Septentrion. Jaargang 37
(2008)– [tijdschrift] SeptentrionPeindre à l'argile et à la fumée: l'oeuvre de Tjok DessauvageCe sont des débris de poteries exhumés d'une sépulture romaine située aux abords de l'école où allait Tjok Dessauvage (o1948) qui ont révolutionné à jamais le cours de son existence. Ces débris qui l'intriguaient lui ont révélé l'importance du rôle de l'argile dans la civilisation. Depuis, cet intérêt ne l'a plus quitté et l'a conduit à devenir un des principaux céramistes de Flandre puis, peu à peu, du monde de l'art international. Son oeuvre, présentée lors de nombreuses expositions, a été couronnée de divers prix étrangers tels que le INDAX Design (Japon, 1992), le Premio Faenza (Italie, 1993) et celui de la ville de Nyon (1995). Dessauvage recourt systématiquement, pour ses travaux, à des archétypes tels que les demi-sphères, les cylindres, les cônes et les formes des meules. Ses poteries perdent d'elles-mêmes leur fonctionnalité première. En outre, il les obstrue, réalisant ainsi une surface, support supplémentaire sur lequel il appose un message. Les formes qu'il utilise respirent ce calme et cette sobriété si caractéristiques de son travail. Dans la partie supérieure de certaines de ses poteries, Dessauvage pratique souvent un petit creux; c'est un clin d'oeil en direction de l'histoire du pot, un peu comme s'il s'agissait de rappeler la fonction qu'il aurait eue un jour. Les structures des poteries de Tjok Dessauvage attirent l'attention par leur grande sobriété, leur perfection technique et leur sensualité. Elles témoignent de la puissance artistique qui se dégage de la céramique. Pour obtenir ces formes pratiquement parfaites, il faut non seulement disposer du talent artistique nécessaire, mais aussi de solides connaissances de la technique employée. | |
[p. 86] | |
![]() Tjok Dessauvage, Fragmentatie.
Dessauvage a suivi la formation du Sint-Lucas Instituut de Gand. Il y a appris les techniques du tour et de la glaçure auprès de Joost Maréchal (1911-1971), l'un des pionniers de la céramique contemporaine en Flandre. Pourtant, Dessauvage n'a pas suivi jusqu'au bout la formation; la plus grande partie de son savoir-faire technique est le fruit de ses recherches personnelles. C'est un véritable passionné de l'argile. Pour lui, il s'agit là du matériau premier, de ‘l'ADN de l'art’, du vecteur originel des prémices de la civilisation. Il s'irrite qu'au contraire du bronze, du marbre voire même du bois, l'argile ne soit pas reconnue comme matériau artistique de base. Ses compétences lui permettent une grande liberté, encore qu'il n'utilise pourtant qu' une petite partie de son éventail de possibilités techniques. C'est ainsi qu'il tourne lui-même l'ensemble de ses pots et ce, même s'il maîtrise également bien les autres techniques. Son bagage technique lui permet surtout de réaliser ses idées et de déterminer le cadre même de son travail. En tant que céramiste, il faut être capable, tout autant qu'un peintre, de jouer avec les couleurs. En fait, c'est avec de la fumée qu'il peint. La cuisson au four génère une certaine quantité de fumée qui, selon qu'on l'augmente ou non, forme des lignes dans la glaise. Chaque hausse ou baisse de température de cinq degrés intervenant dans le four entraîne un changement de couleur tandis que la présence de la fumée joue un rôle, lui aussi, plus ou moins important. L'utilisation de sortes d'argiles différentes et de cuissons à des températures plus ou moins élevées permet à l'artiste d'obtenir des effets et des coloris diversifiés. | |
[p. 87] | |
L'essence même du travail de Dessauvage se situe dans la surface qui coiffe chacune de ses poteries. C'est là qu'il exprime son message, parfois lapidaire parfois plus profond mais généralement de façon abstraite. Il a recours à différents matériaux tels que de petites plaques de porcelaine, des photos vitrifiées, des formes géométriques, des dessins du théorème de Pythagore, des schémas électroniques, les dessins d'une photo-finish, la silhouette d'un avion Stealth, la clôture de son voisin. Dans son Dagboek van een houtworm (Journal d'un ver à bois), il a reproduit le dessin réalisé par un ver durant son périple. ‘Tous les mouvements du ver apparaissent dans l'empreinte; ils témoignent littéralement de son existence puisque, quand il mange, il remue’, explique Dessauvage. Même les phénomènes naturels, la course de corps célestes, les étendues sahariennes l'inspirent. Il va jusqu'à développer des techniques spéciales et procéder à des études de divers matériaux afin d'atteindre l'effet désiré. Pour cet artiste, chaque oeuvre est source d'information. Il lui arrive d'imprimer une même information à plusieurs de ses réalisations pour obtenir ainsi de petites séries. Il regroupe parfois quelques poteries et appose sur ces différentes surfaces de base une illustration donnée. Dessauvage a également réalisé des oeuvres de plus grande ampleur. Il les crée puis les donne ensuite à réaliser en acier ou dans un certain type de pierre. L'intérêt pour le travail de Tjok Dessauvage est allé croissant ces dernières années. Divers musées de par le monde possèdent l'une ou l'autre de ses oeuvres. En octobre 2007, il a été l'invité d'honneur du quatrième Salon de la Céramique de Paris. La Revue de la céramique et du verre a publié, à cette occasion, une notice consacrée à son oeuvre1. Une galerie lilloise l'exposait début 2008 et en mai, ses réalisations pouvaient être admirées à Sèvres, le centre nerveux de la céramique française. Presque simultanément, une exposition lui était consacrée à Clamart (banlieue parisienne). En cette année olympique chinoise, Tjok Dessauvage a même été convié à réaliser quelques oeuvres pour le musée international de la Céramique de Xiang. Cette même ville de Xiang l'invite de nouveau à participer en septembre 2008 à la rencontre organisée par l'Académie internationale de la céramique de Genève, dont il est membre depuis 1988. dirk van assche |
|