Septentrion. Jaargang 20
(1991)– [tijdschrift] Septentrion–
[pagina 68]
| |
Gerard David, vers 1450-1523Le peintre brugeois Gerard David n'est pas un inconnu en France. Un de ses panneaux les plus remarquables appartient au Musée des Beaux-Arts de Rouen: il s'agit de La Vierge entre les vierges, datant de 1509. David et son épouse Cornelia Cnoop, fille d'orfèvre, offrirent cette oeuvre au couvent de Sion à Bruges. Le couple lui-même y figure aussi. Après la dissolution par l'empereur Joseph II de la communauté religieuse en 1785, le tableau parvint finalement à Paris chez Miliotti, marchand d'objets d'art d'origine italienne. Sous la Révolution, le tableau fut confisqué et attribué à Rouen, lors de la répartition de différents objets d'art. Le Musée du Louvre ne compte pas moins de trois oeuvres de Gerard David. Le triptyque de la famille Sedano, d'origine espagnole, s'inspire manifestement d'une ébauche de Hans Memling (vers 1433-1494), qui précéda David à Bruges. Les figures d'Adam et Ève représentées sur les faces externes des panneaux latéraux ressemblent aux mêmes personnages du Lam Gods (l'Agneau mystique) de Jan van Eyck (vers 1390-1441). La lunette Dieu le Père bénissant faisait partie à l'origine d'un polyptique destiné à l'église de l'abbaye ligurienne de La Cervara. La troisième peinture du Louvre, Les noces de Cana, fit l'objet de beaucoup de commentaires, et cela non seulement en raison de son contenu. Dans son livre École flamande du xve siècle au Musée du Louvre, Édouard Michel a décrit l'oeuvre comme étant ‘un des premiers exemples peut-être d'une scène des Écritures traitée dans un esprit laïque’Ga naar eind(1). Il n'y a pas que le thème qui en fasse une oeuvre intéressante. Dans sa monographie, le Flamand américain Hans J. van Miegroet soustrait résolument le panneau au corpus du groupe ‘Gerard David et son atelier’ pour le classer parmi le groupe secondaire des ‘Tableaux de l'atelier de David’ auquel appartient également l'Arbre de Jessé de Lyon. A ce sujet, le dernier mot n'a sans doute pas encore été dit. Par ailleurs, ce dernier livre sur Gerard David rend justice à la personnalité du peintre. Il a fallu à l'auteur, professeur au Department of Art and Art History (Département d'art et d'histoire de l'art) de l'université de Durham aux États-Unis, environ six ans pour le rédiger. Le livre est le fruit de l'érudition acquise à l'université![]()
Gerard David, ‘Baptême du Christ’, 1502, détail, ‘Groeningemuseum’, Bruges.
de Gand et à l'University of California, Santa Barbara. Le fait qu'un tel projet monumental ait seulement pu être imprimé et non pas réalisé entièrement au berceau même des Primitifs flamands pousse à la réflexion. Une fois de plus, les finances y seront sans doute pour quelque chose. Dans cette branche, comme dans d'autres, tout le monde est bien obligé d'avoir l'esprit cosmopolite. Il n'y a plus de place pour le nationalisme. D'ailleurs la photogravure de ce livre magnifique, imprimé à Bruges, provient de ... Bilbao. Le livre commence par une biographie documentée où l'auteur situe avec précision le peintre Gerard David. Quelques problèmes surgissent déjà qui nous font attendre avec impatience l'explication fournie plus loin. Nous faisons connaissance avec un peintre qui, malgré le déclin de Bruges, réussit à devenir le représentant d'un milieu intéressant quoique détériorant. Pour l'instant, certaines questions restent sans réponse, comme celle de l'identité d'Antheunis Huyghe, qui est parfois mentionné d'un trait avec David. Gerard David n'est pas un homme insaisissable pour autant. L'incident juridique concernant les malles qu'Ambrosius Benson avait abandonnées et que David s'était attribuées, aurait sûrement plu à Guy de Maupassant. Mais que savons-nous du peintre avant son arrivée à Bruges en 1483? Selon les méthodes de l'anahse stylistique, Van Miegroet cherche à juste titre une réponse concluante, d'abord à Oudewater et à Haarlem, ensuite à Gand. L'approche de l'oeuvre brugeoise est déterminée par le contexte d'archaïsme et d'humanisme qui marque la ville au tournant du xve siècle. L'auteur s'arrête devant l'exemple type par excellence: le diptyque du Jugement de Cambyse (vers 1498). Le professeur E.I. Strubbe a encore tenté de démontrer que le choix d'un thème profane classique pour cette scène de justice et non le sujet traditionnel du Dernier jugement illustre à l'évidence le changement de mentalité: ‘La crainte de la vengeance divine a dû faire place à la crainte de la pénitence sur terre’. Van Miegroet fait référence aux troubles politiques qui mirent fin à la période de prospérité d'une ville de Bruges poursuivie par la colère de Maximilien d'Autriche. Au tournant du siècle, l'oeuvre de Gerard David a évolué vers une ‘maturité et une productivité inten- | |
[pagina 69]
| |
ses’. Il réalisa des peintures magnifiques comme le Baptême du Christ (1502), Bernardin de Salviatis et trois saints (1502) et le tableau de Rouen mentionné cidessus, Virgo inter virgines (1509). Les tableaux charmants de dimensions plus réduites et de date ultérieure comme la Vierge à la soupe au lait ou le Repos pendant la fuite ei Égypte ne reflètent pas cette grandeur hiératique. Ils font penser à un grand-père attendri qui se réjouit en faisant de la peinture. Malgré son livre brillant, l'auteur conclut que l'étude de Gerard David n'est aucunement terminée. Il conseille au lecteur de regarder les tableaux ‘selon leurs propres termes, en tant qu'icônes individuelles toutes pétries des conventions d'un passé illustre et en tant que participation et hommage au vaste et florissant ensemble de la culture flamande’. ■ Gaby Gyselen (Tr. G. Devriendt) hans j van miegroet, Gerard David, Fonds Mercator, Anvers, 432 p. |
|