Septentrion. Jaargang 17
(1988)– [tijdschrift] Septentrion–
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des Editions Lumière de Roger Avermaete, Joris Minne était le plus jeune. Sa disparition nous rappelle également son importance pour les arts plastiques. Les artistes très âgés passent en effet souvent à l'arrière-plan. Sauf à Anvers. Entouré de quelques amis et connaissances toujours plus rares, Minne a fait également l'expérience de cette destinée solitaire. Nous avons devant nous un exemplaire jauni du cahier Cornemuse datant de 1921 pour lequel Avermaete a paraphrasé en français six chansons populaires flamandes et que Joris Minne a enrichi d'un nombre identique de planches détachables. Deux de ces illustrations ont disparu de la mince couverture usée mais les quatre autres sont un modèle du talent graphique de Minne durant ces années-là. Minne suit l'histoire à la trace. Il respecte l'anecdote. Mais, en même temps, il en compose une image synthétique aussi dense qu'un vitrail roman. Il avait alors vingt-quatre ans et était déjà un maître en la matière. Joris Minne a illustré de nombreux textes dont quelques-uns en français: La Besace de Jean de la Fontaine, de sept gravures sur bois, Barbe-Bleue de Charles Perrault, de douze gravures sur bois et La Ballade des Pendus de François Villon, de quatre gravures sur bois et d'une lettre initiale. En 1927, il n'a pas usurpé sa nomination au grade de professeur au Ter Kameren de Bruxelles pour ses illustrations de livres et ses dessins publicitaires. En outre, Minne ne montrait pas seulement du talent comme graveur sur bois et sur linoléum. Il s'est révélé être un artiste aux capacités multiples. Peut-être, cela n'a-t-il jamais été aussi clairement prouvé que lors de la grande rétrospective à Hasselt, au printemps 1967, avec la présentation de cent soixante dixhuit oeuvres au total. Dessins commémoratifs, illustrations et suites (et parmi celles-ci dix gravures et dix dessins pour Liberté de Paul Eluard), pointe sèche, burin et gravure sur bois, de nombreux dessins qui, pour Minne, constituent l'essence de son talent et de sa vision spirituelle des hommes et des choses, et surtout l'exposition de ses sculptures. C'est là que les lignes de force de l'oeuvre de Minne convergent: le sens de l'espace qui caractérise déjà ses premiers paysages, la souplesse de la ligne, le respect du matériau dont on élimine seulement le strict superflu. Minne est un artiste qui a, sans cesse, maîtrisé fermement son lyrisme. Il a toujours millimétré précisément toutes ses feuilles, su exactement où une ligne commençait et où elle devait s'achever, il gardait![]()
Joris Minne, ‘Sur terre’.
présente à l'esprit la mise en page avant de dessiner, en d'autres termes, il appartenait aux artistes les plus disciplinés de la génération expressionniste dont il fait partie. Pourtant, nous n'avons jamais l'impression que cette sévérité gêne ou freine la force de l'expression. Il était tout le contraire d'un expressionniste débridé. Agir avec fougue est autre chose que paraître fougueux. Minne n'appréciait aucune de ces deux attitudes. Comme artiste, il pensait et travaillait très nettement en termes de structure. C'est pourquoi on ne peut pas exclure son oeuvre de l'évolution des arts plastiques du deuxième et troisième quart du xxe siècle. Les courants s'emboîtent les uns dans les autres et se défont tels les éléments d'une grande échelle. L'apport de Minne dans cette évolution me semble résider dans le fait qu'il a relativisé l'audace de l'expressionnisme ou de ce que l'on entendait par là, pour ne pas dire qu'il l'a rappelé à l'ordre. En mettant l'accent sur le sérieux professionnel. Le professeur l'a emporté sur l'Ostendais impétueux qui, très jeune, était déjà venu s'installer à Anvers et avait subi les effets du changement d'échelle qui a continué à marquer le style ample de son oeuvre. Gaby Gyselen (Tr. M.-N. Fontenat) |
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