Septentrion. Jaargang 1
(1972)– [tijdschrift] Septentrion–
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l'essor économique de la flandremark eyskensNé à Louvain, le 29 avril 1933. Docteur en droit, docteur en sciences économiques et bachelier (série philosophie) de l'Université Catholique de Louvain. Master of arts in economics de la Columbïa University de New York. Professeur à la Katholieke Universiteit Leuven (KUL), Faculté des sciences économiques et des sciences appliquées, enseignant l'Economie Générale, la Théorie de la Micro-Economie, les Finances Publiques. Conseiller économique auprès du cabinet du Ministre des Finances (1962-1965). Membre de la Commission De Voghel, chargée de l'étude du financement de l'expansion économique (1966-1967). Membre de la Commission Verschave, chargée de l'étude des ports de mer (1968-1969). ![]() | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
1. Le contexte historique.L'essor manifeste de l'économie en pays flamand au cours des décennies qui ont succédé à la deuxième guerre mondiale est en fait une renaissance. L'histoire nous apprend en effet qu'au cours des siècles passés le pays flamand connut à plusieurs reprises des périodes de prospérité, compte tenu des critères en vigueur à l'époque. Qu'on se rappelle plus particulièrement le lustre des villes commerçantes. Le gothique flamboyant, la grandeur du Moyen-Age ou le Siècle d'Or d'une ville comme Anvers jettent une lumière d'autant plus contrastante sur le dénuement du pays flamand au cours du premier siècle qui suivit l'indépendance de la Belgique. Le pays flamand était durant cette période, en de nombreux domaines, un pays sousdéveloppé, à une époque où l'expression euphémique ‘pays en voie de développement’, n'était pas encore utilisée. Pourtant, le dix-neuvième siècle n'avait pas mal commencé pour la Flandre. La révolution industrielle, née dès la fin du dix-huitième siècle en Angleterre, avait mis quelque temps à atteindre le continent européen. Mais il apparut bientôt que la flamme prométhéenne de la technologie mécanique jaillissait en premier lieu sur le territoire belge ou sur ce qui allait devenir le territoire belge. La Belgique est en effet la puissance industrielle la plus ancienne du continent européen. L'on connaît la lithographie représentant le premier voyage en train de Malines à Bruxelles. Ce célèbre voyage, à la vitesse de 25 kilomètres à l'heure, eut lieu le 5 mai 1835. Il stupéfia à la fois les voyageurs et les nombreux spectateurs dans les prés avoisinants. L'inauguration | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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![]() Inauguration du premier chemin de fer de Bruxelles à Malines en 1835.
de ce premier tronçon du ‘chemin de fer’ sur le territoire de la Belgique - laquelle venait d'accéder à l'indépendance - n'était qu'un aspect d'une activité industrielle bientôt effervescente qui allait se répandre sur le pays entier. Mais l'origine de ce succès industriel remonte à une époque antérieure. Sous le règne du roi Guillaume ler des Pays-BasGa naar eind(1), de nombreuses initiatives économiques et financières de première importance avaient été encouragées et même suggérées.
Le roi méconnu qu'était Guillaume ler a fait énormément pour les provinces du sud, dont la colère grondait contre luiGa naar eind(2). Il fonda la Société Générale (Algemene Maatschappij) qui devait servir de levier financier à ses projets d'industrialisation. Il s'occupa très activement de l'infrastructure: les canaux Bruxelles-Charleroi et Gand-Terneuzen furent creusés tandis que l'aménagement du Zuid-Willemsvaart allait ouvrir le bassin de Liège.
Ce fut également Guillaume ler qui attira l'industriel anglais John Cockerill aux Pays-Bas du sud afin de tirer l'industrie du fer et de l'acier de son inertie artisa- | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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nale et de la transformer en une industrie mécanisée moderne. Ainsi on continua à exploiter les richesses du sol, surtout en Wallonie, dans le bassin de la Meuse: la houille et le minerai de fer. La première exploitation systématique de ces gisements date d'ailleurs du douzième siècle, et il n'est donc point étonnant que la lourde industrie de base se soit trouvée principalement établie, au cours du dixneuvième et du vingtième siècle, dans la vallée de la Meuse, près de Liège et dans la région de Charleroi.
Mais les provinces flamandes pouvaient à leur tour faire état d'une longue tradition industrielle, au moment où la révolution industrielle du dix-neuvième siècle se déclara. Il est superflu de rappeler ici la glorieuse histoire du développement et de la prospérité économique des villes commerçantes, telles Bruges, Gand, Ypres et Anvers. Le centre de l'activité industrielle en Flandre s'y orienta surtout vers le textile. Mais contrairement au bassin industriel de la Wallonie - qui tout au long du dix-neuvième siècle bénéficia largement des innovations technologiques - l'industrie du textile en Flandre se trouvait confrontée avec de graves difficultés à la suite de l'incidence de certains événements politiques sur les marchés étrangers. La défaite des armées napoléoniennes en 1815 interrompit longtemps les possibilités d'exportation vers la France. La proclamation de l'indépendance belge en 1830 entraîna un ralentissement identique de l'exportation du textile vers les Pays-Bas. Le port d'Anvers réussit toutefois à se développer de plus en plus comme centre commercial et à renouer ainsi avec son brillant passé économique de la première moitié du seizième siècle. Mais au dix-neuvième siècle, Anvers ne devint pas un port industriel. La ville restait avant tout une porte sur l'océan, pour l'importation des matières premières et pour l'exportation des produits semi-finis, en provenance pour la plupart du bassin industriel de la Wallonie. Les différents facteurs évoqués ci-dessus déterminèrent au dix-neuvième siècle et de façon partielle au vingtième, la divergance du développement économique entre le pays flamand et la Wallonie. Cette divergence se traduisait dans les disparités de niveau de vie entre habitants des deux régions du pays. Bien entendu, le pays flamand eut aussi sa part dans la mise en marche du secteur des services, et plus particulièrement dans le développement des activités financières. Mais, au dix-neuvième siècle, le nombre de ceux qui appartenaient au secteur tertiaire était limité. Il s'agissait généralement de personnes issues d'une classe sociale inaccessible au commun des mortels. Sur cette disparité sociale se greffait, en pays flamand, la barrière linguistique de triste réputation. Une élite restreinte s'intégra avec empressement à la communauté culturelle française, alors que l'homme du peuple en Flandre - tant le citadin que l'habitant de la campagne - se trouva refoulé dans une sous-culture régionale.
En 1910, A. Dumont découvrit la présence de riches gisements houillers dans le sous-sol de la province du Limbourg. Néanmoins il a fallu attendre jusqu'au lendemain de la première guerre mondiale avant que ‘l'effet de multiplication’ de cette nouvelle activité se fasse sentir dans cette région. Ni l'expansion du port d'Anvers, ni l'exploitation des charbonnages limbourgeois n'étaient à même | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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![]() Le charbonnage de Winterslag (Limbourg - photo du Provinciaal Verbond voor Toerisme in Limburg).
d'empêcher que la Flandre ne conservât un important retard économique, tout au long des premières décennies du vingtième siècle.
Ce retard s'exprimait par un niveau de vie généralement peu élevé, un chômage assez important dans les centres urbains, beaucoup de chômage dissimulé dans les communes rurales, une fraction importante de la population active travaillant dans l'agriculture, de nombreux travailleurs faisant la navette entre la Flandre et le bassin industriel de la Wallonie; ce retard économique s'exprimait encore par l'accroissement du travail frontalier, etc.
Bien qu'àprès la pénible parenthèse de la première guerre mondiale, la Belgique eût réussi assez vite à inaugurer une nouvelle phase d'expansion économique, la faiblesse structurelle de l'économie en Flandre n'y trouva guère de remède efficace. Même les résultats de la mise en valeur du Congo Belge n'exerçaient pas d'influence déterminante sur le développement économique de la Flandre. La grande crise économique des années trente bouleversa profondément l'écono- | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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mie belge, qui à cette époque était axée essentiellement sur l'industrie de base (l'acier et le charbon) et plus accessoirement sur celle des produits semi-finis. C'est à partir de 1934, que la situation économique de notre pays se fit inquiétante. La politique de réduction des salaires et de compression des dépenses publiques, suivie alors par les gouvernements successifs, ne parvint pas à renverser la vapeur. Entre-temps, les prix avaient baissé de 25% par rapport à 1929, confirmant ainsi l'existence d'une sérieuse déflation. La Flandre fut durement touchée par le malaise économique. Dans certains secteurs, le chômage atteignit 25% et même 50% des travailleurs. Les tentatives courageuses du gouvernement van Zeeland (1934-1936) pour redresser la situation économique grâce, en particulier, au ‘Plan du Travail’ élaboré par Hendrik De Man, ne donnèrent que des résultats très partiels. Mais bientôt la Belgique se trouva entraînée pour la seconde fois dans un conflit mondial destructeur, et cela à quelques vingt ans d'intervalle. Lorsqu'en septembre 1944 - après quatre années d'occupation ennemie - le territoire fut libéré par les troupes alliées, l'économie belge parut pouvoir disposer rapidement d'atouts avantageux. Le charbon, l'acier et les produits semi-finis bénéficièrent d'une chance exceptionnelle dans une Europe qui se reconstruisait au plus vite, soutenue en cela par l'aide du plan Marshall. L'industrie belge avait en outre subi relativement moins de dommages du fait de l'occupation et des destructions de guerre que l'industrie hollandaise, voire allemande. Après la cessation des hostilités, l'industrie belge put reprendre assez vite ses activités. En outre, la compétitivité des produits belges sur les marchés étrangers se trouvait renforcée par la politique de lutte contre l'inflation, entreprise par le gouvernement qui rentra de Londres au lendemain de la libération. Grâce à l'assainissement monétaire, réalisé par le ministre des finances de l'époque, Camille Gutt, - et cela en dépit des protestations d'une population souvent mal informée -, les prix de la production belge purent se maintenir à un niveau très concurrentiel. Ainsi la Belgique devint le pays de l'Europe Occidentale qui sut, après la seconde guerre mondiale, redresser le plus vite sa situation économique. On parlait du miracle économique belge. Dans les années cinquante, l'économie belge dut affronter quelques graves problèmes de structure. L'euphorie découlant du miracle économique belge d'après-guerre avait contribué à voiler quelque peu les faiblesses structurelles de l'économie du pays. Le fait que l'importance du charbon dans la production énergétique allait diminuer de 70% à 30% pendant la période de 1950 à 1965, devait mettre une industrie aussi importante que l'industrie charbonnière dans une situation critique. Une réduction radicale de la production s'avéra économiquement inévitable. En 1961, les charbonnages belges produisaient encore 21,5 millions de tonnes; en 1970 encore 11,4 millions de tonnes. Durant cette même période le nombre de mineurs diminua de 88.541 à 37.396. En 1972, la production n'atteignit plus que 10 millions de tonnes. La sidérurgie connut également de nombreuses difficultés à la suite de la nécessité urgente de procéder à un accroissement | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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![]() Vue sur les nouvelles installations de transport transocéanique par conteneur, exploitées par la Société Belge-Anglaise des Ferry-Boats à Zeebrugge. A l'arrière-plan les installations de la compagnie petrolière Texaco (photo de la Maatschappij van de Brugse Zeevaartinrichtingen N.V.).
des échelles et à la rationalisation de la production. Les problèmes de la sidérurgie se trouvèrent encore aggravés du fait que nombre d'aciéries importantes étaient intégrées ‘verticalement’ à certains charbonnages. Cela signifie qu'une entreprise donnée, produisant de l'acier, disposait de sa propre production de charbon et de coke. Il s'ensuivit que la sidérurgie se vit obligée d'utiliser du charbon belge coûteux, augmentant ainsi le prix de revient de l'acier belge. La crise de l'industrie charbonnière et les difficultés dans le secteur de l'acier provoquèrent, dès le début des années, cinquante, une réaction en chaîne qui toucha surtout le vieux bassin industriel de la Wallonie, sans épargner pour autant le Limbourg et entraînant de nombreuses fermetures de mines. | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
2. L'essor économique.C'est précisément au début des années soixante qu'il faut situer le renversement de la situation économique en Flandre. Dans tous les pays industrialisés se ma- | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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nifesta vers cette époque une tendance à rapprocher de la mer les implantations industrielles. C'est comme si l'Europe Occidentale se trouvait sur un plan incliné et que les industries glissaient vers les côtes. La cause fondamentale de ce phénomène doit être cherchée dans les modifications de l'approvisionnement en énergie. L'arrivage de pétrole brut et la nécessité de construire des raffineries faisaient de la bande côtière et des zones portuaires des lieux d'implantation par excellence. Le raffinage du pétrole conduisait au développement explosif de l'industrie pétrochimique qui s'établissait de préférence aux environs des grands ports.
Ainsi, par un effet de polarisation, de nombreuses entreprises de tout genre étaient attirées par des pôles de croissance se trouvant près des côtes ou des ports (comme, entre autres, Sidmar).
Grâce à sa situation géographique, grâce à la force d'attraction du port d'Anvers et de la zone du canal Gand-Terneuzen, la Flandre parvint à bénéficier largement de cette évolution dans la localisation industrielle.
Quelle que soit l'importance de ce phénomène, cet aspect du ‘take-off’ économique de la Flandre n'est pourtant pas le seul.
Tandis qu'au cours des années cinquante la Wallonie fut confrontée en premier lieu au grave problème de sa reconversion, c'est surtout en Flandre que les capitaux d'investissement trouvaient une voie vers de nouvelles activités industrielles. En Wallonie, la politique d'investissement était forcément du type défensif, tandis qu'en Flandre les investissements prirent une tournure offensive. La cause en était le degré d'industrialisation limitée de la Flandre, ce qui rendait la défense de traditionnelles industries lourdes superflue ou moins urgente.
Il serait toutefois trop simpliste de croire que durant toutes ces années la Flandre aurait été exempte de problèmes de reconversion. En ce qui concerne les charbonnages, on retrouve également dans la province du Limbourg des problèmes analogues à ceux du bassin industriel de la Wallonie. De plus, de délicats problèmes de structure se présentaient dans le secteur du textile dont le centre de gravité était situé - et il l'est encore actuellement - en Flandre. Qu'on n'oublie pas non plus la profonde mutation, le plus souvent silencieuse, du secteur agricole, en vingt années à peine. Durant cette période se produisit une migration sociale qui réduisit de moitié le nombre des personnes travaillant dans l'agriculture. Aujourd'hui la population agricole ne constitue plus que quelque 4% de la population active de la Belgique.
Un autre élément extrêmement favorable à l'économie de la Flandre fut l'intégration progressive de l'économie belge dans la Communauté Européenne. La création de la C.E.E. faisait de la Belgique l'une des régions d'investissement par excellence pour les entreprises étrangères. Bientôt les plus grands concerns internationaux, de nombreuses entreprises multi-nationales et groupes financiers étrangers s'efforçaient de construire en Flandre une tête de pont pour leur expansion future en Europe.
Un autre argument important qui, dès les années cinquante, décida les investisseurs étrangers en faveur de la Flandre était les salaires moins élevés de la main | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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![]() Le port de Gand. Le Sipperdock, qui peut receuillir des bateaux d'une capacité de 60.000 tonnes (photo de Europhot-I.M.P.F., Gand).
d'oeuvre en Flandre. L'ouvrier et l'employé flamand avaient en outre une réputation de haute productivité, de dynamisme et de discipline. En même temps s'est fait sentir la conséquence de la néerlandisation de l'enseignement supérieur; une nouvelle et nombreuse génération de diplômés universitaires était disponible et permettait à l'industrie de trouver les cadres compétents dont elle avait besoin. Cette évolution contrastait de plus en plus avec la situation économique de la Wallonie. Les problèmes structurels de l'industrie de base wallonne y troublèrent le climat social, ce qui ne manqua pas de décourager les investisseurs. La solution des difficultés structurelles n'en devint que plus difficile. Les problèmes économiques de la Wallonie s'enfermèrent ainsi dans un cercle vicieux qu'aujourd'hui même l'on n'a pas encore pu rompre. La pression politique tendant à maintenir en vie des industries économiquement condamnées (surtout les charbonnages) - quelque compréhensible qu'elle soit du point de vue social - provoqua une utilisation déficiente de capi- | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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taux et d'autres facteurs de production, ce qui, à la longue, contribua à empirer la situation.
Un dernier facteur d'importance capitale pour l'épanouissement de l'économie en Flandre fut la politique menée par les pouvoirs publics en matière d'expansion économique et de développement régional. Cette politique allait de pair avec de très considérables investissements publics dans l'infrastructure routière et portuaire.
Cette politique des gouvernements successifs a été particulièrement favorable à la Flandre. Non que les régions flamandes aient reçu un plus grand nombre de milliards que la Wallonie. La discussion sur la répartition effectuée dans le passé, le débat au sujet de ce qui est souhaitable ou juste en matière d'octroi de subsides publics aux régions, sont interminables, parfois exclusivement polémiques et souvent à côté du vrai problème.
Si la Flandre a su profiter particulièrement de la législation d'aide régionale et sectorielle, c'est parce que très souvent les mesures de soutien ont provoqué en Flandre un ‘effet de multiplication’ élevé.
Il est apparu ainsi que les investissements publics dans le port d'Anvers ont entraîné des investissements privés quadruplant grosso modo les investissements initialement effectués par les pouvoirs publics. Les investissements privés exerçaient à leur tour un ‘effet de multiplication’ sur le revenu régional et national. Les économistes appellent cet effet, le ‘multiplicateur’, il peut être estimé à 2 à 3, dans les pays industrialisés.
Concrètement, cela signifie qu'un investissement public initial de 10 milliards de francs belges dans le port d'Anvers, aurait induit des investissements privés de l'ordre de 40 milliards. Dès lors, 50 milliards seraient investis au total doublant ou triplant à leur tour le revenu régional et/ou national par des effets de revenus ou de production. Partant de 10 milliards, le résultat final atteint 50 milliards × 2 × 3, soit 100 ou 150 milliards.
Cet exemple théorique illustre le mécanisme de multiplication tel qu'il peut se dérouler dans des conditions optimales. Au cours des dernières décennies, ces conditions ont été grandement réalisées en Flandre. | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
3. De remarquables résultats.La politique régionale des pouvoirs publics et la politique de développement sectoriel s'appuyèrent en Belgique sur les lois dites ‘Lois d'expansion économique’. Les lois de juillet 1959, de juillet 1966 et de décembre 1970 sont particulièrement importantes. Un large éventail de stimulants a été élaboré. L'octroi par les ministères compétents d'une bonification d'intérêt et de la garantie de l'Etat aux crédits d'investissement étaient et sont encore les instruments les plus efficaces de cette politique.
Du 30-6-1959 au 30-6-1970, les investissements ayant bénéficié des avantages des lois d'expansion économique atteignaient en Flandre la somme de 214,8 milliards, permettant ainsi de créer 201.554 emplois nouveaux. Pour la Wallonie, les chiffres sont respectivement de 140 milliards et de 86.833 emplois. Pour Bruxelles-capitale: 6,6 milliards et 6.775 emplois.
Au cours des dernières années ‘l'effet de boule de neige’ des aides gouvernementales | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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![]() Vue sur le tunnel sous l'Escaut, rive gauche, à Anvers (photo de Guido Coolens).
paraît encore avoir été fort élevé. Entre le 1-7-1968 et le 31-3-1971, 96,5 milliards furent investis en Flandre, toujours dans le cadre de la législation d'expansion économique. L'aide publique s'éleva à 7,3 milliards, soit 107.000 Fr. par nouvel emploi. Au total, 68.723 nouveaux emplois furent créés. En Wallonie, 54,9 milliards furent investis durant la même période. L'aide publique atteignit 8,5 milliards, soit 220.000 Fr. par nouvel emploi. Au total, 37.876 nouveaux emplois furent créés. L'énorme effort d'investissement privé de la dernière décennie est dans une très large mesure dû aux initiatives des concerns internationaux, des entreprises multi-nationales et des groupes financiers étrangers. La part des investissements étrangers dans la totalité des investissements industriels effectués en Belgique durant la période 1965-1970 s'élèverait à quelque 30 à 40%.
De 1959 à 1970 les projets industriels de firmes ou de groupes étrangers en Belgique entraînèrent un volume total d'investissements de 121,8 milliards, permettant de créer 70.000 emplois nouveaux. | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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50,5% de ces investissements étrangers s'orientaient vers la Flandre, 41,4% vers la Wallonie et 7,9% vers Bruxelles-capitale (durant la période 1966-1970).
Les investissements étrangers au cours de la période 1965-1969 provenaient pour 53,7% d'initiatives américaines. L'Allemagne y participa pour 10,6%, la Grande-Bretagne pour 7,7%; les Pays-Bas pour 7,6%, et la France pour 5,2%. Les donnés rassemblées ci-dessous, donnent une idée de l'affectation sectorielle des investissements effectués pendant la période de 1967-1971, dans le cadre des lois d'expansion. Les chiffres se rapportent au pays entier.
Il importe également d'analyser la totalité des investissements privés, non seulement ceux effectués dans le cadre des lois d'expansion, mais également tous les autres investissements privés ne dépendant d'aucun subside, à l'exception toutefois des modifications de stocks. Les chiffres suivants ont été établis par le Centre d'Etudes Economiques de la Katholieke Universiteit Leuven. Les montants sont exprimés en prix constants (ceux de 1963). Répartition régionale de la totalité des investissements privés (prix de 1963 et en milliers de Fr.).
On peut conclure de ces chiffres que pour la période 1955-1970 les investissements exprimés en termes réels ont augmenté de 122% en Flandre, de 79% en | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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![]() Vue aérienne: la partie nord du port anversois. A l'avant-plan, l'Escaut et la rive gauche (photo de Guido Coolens).
Wallonie et de 103% à Bruxelles-capitale.
Une évaluation globale de l'effort d'investissement fait en Belgique durant les dernières décennies, doit également tenir compte du montant très important des investissements publics dans l'infrastructure, plus particulièrement dans le réseau routier et dans l'expansion de nos ports.
En 1967, le revenu régional par tête d'habitant en Flandre dépassait pour la première fois celui de la Wallonie.
Selon les estimations du Xe Congrès Economique Scientifique Flamand, le produit régional brut particulier réaliserait pour les 15 années à venir, un taux de croissance moyen annuel de 6,2% en Flandre, de 2,5% en Wallonie et de 4,7% à Bruxelles.
En 1968, la Flandre réalisa 48,1% du produit intérieur brut. La Wallonie y contribua pour 28,9% et Bruxelles pour 23%. Le produit intérieur brut par habitant s'élevait en 1968 à 89.000 Fr. en Flandre, à 82.000 Fr. en Wallonie et à 135.000 Fr. à Bruxelles. Cette évolution est illustrée par les tableaux ci-dessous. | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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Le Centre d'Etudes Economiques de la Katholieke Universiteit Leuven a examiné l'évolution de la valeur ajoutée, réalisée par les secteurs économiques les plus importants, pour la période 1955-1970. On a fait usage de prix constants, (ceux de 1963).
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![]() Echangeur de l'E3 sur la rive gauche à Anvers (photo de Guido Coolens).
Ces données révèlent également que, pour la période 1955-1970, le rythme d'augmentation de la valeur ajoutée atteignit 98% en Flandre, 55% en Wallonie et 92% à Bruxelles-capitale.
A la fin de 1970, la Belgique comptait 9.690.000 d'habitants. La Flandre en comptait 5.432.000, soit 56,1% du total. Ainsi la Flandre compte 1.174.000 d'habitants de plus que la Wallonie et Bruxelles-capitale réunies. Au moment du recensement en 1947, le pourcentage pour la Flandre n'était que de 53,5%. En 1961, il était de 55,1%. En 1985, la part de la Flandre dans la totalité de la population belge serait de 57,7%.
Quant à l'emploi, la Flandre dispose de 50,4% du total national. Fin juin 1970, la Flandre offrait du travail à 1.418.000 travailleurs manuels et intellectuels sur un total national de 2.816.000.
L'évolution du chômage complet en Belgique et sa ventilation parmi les différentes régions du pays est illustrée par le tableau suivant. | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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Selon les statistiques de l'Institut National de Statistiques, la Belgique a exporté en 1968 pour 264,1 milliards de Fr. de produits industriels, dont 151,1 milliards de Fr. furent produits en Flandre. La part de la Flandre dans l'exportation des produits industriels est de 57,4%. La part de la Wallonie et celle de Bruxelles dans l'exportation industrielle sont respectivement de 31,7% et de 10,9%. Le revenu imposable net des personnes physiques en Flandre s'élevait pour l'année 1968, à 200,9 milliards de Fr., soit 52,4% du total national. La Wallonie et Bruxelles-capitale représentaient 30,9% et 16,7%. Il est utile de comparer ces données avec l'évolution du revenu fiscal par habitant en Belgique. C'est ce qui se trouve exprimé dans le tableau suivant.
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![]() Vue aérienne: la partie nord du port Anversois. A l'avant-plan, le Churchilldock (photo de la ville d'Anvers).
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4. Conclusions.1. Au cours des décennies écoulées, la Flandre a réussi à s'industrialiser à un rythme accéléré. Considérée globalement, la Flandre fait partie aujourd'hui des régions les plus hautement industrialisées de l'Europe. Une amélioration considérable du niveau de vie de la population, l'augmentation du nombre d'emplois et un accroissement important des activités tertiaires, etc. en sont les conséquences les plus tangibles. Au moment où la croissance économique est contestée, il est salutaire de se demander un instant quelle aurait été la situation de la Flandre si, depuis 1950, la production avait conservé le même rythme de croissance que durant les décennies d'avant la seconde guerre mondiale. 2. Le ‘take-off’ économique de la Flandre est dû à un ensemble de facteurs que nous avons décrits plus haut. Il est faux de prétendre que le développement économique de la Flandre s'est accompli au détriment de la prospérité économique de la Wallonie. Il est exact que certains facteurs, par exemple l'implan- | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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tation en zone maritime de certaines industries, ont influencé favorablement la Flandre, tout en exerçant une influence défavorable à la Wallonie. Mais c'est une erreur de croire que le freinage de la croissance économique en Flandre puisse promouvoir de quelque façon que ce soit la renaissance de l'économie wallonne.
3. Lorsque, dans quelques décennies, les historiens étudieront le passé, à travers leurs analyses rétrospectives, ils arriveront probablement à la conclusion que le progrès économique de la Flandre durant la période 1951-1970 a été déterminant pour le réveil de la communauté culturelle néerlandophone en Belgique. Peut-être apparaîtra-t-il alors aussi que l'infrastructure économique d'une communauté est sans doute plus importante pour son développement et son évolution que la superstructure de ses institutions.
4. Il est inévitable que dans un pays comme la Belgique on fasse la comparaison entre la Flandre et la Wallonie. Ici se pose le problème de l'intégration de la politique régionale dans la solidarité nationale. Du point de vue de la politique sociale, chaque citoyen bien pensant reconnaît l'existence d'un devoir de solidarité de la part des plus favorisés à l'égard des moins favorisés de notre société. En vertu de la même raison éthique fondamentale, il faut poser le principe du devoir de solidarité entre les régions. La négation de ce principe de solidarité entre les régions ne peut être que la conséquence de quelque énervement micronationaliste déplacé. D'ailleurs la C.E.E. elle-même élabore une politique régionale, faite pour encourager l'effort solidaire de toute la communauté. La question suscitant le plus de difficultés politiques - plus spécialement dans notre pays - n'est pas la reconnaissance du principe de solidarité. La question primordiale concerne la ‘quantification’ de l'effort de solidarité. Il ressort d'une multitude d'indicateurs économiques que la part de la Wallonie dans le total national varie entre 25% et 30%, selon les indices. Il s'ensuit que, si la répartition régionale de l'aide publique aux crédits d'investissement, ou aux capitaux d'expansion, octroie à la Wallonie plus de 30%, l'effort de solidarité des autres régions intervient déjà. Le fait que d'aucuns soulignent avec insistance la nécessité de partager l'aide publique entre la Flandre et la Wallonie sur une base paritaire, implique que l'on exige de la Flandre un effort de solidarité, dépassant largement l'importance relative de l'économie wallonne dans l'économie belge. Il est dès lors assez logique que la répétition parfois irritante de l'exigence d'une répartition paritaire - comme exigence minimale de la part de la Wallonie - fasse poser du côté flamand le problème des sources de financement. Il apparaît ainsi que l'impôt sur le revenu des personnes physiques provient pour 50,74% de la Flandre, pour 19,6% de Bruxelles-capitale et pour 29,7% de la Wallonie. Quant à l'impôt sur les sociétés, la Flandre en réalise 40,37%; Bruxelles-capitale 43,63% et la Wallonie 15,39%. 45,89% du précompte immobilier sont perçus en Flandre, 22,85% à Bruxelles-capitale et 30,68% en Wallonie.
5. Malgré l'évolution particulièrement favorable - globalement considérée - de | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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![]() Station d'épuration à Anvers (photo de Frans Claes).
l'économie de la Flandre, il serait téméraire de se laisser aller à un triomphalisme définitif. Le temps où la Flandre était une région économiquement sous-développée est bel et bien révolu. Mais cela n'empêche pas la Flandre d'avoir encore aujourd'hui des régions à problèmes. Le défi de l'avenir exige dès maintenant un effort total de dynamisme.
- Il ne faut plus souligner que certaines régions flamandes (telles le Westhoek, le sud de la Campine, etc.) atteignent un niveau de vie par tête d'habitant largement inférieur à la moyenne nationale. Dans certains cas, cette situation est due à l'insuffisance ou l'absence d'industrialisation. Ailleurs, les disparités de prospérité découlent des difficultés de la reconversion (p. ex. dans le secteur du textile, les charbonnages, etc.). Au cours des années à venir, la politique régionale devra être maintenue dans ce domaine, et cela avec une efficacité rénovée. - Il ressort de l'éventail de la répartition des revenus, que la Flandre compte encore un nombre élevé de personnes à revenus très bas. - Dans certaines régions, il y a encore | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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trop de travailleurs contraints à une navette quotidienne et asociale entre leur domicile et le lieu de leur travail.
- La force d'absorption des grandes agglomérations en matière d'implantation d'industries et de travailleurs salariés et indépendants continue à poser de nombreux problèmes.
- Selon les prévisions du Bureau Economique du Plan, les années à venir seront caractérisées par un manque accru d'emplois, plus particulièrement en Flandre. Une hypothèse de travail réaliste n'exlut pas une pénurie d'emplois de 350.000 personnes vers 1975.
- La migration croissante du secteur secondaire vers le secteur tertiaire, doublée d'une révolution technologique dans le secteur des services, peut accentuer le chômage technologique. Le phénomène du sous-emploi des diplômés universitaires se fera plus aigu dans les années à venir. Le succès de la démocratisation de l'enseignement dans un passé récent et la part relativement importante des jeunes dans la pyramide démographique de la Flandre, pourraient rendre particulièrement difficile le problème des débouchés pour un certain nombre de jeunes universitaires flamands.
- Au cours des dernières années, l'économie flamande a pu se prévaloir d'un montant imposant d'investissements étrangers. A partir de 1970, un revirement paraissait s'ébaucher. En 1970, les investissements d'expansion en Flandre atteignaient 44,2 milliards, dont 19,6 milliards sous forme d'investissements étrangers, soit 44%. Pour la Wallonie, les chiffres étaient de 26,4 milliards, dont 9,8 milliards d'investissements étrangers, soit 37,1%. En 1971 les chiffres pour la Flandre étaient de 40,3 milliards, dont 14,9 milliards d'investissements étaient étrangers, soit 36,9%. En Wallonie on atteignait 14,9 milliards, dont 1,2 milliard d'investissements étrangers, soit 8,1%. Pour les cinq premiers mois de 1972, la totalité des investissements d'expansion en Flandre n'était plus que de 3,7 milliards, dont 0,7 milliard d'investissements étrangers, soit 20%.
Sans doute, le recul des investissements en général et des investissements étrangers en particulier est-il dû partiellement à la stagnation conjoncturelle des dernières années. Mais il faut probablement aussi tenir compte d'un phénomène plus fondamental de caractère tendanciel. Ce sont surtout les investissements américains qui diminuent manifestement, par suite des tentatives américaines de rétablir l'équilibre de leur balance des paiements. Les Etats-Unis ont l'intention de maintenir cette politique durant les années à venir, et il est douteux que des investissements effectués par d'autres pays en Belgique puissent compenser cette perte.
Il faut aussi faire montre d'une certaine circonspection à l'égard des investissements étrangers, réalisés dans notre pays par des entreprises multi-nationales.
Il s'agit le plus souvent d'investissements industriels intensifs en capital, effectués par des industries de pointe. L'obsolescence économique de telles installations industrielles peut se produire rapidement. L'assiette financière, solide et importante des entreprises multi-nationales leur donne la possibilité d'amortir très rapidement ces mêmes investissements. La présence d'une entreprise étrangère dans une région déterminée | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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![]() Une solution technique au problème des immondices: une installation d'incinération dans la région d'Anvers (photo de Frans Claes).
ne peut donc jamais être considérée comme un acquis définitif. En effet, des facteurs très divers peuvent entraîner la transplantation vers d'autres régions d'unités de production, créées par les entreprises multi-nationales et cela dans un délai relativement court.
- La dépendance de l'étranger est un autre élément qui rend la Flandre économiquement vulnérable. Cela est d'ailleurs caractéristique de l'économie belge dans son ensemble. C'est aussi la raison pour laquelle des expressions telles que ‘économie flamande’ ou ‘économie belge’ sont fort ambiguës. ‘Economie flamande’ ou ‘économie belge’, peuvent tout au plus désigner un fait économique immédiatement observable: la production et la consommation de produits et de services sur le territoire de la Flandre ou de la Belgique. Il suffit d'élaborer un tableau élémentaire d'input-output, pour constater comment l'apport de facteurs de production et la destination finale des produits et des services sont à attribuer à l'étranger ou aux régions avoisinantes.
- Il faut enfin attirer l'attention sur l'ac- | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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centuation de certains effets secondaires mais nocifs d'une croissance économique inconditionnelle. La protection de l'environnement et la lutte contre toutes les formes de pollution influenceront de plus en plus les options économiques prises pour la Flandre comme pour la Belgique toute entière. Il n'est pas exclu qu'il en découle un rythme de croissance plus lent, bien qu'à notre avis il soit moins nécessaire d'avoir une croissance plus lente que d'avoir une croissance autrement orientée. Les dépenses considérables qu'absorbera à l'avenir la politique de l'environnement ne seront possibles que si l'on réussit à maintenir une croissance économique relativement rapide mais suffissamment purifiée. Traduit du néerlandais par Willy Devos. |