tration. Dans son discours de remerciement, Bodifée se réjouit du rapprochement de la presse et de la science qui, finalement, visent avant tout, l'une comme l'autre, à révéler et à faire comprendre la vérité. Ni la presse ni la science n'admettent de dogme et elles procèdent toutes les deux par une analyse critique de leur objet. Elles ne peuvent exister que dans une société qui tolère la liberté.
Le mot liberté est important dans l'oeuvre de Bodifée, laquelle est en soi une traduction, dans un style inspiré, de ce qui est devenu évident dans le domaine scientifique au cours de ces dernières années: afin de connaître l'ordre des choses, nous devrons accepter que le désordre, le chaos, règne également dans la nature, qu'il y a des bifurcations, des moments où plusieurs voies s'offrent à nous et où nous devons choisir librement l'une d'entre elles. Si nous chauffons de l'eau dans une casserole, elle se met bientôt en mouvement: des courants de convection naissent. L'eau chaude monte, l'eau froide descend, selon une dynamique circulaire. Mais il est impossible de prévoir si ces courants vont commencer à gauche ou à droite.
Cela s'explique par une vieille opposition. Au siècle dernier, on découvrit pourquoi le temps s'écoule uniquement dans un sens, alors que les lois naturelles définies à cette époque jouent dans les deux sens. On fit cette découverte grâce au deuxième principe de la thermodynamique qui veut que la nature tende vers une entropie et un désordre croissants. Cette loi est diamétralement opposée à la théorie de l'évolution élaborée par Darwin à la même époque, selon laquelle la nature vivante tend vers des structures de plus en plus complexes et ordonnées.
Cette opposition fut surmontée grâce au regard nouveau que porta surtout, sur les sciences naturelles. Ilya Prigogine, le lauréat belge du
prix Nobel, qui trouva pour la première fois en
Gerard Bodifée (o1946).
Bodifée un vulgarisateur talentueux. En effet, pour la première fois, les aspects ludique, créatif et pratique de la nature peuvent être expliqués par les sciences naturelles, et de ces découvertes Bodifée est le héraut lyrique. Son oeuvre mérite d'être traduite (Une traduction anglaise de
Het vreemde van de aarde est d'ailleurs en cours et, d'autre part, Bodifée a collaboré à un... almanach chinois).
Bodifée a également publié un certain nombre d'ouvrages d'astronomie, il est actif dans plusieurs observatoires publics et a obtenu le titre de docteur en astrophysique à la VUB, après avoir décroché une licence en chimie à Anvers et à Gand.
Pieter van Dooren
(Tr. P. Grilli)