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Couleur et variété La place de la céramique dans l'architecture en France septentrionale et en Belgique, 1880-1940
Odile Lesaffre
De tous temps et dans toutes les civilisations l'architecture a recherché l'alliance avec d'autres expressions artistiques pouvant la magnifier par la forme et la couleur, souligner certains détails, voire en modifier l'espace. La céramique, art populaire certes mais aussi facette des arts décoratifs et reflet de l'‘Art’ remplit admirablement ce rôle de mise en valeur du cadre architectural; le mur, plage formelle et colorée de base, devient le support auquel se subordonnent couleurs et dessin.
Cette alliance de la céramique et de l'architecture connaît une réelle fortune dès la moitié du XIXe siècle dans la partie septentrionale de la France (Nord, Pas-de-Calais, Picardie, Région parisienne, Lorraine) et en Belgique. Malgré de multiples disparitions et un refus de reconnaissance de cet art jugé ‘mineur’ si ce n'est ridicule, il est possible d'en évoquer la splendeur, de définir le matériau et sa diffusion, d'analyser les types de bâtiments concernés et les thèmes favoris.
Un peu en marge pour l'emploi de la céramique qu'elle réserve essentiellement à ses pavements et malgré les superbes productions lilloises du XVIIIe siècle (manufactures Febvrier, Wamps et Masquelier) proches des réalisations néerlandaises, la France va en quelque sorte découvrir brutalement les possibilités offertes par ce matériau, qui connaît un véritable ‘âge d'or’ dans la seconde moitié du XIXe et durant les trois premières décennies du XXe siècle. Époque bourgeoise par excellence, le XIXe siècle prône une démocratisation de l'art. Les arts décoratifs et la peinture passent des salons de l'aristocratie aux intérieurs bourgeois et édifices publics, non sans quelques modifications, avant de descendre dans la rue et d'orner cafés et boutiques.
La redécouverte de la polychromie des édifices anciens par Hittorff, Eugène Viollet-le-Duc et leurs condisciples du mouvement historiciste, entraîne l'adaptation de la couleur aux constructions contemporaines. L'architecte Paul
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Sédille définit notamment cette option en 1887 dans son ‘Étude sur la renaissance de la polychromie monumentale en France’. Auteur en 1880 de la Manufacture de Loebnitz, rue de la Pierre Levée à Paris, il en pare la façade de panneaux présentés à l'Exposition universelle de 1878 et y ayant connu un grand succès. La couleur acquiert droit de cité dans l'architecture avant d'être condamnée, comme l'ornement, quelques décennies plus tard. Ces années vont
Saint-Amand, Avenue du Clos.
permettre le développement de la terre cuite, prisée tant pour ses qualités décoratives et ses couleurs, que pour sa facilité d'emploi et d'entretien, et vantée par les hygiénistes pour sa salubrité.
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Le matériau, ses fabriques, sa diffusion
Réaffirmé au cours du XIXe siècle, le goût pour la céramique est favorisé par les nombreux perfectionnements
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visant à améliorer la qualité du matériau et ses procédés de fabrication et donc à réduire les coûts. Industriels, chimistes, céramistes et architectes s'allient pour passer d'un stade quasi artisanal à une production semi-industrielle grâce à l'amélioration de la technologie des fours et à de nombreuses découvertes techniques: lave émaillée de Mortelèque (1827), faïence ingerçable de Pinchenot (1840) moins contraignante et nouveau conditionnement de la pâte autorisant la production de panneaux de plus grandes dimensions, brique émaillée d'Émile Müller (1872) utilisée sur le chantier du Métropolitain, travaux de Théodore Deck sur les émaux cloisonnés, collaboration de Paul Loebnitz avec des architectes, renouvellement de la céramique architecturale par Alexandre Bigot (1862-1927) qui en fait un élément de décoration et de construction.
Malgré une dissémination des réalisations sur tout le territoire, la terre d'élection reste la partie septentrionale et orientale de la France où les manufactures se répartissent sur des sites de potiers de longue date, à proximité des matières premières: argile, forêt puis houille, eau.
En France, il faut citer les faïenceries de Gien, fondées en 1820 et actives jusqu'en 1937, spécialisées dans les décors muraux; les différents établissements du Beauvaisis avec les carrelages Boulenger à Auneuil où les carreaux mosaïques incrustés de la maison des frères Boulenger (vers 1885) constituent un véritable catalogue, la manufacture de grès Greber à Beauvais qui produit dès 1880 des décors de terre cuite et grès; mais aussi les usines de Longwy et Sarreguemines.
En région parisienne quelques établissements se partagent le marché et rayonnent largement au dehors: la Faïencerie Hippolyte Boulenger à Choisy-le-Roi (1804-1934) et Montereau (1895-1955), succédant à Creil, aux importants catalogues; les établissements Gentil et Bourdet à Boulogne-Billancourt avec une production à caractère industriel; la Tuilerie Gilardoni à Choisy-le-Roi dès 1844 et enfin les successives manufactures parisiennes de la famille Loebnitz.
Si des exemples issus de ces fabriques apparaissent dans le Nord, on y fait essentiellement appel aux fabricants locaux, parfois de tradition ancienne: usines de Feignies, de Landrecies, créée en 1909 pour produire du grès cérame, de Douzies-Maubeuge, fondée en 1882 et célèbre pour ses
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carreaux unis, d'Orchies, de St-Amand... Mais la plus grande renommée revient aux établissements Fourmaintraux-Delassus; François-Joseph Fourmaintraux s'établit à Desvres en 1804, ses fils poursuivent l'activité et la développent avec la production de carreaux de faïence fine, de grès destinés à l'architecture et de panneaux décoratifs en émaux cloisonnés; de l'association en 1920 avec Maurice Delassus naît un important centre de production, spécialisé dans l'Art déco et dopé par le marché de la reconstruction, qui décline ensuite doucement jusqu'en 1937 avec l'abandon du grès.
En Belgique, quelques entreprises satisfont la clientèle: les manufactures Gillot à Hemiksem près d'Anvers, avec leur atelier de décor capable de répondre à toutes les demandes et proposant un très abondant catalogue; les usines Villeroy & Boch, issues du berceau allemand de Mettlach, fondées en 1841 à La Louvière, et Boch Frères qui essaiment aussi dans le Nord; la maison Vermeren-Coché à Bruxelles, créée en 1830, qui offre des ‘peintures céramiques ornementales’; les ateliers, d'abord artisanaux, animés par l'architecte Célestin Helman à partir de 1895 à Berchem-Ste-Agathe, qui ajoutent à la production de carreaux de faïence divers ornements architecturaux et disposent d'un vaste choix de panneaux décorés, parfois exécutés à la demande, largement exportés, la production se limitant aux carreaux, de la mort du fondateur (1929) à 1940; la manufacture de Hasselt fondée en 1895 par Henri Baudoux, qui connaît une importante activité jusqu'aux années 30, soutenue par une réelle méthode de vente, et s'attache la collaboration d'artistes de renom; enfin, le céramiste Guillaume Janssens, établi aussi à Berchem-Ste-Agathe, créateur de nombreux décors, collaborant avec des concurrents et plus spécialisé dans l'art religieux.
Comme en France, la zone d'influence de chaque fabricant se détermine selon ses spécialités et en raison de la proximité, un commanditaire pouvant toujours s'adresser à un artiste ou une manufacture de renom pour une commande importante.
La diffusion des réalisations décoratives ou historiées est assurée par des catalogues, plus ou moins conséquents, régulièrement renouvelés et abondamment illustrés, relayant parfois une véritable politique commerciale, et par des
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lieux d'exposition proches des fabriques ou installés par un revendeur (Lille, rue des Postes) multipliant modèles, couleurs, combinaisons de motifs..., exhibant le plus vaste échantillonnage possible de la production, et recréant dans un voisinage parfois amusant des bribes de décors. La demeure peut devenir un argument de vente: maison du céramiste Coilliot, spécialiste de la lave émaillée construite par Guimard en 1898-1900 (Lille, rue de Fleurus). Les Expositions Universelles (1878, 1899, 1900, 1925...) jouent un rôle essentiel dans la promotion du matériau et l'engouement pour la terre émaillée (pavillons de l'exposition ibéro-américaine de Séville en 1929).
Renaix. Local unique avec un décor signé Helman.
Tout décor important ou personnalisé fait l'objet d'une étude précise pour une adaptation parfaite des motifs au cadre, suivie de la mise au point d'un carton pour les scènes figurées par les dessinateurs ou peintres de la manufacture, qui s'attache souvent des artistes de renom signant quelquefois leurs oeuvres. Ces croquis et aquarelles préalables sont repris par une maquette à l'échelle soumise au client, et par un dessin d'exécution pour les émailleurs; enfin une méthode de pose assure le succès de l'entreprise. Rarement signés, les carreaux ou motifs plus usités, plats ou en relief, portent tous au revers la marque de leur fabrique.
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Architectures et décors
Telle une explosion, la céramique envahit ainsi la rue pour plusieurs décennies; s'adaptant admirablement aux recherches décoratives et colorées de l'Art nouveau, elle tempère ses chantournements pour se plier à la rigueur formelle de l'Art déco.
Plusieurs raisons expliquent l'importance prise par la céramique dans l'aménagement des commerces. A la fin du XIX e siècle, la gastronomie prend une place prépondérante entraînant la multiplication, la transformation et l'ornementation des commerces de bouche. Devantures et intérieurs des boutiques deviennent des lieux privilégiés
Boucherie à Desvres.
pour les faïenciers, s'engouffrant dans cette nouvelle technique publicitaire. L'adaptabilité des matériaux aux contraintes spatiales, la possibilité de répétition du décor, son éclat coloré et sa plasticité, son utilisation comme argument de vente, sa facilité de mise en oeuvre et sa solidité, son entretien aisé et son hygiène ne peuvent que plaider pour son emploi.
Cafés, hôtels et restaurants adoptent aisément ce nouveau matériau si facile à entretenir et peu onéreux. Enseigne dans certains cas, le panneau de céramique pénètre à l'intérieur des cafés et brasseries, où il s'associe souvent au verre gravé et au panneau de glace, élément multiplicateur
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agrandissant l'espace en reflétant à l'infini les fresques vitrifiées dans un jeu de brillance et de clarté colorée, serti parfois dans de sombres boiseries (la brasserie La Cigale à Nantes est incontestablement l'exemple le plus réussi).
Les panneaux de l'Hôtel Savoy à Wenduine évoquent les ressources de la terre: ruche, vendangeur, moulin, jeune femme levant une flûte, assise sur une balustrade avec tournesols et pampres de vignes, et y associent des vases de roses. A Anzin, les impostes d'un café Art nouveau s'ornent de motifs fleuris fort colorés, tandis qu'à Lille, l'intérieur du café à l'angle de la rue de la Clef est totalement revêtu vers 1910 de fleurs stylisées déclinées dans des tons de bleu, jaune et vert. A St-Amand l'enseigne du Café de la Paix se déroule sur toute la façade, s'accompagnant de fleurs enrubannées très ‘Louis XVI Impératrice’. A Renaix, outre le panneau abondamment fleuri de la façade d'un café au Petit Marché, le Local unique de la Grand-Place possède un superbe décor signé Helman: deux vastes ensembles, insérés dans la boiserie, célèbrent Rubens et Constant Meunier, H. Conscience et F.A. Gevaert; les médaillons en camaïeu, portés par des angelots grassouillets, sont environnés de lourdes guirlandes de fleurs recensant la flore flamande du XVIIe siècle et nimbés des vapeurs échappées d'imposantes cassolettes tripodes; à l'arrière-plan, derrière une balustrade, se déroulent d'amples paysages, campagnard ou urbain.
Les thèmes sont purement décoratifs (Lille), ou végétaux (Anzin, Gand, Renaix), parfois allégoriques ou anecdotiques (Renaix), déploient un paysage (café de Desvres), s'inspirent de styles antérieurs (St-Amand).
Dans la région du Nord de la France sont demeurées quelques enseignes de brasseries, apposées le plus souvent sur des débits de boissons. Représentant souvent Gambrinus (Anzin), quelquefois parfois en relief (Cambrai), elles évoquent le travail du brasseur (Fretteur à Lomme) ou directement la marque de la bière telle la Brasserie de l'Ange, dont la statue d'ange gardien en terre cuite, de la brasserie rue du Magasin à Lille datant de 1860, est reproduite sur un ensemble de céramique autrefois apposé avenue de la République à La Madeleine, accompagné d'autres décors évoquant la bière: pots d'étain, orge et houblon.
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Ces panneaux publicitaires et enseignes existent pour d'autres commerces: viandes (salaisons à Denain, Desvres, Renaix), fromages, bijouterie (rare composition alliant bijoux et perles à Mouscron), fleuriste (Tourcoing), coiffeur et allant parfois jusqu'à la couverture totale de la façade: pharmacie de la Grand-Place à Binche où quatre panneaux vantent les vertus des pilules purgatives, farines
Poissonnerie-restaurant ‘A l'Huitrière’ à Lille.
lactées, spécialités colombophiles et autres lotions, les marques représentées ayant sans nul doute participé au financement.
Les magasins d'alimentation ont rapidement plébiscité ce revêtement si hygiénique et économique, leur permettant de vanter la marchandise tout en décorant agréablement la boutique. Hormis les enseignes (poissonneries à Blanken- | |
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berge et Knokke-Heist), l'aménagement parfois d'une façade complète (boucherie à Desvres avec des profils de béliers or se détachant en relief sur un fond bleu), les boutiques (crémeries, boucheries, poissonneries, boulangeriespâtisseries) ont revêtu leurs murs de carreaux. Les décors vont du plus banal, et alors très répandu: soubassement de carreaux, parfois posés en diagonale, séparé par un tore sombre du mur uni s'achevant en frise décorative ou fleurie, aux compositions élaborées en relation directe avec les produits proposés, avec des motifs alors insérés dans le mur intérieur ou apposés sur la façade (Mouscron, Sainsdu-Nord). Des décors identiques mais avec des coloris autres peuvent se retrouver dans des commerces différents: charcuterie à Ypres et poissonnerie à Lille, prouvant la richesse des catalogues. Les boucheries-charcuteries, outre des protomés ou des représentations d'animaux (Desvres) proposent des scènes champêtres, des trophées ou un échantillonnage de leurs produits: pâtés, jambons, côtelettes..., les crémeries s'illustrent d'évocations bucoliques ou de frises d'animaux de basse-cour (coqs, poules et poussins, faisans à Lille); les poissonneries préfèrent s'orner de fonds marins (l'Huîtrière à Lille où l'intérieur dû à Mathurin Méhaut date de 1940, les carreaux aux strictes lettres de l'entrée
étant posés en 1928), de scènes marines et de figures de pêcheurs (Knokke-Heist) parfois accompagnées de leurs épouses (Blankenberge). Les boulangeries-pâtisseries (Chauny, Lille) optent pour des scènes bucoliques parfois allégoriques, des chutes de feuillages et de fleurs champêtres, qui se mêlent aux miroirs et verres gravés ou fixés sous-verre, la boutique prenant alors des allures de salon. Vouée à la brique, l'architecture industrielle de nos régions fait appel à la céramique pour ses enseignes, y atténuant la sévérité du matériau. Brasseries, minoteries (Landrecies, Villeneuve d'Ascq), mais surtout fabricants de carreaux (Fourmaintraux, Greber) ou entreprises de bâtiment en sont les principaux clients. Le thème de l'industrie apparaît parfois: à Mouscron, une maison construite en 1901 par Gustave Fache conserve sous sa corniche une série de panneaux réalisés par Delgutte à Mons-en-Baroeul et évoquant les saisons et surtout l'activité linière. Les garages (Omnia Automobiles à Middelkerke) ne pouvaient qu'apprécier ce revêtement si durable et si facile d'entretien,
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pour couvrir leurs façades. Une suite de garages locatifs à Ambleteuse est même décorée d'une série de savoureux panneaux d'une trentaine de carreaux, tous différents, représentant ces monstres d'automobiles fendant la campagne et effrayant poules et chiens, dont la numérotation sert pour les boxes. On est certes loin des magnifiques réalisations d'Édouard Montant pour le Michelin Building de Londres (1910-'11, architecte François Espinasse) vantant les victoires de Bibendum et les mérites de la firme pneumatique en de nombreux panneaux se succédant sur la façade et les murs intérieurs.
La céramique infiltre aussi la demeure à divers niveaux. Si les lieux de production (Desvres, Auneuil, St-Amand) voient fleurir les maisons ornées de terre cuite, parfois sous le couvert d'une autoconstruction savoureuse, les bâtiments d'habitation, maisons de ville ou villas, demeures modestes ou grandiloquentes, se parent souvent de briques émaillées apportant une note colorée à la sévérité du mur de brique, ou de panneaux vitrifiés, soulignant l'architecture et conférant rythme et polychromie à la façade, rarement totalement revêtue, différenciant l'habitation de ses voisines. Posés en retrait, au droit ou en saillie du mur, ils forment soubassements (reprenant la tradition de la gresserie du XVIIe siècle pour isoler de l'humidité), déroulent une frise, marquent les niveaux, soulignent les baies, peuplent tympans ou écoinçons, parsèment le mur de cabochons. Des panneaux décoratifs ou figuratifs, vendus sur catalogue avec une grande variété de coloris pour chaque motif, mais un peu stéréotypés animent le mur. Parfois ils nomment la maison, la datent ou signalent d'une plaque le nom de l'architecte ou de l'entrepreneur. Le graphisme des lettres, d'abord tout en courbes s'assagit au fil des années; la gamme colorée se modifie peu, la mode s'infléchissant du fond blanc au fond coloré, souvent bleu turquoise. Les tonalités des motifs, d'abord un peu sourdes mais élaborées avec quelques accords rares, s'éclaircissent et s'avivent peu à peu.
L'architecture domestique favorise certains décors tournant autour de la nature (fleurs, papillons, oiseaux), faciles à décliner en frises ou en guirlandes sur une suite de quelques carreaux pouvant se répéter à l'infini, ou à glisser entre deux fenêtres (fleurs enrubannées, cornes
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d'abondance, bouquets dans des vases). Pourtant la mode évolue durant ces décennies; si de 1880 à 1910 on opte pour les fleurs complexes aux formes tourmentées (iris, nénuphars, chardons, tournesols) ou grimpantes (volubilis, liserons, glycines), les années suivantes préfèrent la marguerite, l'anémone, le coquelicot et le pavot, la rose demeurant une valeur sûre. Les bouquets, savamment composés et chargés, parfois situés devant un treillage ou noués de rubans, reflètent les goûts décoratifs du moment et sont
Villa Olga à Blankenberge.
un écho aux peintures de l'âge d'or hollandais. Les arabesques mêlées de grotesques, les médaillons et les cuirs enroulés évoquent les motifs favoris de la Renaissance, largement diffusés par la gravure; enfin le paon est souvent plébiscité pour sa qualité décorative, voire le perroquet pour son exotisme et ses couleurs.
Thème privilégié de la Belle Époque, la femme est très présente: médaillons, allégories, scènes diverses. Idéalisée et intemporelle, souplement dessinée ou sévèrement
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hiératique, elle se mue en nymphe ou naïade, en signe zodiacal ou en saison, rarement identifiée à un personnage contemporain et évoque parfois les réalisations de Mucha, souvent transposées d'ailleurs en céramique (Brasserie de la Paix à Lille, réalisation récente de Desvres). Les per-sonnages masculins sont plus rares, hormis les figures de Gambrinus et de Bacchus. Putti et angelots, issus de la Renaissance, se rencontrent fréquemment.
Parfois l'entrée de la maison se creuse d'une sorte de perron pour accueillir de vastes compositions rectangulaires, où hérons, flamants et cygnes évoluent parmi roseaux et
Dunkerque, les Bains-douches.
nénuphars (Le Quesnoy), des hirondelles volettent entre les vases fleuris (Valenciennes) trahissant une inspiration japonisante, sans doute véhiculée par les estampes si appréciées des Impressionnistes. La céramique pénètre aussi à l'intérieur de la demeure, envahissant les lambris des vestibules et des escaliers, les murs des salles de bains et des commodités, les cheminées.
A Saint-Amand-les-Eaux, ville conservant de nombreux témoignages de l'activité potière, existe, rue du Clos, une remarquable demeure dont toutes les baies et des pans de murs sont ornés de carreaux élaborés sur un thème fleuri et dans une gamme colorée raffinée; la porte d'entrée elle- | |
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même est ceinte de carreaux et dominée par un mascaron hilare en haut relief.
De rares ensembles homogènes ont été conservés, un phénomène de mode quand ce n'est la peur du ridicule, doublé par la frénésie immobilière et la quasi-absence de mesures de protection, ayant souvent été fatal aux surfaces émaillées. Le quartier de Cogels-Osylei à Anvers fait exception. Ce lotissement des années 1880, à l'urbanisme conscient et intégrant le végétal, exclusivement à usage d'habitation, fait preuve d'un éclectisme architectural parfois délirant, d'une imagination créatrice sans limites, où toutes les formes d'expression artistique (sculpture, céramique, mosaïque, sgraffite, ébénisterie et ferronnerie) intègrent l'art de bâtir dans un vocabulaire décoratif inépuisable, prouvant une fois encore que l'architecture domestique et son décor sont en étroite relation avec les options stylistiques contemporaines.
A Tourcoing, le château Vaissier construit pour l'inventeur du Savon du Congo par Charles Dupire-Rozan en 1892, et censé reposer avec son dôme vitré sur quatre éléphants, comportait un décor de terre cuite jouant sur l'alliance vert acide-turquoise, encore discernable dans le pavillon d'entrée seul sauvé.
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La villa balnéaire
L'architecture balnéaire occupe une place particulière et privilégiée dans le tandem architecture domestique/céramique. La définition générale est identique, mais on assiste ici à plus de liberté, d'originalité. Si les hôtels ne sont pas en reste, le type architectural de base est la villa, avec tout ce qu'elle peut sous-entendre de variété et d'éclectisme. La quasi- totalité des maisons porte un nom, parfois cité sur un panneau sculpté ou moulé, mais le plus souvent illustré par quelques carreaux de céramique. Le ‘prénom’ de la demeure s'entoure d'enroulements végétaux ou de fleurs, s'accompagne d'oiseaux ou de papillons. Le littoral favorise aussi les évocations marines: mouettes (Dunkerque), volant parfois devant un coucher de soleil (Middelkerke, Nieuwpoort), crustacés (Le Tréport), visages de pêcheurs. Quelques villas offrent un décor recherché, parfois à l'iconographie complexe: Villa Les Loups, avec un vaste panneau représentant quelques canidés dans la neige, et sur- | |
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tout la Salamandre associant étoiles de mer et symboles néorenaissants en grès flammé, toutes deux à Ault-Onival. La côte belge recèle deux types architecturaux spécifiques. La façade totalement revêtue de céramique blanche ou beige, parfois soulignée de briques colorées, turquoise, marron ou vert mousse, est élue pour sa facilité d'entretien et sa pérennité en climat marin. De nombreuses résidences des cités balnéaires, pas nécessairement situées sur le front de mer, possèdent une sorte de vaste perron, véritable pièce surélevée, ouverte sur la rue, aux
murs totalement carrelés, qui permettait de prendre le soleil et de bénéficier de l'air marin sans souffrir du vent. De la version la plus simple (un
Mouscron, la salle de danse du Palais des fêtes
(Maison Picarde).
soubassement sobre, une frise ou une mouluration, un mur de carreaux unis sommé d'une frise d'oiseaux, de fleurs et même de renards!) aux modèles les plus sophistiqués (soubassement au décor chargé, frise décorée et sculptée, murs ornés de panneaux historiés avec des chutes de fleurs dans les angles, frise au sommet), les maisons de la côte belge, malheureusement bien menacées par les promoteurs, égrènent toute une série de décors souvent d'inspiration japonisante. L'un des plus beaux exemples est incontestablement la villa Olga à Blankenberge, dont le décor rutilant de la façade et du porche et les verres gravés sont indemnes. Lieu de repos et station balnéaire depuis le
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XVIIIe siècle, comptant de nombreux hôtels dès 1805, Blankenberge qui reçoit une clientèle fortunée et internationale, connaît un développement spectaculaire avec sa desserte par le chemin de fer et se pare de luxueuses villas. Elle est certes la ville côtière ayant gardé son patrimoine le plus intact, et avec un maximum de diversité. Outre les maisons revêtues de briques émaillées, avec la variante locale de celles Art déco toutes recouvertes de carreaux carrés jouant l'alliance ocremarine, les multiples panneaux nommant les demeures, elle conserve de nombreux témoignages de cette architecture balnéaire si spécifique: belles villas aux décors multiples, gamme complète de ces ‘perrons vitrifiés’ dignes d'un catalogue de fabricant, façades d'immeubles de destination différente ornées de décors de terre cuite vernissée, boucheries présentant les animaux de ferme, poissonneries ornées de figures de pêcheurs, l'une d'elles ayant admirablement intégré à sa rénovation, outre son enseigne, les visages des autochtones et les appétissants poissons dessinés chez Helman, curieuse enseigne du ‘Magasin de la Plage’... On ne peut que regretter la disparition récente des carreaux flammés aux teintes de mer revêtant le Casino fondé en 1886 et remanié en 1932-'34 par Stynen.
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Métropolitain, piscines, salles des fêtes,...
La dernière décennie du XIXe siècle voit débuter un gigantesque chantier, le Métropolitain de Paris. Pourtant depuis quelques temps déjà les pouvoirs publics passaient des marchés pour les enseignes, assez sobres, de leurs établissements: compagnie des eaux ou d'électricité (Tourcoing), écoles dont les carreaux reprennent parfois le dessin enfantin du piquage (La Madeleine) ou déclinent l'emblème municipal (Valenciennes), crèches (Roubaix), mairies, bureaux de postes (Anzin), octrois (Valenciennes)... Certaines municipalités optent pour la sobriété du grès de Beauvais tandis que d'autres n'hésitent pas à choisir des revêtements plus colorés ou des panneaux décorés, parfois réalisés sur commande spécifique.
D'autres édifices se prêtaient particulièrement bien aux revêtements de faïence, mais ont payé un lourd tribut aux destructions: les bains-douches et les piscines. Si le bassin de natation de Valenciennes a disparu, les Bains Lillois datant de 1880 environ, n'ont vu que leur façade, si bien
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en harmonie avec sa voisine de 1883, ‘préservée’ en devenant le décor d'un immeuble de logements. A Dunkerque, les Bains-Douches construits en 1895-'96 par les architectes lillois Gilquin, Boidin et Baert, dans un rare style mauresque, à la façade rayée de briques vertes et turquoises, avec un portail coquillé orné de mosaïques et flanqué de deux lions de terre cuite, ont pu être sauvés.
Les salles des fêtes et les théâtres accordent parfois une place à la céramique. C'est le cas de la modeste Salle de musique d'Ohain dans l'Avesnois, datant de 1903, avec un trophée aux instruments de musique, et qui paraît donner un écho architecturé aux si beaux kiosques de la région. Mouscron, avec la salle de danse du Palais des fêtes (Maison Picarde) possède un inestimable joyau. Conçue par l'architecte Martial Rémi dans les années 1920, la salle est un ensemble complet de céramiques réalisées par la maison Helman, associant grès flammés pour les soubassements et les encadrements dans des tonalités de vieux rose jaspé de bleu et de vert amande, les corniches et les pilastres ‘à l'ionique’, motifs décoratifs et floraux et panneaux historiés, se jouant avec brio des contraintes dues à la présence d'une scène et d'un balcon pour l'orchestre, créant une fontaine et associant miroirs biseautés et ferronneries. Six tableaux, répliques d'oeuvres d'artistes connus, évoquent l'atelier d'un artiste enseignant sculpture et dessin, les forgerons au travail et le bonheur simple d'une famille à la campagne, le retour à la ferme après la moisson, le dur départ au labeur des ouvriers d'usine, le laboureur, les glaneuses. Ces scènes prouvent la connaissance des travaux de Puvis de Chavannes et de Millet. De part et d'autre du balcon souligné d'une frise aux fleurs stylisées assez lourdes, deux couples de jeunes femmes portant cornes d'abondance et fleurs (Flore et Pomone?) ou jouant de la musique (Euterpe?), se meuvent dans d'idylliques paysages; ces frondaisons semblent sorties des peintres de fêtes galantes, tandis que les muses sont soeurs des égéries des symbolistes.
L'ambiance de cette salle, conçue dans un esprit fort paternaliste, évoque à la fois les travaux pénibles du quotidien, mais aussi le bonheur du travail accompli ou de l'apprentissage d'un art, tout en décrivant la félicité du repos bien mérité.
De petits édifices, plus discrets, s'ornent aussi de carreaux:
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édicule du square Jouhaux à Arras, vespasienne, hélas disparue, du parc Barbieux à Roubaix.
La céramique s'invite même dans les monuments commémoratifs telles les deux plaques dédiées aux instituteurs disparus pendant la Grande Guerre sous le porche de l'école communale de Desvres.
Si elle est présente dans les calvaires (Bruges), la céramique participe aussi au renouvellement de l'art sacré. Des carreaux de grès à motifs décoratifs sont utilisés comme soubassement à l'église St-Bartholomeus de Geraardsbergen (Grammont), d'autres, unis, ornent le porche de celle de Wattrelos. L'église de Warneton, détruite en 1915 est reconstruite de 1924 à 1927 par les architectes anversois Van Hoenacker, Van Beurden et Smolderen. Elle possède un mobilier complet (maîtreautel et autels latéraux, banc de communion, chaire, confessionnaux et piédestaux des statues) de style Art déco, réalisé en grès cérame à émaux colorés, dans des tons de vert, bleu, rose et blanc, par l'entreprise Helman dont c'est la première réalisation religieuse.
Ainsi donc la céramique a largement infiltré pendant plus d'un demi siècle l'architecture lui insufflant couleur et variété, soulignant avec bonheur les styles multiples de l'éclectisme, puis les volutes de l'Art déco, tout en reflétant les recherches stylistiques contemporaines.
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Samenvatting Keramiek in de architectuur in Noord-Frankrijk en België, 1880-1940
In alle tijden en in alle beschavingen heeft de architectuur een bondgenootschap gesloten met andere kunsten, met als doel de
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vorm te verfraaien, kleur aan te brengen, sommige details te accentueren of de ruimte te veranderen. Keramiek was hiervoor een uitstekend middel.
In het midden van de 19de eeuw kende de samenwerking tussen architectuur en keramiek een hoogtepunt in Noord-Frankrijk en België. Door een gebrek aan waardering voor deze kunstvorm zijn er op dit ogenblik maar weinig resten overgebleven. Hierdoor is het vandaag moeilijk om de pracht ervan aan te tonen en de diverse materialen, de verspreiding, de verschillende soorten gebouwen en de favoriete thema's te bespreken en te analyseren.
In de 19de eeuw, de burgerlijke eeuw bij uitstek, werd de democratisering van de kunst sterk gepromoot. Decoratieve kunsten en schilderkunst verhuisden, niet zonder kleine aanpassingen, van de salons van de adel naar de huiskamers van de burgerij en naar publieke gebouwen, om daarna ook in het straatbeeld, in de gevels van cafés en winkels, zichtbaar te worden. De herontdekking van de polychromie bij oude gebouwen door Hittorf, Eugène Viollet-le-Duc en de volgelingen van het historicisme, leidde tot het gebruik van kleur in hedendaagse gebouwen. Deze optie werd door de architect Paul Sédille gedefinieerd in zijn werk Étude sur la renaissance de la polychromie monumentale. De kleur werd enkele decennia later in de architectuur algemeen geaccepteerd als ornament. In deze periode kent de gebakken aarde een ontwikkeling en ze werd geprezen voor zijn decoratieve kwaliteiten, zijn kleur en voor het feit dat ze zeer makkelijk toe te passen en te onderhouden was. De hygiënisten prezen haar voor haar zindelijkheid. Het gebruik van keramiek werd gestimuleerd door verschillende technische verbeteringen o.a. aan de ovens. Deze hadden niet alleen een invloed op de kwaliteit van het product, maar ook op de kostprijs ervan. Industriëlen, scheikundigen, keramisten en architecten sloegen de handen in elkaar om van een artisanale productie over te gaan naar een semi-industriële.
Ook al vindt men realisaties over het gehele (Franse) territorium, toch blijft het noorden en oosten van Frankrijk het meest uitverkoren gebied. De werkplaatsen van de producenten zijn lange tijd gevestigd in de buurt van de basismaterialen: leem, hout en later steenkool en water. Naast de verschillende bedrijven in de buurt van Beauvais en de fabrieken van Longwy en Sarreguemines, moet men ook de productiecentra in de buurt van Parijs noemen (Choisy, Montereau, Creil,...). In de Noord-Franse regio zijn er fabrikanten in Feignes, Landrecies, Douzies-Maubeuge, St. Amand en vooral in Desvres. In België bevonden zich verschillende bedrijven o.a.: Gillot in Hemiksem bij Antwerpen, Villeroy et Bosch bij La Louvière, Boch Gebroeders, Vermeren-Coché in Brussel, Helman en Guillaume Janssens in Sint-Agatha-Berchem en in Hasselt.
De verspreiding gebeurt via catalogi die regelmatig aangepast worden en uitvoerig geïllustreerd zijn en via expositieruimtes in de buurt van de fabrieken, waar een zeer ruime keuze uit de productie wordt getoond. Tentoonstellingen zullen een belangrijke rol spelen bij de promotie van het materiaal.
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Elk belangrijk decor wordt vooraf grondig bestudeerd om de motieven perfect aan de omgeving aan te passen, de kartons van de verschillende uitgebeelde scènes precies door de tekenaars en de schilders te laten uitwerken en een schaalmodel te kunnen maken dat aan de klant gepresenteerd werd. Gedurende verschillende decennia werd zo de straat veroverd en aangepast aan de decoratieve en kleurrijke ideeën van de Art nouveau die daarna weer verlaten werden om aan de meer vormelijke eisen van de Art deco te voldoen. De betekenis van keramiek bij de inrichting van de handelszaken kan verklaard worden door de belangrijke plaats die de gastronomie had weten te veroveren met een meer geraffineerde decoratie van de eetwarenwinkels. De etalages en de interieurs van de winkels werden versierd met keramiek. Het was ideaal voor nieuwe reclametechnieken want het was makkelijk aan te brengen, stevig en niet duur en paste zich uitstekend aan aan de eisen van de ruimte omdat het gekleurde decor eenvoudig herhaald kon worden. Cafés, restaurants en hotels voerden dit nieuwe, makkelijk te onderhouden en niet dure materiaal snel in. De keramische wandversiering drong de interieurs van de cafés en drankhuizen binnen. Daar werd zij vaak gecombineerd met geslepen glas of glazen panelen, gevat in somber houtwerk, elementen die als doel hadden de ruimte, door de glazen fresco's die tot in het oneindige weerspiegeld werden, groter te laten lijken. De thema's zijn decoratief, met planten, soms met allegorische of anekdotische taferelen, ze stellen landschappen voor of worden door oude stijlen geïnspireerd. Sommige reclamepanelen van drankhuizen, die ook vaak op tapkranen werden aangebracht, bewijzen dat dit materiaal zeer bruikbaar is voor publicitaire doeleinden. Overigens vinden we dat ook in andere winkels terug zoals bij slagers, kaasboeren, juweliers, bloemisten, kappers, apothekers, enz. De voedingswinkels hebben snel deze hygiënische en
economische inrichting, die het hun mogelijk maakte hun waren aantrekkelijk uit te stallen, overgenomen. De gebruikte decors waren soms erg banaal (eenvoudige sokkel met keramiektegels of een vierkant motief, onderbroken door een zuil in de muur, soms afgewerkt met een decoratieve of gebloemde fries), soms waren het bewerkte composities die direct verband hielden met het soort handel dat er gevoerd werd.
Ook in de industriële architectuur vinden we keramiek terug in de uithangborden, o.a. van meelfabrieken, bouwbedrijven, uiteraard ook tegelbedrijven en natuurlijk ook garages.
Keramiek dringt langzamerhand ook in de woningen binnen. Deze tooien zich vaak met geëmailleerde bakstenen die de strengheid van de bakstenen muur met een kleurige toets onderbreken. Soms werden er geglazuurde panelen aan gebracht die de architectuur accentueerden en ritme en kleur brachten in de gevels. Daardoor kon het ene huis zich onderscheiden van dat van de buur. Ze bekleedden de onderbouw van het huis, werden in een fries aangebracht, markeerden de verschillende niveaus, gewelven, enz. De naam van het huis werd in
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keramiek aangebracht, of het bouwjaar of de naam van de bouwonderneming. De decors stelden vaak natuurtaferelen voor die gemakkelijk in friezen en guirlandes te verdelen waren en tot in het oneindige herhaald konden worden of die men tussen twee vensters kon leiden. De mode evolueerde snel. Ook de vrouw was zeer aanwezig in deze decors. Soms werd de ingang van het huis als een soort perron uitgebouwd waarop grote rechthoekige composities geplaatst werden, vaak met Japanse thema's. Binnen werd keramiek gebruikt in traphallen en voorportalen, voor badkamers en schoorsteenmantels.
De kustarchitectuur biedt een originele variant. De algemene definitie blijkt dezelfde, maar men ziet meer vrijheid en originaliteit in de uitvoering. Bijna alle huizen dragen een naam, vaak omringd met slingers van planten of bloemen en versierd met vogels, vlinders of marinetaferelen.
Aan de Belgische kust kunnen we twee types onderscheiden. Een gevel die volledig bezet is met witte of beige keramiektegels, soms ondersteund met gekleurde baksteen, wordt vooral gekozen omwille van zijn gebruiksvriendelijkheid en zijn duurzaamheid in dit zeeklimaat. Vele huizen in de kuststeden, niet noodzakelijk op de dijk, beschikken over een terras waarvan de muren vaak helemaal bezet zijn. Deze decors variëren van heel eenvoudig tot heel gesofistikeerd.
De openbare besturen ontdekten eveneens de bruikbaarheid van de keramiek en bestelden soms hele decors voor hun gebouwen (zoals scholen, gemeentehuizen, postgebouwen, enz.) en zelfs voor urinoirs of herdenkingstekens. Van de zwembaden of openbare wasgelegenheden zijn maar weinig getuigen overgebleven.
Ook in feestzalen en theaters werd vaak keramiek gebruik, soms met heel grote ensembles. Ten slotte vindt men keramiek ook terug in sommige religieuze gebouwen, met name in de kruiswegen.
Gedurende meer dan een halve eeuw dringt keramiek binnen in de architectuur. Zij brengt zo kleur en variatie en onderstreept de verschillende stijlen van het eclecticisme, de weelderigheid van de Art nouveau of de strenge geometrische vormen van de Art deco. Keramiek is zo de weerspiegeling van de stilistische zoektochten van haar tijd.
(Uit het Frans vertaald door Dirk van Assche)
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