[Vertaling]
Extrait de ‘Je ne suis qu'un nègre’
par Jef Geeraerts
Traduit du néerlandais par Maddy Buysse.
Tout se passa comme ils l'avaient dit. Nous avons dansé et chanté et fait la fête avec les Blancs, qui étaient tout aussi ronds que nous.
Tout allait bien. Nous avions tout oublié.
C'étaient nos frères. Ils étaient assis avec nous dans les bars, dansaient avec nos petites amies et couchaient avec elles, mais qu'est-ce que ça fait. Ce sont des hommes et, des filles, il y en a pour tout le monde.
Au bout de sept ou huit jours, il y eut un peu de grabuge avec les soldats de Thysville et même de Léo, paraît-il. Le général vola à la porte et reçut une gifle sur sa gueule prétentieuse, mais c'était rudement mérité.
Il semble que nos soldats en ont fait de toutes les couleurs avec les femmes blanches. Enfin, on sait ce que sont les soldats.
Les Russes et tous les autres en font autant. Les soldats, Noirs ou Blancs ou Chinois, ce sont des bêtes sauvages et lorsqu'on tombe entre leurs griffes, il n'y a plus qu'à serrer les dents.
Mais à Thysville, voilà que les Blancs avaient été prévenus par leurs propres soldats:
- Attention, mes amis, car avec l'Indépendance, il nous faut vos étoiles, vos képis, vos maisons, vos frigos, vos voitures et vos femmes. Reprise totale.
Dans d'autres endroits du Congo, tout restait calme. Il ne se passait rien, seule la radio se mit à attaquer les Blancs assez violemment. Quel gaillard, ce Kashamura!
En ce temps-là, les Blancs étaient collés comme des chauves-souris à leur radio. Ils s'énervaient et tremblaient, ils ne pouvaient plus rien avaler et se mirent à tourner en rond avec leur fusil chargé et par endroits, ils nous chassaient des bureaux télégraphiques et appelaient au secours des parachutistes, bien que nous ne leur ayons rien fait.