Septentrion. Jaargang 42
(2013)– [tijdschrift] Septentrion–L'éternel optimiste Ever MeulenL'illustrateur Ever Meulen (o 1946) a dessiné pendant plus de quarante ans des cartoons, des dessins humoristiques où il se moquait gentiment des aspects tape-à-l'oeil du modernisme. Il a également réalisé d'innombrables couvertures de magazine et conçu des timbres, des cartes postales, des pochettes de disques et des posters pour des festivals. Tout ce qu'il crée respire un enthousiasme juvénile pour le monde moderne des voitures, de l'architecture et du design. Sa réussite pour ce qui est de la création d'une identité belge a été mise en valeur lorsque Design Flanders, début 2013, lui a décerné le prestigieux prix Henry Van De Velde pour l'ensemble de sa carrière. Couronner d'un prix de design l'oeuvre d'un dessinateur humoristique peut paraître bizarre, mais Ever Meulen a joué un rôle crucial en façonnant l'image de soi du pays depuis qu'il a commencé à dessiner des couvertures pour le magazine Humo dans les années 1970. ‘Eddy a donné de la couleur à la vie de beaucoup de gens’, a souligné Bie Luyssaert de Design Flanders. ‘Mais des personnes comme lui très souvent ne se![]() Ever Meulen, couverture pour The New Yorker.
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![]() Ever Meulen, La Belgique danse, affiche pour la compagnie de danse Rosas, Bruxelles, 2005.
rendent guère compte de l'influence qu'elles exercent. Nous tenons à rendre hommage à cet impact qu'il a eu sur la conscience collective.’ Ever Meulen, de son vrai nom Eddy Vermeulen, est né en 1946 à Kuurne, à l'époque un village rural isolé de Flandre-Occidentale. La Seconde Guerre mondiale en Europe venait de se terminer et petit à petit le climat ambiant redevenait de plus en plus optimiste. Ce sentiment d'optimisme béat d'après-guerre atteignit un sommet lors de l'Exposition universelle Expo 58, quand 50 millions de personnes affluèrent vers le nord de Bruxelles pour s'extasier devant les dernières inventions en matière d'architecture, de transports, d'ameublement, d'alimentation et de musiqueGa naar eind1. Tout dans l' Expo 58, depuis les cocasses télécabines qui survolaient le site jusqu'à la fragile architecture d'acier et de verre, était ‘fun’ et franchement futuriste. L'esprit de l'Exposition s'incarnait parfaitement dans l'Atomium, étrange construction comportant neuf sphères d'acier étincelantes qui faisait davantage songer à un vaisseau spatial qu'à de l'architecture. Le petit provincial Eddy Vermeulen venait d'avoir douze ans, mais sa visite à l'Expo 58 devait s'avérer cruciale et influencerait profondément sa carrière. Après avoir étudié le dessin graphique à l'institut Saint-Luc à Gand, il s'installa à Bruxelles à la fin des années 1960 et commença à recevoir des commandes de dessins pour des pochettes de disques et des posters. Sa carrière prit son véritable envol en 1970 lorsqu'il rejoignit l'équipe du magazine flamand de radio-télévision Humo. C'était, à l'époque, l'un des magazines les plus populaires de Flandre, apprécié autant pour son journalisme radical que pour ses commentaires des programmes télévisés. Avec ses couvertures dessinées, Ever Meulen a séduit un vaste public. Ses dessins commençaient aussi à figurer occasionnellement dans des magazines allemands ou français. Il réalisait également des posters pour le théâtre de la Bourse à Bruxelles ainsi que pour le métro bruxellois. Son style devait beaucoup à la ligne claire développée par Hergé dans les années 1930, mais Ever Meulen s'inspirait également des dessins | |
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humoristiques fantasques du dessinateur roumano-américain Saul Steinberg. À l'instar de Steinberg (dont on pouvait voir la peinture murale The Americans à l'Expo 58), Ever Meulen était plus qu'un simple dessinateur amusant. Comme l'écrit Paul Gravett dans son essai In Search of the Atom Style (À la recherche du style atome), il empruntait également des éléments à des artistes contemporains tels que Giorgio de Chirico, Magritte et Picasso. Alors que le xxie siècle a vu se profiler une réaction contre le modernisme, Ever Meulen continue à exprimer l'optimisme du monde de l'après-guerre. Son ‘style Atomium’ minutieux évoque toujours une irrésistible utopie du xxe siècle avec des voitures rutilantes, des femmes glamoureuses et d'élégants immeubles tours. Son enthousiasme demeure intact. Ever Meulen continue à observer le monde moderne avec une très grande affection mâtinée d'un humour légèrement caustique. Son style a conquis un vaste public aux États-Unis après que l'illustrateur Art Spiegelman l'eut invité à collaborer à son magazine de bande dessinée alternative RAW. ‘J'aimerais pouvoir vivre dans le jardin d'Ever Meulen’, écrivait Spiegelman dans la préface de Verve, une compilation de dessins d'Ever Meulen. ‘Ces images frappantes, spirituelles et, d'une certaine manière, sensuelles créent un espace débordant d'insolite, d'harmonie et d'intelligence.’ L'épouse de Spiegelman, Françoise Mouly, directrice artistique de The New Yorker, a invité Ever Meulen à dessiner des couvertures pour ce magazine. ‘Ses lignes attirent calmement l'attention sur elles-mêmes’, disait-elle. Considéré comme le plus important illustrateur vivant en Flandre, Ever Meulen a exposé à Angoulême, Genève, New York, Amsterdam, Londres et Liverpool. Il vit tranquillement avec son épouse et leurs quatre chats dans une maison en périphérie bruxelloise. Il y travaille dans un studio lumineux, entouré de dessins, de posters encadrés, de livres et d'instruments de dessin. On pourrait croire que l'époque d'Ever Meulen est révolue. La plupart des Européens ne sont plus fascinés par l'éclat des avions à reaction ou par les gratte-ciel modernistes. Le monde s'est quelque peu assombri depuis l'attaque contre les Tours jumelles. Mais Ever Meulen demeure l'éternel optimiste, l'enfant qui n'a jamais grandi, toujours fou de bolides rapides et de jolies femmes, et il conduit toujours son Oldsmobile des années 1950 si gourmande en carburant. derek blyth |