Le néerlandais s'en va-t-il à vau-l'eau?
Le club du livre ECI, le plus important - et pour cause! il est le seul qui subsiste! -, propriété du groupe ouest-allemand Bertelsmann, a lancé un concours où le montant des prix (105.000 florins, soit 1.800.000 francs belges ou 300.000 francs français) à répartir, ainsi en a décidé le jury, entre un maximum de trois vainqueurs, est destiné à rehausser son image de marque. Les noms du comité de conseil, qui constitue également le jury du prix, rendaient pourtant un son suffisamment digne d'intérêt: la présidence revenait à un homme politique connu (J.P.A. Gruijters, ancien ministre du logement, lequel, hélas, n'est pas sorti tout à fait indemne de l'enquête parlementaire sur les fraudes dans le secteur de la construction), et deux professeurs d'université renforcés de deux écrivains renommés complétaient le jury (le professeur docteur H. van den Bergh, le professeur G.A. Kohnstamm, Rudy Kousbroek et Monika van Paemel). Après l'excitation générale provoquée par le montant des sommes mises en jeu, la publication du sujet du concours, Le néerlandais s'en va-t-il à vaul'eau? fut extrêmement mal accueillie: on trouvait le thème proposé ‘d'un humour de rosière et tel que seuls de vieux messieurs suffisants peuvent l'imaginer’; on l'estimait uniquement capable d'inspirer de plates dissertations d'instituteur sur l'incapacité des jeunes à orthographier correctement ou sur la croissante ‘pollution’ du néerlandais par des emprunts à l'anglais ou au français. L'intérêt du public semble du reste se situer ailleurs; l'opuscule Turbotaal: gids voor trendy taalgebruik (Turbolangue; guide du langage branché), a
occupé des mois durant depuis sa parution à l'automne 1988 la tête du hitparade des livres, fiction exclue, et a été vendu à 250.000 exemplaires. Le club du livre ECI avait présenté in extremis (en vain) la requête de laisser aller à vau-l'eau un unique mot de la langue néerlandaise: on demanda à l'éditeur de rayer un mot signalé dans le guide, en contrepartie de quoi on lui garantissait une grosse commande. Ce mot était struivelaar (ahuri), la dénomination péjorative en vigueur parmi le personnel de l'ECI pour désigner sa propre clientèle.
Diny Schouten
(Tr. J. Fermaut)