d'un moyen facile de communiquer avec les peuples du Nord mais surtout, il considère que ‘les entraves qui ont été portées à l'enseignement du flamand dans les écoles de Flandre ont été funestes au développement intellectuel de la classe ouvrière de nos villes et de nos campagnes’. Il précise en effet, un constat d'ailleurs régulièrement fait par les inspecteurs primaires, que le peu d'école que suivent les enfants de cette contrée ne leur permet pas de posséder l'idiome français imposé par l'instituteur et qu'ils quittent donc l'école sans savoir lire et écrire ni le français, ni le flamand. Il en conclut qu'en Flandre, ‘il faut enseigner simultanément le français et le flamand, comme cela se pratique dans les provinces flamandes de Belgique’. Économiquement, ajoute-t-il, la population profiterait grandement de cette double maîtrise de la langue car comme dans la Belgique voisine, on constate que ‘tous les avantages sont pour ceux qui savent traiter des affaires en français et en flamand’. Dernier point mis en évidence, il précise que l'enseignement du flamand favorise les liens entre les instituteurs et les curés, car ces derniers prêchent depuis toujours en flamand, certains d'être ainsi compris de la population, et utilisent un catéchisme traduit en flamand ‘parce qu'ils pensent les enfants incapables de saisir le sens des mots du catéchisme français’. A l'instar de l'inspecteur Bernot, les autorités scolaires du département ont toléré cette entorse au règlement scolaire: ‘Comme un très grand nombre d'enfants n'auraient pu acquérir suffisamment la connaissance du français avant l'époque de la première communion, on a dû continuer d'enseigner le catéchisme en flamand et nécessairement d'apprendre à lire cette langue. L'expérience a prouvé qu'il n'y a point là une cause de retard considérable pour les élèves.’Ga naar eindnoot29 Cette tolérance est toutefois grandement favorisée par le climat politique de ce début du Second Empire qui replace, conséquence de la loi Falloux (15 mars 1850), l'instituteur sous l'autorité directe du curé. En effet, durant la monarchie de Juillet, l'inspecteur primaire Carlier avait pris moins de précaution pour dénoncer les luttes d'influence que certains ecclésiastiques menaient contre les instituteurs nommés après la loi du 28 juin 1833: | |
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‘Souvent le curé est le seul des membres (du comité local) qui ait l'esprit un peu cultivé, et sous ce rapport comme par l'influence que lui donne le caractère dont il est revêtu, il pourrait être d'un grand secours pour assurer le bienfait de l'instruction primaire (...). Mais à côté de ces pasteurs éclairés et bienveillants, se trouvent pour quelques parties du département, et principalement dans les arrondissements de Lille et d'Hazebrouck, un certain nombre de jeunes prêtres dont le zèle n'est pas toujours selon la charité et la science et qui restreignent autant qu'ils le peuvent l'enseignement élémentaire à des habitudes de dévotion un peu étroite et à des pratiques dont le moindre inconvénient est d'empêcher l'esprit de se développer.’Ga naar eindnoot30 Pour l'heure, à l'exemple de l'empereur concluant, en 1858, un périple en Bretagne par un discours en breton à RennesGa naar eindnoot31, la reconnaissance des idiomes semble de mise. Certes, si l'intention politique consistait avant tout à se concilier le clergé, localement les conséquences pédagogiques furent la tolérance du double enseignement français-idiome. Dans son rapport au recteur, le délégué cantonal de Bergues ne se prive donc pas de souligner la spécificité et la richesse du flamand: ‘L'idiome parlé dans les arrondissements de Dunkerque et d'Hazebrouck est la langue flamande; je l'appelle langue avec intention afin qu'il soit constaté que ce n'est pas un patois (...). Le flamand est une langue qui est encore parlée de Gravelines à Königsberg par seize millions d'habitants; c'est une langue qui a sa littérature et ses admirateurs.’Ga naar eindnoot32 Autre signe incontestable de la reconnaissance de cette culture flamande, Hippolyte Fortoul, ministre de l'instruction publique, autorise, le 24 août 1853, la fondation à Dunkerque du Comité flamand de France. Ce comité, dont l'un des membres fondateurs est un professeur du collège public de Dunkerque, Auguste Ricour, se donnait pour but de promouvoir l'histoire et la littérature flamandes: ‘Il s'agit de rechercher, de recueillir, d'étudier, de mettre en relief tout ce qui est relatif à notre histoire et à la littérature flamande.’Ga naar eindnoot33 Notons que deux ans plus tôt, à l'initiative d'un ancien instituteur, Victor DerodeGa naar eindnoot34, auteur, en 1845, d'un rapport (cité plus haut) sur la délimitation des langues française et flamande dans les départements du Nord et du Pas-de-Calais, fut fondée dans la | |
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même ville, la Société Dunkerquoise pour oeuvrer au développement, ‘en langue française’, des sciences, lettres et arts. | |
La permanence d'un débatPar cette étude, nous voyons comment l'idée que l'apprentissage d'une langue régionale ne constitue pas un frein à l'alphabétisation et surtout à l'apprentissage du français, s'est imposée progressivement au cours de la monarchie de Juillet, notamment par le biais des inspecteurs primaires, pour finalement se généraliser dans la première moitié du Second Empire. Cette tolérance, qui put, comme l'a montré André ChervelGa naar eindnoot35, manifester quelques différences d'un département à l'autre, fut entérinée dans le Nord par le Conseil départemental de l'instruction publique qui demandait seulement qu'en regard de tout texte en flamand figure le texte en français. Elle perdura, selon Émile Coornaert, jusqu'à la fin du Second Empire; le ministre de l'instruction publique, Victor Duruy, prenant en 1866 la décision d'interdire fermement l'usage du flamand dans les écoles.Ga naar eindnoot36 L'étude des annales du Comité flamand de France tend à confirmer cette analyse. Ce n'est, en effet, qu'en 1864, dix ans après la création du comité, que paraît la première étude dans laquelle la nécessité de maintenir l'enseignement du flamand au côté de celui du français est défendue.Ga naar eindnoot37 Puis, pendant près d'un demi-siècle, le sujet n'est plus traité. Il ne reparaît qu'en 1910, sous la forme d'une demande du rétablissement de son enseignement, dans un cadre très précis,Ga naar eindnoot38 ce qui, par défaut, confirme la généralisation de l'enseignement en français. Malgré les difficultés rencontrées pour mesurer la corrélation entre le retard de l'alphabétisation et la présence d'une langue régionale, François Furet et Jacques Ozouf se penchèrent sur cette analyse plus intuitive que déductive des pédagogues de ce milieu du XIXe siècle pour finalement démontrer, en travaillant notamment avec des données concernant la Bretagne, que cette France qui ne parlait pas le français n'était pas forcément illettrée et surtout ne réunissait pas toujours les traits suivants, facteurs communément acceptés de retard scolaire et de désordre social: ‘France pauvre, France orale, France rebelle.’Ga naar eindnoot39 | |
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Samenvatting De strijd tegen de dialecten en het Vlaams: de actie van de eerste inspecteurs van het lager onderwijs uit het NoorderdepartementSinds de Franse Revolutie hebben de onderwijsministers in Frankrijk altijd geprobeerd om, binnen een ruim plan van nationale opvoeding, het Frans als enige onderwijstaal op te leggen. Volgens hen was dat immers het beste middel om radicaal de resten van de ‘feodaliteit’ uit te roeien en tegelijk een nationale eenheid te smeden, die volgens de bestuurders borg stond voor binnenlandse vrede en in zekere mate dus ook voor sociale stabiliteit. Deze taalpolitiek kon volgens de wetgevers alleen plaatsvinden via de alfabetisering van de jonge Fransen en een nooit geziene veralgemening van het lager onderwijs. Zij vereiste financiële middelen en een politieke wil die onder geen enkel revolutionair regime beschikbaar waren geweest, dus ook niet tijdens het Empire - dat toch het bestuur instelde dat nodig was voor de verspreiding van dat onderwijs - of tijdens de Restauratie. De kwestie van het Frans in het lager onderwijs werd opnieuw actueel in juli 1830, toen een zakenburgerij aan de macht kwam. Zij was ervan overtuigd dat een veralgemeend lager onderwijs een noodzakelijke voorwaarde was voor economische ontwikkeling en sociale stabiliteit. Deze stelling, waarvan François Guizot een van de oudste aanhangers was, wierp meteen de vraag op naar de invloed van de regionale talen of de dialecten op de alfabetisering van | |
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de kinderen. Was het gebruik van een dialect een obstakel of een hulpmiddel bij het alfabetiseringsproces? Blijkbaar heeft deze vraag tijdens de eerste jaren van de Julimonarchie amper stof tot discussie geleverd. Alle getuigenissen luidden immers eensgezind dat het gebruik van een streektaal de vooruitgang van het lager onderwijs alleen maar kon belemmeren, wat Paul Lorain, een directe medewerker van onderwijsminister François Guizot, in een poging het centraliserende schoolbeleid van zijn voogdijminister te rechtvaardigen, als volgt verwoordde: ‘Al zou men ons voor Vandalen uitmaken, toch zijn we ervan overtuigd dat men de oude overdracht van dialecten met wortel en tak dient uit te roeien, en dat elke school een kolonie van het Frans moet worden in veroverd gebied.’ Uit ons onderzoek blijkt dat de toenmalige onderwijsmensen hebben geprobeerd het abstracte nationale discours (dat noodgedwongen beperkend was omdat ze geen rekening konden houden met de diversiteit van de lokale situaties) te confronteren met de lessen uit hun eigen ervaring. Zo konden de inspecteurs van het lager onderwijs, dankzij de afstand als gevolg van hun nationale aanwerving (en de geografische mobiliteit die er uit voortvloeide), als tussenpersoon fungeren tussen de onderwijzers - die door het departement werden aangeworven en voor de dubbele taak stonden enerzijds de schoolprogramma's te respecteren en anderzijds de schooltijd zo rendabel mogelijk te maken - en de hoge functionarissen van de schooladministratie - de inspecteurs van de Académie of de rectoren (de rector staat aan het hoofd van een onderwijsdistrict) - die dankzij hun regelmatige contacten de ministeriële politiek en de daaruit voortvloeiende reglementen konden beïnvloeden. | |
Het begin van de Julimonarchie in het département du Nord (1830-1838): naar een algemeen verplicht gebruik van het FransVolgens de ‘voorlopige’ inspecteurs van de afvaardiging van 1833 (de eerste grote inspectieopdracht betreffende het lager onderwijs) betekende het gebruik van het Vlaams onmiskenbaar een hinderpaal voor de ontwikkeling van het lager onderwijs in de arrondissementen Duinkerke en Hazebroek. Heel anders leek het gesteld met het probleem van de dialecten uit de andere arrondissementen van het departement die volgens de inspecteur uit het arrondissement Valenciennes alleen tot een chronische taalvervorming had geleid. Voortaan zouden de strategieën die door de rector en door de inspecteur van de Académie in het uitgestrekte département du Nord werden toegepast, grondig verschillen naargelang het ging over de strijd tegen het Vlaams in de lagere scholen van de Arrondissementen Duinkerke en Hazebroek, of om de verbetering van dialectische ‘taalfouten’ in de arrondissementen van Rijsel, Dowaai (Douai), Kamerrijk (Cambrai), Valencijn (Valenciennes) of Avesnes-sur-Helpe. De inspecteurs voor het lager onderwijs hadden de opdracht de ministeriële en rectorale besluiten in | |
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hun district te laten uitvoeren. Vanaf 1835 (het oprichtingsjaar van de functie) dienden ze erop toe te zien dat de onderwijzers lees-, spelling- en grammaticaboeken gebruikten die door het ministerie van openbaar onderwijs waren goedgekeurd. Via de vorming van de jongeren zou men op den duur een ‘correct’ Frans opleggen aan alle inwoners van het grondgebied. Behalve die hoofdtaken - het leren lezen en schrijven in een algemeen Frans - kregen de onderwijzers weldra van de inspecteurs de opdracht de gesproken taal van de kinderen te corrigeren. In een voornamelijk landelijk Frankrijk met ontelbare dialecten stonden de inspecteurs voor het lager onderwijs dus voor een uiterst moeilijke taak. | |
Van 1838 tot 1848: naar een gedoogbeleid ten aanzien van het VlaamsIn zijn studie over het gebruik van het Vlaams en het Frans in het onderwijs in Frans-Vlaanderen benadrukt Emile Coornaert het feit dat de schoolmeesters tijdens de Julimonarchie ‘toch tamelijk lang gebruik maakten van een nuttige vrijheid’, en dit ondanks de wet Guizot, die in elk dorp een lagere school inrichtte waar de lessen uitsluitend in het Frans moesten worden gegeven. Als bewijs voert hij aan dat de leerlingen in die tijd ‘meestal gebruik maakten van een Frans-Vlaams woordenboek, Den nieuwen cabinet.’ Ofschoon de rectoren en de inspecteurs van de Académie bij wet van 28 juni 1833 het Frans konden opleggen in de lagere scholen van Duinkerke (61 gemeenten) en Hazebroek (57 gemeenten), bleven de onderwijzers van beide arrondissementen toch in het Vlaams lesgeven. Dit kon alleen als ze daarvoor toestemming kregen - hoe informeel ook - van de departementale inspecteurs voor het lager onderwijs. Deze bevinding wordt bevestigd door de eerste schoolstatistieken gepubliceerd op basis van de inspectieverslagen. Als gevolg daarvan herzagen de inspecteurs hun standpunt aangaande de vermeende negatieve gevolgen van het Vlaams op de vooruitgang van het lager onderwijs. De feitelijke ervaring, geconfronteerd met de maatregelen voor het schoolbezoek en het alfabetiseringsniveau van de schoolplichtigen, deed de inspecteurs voor het lager onderwijs inzien dat het gebruik van het Vlaams als factor voor de vooruitgang of de vertraging van het alfabetiseringsniveau in de bewuste arrondissementen gerelativeerd diende te worden. Het gebruik van het Vlaams was immers maar één factor te midden van andere factoren als de concentratie van woningen, het aantal schoollokalen en vooral de indeling van het arrondissement in stedelijke en rurale gebieden, industriële gebieden en landbouwzones. | |
De Tweede Republiek (1848-1852): het republikeinse dogma van de taaleenheid wordt in ere hersteldTerwijl de inspecteurs voor het lager onderwijs uit de Julimonarchie het gebruik van het Vlaams op de lagere scholen van het departement oogluikend toestonden, gaven hun opvolgers tijdens de Tweede Republiek blijk van een heel wat onverzoenlijkere houding. Vanaf 1849 werden de | |
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inspecteurs door de rector herinnerd aan de inhoud van de ministeriële circulaire van 27 oktober 1838, waarin Salvandy de rectoren aanspoorde alles op alles te zetten om de basisschoolkinderen die ‘een lokaal idioom spraken’ te dwingen Frans te spreken. Ook de universitaire overheid kwam terug op de stelling die tot voor kort door een aantal inspecteurs werd verdedigd. In het tijdschrift van de Académie publiceerden ze een artikel waarin werd beweerd dat het heel goed mogelijk was in de Noordelijke arrondissementen Frans te leren, zonder eerst Vlaams te leren - waarbij het in vele gevallen niet om het echte Vlaams ging, verduidelijkte men, maar veeleer om een dialect dat van dorp tot dorp varieerde. | |
Begin van het Second Empire (1852-1860): het Vlaams wordt opnieuw gedoogdToch duurde het niet lang of de inspecteurs voor het lager onderwijs uit de arrondissementen Duinkerke en Hazebroek verwierpen de officiële stelling. Minder dan twee jaar na de publicatie van het bewuste artikel stelde inspecteur Bernot het verbod aan de kaak waarbij de onderwijzers het Frans niet via het Nederlands mochten aanleren. Hij beschouwde dat als een van de voornaamste oorzaken van de door hem geconstateerde achteruitgang van het lager onderwijs in het arrondissement Hazebroek. De zeldzame successen, die hij uitvoerig in zijn rapport beschreef, waren te danken aan de onderwijzers die het hadden aangedurfd het verbod naast zich neer te leggen. En omgekeerd kon hij alleen maar de houding verwerpen van hen ‘die het makkelijker vonden het verbod blindelings te volgen’ want, schreef hij, hoewel die houding de officiële richtlijnen respecteert, staat ze elke vorm van onderricht in de weg: niet alleen het Frans, maar ook het rekenen en het godsdienstonderricht. Flament, de inspecteur van het arrondissement Duinkerke, was veel minder overtuigd van het nut van het Vlaams voor het basisonderwijs. Hoewel hij twee jaar voordien nog gematigd verzoenende taal sprak, aarzelde hij niet te zeggen - misschien op basis van een ongelukkige ervaring op dit terrein - dat de ‘beschaving’ het Vlaamse deel van het arrondissement nog niet had bereikt. Toch moest hij toegeven dat het Frans in zijn arrondissement enige vooruitgang boekte, die hij vooral aan de jonge onderwijzers toeschreef, want ‘zij kennen de methodes beter en passen ze op een efficiëntere manier toe.’ Ondanks de bezwaren van zijn collega benadrukte inspecteur Bernot het volgende jaar opnieuw hoe belangrijk het was dat de kinderen uit dat deel van het departement op school Vlaams leerden, opdat ze later ook behoorlijk Frans zouden kennen. Op basis van zijn lange ervaring opperde hij het idee dat het Vlaams de vooruitgang van het lager onderwijs niet meer belemmerde dan het dialect, en dat er dus geen reden bestond om in de arrondissementen Duinkerke en Hazebroek een ander schoolbeleid te voeren dan in de rest van het departement. | |
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Toen onderwijsminister Hippolyte Fortou op 24 augustus 1853 toestond dat er te Duinkerke een ‘Comité flamand de France’ werd opgericht, was dit onmiskenbaar een nieuw teken van erkenning van de Vlaamse cultuur. Auguste Ricour, leraar aan het openbaar college van Duinkerke, was stichtend lid van het Comité dat de Vlaamse geschiedenis en literatuur bekend wilde maken: ‘Het komt erop aan alles wat met onze geschiedenis en met de Vlaamse literatuur te maken heeft op te zoeken, te verzamelen, te bestuderen en te benadrukken.’ | |
Besluit: het voortbestaan van een debatIn deze studie laten we zien hoe onder de Julimonarchie geleidelijk aan het idee groeide dat het onderricht van een regionale taal geen hinderpaal vormde voor de alfabetisering en vooral voor het aanleren van het Frans. Deze evolutie was vooral te danken aan de inspecteurs voor het lager onderwijs. Tijdens de eerste helft van het Second Empire werd dat idee ten slotte algemeen aanvaard. Deze verdraagzaamheid, die weliswaar enigszins kon verschillen naargelang het departement, werd in het Noorderdepartement aangenomen door de Departementale Raad van het openbaar onderwijs. Men verlangde alleen dat naast elke Vlaamse tekst ook de Franse zou staan. Deze situatie bleef volgens Emile Coornaert voortbestaan tot het eind van het Second Empire: in 1866 nam de minister van openbare opvoeding het besluit het gebruik van het Vlaams op school resoluut te verbieden. Onderzoek van de annalen van het Comité flamand de France lijkt die analyse te bevestigen. Pas in 1864, dus tien jaar na de oprichting van het Comité, verscheen de eerste studie die pleitte voor de instandhouding van het onderricht van het Vlaams naast dat van het Frans. Daarna werd er gedurende ongeveer een halve eeuw niet meer over het onderwerp gerept. Het kwam voor het eerst weer aan bod in 1910, in een vraag het onderwijs van het Vlaams opnieuw in te voeren en dit in een heel specifiek kader, wat in feite neerkwam op bevestiging van een veralgemeend onderwijs in het Frans. (Uit het Frans vertaald door K. de Vuyst) |
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