Septentrion. Jaargang 43
(2014)– [tijdschrift] Septentrion[p. 73] | |
Arts plastiquesConstantin Meunier, ‘le sculpteur et peintre de la souffrance démocratique’En 1909, l'université de Louvain consacrait une grande rétrospective à l'oeuvre de Constantin Meunier (1831-1905). Rien d'étonnant à ce que ce fût précisément dans cette ville que l'artiste bruxellois fut à l'honneur pour une rétrospective. Meunier y séjourna entre 1887 et 1894 et il fut même engagé par l'académie locale jusqu'en 1897. Ce fut l'époque de ses plus grands succès. Il peut paraître plus étonnant qu'il ait fallu attendre jusqu'à ce jour pour que les musées royaux des Beaux-Arts de Belgique organisent une grande rétrospective, 105 ans après la précédente. Pourtant, Constantin Meunier est probablement le peintre et sculpteur réaliste belge le plus connu![]() Constantin Meunier, Fabrique de tabac, crayon noir sur papier, 1882-1883, collection musées royaux des Beaux-Arts de Belgique, Bruxelles.
du xixe siècle, l'artiste du monde du travail, ‘le sculpteur et le peintre de la souffrance démocratique’, tel que le dépeint Émile Verhaeren. L'exposition à Bruxelles se propose de nuancer l'image plutôt univoque de Constantin Meunier auprès du grand public. Son oeuvre d'avant 1850, plus traditionnelle et dite ‘préindustrielle’, est souvent laissée de côté. À Bruxelles on a fait le choix d'éclairer également ces oeuvres et leur signification pour mieux percevoir l'oeuvre ultérieure, plus connue. Sculpteur de formation, Constantin Meunier était dès ses débuts surtout peintre de thèmes religieux. Entre 1857 et 1875 il fut un visiteur assidu de l'abbaye de Westmalle (dans la province d'Anvers), où il réalisa de nombreuses esquisses des tableaux qu'il réalisa ensuite en grand format. Une des oeuvres connues de cette période est le Martyre de saint Étienne. Dans un paysage désolé s'étend le corps lapidé du premier martyr entouré de quelques | |
[p. 74] | |
![]() Constantin Meunier, Le Grisou, bronze, 1888-1890, collection musées royaux des Beaux-Arts de Belgique, Bruxelles.
femmes en pleurs penchées sur lui. Bien que le thème réapparaisse dans d'autres tableaux, il préfigure déjà une de ses oeuvres majeures, Le Grisou, où une mère se penche sur son fils qui a trouvé la mort dans la mine. Les nombreuses commandes de tableaux religieux que reçut Meunier lui ont, certes, assuré des revenus, mais ne lui ont en aucun cas valu l'image d'un artiste innovant. Dans le catalogue de l'exposition à Bruxelles, Dominique Marechal affirme à juste titre que cette période a été un long préambule à la réalisation de ses magistrales scènes héroïques socioréalistes d'ouvriers et de travailleurs de la mine. En 1878, Meunier visita une aciérie à Huy, puis il séjourna à Séville, où il réalisa pour le compte du gouvernement belge la copie d'une peinture. Ces deux visites seraient déterminantes pour le renouveau des thèmes de son oeuvre. À 51 ans, il semble avoir découvert définitivement sa vocation d'artiste. Les dessins qu'il ramena de Séville démontrent déjà une bien plus grande liberté d'approche et son intérêt pour le monde ouvrier. Il y réalisa divers dessins utilisés plus tard pour ses tableaux: femmes travaillant dans l'industrie du tabac, scènes de la vie quotidienne dans la rue. Après presque trois décennies, il se mit à nouveau à la sculpture. Enfin, sa charge de professeur de peinture à l'académie de Louvain lui donna aussi une plus grande liberté (financière). Pour le compte de l'écrivain Camille Lemonnier, il traversa le Borinage pour y dessiner les illustrations de l'ouvrage La Belgique (1888), tandis que ses visites au port d'Anvers le mettaient également au contact du monde ouvrier. Meunier était un des premiers artistes qui eut l'audace de représenter le travail dans la mine, les hauts fourneaux, les ateliers de souffleurs de verre et les ports. Il fut souvent comparé à Jean-Francois Millet. Le politicien wallon Jules Destrée déclara que c'était tout à l'honneur de Constantin Meunier d'avoir été pour l'ouvrier ce que Millet avait été pour le paysan, dont il avait chanté la magnificence dans la douleur. Après 1880, Constantin Meunier connut une période de grand succès. Sa célébrité ne se limita plus à la Belgique et il avait réussi à tisser un réseau d'intellectuels célèbres. Le catalogue de l'exposition contient beaucoup d'informations intéressantes sur le fonctionnement du monde de l'art au cours de la deuxième moitié du xixe siècle et sur la façon dont Meunier exploita judicieusement les contacts de son livret de commandes afin d'étendre sa notoriété. Il était un des co-fondateurs de la revue L'Art moderne, dont | |
[p. 75] | |
le dynamique avocat bruxellois Edmond Picard était un des pivots. La revue a contribué à conférer à Meunier la notoriété indispensable et on peut affirmer sans réserve que grâce à ses amis influents l'artiste a pu se hisser sur le devant de la scène artistique de son époque. Son amitié avec Henri Van De Velde1 le rendit par ailleurs célèbre en Allemagne. L'Albertinum à Dresden possédait vingt sculptures de Meunier. Mais la plus grande collection se trouvait toutefois à la Ny Carlsberg Glyptotek à Copenhague et ne comptait pas moins de 48 sculptures. Cependant, lorsque le public apprit à connaître l'oeuvre de Rodin aux alentours de 1900, il se désintéressa de Meunier et vers 1914 sa notoriété était définitivement enterrée. Ce qui reste, ce sont des dizaines de sculptures appartenant au domaine public et à de nombreux musées. Son dernier grand projet, le Monument au travail, une synthèse de son oeuvre, ne put être réalisé que longtemps après sa mort le long du canal à Bruxelles. dirk van assche |
|