Septentrion. Jaargang 35
(2006)– [tijdschrift] SeptentrionL'histoire d'une collection:
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Benjamin Zix, ‘Le Mariage de Louis-Napoléon et Marie-Louise’, papier, 40 × 60, 1810, Musée du Louvre, Paris.
superbes et travaillant dans un intérieur magnifiquement décoré. Les notices du journal d'Albrecht Dürer, qui visita la Flandre en 1521, montre tout le respect qu'on portait alors aux peintres à Bruges. Les guildes de Saint-Luc contribuèrent grandement à ce que les artistes des Plats Pays prennent conscience de leur valeur. Dans ce milieu, les premières collections virent le jour assez vite. Les têtes couronnées se constituèrent aussi des collections importantes. Parmi celles-ci, l'une des plus remarquables était certainement la galerie artistique de Marguerite d'Autriche. Or, après sa mort, la collection est passée dans les mains de différents héritiers, surtout en Espagne et en Autriche. Ainsi, le fameux portrait d'Arnolfini de Van Eyck déménagea en Espagne, pour aboutir finalement au xixe siècle à Londres. Ceci explique pourquoi les commandes des autorités urbaines furent plus importantes pour la constitution ultérieure des collections des musées que celles des souverains des Pays-Bas du Sud. Au cours du xve siècle furent organisés les premiers marchés d'oeuvres d'art en Flandre. A cause des guerres de religion, le commerce des tableaux s'effondra au xvie siècle. Un grand nombre de négociants et d'artisans quittèrent la Flandre. Ce fut une perte énorme pour la région, mais souvent les réfugiés sont restés en contact avec leur famille et leurs relations d'affaires, grâce à quoi surtout le réseau anversois gagna encore en importance. Le marché artistique se développa d'ailleurs dans les zones où résidaient les grands collectionneurs. A partir du xve siècle, en raison de la prospérité accrue des Pays-Bas, le nombre de citoyens et d'associations capables de commander des oeuvres d'art augmenta. Les inventaires du xvie siècle mentionnent de plus en plus d'oeuvres d'art en possession privée. Au xviie siècle, le cabinet d'objets d'art était non seulement un élément de prestige social, mais représentait aussi un bon investissement. Cette tendance est illustrée par une collection importante: celle de l'évêque gantois Triest. Des études montrent toutefois que la majorité des ménages gantois possédait des tableaux. | |
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Théodore Géricault, ‘Portrait d'un cleptomane’, huile sur toile, 61,2 × 50,1, vers 1820, ‘Museum voor Schone Kunsten’, Gand.
Jusqu'à la fin du xviiie siècle, l'artiste était un artisan, qui n'échappa que rarement aux prescriptions imposées par les guildes. En 1773, l'impératrice Marie-Thérèse d'Autriche promulgua un édit décrétant que tous les artistes pouvaient exercer leur métier librement. Les artistes cherchaient alors une alternative au système des guildes. A partir de la deuxième moitié du xviie siècle se sont développées en Flandre des académies, à l'instar de celles de Rome et de Paris. L'académie d'Anvers fut fondée dès 1664, celle de Bruges en 1720 et celle de Gand en 1751. Au début, les artistes réagirent avec enthousiasme à ces nouvelles institutions en offrant des oeuvres à la Schilderskamer (Chambre des peintres). Souvent, d'anciens élèves de l'académie faisaient don de leurs oeuvres à leur ancienne école. Le Brugeois Joseph-Benoit Suvée illustre bien cette pratique. Ayant reçu sa formation initiale dans sa ville natale, il poursuivit ses études à l'académie de Paris. Il y obtiendrait le prix de Rome, ce qui était loin d'aller de soi pour un étranger. Il offrit plusieurs tableaux à l'académie de Bruges. Les tableaux de Suvée, comme ceux de ses contemporains, font toujours partie des collections des musées de Gand, d'Anvers et de Bruges. L'exposition au Palais des Beaux-Arts à Bruxelles comprenait une gravure de Benjamin Zix, qui nous montre Napoléon se promenant avec sa toute jeune épouse Marie-Louise dans une des galeries du Louvre. Au mur est accroché la Bewening van Christus (Déploration du Christ) d'Anthony van Dyck. Le 28 juillet 1794, sous l'occupation française, cette oeuvre avait été enlevée de l'église des frères mineurs à Anvers et transportée à Paris, avec une série d'autres chefs-d'oeuvre de Flandre. Elles y resteraient jusqu'après la défaite de Napoléon en 1815, quand la plupart des tableaux furent triomphalement rapatriées en Flandre. L'exposition et le catalogue montraient aussi quelques beaux exemples de ce retour glorieux. C'est à l'époque française qu'il faut situer la naissance des premiers musées. Les biens cléricaux confisqués aboutirent alors dans les dépôts d'oeuvres d'art. Ceux de Bruxelles, d'Anvers et de Gand constitueraient le noyau des futurs musées des Beaux-Arts. L'attention publique pour les oeuvres flamandes à Paris influença aussi l'intérêt porté à l'art ancien, en Flandre comme à l'étranger. C'est dans le contexte de ce regain d'intérêt que les collections publiques et particulières se sont formées en Flandre. Aujourd'hui encore celles-ci déterminent la teneur des musées d'art flamands. Au cours du xixe siècle, les musées nouvellement fondés élargirent leurs collections. C'est plutôt par accident qu'ils firent l'acquisition d'oeuvres anciennes, grâce à des legs et à des donations. Ainsi, le musée d'Anvers possède un bel ensemble de Primitifs flamands qui lui a été légué par le maire d'Anvers Florent van Ertborn. Dans cet héritage se trouvaient entre autres des tableaux de Jan van Eyck, Hans Memling, Rogier de le Pasture, Lucas Cranach et Quentin Metsys. Gand et Bruges eurent aussi droit à quelques importants legs et donations. L'achat | |
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d'art contemporain se faisait surtout dans les salons et les ventes aux enchères. C'est ainsi que le musée de Gand fit l'acquisition du tableau De ijsvogels (Les Alcyons) d'Émile Claus ou du célèbre tableau La Lecture de Théo van Rysselberghe. Sans oublier bien sûr le fameux Portrait d'un cleptomane de Théodore Géricault, que les Amis du musée achetèrent dans une vente aux enchères pour 1 155 FF et qui contribua à créer dans le musée une collection d'art français d'assez haut niveau. A la fin du xixe siècle et au début du xxe, les musées furent installés dans leur propre bâtiment, d'abord Anvers en 1890, ensuite Gand en 1902 et enfin Bruges en 1930. Les musées deviennent alors des institutions scientifiques à part entière, qui publient des catalogues et organisent des expositions de renommée internationale. La politique d'achat est désormais menée dans une perspective scientifique. Avec le partenariat Vlaamsekunstcollectie, les trois musées entament une nouvelle étape de leur histoire. Ils souhaitent étendre leur réputation internationale. Depuis quelque temps, on travaille à une banque d'images qui incorporera tout le répertoire des trois collections. La banque d'images peut être consultée en ligne sur le site www.vlaamsebeeldenbank.be. Les collections d'Anvers, de Bruges et de Gand couvrent surtout la période du xve siècle jusqu'à la première moitié du xxe siècle. Les collections de l'après-guerre en Flandre sont réparties entre le SMAK à Gand, le Muhka à Anvers et le PMMK à Ostende. On attend avec impatience le jour où ces trois musées envisageront d'organiser à leur tour un partenariat.
Dirk van Assche (Tr. L. Tack) Vlaamsekunstcollectie |
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