Septentrion. Jaargang 38
(2009)– [tijdschrift] SeptentrionCharles le Téméraire: la magnificence d'un souverain impopulaireDe toutes les périodes de l'histoire de la Flandre, l'époque bourguignonne est probablement la mieux étudiée. Elle ne cesse de faire l'objet d'importantes études mais de surcroît, son art est régulièrement présenté dans des expositions, comme sujet central ou en accompagnement. Ainsi, jusqu'au 29 mars 2009, la ville de Gand met sur pied une exposition de tapisseries flamandes réalisées pour les ducs de Bourgogne, l'empereur Charles Quint et le roi Philippe II1 et en 2010 aura lieu l'inauguration du nouveau musée de la ville de Louvain avec une grande exposition consacrée aux oeuvres de Rogier Van Der Weijden - Roger de la Pasture, l'un des peintres les plus marquants de l'époque bourguignonne. Du 27 mars au 21 juillet 2009, le Groeninge- museum de Bruges organise une exposition consacrée au duc de Bourgogne Charles le Téméraire. Cette exposition de grande envergure aura été présentée auparavant à Berne. On ne s'étonnera pas que les deux villes s'intéressent à ce duc de Bourgogne. Dans ses collections, l'Historisches Museum de Berne possède un nombre appréciable d'oeuvres que les soldats suisses ont prises à l'armée de Charles le Téméraire. C'est la première fois depuis 500 ans que le célèbre Burgunderbeute (butin bourguignon) - le prodigieux trésor artistique que Charles le Téméraire abandonna aux Suisses peu avant sa mort - pourra quitter la Suisse. Et à Bruges, l'église Notre-Dame située à quelques centaines de mètres du Groeningemuseum abrite les mausolées de Charles le Téméraire et de sa fille Marie de Bourgogne qui lui succéda. Charles le Téméraire rêvait d'un royaume qui s'étendrait de la mer du Nord à la Méditerranée, de Dijon à Bruges. Pour réaliser son rêve, il fit quantité de guerres. Ses ambitions se heurtèrent sans cesse à celles du roi de France Louis XI, son ennemi héréditaire. Finalement, Charles le Téméraire mourat en 1477 à la bataille de Nancy, alors qu'il tentait de ravir cette ville aux Lorrains. Le duc disposait pourtant d'une des armées les plus modernes et les mieux équipées d'Europe. | |
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![]() Gérard Loyet, Reliquarium Charles le Téméraire, trésor de la cathédrale, Liège, XVe siècle.
Mais Charles, qui était obstiné, refusa d'écouter le conseil de ses généraux qui lui recommandaient de passer l'hiver au Luxembourg. De plus, ses troupes se composaient en majorité de mercenaires qui se révélèrent peu fiables face au danger. La dépouille de Charles fut retrouvée dans la neige, à moitié dévorée par les loups. On raconte que son médecin ne parvint à reconnaître le cadavre qu'en retrouvant d'anciennes cicatrices. Par la suite, la dépouille du duc fut ramenée à Bruges. La mort de Charles le Téméraire déclencha une crise profonde au sein du duché. Sa fille Marie dut faire face aux réactions suscitées par la politique centralisatrice de son père et aux attaques de la France. Le peuple supportait mal les lourds sacrifices liés a la guerre et l'imposition de plus en plus pesante pratiquée par Charles. De son vivant déjà, la révolte des Plats Pays couvait; après sa mort, sa fille subit le contrecoup de la politique absolutiste de son père. Les villes et la noblesse réclamèrent la restitution de leurs droits. La crise ne prit fin qu'avec le mariage de Marie avec Maximilien d'Autriche, de la maison de Habsbourg. Cette union détermina la fin de la période bourguignonne classique et le début d'une nouvelle époque au cours de laquelle les Plats Pays allaient faire partie d'un ensemble encore plus vaste. Charles le Téméraire, dont la vie fut assez courte, fut un des souverains les plus riches d'Europe: il symbolisait le faste et la splendeur de la Bourgogne, il était l'ambassadeur d'une culture raffinée. Esprit curieux, il parlait plusieurs langues et fut aussi un honnête musicien. L'exposition permet d'admirer divers témoins du raffinement de la culture bourguignonne: tapisseries, peintures de Primitifs flamands, manuscrits, armures, etc. Parmi les pièces majeures figure le Reliquarium Charles le Téméraire, oeuvre de l'orfèvre lillois Gérard Loyet, qui se trouve aujourd'hui à Liège. Portant une armure et le collier de la Toison d'or, Charles est agenouillé, une relique de saint Lambert à la main. Derrière lui se tient saint Georges. La composition s'inspire du célèbre tableau La Vierge au chanoine van der Paele, de Jan Van Eyck. Fait exceptionnel, l'exposition de Bruges présentera simultanément les deux chefs- d'oeuvre. La première partie du catalogue de l'exposition2 expose la situation de la Bourgogne à l'aide de cartes, de biographies et d'un arbre généalogique détaillé. Dans la seconde partie, quatre auteurs dressent le portrait de Charles le Téméraire. La troisième partie constitue le catalogue proprement dit de l'exposition. Cette exposition met en lumière une période charnière de l'histoire des Plats Pays. Les grandes heures de l'art de la fin du Moyen âge, la richesse culturelle des Plats Pays, la splendeur de la cour ducale. Mais aussi le déclin de la période bourguignonne et la montée d'une puissance qui dépasse celle des Bourguignons: les Habsbourg. dirk van assche |