Raymond Roussel [1877-1933]
[Impressions d'Afrique]
L'objet, librement exposé au clair de lune, n'était autre qu'un lit très primitif, sorte de cadre peu confortable orné d'une foule d'attributs hétéroclites.
A droite, fixé derrière la partie surélevée faite pour recevoir le buste du dormeur, un pot de terre renfermait la racine d'une plante immense et blanchâtre, qui, en l'air, se recourbait d'elle-même pour former comme un ciel de lit.
Au-dessus de ce gracieux baldaquin, un phare, actuellement sans lumière, était soutenu par une tige métallique à sommet infléchi.
Presque au milieu du lit, à la gauche du dormeur éventuel, on voyait surgir une tige de métal, qui, d'abord verticale, faisait un coude brusque vers la droite et se terminait par une sorte de manette recourbée en forme de béquille.
Fogar venait d'examiner attentivement les différentes parties de la couchette. Sur sa face d'ébène brillait une intelligence précoce dont la flamme étonnait chez ce jeune garçon à peine adolescent.
Profitant du seul côté resté libre de tout encombrement, il monta sur le cadre et s'étendit lentement, de manière à faire coïncider son aisselle gauche avec la manette recourbée qui s'y adaptait avec justesse.
Les bras et les jambes complètement rigides, il s'immobilisa dans une attitude cadavérique, après avoir placé la fleur violette à portée de sa main droite.
Ses paupières avaient cessé de battre sur ses yeux fixes dénués d'expression, et ses mouvements respiratoires s'affaiblissaient graduellement sous l'influence d'un sommeil léthargique et puissant qui l'envahissait peu à peu.
Au bout d'un moment la prostration fut absolue. La poitrine de l'adolescent demeurait inerte comme celle d'un mort, et la bouche entr'ouverte semblait privée de toute haleine.