Economie
André Leysen ou l'alternance du rêve et de l'action
Autour d'Angoulême s'étend cette belle région vallonnée qu'est la Charente. Suffisamment au sud pour voir, à la belle saison, danser la chaleur de l'été au-dessus des moissons, suffisamment au nord pour échapper à la fournaise de l'été méditerranéen. D'ouest en est, en passant par le nord, le regard n'est arrêté que par l'horizon. Ce paysage, un des plus beaux de France, n'incite pas à l'action mais à la réflexion.
Ces envolées plutôt lyriques, on les doit à un chef d'entreprise dont le dynamisme a été incontestablement couronné de succès. Elles servent d'introduction à son second livre, Le rêve et l'action, d'ores et déjà devenu un bestseller.
‘Il faut savoir s'arrêter et se recueillir pour se voir soi-même en perspective, pour découvrir ses mobiles, analyser ses comportements et cesser un instant de se prendre au sérieux, pour comprendre que chacun n'est qu'un petit maillon de la chaîne qui unit le passé au futur. Voilà vingt ans que je médite ainsi tout un long mois d'été face à ce paysage. Les dix premières années de ma rêverie ont été abritées par un pommier qui mourut prématurément. Deux tilleuls, choisis pour leurs ombrages, ont pris sa suite.’ Ainsi s'exprime l'ancien président de la FEB (Fédération des Entreprises de Belgique, l'équivalent du CNPF en France), actuellement toujours à la tête du groupe Agfa-Gevaert, président du conseil d'administration du Théâtre Royal de la Monnaie et vice-président de l'UNICE, organe du patronat européen.
Avec Le rêve et l'action, Leysen n'en est certes pas à son coup d'essai. Son premier livre, Krisissen zijn uitdagingen, traduit en allemand et en français (S'engager et puis voir. Les crises sont des défis), s'est déjà vendu à plus de cinquante mille exemplaires, record de la décennie pour la nonfiction. Dans cet ouvrage, paru en 1984, Leysen, à cette époque ‘patron des patrons’, emmène le lecteur dans les coulisses du monde des affaires, relatant d'une manière passionnante les grandes crises qui marquèrent sa vie professionnelle: la crise de l'argent (celle du métal précieux!) entraînant le groupe Agfa-Gevaert au bord du gouffre, la faillite et le rachat du groupe De Standaard (premier groupe de presse de Belgique), la fermeture d'une usine à Munich, condamnant trois mille personnes au chômage. Toujours dans le même livre, Leysen énonce les règles de base qui conditionnent, selon lui, l'exercice fructueux du métier d'entrepreneur et y traite, entre autres, de ‘l'état impuissant’ et des relations entre patronat et syndicats.
Dans Le rêve et l'action on retrouve la même façon de procéder et un plan identique. Dans le premier chapitre l'auteur s'étend longuement, en toute franchise et parfois non sans humour, sur les trois années qu'il a passées à la tête de la FEB. Cette présidence ne passa pas inaperçue puisque ce fut à l'instigation d'André Leysen qu'à l'automne 1986, fut signé, pour la première fois depuis onze ans, un accord interprofessionnel entre patrons, syndicats, classes moyennes et organisations agricoles. Au cours de ce même mandat, Leysen se prononça en faveur d'un assainissement radical des finances publiques, souhaita ardemment la création d'un système de sécurité sociale fondé sur ‘une plus grande responsabilisation et une certaine sélectivité’ et oeuvra sans relâche pour qu'on offre aux jeunes, et aux salariés en général, plus de possibilités en matière de formation.
Dans la deuxième partie de son livre, l'auteur approfondit quelques-uns des thèmes déjà mentionnés ci-dessus. Il y parle de notre système de sécurité sociale (‘de moins en moins social et de moins en moins sûr’) et se demande pour quelle protection sociale la population active des générations montantes consentira encore à payer. Il passe en revue la situation de la femme sur le marché du travail (‘la femme qui travaille est pénalisée’), les grandes mutations de l'économie mondiale, les tâches qui attendent le tiers monde (‘le rééchelonnement de la dette est une forme indirecte d'aide au développement’), il scrute le monde à l'horizon de l'an 2000 (l'événement politique le plus important de 1986 lui semble avoir été la levée, par Mikhaïl Gorbatchev, de la sanction d'exil d'Andreï Sakharov à Gorki et, plus encore, les retombées politiques de cette libération) et se livre aussi à quelques considérations sur le ‘potentiel européen’ (‘nous n'avons plus à faire l'Europe, elle existe déjà, mais nous devons encore la parachever’).
Dans le dernier chapitre du livre, intitulé ‘Accomplissement de soi, richesse et éthique’, André Leysen s'adresse directement aux jeunes, souhaitant qu'ils ‘soient nombreux à oser entreprendre’ et les exhortant à se laisser guider