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Arts plastiques
Frans Masereel, xylographe et humaniste
Frans Masereel (1889-1971) a enfin la biographie qu'il mérite: une description circonstanciée de sa vie et de son travail. L'auteur, Joris Van Parys, n'est ni historien ni historien d'art, mais il a déjà publié en Allemagne deux ouvrages qui concernent cet artiste. Parue d'abord en néerlandais, cette biographie est extrêmement documentée et ne donne pas seulement une vision détaillée des conceptions de l'artiste, mais aussi de l'homme et de la tranche d'histoire agitée qu'il vécut intensément.
Avec Henri Van Straten, Jozef et Jan Frans Cantré et Joris Minne, Frans Masereel appartenait au groupe de cinq artistes flamands pratiquant la xylographie en tant que discipline artistique à part entière. Dans les limites rigoureuses qu'impose la technique de gravure sur bois (parfois aussi sur lino) et du procédé noir / blanc, chacun d'eux, dans son registre artistique propre, a grandement contribué à l'histoire des arts plastiques belges dans l'entre-deux-guerres. Parmi ‘les Cinq’, ainsi qu'on les appela plus tard, Masereel était une figure à part. Ses innombrables gravures sur bois, peintures, dessins et aquarelles ne témoignent pas seulement d'un style hautement personnel, ils expriment aussi un engagement social passionné, fait exceptionnel dans l'histoire de l'art en Belgique.
Dans la vie de Masereel, l'art, la pensée et l'acte politique s'entremêlaient. Il vécut de nombreuses années en France et en Suisse; en tant que réserviste paramilitaire, il avait prétendument fui la Belgique et y était, dès lors, devenu persona non grata. Il était obsédé par l'idée d'un monde meilleur, où tous les hommes réunis en fraternité pourraient vivre en paix. Il fut soutenu en cela par de très nombreuses personnalités avec lesquelles il entretint sa vie durant des liens d'amitié personnels; parmi elles, Romain Rolland, Stefan Zweig, Thomas Mann et Bertold Brecht. Ces écrivains l'inspirèrent et permirent à ses rêves de se matérialiser en réalisations artistiques.
Antimilitariste convaincu, il rêvait d'une société sans classes. Entraîné par ce rêve, il tomba sous le charme du communisme. Avec cette vision des choses, il ne tarda pas à collaborer à des hebdomadaires et revues qualifiés d'anarchistes et stigmatisés par le public bourgeois. Ses gravures sur bois et ses dessins avaient une intense connotation politique et étaient fort appréciés par ses partisans, ce qui, dans ses premières années de création certainement, lui assura une base matérielle.
Très vite, Masereel se passionna pour les récits graphiques du Moyen Âge, mettant en images des histoires avec ou sans paroles. Il fit sienne cette formule en produisant des séries composées uniquement de planches de bois gravées, qui forment une sorte de roman. Le plus connu de ces ouvrages est sans aucun doute Mon livre d'heures, paru en 1919 et qui fut diffusé dans l'Europe entière. De la même manière, il grava par la suite plusieurs autres livres. Dans ces livres, il entendait aussi exprimer ses préoccupations sociales. Osmose entre l'homme et la nature, solitude de l'individu dans la grande ville, passion et étapes de la vie; ce sont là des thèmes qui ne cessèrent de l'inspirer.
Frans Masereel, Prometheus, gravure sur bois, 1954
© sabam Belgique 2009.