De Stijl
Maandblad voor de beeldende vakken. Redactie Theo van Doesburg. Uitgave X. Harms Tiepen.
1e jaargang. Juli. negentienhonderdachttien. Nummer 9.
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Réflexions.
Par G. Vantongerloo.
Le temps et l'espace sont les lois naturelles de la nature et de l'art.
Le temps et l'espace sont les ministres du son et du volume.
Le son a pour complémentaire le silence.
Le volume a pour complémentaire le vide.
Le son et le silence sont au département du temps.
Le volume et le vide sont au département de l'espace
L'invisible de la création se fait visible à notre esprit et le visible de la création nous montre l'invisible.
Le visible et l'invisible font l'harmonie ou la loi de l'unité. Ils sont basés sur ces lois et racontent par là, la gloire de la création. L'oeuvre d'art, exige la vérité par exellence, tant au point de vue de vérité absolue et logique ou équilibre, (c'est à dire le partage, les divisions pures du son et du silence, ainsi que du volume, l'angle, le nombre, l'harmonie, le rythme, avec le vide) qu'au point de vue de pureté d'âme.
On ne peut pas déterminer la nature, c'est lui imposer un arrêt, mais si je dis équilibre, partage ou division pure du son et du silence, ou du volume avec le vide, soit l'angle, le nombre, l'harmonie, le rythme, je n'ai rien arrêté, mais j'ai dit sa composition; les principes sur lesquels la nature est basée. Ce sont les lois de la nature et celui qui veut créer, doit les observer.
Il n'y a point de recette pour créer une oeuvre d'art, surtout que tout n'est qu'une vibration et je ne veux pas avoir la prétention de parler de l'art, ni dire ce que c'est. Je laisse la liberté à chaque artiste, qui lui seul exprimera ses sensations, suivant la pureté de son regard et c'est là, òu la grande vérité apparait.
La poésie et la musique appartiennent au temps. L'architecture, la sculpture et la peinture appartiennent à l'espace.
Tous deux écoutent aux mêmes lois: unité, équilibre, harmonie.
Le volume et le vide sont égaux à l'espace. Donc le volume + le vide font l'espace, c'est à dire les contours extérieurs d'un volume, là òu le vide commence, doivent équilibrer avec le vide et le volume et réciproquement. De même que l'unité de la comptabilité. Si
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je possède 100 fr. et je dépense de cette somme 75 fr. il me reste 25 fr., donc 75 fr. + 25 fr. = 100 fr. Si donc l'espace est égal à 100 et que le volume occupe 75., le vide sera 25. Tout a donc sa place, est équilibré, est en harmonie. Voilà le partage, la division pure dans l'espace, formant l'unité. Ce n'est pas une convention, c'est une réalité.
Il y a dans l'unité, le visible et l'invisible. L'invisible est une vibration ou mouvement perpétuel et peut se faire visible à notre esprit par un point, une ligne, un plan, un volume, qui en sont l'image ou le vestige de l'infini.
Tout n'est donc qu'une vibration, quelque soit la composition de ce que nous voyons ou sentons, vibration et transformation, l'un né par l'autre et vont tous vers le même et seul idéal.
Les ondes ou vibrations se rencontrent et créent par leur rencontre une autre vibration, d'òu la vie et le mouvement perpétuel.
C'est là tout l'étonnement de la création.
C'est par l'invisible que nous devons vivre, par l'impalpable, par la sensation du vrai et du pur, le contraire de toutes conventions. La vraie importance c'est la sensation pure, elle se dégage par une vibration, mais ne se laisse jamais voir, mais bien sentir au sensible.
La question des vibrations est inépuisable. Je pourrais donc vous en parler davantage.
La démonstration de la figure Il vous en donnera une idée, bien entendu au point de vue de ce sujet, car les vibrations sont relatives suivant ce qui se présente. C'est une loi naturelle et non un système.
Fig. I, est l'objet, qui dans les figures II, III et IV est démontré.
Fig. II. Les lignes de fig. II indiquent la dimension du volume. Les cercles sont les vibrations créées par les volumes et forment des lignes là où ils rencontrent le vide.
Les cercles pleins sont les vibrations créées par le volume.
Les cercles aux petits traits sont les vibrations des volumes extérieurs, ou des volumes juxtaposés.
Les cercles indiqués par les petits points sont les vibrations du vide.
Les taches de valeurs sont les vibrations du volume et du vide par les valeurs.
Chaque caractère des vibrations exprime l'espace par le volume et le vide qu'il occupe.
L'espace contient certaines qualités.
Il s'étend de tous côtés.
Il est sans limite.
Il est ininterrompu, c'est à dire qu'un volume occupe une partie du vide; et, vide et volume font espace.
Une limite d'une partie du vide, est un plan.
Une limite d'un plan est une ligne.
Une limite d'une ligne est un point.
Un point s'étend ou ‘rayonne’ et forme une ligne lorsqu'il touche un autre point.
Lorsqu'un autre point envoie ses rayons et touche la ligne des deux rayons ou points et la coupe, il forme des angles.
Un point jette ses rayons vers un autre point, lequel aussi jette ses rayons, donc la distance AB est la distance BA.
La distance des rayons d'un volume va jusqu'au vide et forme là aussi une ligne.
Une ligne peut aller d'un point à l'autre, aussi peut-elle indiquer la séparation du volume et du vide.
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I
II
III
IV
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Les lignes forment des plans dont les angles sont de grades divers et de cette façon indiquent la surface du volume.
Un volume placé sur un autre volume donne par des points, des lignes, des plans, la surface de leurs volumes.
Tous ces volumes ont leur centre, se tenant l'un par l'autre en équilibre et font ensemble la surface d'un seul volume, ou la forme d'un volume par sa surface occupée.
Un volume + vide = espace.
Fig. III démontre qu'un point peut envoyer des ondes jusqu'au vide, par oú elle est en équilibre.
A est donc le centre du volume, envoyant ses ondes jusqu'au vide. Donc AB sera la dimension du volume. AD sera aussi sa dimension, plus le volume juxtaposé, ainsi que tous les, autres volumes juxtaposés qui sont 2, 3, 4, 5. Les volumes juxtaposés ont leurs ondes et les centres de ces ondes appartiennent tous au volume principal, faisant ensemble un seul volume.
Fig. IV. est la figure par une seule ligne exprimant et appartenant à la même surface, le même volume. Elle contient l'unité, ‘l'espace’, par l'équilibre du volume et du vide dans l'espace. Elle contient aussi par les lignes correspondantes, les volumes juxtaposés.
La grande vérité, ou la vérité absolue, se rend visible à notre esprit par l'invisible.
La vérité du volume, vide, espace, leur invisible, se fait visible par la science pure, par le système.
La science trouve dans la nature l'image ou le vestige de l'infini.
L'équilibre du volume, avec l'équilibre du vide, dans l'unité, espace, forme harmonie.
L'équilibre des couleurs est harmonie ‘unité’. Ce n'est pas faire le sujet objectivement, la substance, comme faisaient les naturalistes, ni en faire l'impression, mais faire ce que la nature contient, la base de son existence. Dire la grande vérité de la nature, qu'on veut créer et dire sa continuité, l'infini.
Or, le point, la ligne, le plan, ce qui forme volume, le complémentaire du vide, sont au département de l'espace. La continuité, l'infini, se trouve dans ces lois.
La vibration d'un point qui rencontre la vibration d'un autre point, forme une ligne, deux lignes forment un plan, le centre du plan coupe les lignes par ses ondes et forme un nouveau plan et voilà l'image ou le vestige de l'infini. C'est l'invisible qui se fait visible à notre esprit. L'image ou le vestige de l'infini est visible par le triangle. Lorsqu'on part
Fig. A
Fig. B
du centre du triangle equilatéral, on le touche au milieu de chaque côté et en joignant les trois points, on crée un nouveau triangle et cela va à l'infiniment petit ou l'infinitésimal (voir fig. A). De même qu'en tirant une ligne droite du quart d'une ligne vers le quart de l'autre c'est à dire de A vers B, de C vers D et de E vers F, (voir fig. B) on crée à l'infiniment grand des triangles équilatéraux.
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Tous les volumes sont en mouvement ou en repos.
Un volume se meut, tantôt lentement, tanôt rapidement.
Les volumes se distinguent les uns des autres par leur repos, vitesse ou lenteur, mais pas par leur substance à laquelle ils appartiennent; de la substance doit être déduit l'essentiel, elle doit toujours être pensée séparément de ses variétés ou de sa transformation.
L'Existence est l'origine de tout et va avant tout ce qui s'y manifeste. L'existence est l'image de la substance, c'est-à-dire que l'être de la substance appartient à l'existence ou la substance n'existe pas sans existence et l'existence est à l'infini.
Il faut donc voir l'existence des choses.
Jai déjà parlé des ondes ou vibrations. Donc, un volume en mouvement ou en repos est venu à son mouvement ou repos, par l'onde d'un autre volume, qui lui également est imposé d'être en mouvement ou en repos par un autre volume et celui-ci aussi par un autre et ainsi à l'infini. Une ligne horizontale ou verticale donnera toujours le repos. Si
elles se coupent en forme de croix, donc rectangulairement, elles donneront encore le repos. Une ligne oblique est en mouvement et lorsqu'elle sera coupée par une autre ligne, elles seront toutes deux en mouvement.
Lors qu'une ligne A B formera angle avec A C D E restera en mouvement, mais A B sera mis en repos par AC Donc A B et A C seront en repos.
L'harmonie des lignes ou des volumes, exprime leurs mouvements et leur unité par l'équilibre et est l'image de la continuité ou l'infini, le mouvement perpétuel.
Lorsque deux ou plusieurs volumes de grandeur égale ou diverse sont juxtaposés, ils peuvent se mouvoir également ou variablement, de sorte qu ils se communiquent, suivant une règle fixe, leurs mouvements. Ils seront des volumes unis, ou un seul volume ou volume juxtaposé. Un volume juxtaposé, donc se trouvant sur un autre volume, prendra la méme vitesse et le même repos. C'est-à-dire l'un va avec l'autre ou ils ne peuvent être séparés.
Fig. IV est un volume déterminant la place qu'il occupe avec le vide, tous deux dans l'espace. Il détermine donc par une figure sa grandeur. Il n'est pas l'infini, puisqu'il a une longueur et largeur. Il n'est pas l'infini, mais il contient l'infini, par les lignes corres-
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pondantes et allant à l'infiniment grand et l'infinitésimal. II n'est pas la vérité, mais contient de la vérité. Ce n'est pas l'infini mais l'image de l'infini. Ce n'est pas non plus une partie de l'infini, car l'infini n'est pas divisible. Il n'y a pas deux existences de même qualité à l'infini faisant ensemble un infini parce qu'alors on aurait un infini ayant deux fins. D autre part, une chose contenant l'infini, ne peut pas être deux fois plus grande qu'une autre chose contenant également l'infini.
Fig. IV appartient à l'infini, elle contient cette qualité, elle dit la possibilité de l'existence, mais elle n est pas existence seule, puisque c'est une figure déterminant une surface occupée, donc, une partie occupant l'espace ou faisant partie de l'espace, mais pas une partie de l'espace, ni l'espace seul.
Si donc cette surface est divisée en angles, chaque angle contiendra de l'infini, sans être une partie de l'infini, elle contient l'infiniment grand et l'infinitésimal.
Une ligne a trois caractères ou expressions. Elle peut aller d'un point à l'autre, c'est-à-dire, du centre d'une onde vers le centre d'une autre onde. Une ligne peut aussi indiquer le lieu, ou une onde rencontre une autre onde, c'est-à-dire, là òu le volume continue en vide donc la séparation de l'onde du volume et de l'onde du vide peut être indiquée par une ligne. Une ligne peut aussi aller à l'infini et créer par la rencontre d'une autre ligne un plan et cela contient également de l'infini.