implicitement qu'il s'y installe, discret, sousjacent, se faisant acceptation, confiance, empathie. Cette présence habite notamment le très pur ‘winter in het zuiden’ (hiver dans le sud) qui clôt le cycle et dans lequel la poétesse, apercevant la silhouette de la personne aimée, s'exclame: ‘et je me suis dit que tout était bien ainsi’:
et le soleil sans notre peau
les bras un peu écartés de ton corps
comme si tu voulais quitter la terre
comme si tu voulais tenter le vent
au-delà des montagnes, dans le lointain
quelque part devait être la mer
et j'ai pensé que tout devait être ainsi
Il n'est pas aisé de cerner la personnalité propre de cette poésie, pourtant si simple et accessible en apparence. Van hee suggère davantage qu'elle ne dit, elle livre des parcelles de réalité, fait surgir des éléments spatiaux à l'aide de quelques images, de sons qui laissent entendre le silence et qui traduisent, en ayant à peine recours aux mots, des expériences personnelles fugitives. L'écriture même constitue, de son propre aveu, la voie qu'elle a choisie pour ‘assembler (...) son existence’ ou, selon la formule qu'elle emploie dans le poème ‘zaterdag’ (samedi) du premier cycle, pour ‘exhumer ce qui est enfoui’ et ‘écrire, c'est comme boire / pour tromper la solitude’, pour oublier ou éloigner de soi la misère du froid, du temps qui passe, de la faim et du désir.
Dans le premier cycle également, le poème ‘voor Jacob en Menno’ (pour Jacques et Menno) apporte la réponse à la question imaginaire posée par des enfants sur ce qu'est un poète: après un hésitant ‘je ne saurais le dire’, elle avance que le poète pourrait bien être celui qui voit dans la réalité ordinaire de tous les jours des choses que ‘les autres’ ne voient pas: une plume qui jaillit soudain entre les cailloux, irrésistiblement attirée vers la lumière.
Ce premier cycle est d'ailleurs marqué par le sentiment de la vanité des choses, d'une succession d'échecs et de pertes. ‘Tout était triste’, constate la poétesse en songeant à l'absent; mais, en regardant les arbres, le ciel, les champs de blé, elle ajoute aussitôt: ‘éphémère et merveilleux’. Achter de bergen aura vu s'agrandir plus que jamais la part de l'acceptation dans l'oeuvre de Miriam Van hee.
Anne Marie Musschoot
(Tr. J.-M. Jacquet)
miriam van hee, Achter de bergen (Derrière les Monts), De Bezige Bij, Amsterdam, 1996.
Le poème winter in het zuiden (hiver dans le sud) a été traduit par Miriam Van hee et Françoise Saint-Pierre.
Fin 1998 est paru aux Éditions De Bezige Bij à Amsterdam Het verband tussen de dagen. Gedichten 1978-1996 (Le lien entre les jours. Poèmes 1978-1996).