Septentrion. Jaargang 42
(2013)– [tijdschrift] Septentrion–
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ThéâtreL'artiste, c'est l'homme: Theo MaassenAu même titre que la littérature, le cabaret est devenu aux Pays-Bas une expression artistique qui repose moins sur le prestige que sur ce qui fait l'actualité du moment. Alors qu'il y a dix ans le public semblait un peu perdu dans le raz-de-marée d'humoristes, connus ou débutants, qui s'emparaient de la scène, les spectacles de cabaret font désormais partie de la culture du zapping: les chansonniers vont et viennent et leurs noms s'effacent de plus en plus vite, si bien que très peu arrivent à tenir ne fût-ce qu'une décennie. Theo Maassen (o 1966) figure parmi les exceptions. Avec son talent multiple, impossible à cataloguer dans la tradition des anciens tels que Freek de Jonge (o 1944) et Youp van 't Hek (o 1954), il a réussi à se hisser parmi les plus grands du moment. Il doit sa réputation non seulement à ses spectacles humoristiques, mais aussi à ses rôles au cinéma et dans des séries télévisées. En outre, il se fait souvent remarquer dans les médias par ses blagues déconcertantes et ses propos controversés. La liste de ‘ses quatre cents coups adultes’ bel et bien revendiquée par Maassen lui-même ne laisse pas d'impressionner. Ainsi, il vola par deux fois un trophée important du club de football PSV d'Eindhoven, exploit qu'il rééditera à l'Ajax d'Amsterdam; par la suite il se permit quelques mains baladeuses sur une femme arrivée en retard à son spectacle, rafla la caméra des mains d'un journaliste pas vraiment le bienvenu, il proféra des injures et des menaces de mort ludiques (il est vrai mises en chansons) à l'adresse de Néerlandais célèbres du monde du sport, du showbiz ou de la politique. Tout ceci n'est qu'un échantillon des faits et gestes qui lui ont valu à plusieurs reprises l'indignation du public, voire des poursuites judiciaires. Ce sont donc ses provocations qui construisent l'image de marque de Maassen, le rebelle. Sa colère contre l'ordre établi, l'autosatisfaction abusive et la vanité déplacée est d'une absolue authenticité. En ce sens, l'humoriste et l'homme se rejoignent. La confusion que sème Maassen à travers cette image a d'ailleurs récemment provoqué un étrange malentendu. Lors de la retransmission, fin 2012, de son spectacle Met alle respect (Avec tout le respect, 2011-2012), un grand nombre de téléspectateurs se sont indignés de ses offenses adressées au politique Geert WildersGa naar eind1 et à son parti populiste. Alors que le spectacle faisait depuis un an salle comble aux Pays-Bas, les esprits se sont tout d'un coup échauffés. Dans un programme télévisé en fin de soirée, Maassen s'est alors vu publiquement demander des comptes. Sa seule et unique défense (possible) fut qu'il n'avait eu l'intention que de lancer une blague. Une blague, certes, dure et directe mais, dans les limites de la scène théâtrale, permise et totalement inoffensive. Malgré cela, ses opposants ne se sont pas facilement laissé convaincre. C'est précisément parce que Maassen a lui-même autrefois tenté de gommer la frontière entre la scène et la réalité, que son public renâcle aujourd'hui à dissocier l'homme de l'humoriste. Quoi qu'il en soit, sur la toile de fond du divertissement facile qui caractérise actuellement la scène humoristique aux Pays-Bas, Maassen détonne avec son indignation sincère à propos de tout ce qui va mal dans notre société. Il évite cependant de se placer lui-même sur le piédestal de l'homme au-dessus de la mêlée qui a réponse à tout. Au contraire, dans tous ses spectacles où il brille par une belle assurance, il a des moments où il se montre aussi vulnérable qu'un escargot qui vient de quitter sa coquille. Ainsi, après une explosion de colère, il lui arrive souvent de soupirer que, ‘finalement, il ne sait plus non plus’. Démarche typique lorsqu'il qualifia luimême son sixième programme théâtral, Zonder pardon (Sans pardon, 2008-2009), de monologue tragicomique où l'artiste ‘ne cherche pas des réponses, mais de meilleures questions.’ L'histoire du cabarettiste Maassen remonte à 1990, lorsqu'il remporte deux des trois festivals d'humour bien connus aux Pays-Bas. Aujourd'hui, ce palmarès est loin de garantir une carrière dans le monde du divertissement car un grand nombre de lauréats des dix, quinze dernières années sont, depuis, complètement tombés dans l'oubli. Mais Maassen a définitivement percé et a présenté jusqu'ici sept programmes complets, tous sans | |
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![]() Theo Maassen.
exception accueillis très favorablement par la presse et le public. À partir de son cinquième programme, Tegen beter weten in (Faute de mieux, 2006-2007), sa cote de popularité n'a cessé de monter. Ce spectacle lui a valu le prix de la Critique, un hommage décerné tous les ans par le Cercle des critiques de théâtre néerlandais. Le rapport du jury désigne Maassen comme ‘le seul humoriste en solo capable de captiver le public pendant toute une soirée avec humour et profondeur, tout en l'incitant à la réflexion’. En 2006, il reçoit également le prix du théâtre du Fonds culturel Prins Bernhard pour sa ‘combinaison audacieuse de monologue théâtral et d'humour’ ainsi que le Poelifinario, un prix décerné annuellement depuis 2003 par l'Association des théâtres et salles de concert pour le programme de cabaret le plus impressionnant de la saison. En février 2013, on a annoncé que la ‘Conférence de la Saint-Sylvestre’ serait cette année confiée à Maassen. Ceci signifie qu'il présentera le 31 décembre 2013 en direct sur les antennes des Pays-Bas une revue des événements de l'année écoulée. L'invitation confirme que la critique le compte désormais parmi les grands cabarettistes, mais également que l'humoriste insoumis s'apprête peut-être à poursuivre sa carrière dans des eaux plus calmes et en vient à considérer comme un honneur de pouvoir s'inscrire dans une tradition théâtrale bon enfant, si typiquement néerlandaise. jos nijhof |