Septentrion. Jaargang 17
(1988)– [tijdschrift] Septentrion–[Cahiers de l'association
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Néerlandais en France:
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Ton de Leeuw.
d'un musée sur le double plan administratif et artistique. Entre 1954 et 1959 Ton de Leeuw a été régisseur du son à la radio néerlandaise. Depuis il est professeur de composition au Conservatoire d'Amsterdam dont il est également directeur artistique et responsable du studio électronique, postes qu'il quitte maintenant pour s'installer définitivement en France où il possède une maison à Vétheuil, dans le val d'Oise. De Job (1956, Prix Italia) à Résonances (1985) pour orchestre symphonique commandé par l'Orchestre du Concertgebouw à l'occasion du centenaire de cette formation en passant par Mouvements Rétrogrades, le Premier Quatuor à cordes (Prix des Jeunesses Musicales en 1958), la Symphonie pour instruments à vent (1965, commande de l'Orchestre de Pittsburg), Haiku pour soprano et orchestre (1968, commande de l'Orchestre Symphonique de Rotterdam), Clair-Obscur (oeuvre électronique de 1981), Car nos vignes sont en fleurs (1982), commande de Radio France qui constitue une trilogie avec And they shall reign for ever et Invocations, il a beaucoup composé. Il avait écrit Gending en 1975, musique pour gamelan javanaisGa naar eind(1). Il a, en effet, confirmé ses goûts pour la musique orientale, beaucoup voyagé en Indonésie, dans l'Inde, au Japon, en Chine, procédé à des études ethno-musicologiques approfondies et, du même coup, s'est passionné pour la philosophie asiatique qui a marqué son oeuvre (‘les conceptions philosophiques du boudhisme et de l'hindouisme sont différentes mais elles ont beaucoup de choses en commun’). Puis il y a la culture arabe. Les grands théoriciens arabes des 9ème, 10ème et 11ème siècles ont traduit les traités musicaux des philosophes grecs. On trouve des vestiges de cette musique dans la musique arabe d'aujourd'hui. Il a séjourné à plusieurs reprises à Hong-Kong. Sont-ce de vrais Chinois qui l'habitent? Il est intéressant, dit-il, de voir comme le régime communiste chinois a voulu couper violemment avec le passé, la tradition étant condamnable; par voie de conséquence et paradoxalement la musique qui a été écrite ces dernières années est plus occidentale. On sait comme le Japon assimile bien. En musique comme en tout. Les Japonais ont cependant gardé une sorte de noyau dur de leurs traditions qui prolonge le sens de leurs valeurs. Mais les musiciens japonais sont ou occidentalisés ou traditionnels; il se mélangent rarement. Fort de ses études, riche des connaissances acquises dans ces multiples voyages à l'étranger, Ton de Leeuw s'est fait auteur et conférencier. Sa Musique du XXème siècle parue en 1963 a été l'objet de plusieurs éditions et traductions. Il a écrit de nombreux articles sur la musique contemporaine et les ‘interactions culturelles’ entre la musique orientale et la musique occidentale, sujets que le conférencier brillant qu'il est devenu a maintes et maintes fois traités à la radio néerlandaise et dans toutes les parties du monde, notamment au Japon, en Iran, aux Philippines, en Indonésie, en Australie, à Hong-Kong, en Union Soviétique, en Europe bien entendu et aux Etats-Unis où il a enseigné la composition à l'Université de Berkeley en 1983. En 1961 il avait été envoyé en mission par le gouvernement néerlandais pour un voyage d'études en Inde sur la musique classique de l'Inde et ses rapports avec la musique occidentale. Quant à la musique contemporaine... -N'est-elle pas un peu trop l'oeuvre de spécialistes s'adressant à une ‘élite’?... - ‘Il est vrai que la musique d'aujourd'hui est trop “intellectualiste” et l'amateur qui | |
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Une page de la partition ‘La magie de la musique’ pour choeur à deux voix (texte d'une théorie musicale indienne), 1970.
manque de points de repère a peu de chances de la connaître. C'est que la vie des concerts s'est commercialisée. Il faut remplir les salles. On fait appel aux valeurs sûres et peu d'organisateurs de concert osent prendre le risque de faire connaître l'inconnu. Il est donc difficile de se préparer psychiquement à l'écoute qui est chose intuitive. Il existe pourtant une musique contemporaine de qualité et il n'est pas possible que notre siècle, comme les précédents, n'ait pas produit quelques génies. Autre point pratique, l'économique encore... Avec la musique contemporaine, d'une lecture difficile, les répétitions doivent être nombreuses. Elles coûtent donc cher. Et l'auteur est vivant. Il touche des droits d'auteur... Bach, Mozart ou Beethoven, Schubert n'ont pas ce mauvais goût.’ - ‘Des noms de ‘grands’...? - ‘Il y en a beaucoup et mes choix sont subjectifs... Messiaen à coup sûr - il a du génie -, le Japonais Yusa, l'Italien Berio qui méritent d'être connus comme les compositeurs devenus classiques l'étaient de leur temps. On ne jouait alors que de la musique “contemporaine”. Aujourd'hui on fait entendre du “classique”, les musiciens qui vont... disons de Beethoven à Stravinsky. On a, de nos jours, une conscience historique. Autrefois on détruisait. Aujourd'hui on garde ou on restaure. C'est une bonne chose. On peut ainsi redécouvrir des auteurs oubliés ou des oeuvres inconnues d'auteurs connus. Mais, à la limite, on le fait trop bien et surtout pour des raisons financières. Il faut aller plus loin.’ Il s'arrête un temps, puis: - ‘Aux grands j'ajouterais Chostakovitch, grand musicien. Qu'aurait-il fait s'il avait pu travailler dans un autre climat, et sans contraintes?’ Ton de Leeuw (l'homme est très grand, les traits forts et marqués, l'abondante chevelure | |
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poivre et sel mal disciplinée) va quitter l'Université d'Amsterdam pour se consacrer en France à la composition. Il n'en poursuivra pas moins le cycle de ses cours et de ses conférences, Cambridge, Budapest, la Bulgarie où il s'est rendu dix ans de suite; - ‘Je sais plus ou moins ce qui se passe à l'est de l'Europe dans le domaine musical. Les jeunes veulent faire des choses...’ - ‘De tous ces voyages quels pays retenezvous?’ - ‘La France, sans doute... et l'Indonésie, riche en culture; les gens y sont ouverts et les Hollandais n'y rencontrent aucune hostilité.’ A propos de culture, précisément, celle de Ton de Leeuw paraît d'une richesse exceptionnelle qu'illustrent la variété de ses propos et leur densité. Au terme de l'entretien, par association d'idées et au détour d'une phrase, il évoque le monde de la musique savante arabe: ‘elle a au moins quatre courants: Maghreb, Egypte, (très vieille, très belle), Moyen Orient, Turquie; ils procèdent d'une même conception...’ L'enfant qui jouait avec les notes, compositeur, philosophe, ethno-musicologue est aussi un professeur né et - ce qui n'est pas tout à fait la même chose - un homme de communication. JACQUES MAROT |