du cube, la tension de la ligne courbe, la perfection du cercle. Basées sur des considérations de solide bon sens hollandais, ces sculptures ne donnaient pas plus à voir qu'il n'y avait en réalité.
Dans l'oeuvre de Henk Visch, il s'agit rarement de considérations matérielles, ni d'a priori d'expressivité spatiale. Certes les sculptures occupent l'espace comme autant de données tangibles, mais elles sont si peu déterminées par leur volume qu'elles pourraient aussi bien n'être qu'une pensée ou une onirique apparition. Ce n'est pas pour rien que ses sculptures ressemblent tant à des dessins: la bidimensionnalité recouvre la tridimensionnalité dans l'esprit de l'auteur et il s'en faut de peu qu'elles ne le fassent également dans la réalité.
Visch parvient à ce résultat en évoquant un énorme potentiel d'associations qui dénote chez lui une imagination apparemment sans limites. Puisant dans des couches du subconscient d'où il extirpe des concepts quasiment inexprimables, il traduit des pensées qui peuvent généralement revêtir une signification aussi bien personnelle qu'universelle. Son imaginaire peut le plus souvent respirer le plus parfait hermétisme, quand la signification de ses sculptures défie l'explication directe par quelque symbolisme que ce soit. Mais il lui arrive parfois de recourir à un fonds archétypique de valeurs communes. Ce qui est typique de Visch, c'est sa dérision pour les canons qui devraient s'imposer aux arts spatiaux. Il refuse à ses oeuvres la nécessité du socle pour explorer au contraire l'espace libre, mais il le fait presque en bafouillant et en trébuchant. Au début des années quatre-vingt, ayant trouvé une tribune dans la galerie amstellodamoise The Living Room, Visch réalisa beaucoup de statues de rêveurs bien décidés à prendre poste dans l'espace avec ou sans jambe. Ils proliféraient jusqu'à se transformer en arbustes ou en arbres voire en gratteciel ou en costume de plumes d'oiseau. Au fil du temps ces figures laissèrent place à des situations abstraites qui continuèrent néanmoins longtemps à garder un caractère fantastique et surréaliste. Les titres qu'il donnait à ses constructions ajoutaient à la charge poétique qui caractérise toujours son imagination: How beautiful this must appear to him who understands it (comme cela doit sembler beau à celui qui comprend), Growing up in public (Croître en public), Lose from sight (Hors
de vue), Adjusting the sails of reason to the breeze of my longing (Réglant les voiles de la raison à la brise de mon désir). Plus ou moins sous cape, Visch apporte dans ces titres une réponse à la question de la signification de ses sculptures parfois qualifiées de rébus visuels. Il ne s'agit pas d'une réponse concrète mais d'une indication qui mène au point où le sculpteur attend le spectateur.
Cet été, à Venise, on pouvait voir que l'oeuvre de Visch devient encore plus insaisissable qu'elle ne l'était déjà. En faisant continuellement appel aux capacités imaginatives du spectateur, il aboutit à un éventail particulièrement large et intense d'associations qui doivent venir du fin fond du subconscient.
CEES STRAUS
Rédacteur.
Adresse: Leusdenhof 382, NL-1108 DW Amsterdam.
Traduit du néerlandais par Jacques Fermaut.