L'oeuvre théâtrale d'Arne Sierens
Le Prix quadriennal de littérature des provinces flamandes, décerné à une oeuvre théâtrale parue entre 1985 et 1988, fut attribué en 1990 à Arne Sierens (o1959). L'oeuvre récompensée s'intitule De Soldaat-facteur en Rachel (Le soldat-facteur et Rachel). Le même auteur reçut, également en 1990, le Toneelschrijfprijs (prix flamando-néerlandais couronnant une oeuvre théâtrale) pour sa pièce Mouchette.
Anne Sierens est Gantois. Après des études théâtrales au HRITCS (Hoger Rijksinstituut voor Toneel en Cultuurspreiding - Institut d'État supérieur du théâtre et de la culture) de Bruxelles, il fonde, en 1982, la compagnie De Sluipende Armoede (La pauvreté larvée), une petite troupe à ‘géométrie variable’ au gré des besoins. Chaque projet fait l'objet d'une demande de subvention.
Sierens dit lui-même que le ‘théâtre de la pauvreté’ constitue l'expression la plus radicale de la condition humaine. Le terme ‘pauvreté’ est une métaphore du sort de l'homme misérable, mis à nu, dans un monde effrayant. Le seul message de l'homme est son humanité; il en parle, la raconte, ou la chante dans le théâtre. Sierens a aussi écrit le livret de deux opéras, d'une décapante ‘banalité’: Het Rattenkasteel (Le château des rats), d'après un texte de Marc Sleen (o1922), le dessinateur flamand de bandes dessinées, et De liefde voor de drie manen (l'Amour pour les trois lunes), d'après une petite pièce à thèse de Carlo Gozzi.
Anne Sierens a débuté avec la mise en scène fort personnelle de pièces moins connues dont il adapte résolument le texte. Dans De Ruiters / De Zee (Les cavaliers / La mer, 1982) de l'Irlandais J.M. Synge (1871-1909), il s'adonne à tout un travail sur la langue et le geste. Ses personnages sont épurés jusqu'à l'archétype. Rode Oogst (Récolte rouge,1983), est un spectacle de sang et de vengeance, inspiré par Arden of Feversham, pièce apocryphe de Shakespeare, louée par Artaud dans son Premier manifeste du théâtre de la cruauté.
Dès le début, on perçoit dans son oeuvre une recherche voulue de la simplicité, de la candeur et de la trivialité aussi bien dans la forme que dans la thématique. Son premier texte, De Reis naar het Donkere Kontinent (Je pleure des bananes), qu'il a lui-même mis en scène, évoque un jeune auteur de troisième ordre, apparemment voué à échouer en littérature comme en amour. Pour le sortir d'un romantisme qu'il cultive, son oncle français, capitaine de marine, l'amène pêcher avec lui dans les Ardennes. Trois femmes habitent la petite pension qui les héberge.
Tous les personnages ont leurs propres peines qui ne semblent toutefois pas les affecter beaucoup. La fuite dans le rêve (surréaliste), l'aventure, la féerie et l'art, fait surgir un univers nourri de spleen. On songe à une forme de fuite d'une génération anéantie. Mais cela débouche encore trop sur le théâtralisme d'un jeu de société tout à fait innocent.
Dans sa mise en scène de la vieille légende flamande Genoveva van Brabant (Geneviève de Brabant), son adaptation du texte vise à une mélodramatique infantile trop appuyée pour être intéressante. Mais la thématique de la pièce évoque déj à l'orientation qu'il suivra plus tard avec succès. Il qualifie à juste raison sa Genoveva van Brabant, transposée pendant la première guerre mondiale, de ‘pièce à soldats où chaque homme est un soldat et chaque femme une femme de soldat’.
De Soldaat-facteur en Rachel (1986), couronné par le prix interprovincial, évoque la première guerre mondiale. Il s'agit là d'un théâtre plongeant ses racines plus profond. Sierens intègre sans détour et avec efficacité deux expériences de