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maurice gilliams
traduit du néerlandais par henry fagne.
mourir à anvers
L'ange de pierre de la cathédrale,
à minuit, met d'aplomb les gens qui faiblissent.
La légion des poux craque et les chats pissent
dans de tors culs-de-sac, où pas un vent ne passe.
Campés sur les pitons du silence,
de pied en cap sous une écorce de sommeil,
le sang à la gorge et le crâne plumé,
voici, puants, les coqs de la souffrance.
Les grains du rosaire, ici, sont gaspillés;
le poil et la peau ne laissent pas d'énigme,
où le vide au sein du vide veut habiter.
De pièces, la maison, la ville avec ses rues:
ah! laissez donc la cloche. A votre or, votre vin!
Sous terre, tout pourrit. Ne priez pas pour le squelette.
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maurice gilliams
traduit du néerlandais par henry fagne.
littoral en hiver
Maria, sur la grève, appelle l'enfant
que nous n'attendons plus qu'en rêve.
La réponse qu'en nos corps nous entendons,
rappelle notre mère appelant son enfant.
Les mouettes sont seules, une centaine, ensemble,
jusqu'à ce qu'une d'elles ait trouvé un butin.
Et leurs cris injurieux, dans notre coeur, se vengent,
car, vivants, nous avons demandé de la vie.
Rien ne nous appartient: la dune aux tons de soufre,
le cliquetis des chaînes dans les flots.
Bois flottant, gras d'écume: on n'en fait pas un feu.
La peine est sans salut, qui, dans les joies, perdure.
Ainsi que sable et sel, nous voici tous deux vieux.
Tantôt, en nous aimant, nous rentrerons chez nous.
La louve et le loup dans le lit de l'hiver,
quand le haut cri du coeur s'amenuise en murmure:
des angoisses, dans le noir, des noms montent en vrille,
avec le goût du sang de l'agneau dans leur vin.
Comme au temps des parents, sont les nuits,
où les ruines du temple oppressaient la maison.
Qu'un rayon lumineux frémisse à travers l'ombre,
et la chimère vient moisir au long des murs.
La main d'enfant rêvée, en nous elle sommeille;
son pouls bat comme, en détresse, le coeur
des oiseaux qu'il faut lâcher, l'âme en peine.
Tous deux, sous le drapeau des draps de notre lit,
comme morts au combat, nous voici exposés,
la main de Maria sur mon poil grisonnant.
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maurice gilliams
traduit du néerlandais par henry fagne.
Le feuillage exténué des hêtres
où chassent les renards de novembre
- à l'automne, ma mère ici venait pleurer;
chantant, me caressant et m'appelant
ou mésange ou pinson. Tout chauds de nos prières,
nous longions l'avenue. Je portais la lanterne.
Au château, nous entendions jouer du piano,
à travers les iris, l'étang malade.
Cierge rêvé, combien de temps brûleras-tu?
Marie est près de moi. Des pierres et des étoiles
choient sur la table, au long de mes joues pétrifiées
tandis que j'écris. Et de durs trousseaux de clefs
tintent. Dans le trou fétide de mes oeuvres,
l'araigne guette la fourmi. Les racines pourrissent.
Et lorsque l'espadon s'approchera,
dans l'eau montante des rêves barbares?
Son ombre est en chasse des mots sans limite
dominant le lit perlé des larmes.
Les harpes, à jamais, gisent brisées
sur le rivage où se jouent des enfants à naître.
Et dans le chagrin des jours des années,
notre coeur aspire aux chers innommés.
De Dieu, la citadelle est engloutie.
L'espadon vient. Déjà blancs de sommeil, chassés
l'un de l'autre, nous espérons l'ombre du soir.
Et, dans l'âme déjà, tout prêt à disparaître,
chacun sur son écueil est touché de ses craintes,
transi jusqu'au tréfonds de se taire toujours.
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