scène se balance sur une pointe, sur laquelle je dois la tenir en équilibre’ dit le chorégraphe. Ce qu'il fait en dosant mouvements, énergie et son de manière équilibrée dans des structures d'espace - temps. La tension se trouve considérablement augmentée par l'élément danger que Vandekeybus manie comme un jeu fascinant: les danseurs se jettent de lourdes pierres à la tête, plantent des dards acérés dans le sol, juste devant les pieds de leurs compagnons, se déplacent avec des pointes aiguës sous les chaussures, se lancent en l'air pour se faire recueillir par quelqu'un qui passe ‘comme par hasard’. De savoir que chaque geste, quelque rude et nonchalant qu'il puisse paraître, doit respecter un timing minutieux, de deviner la confiance extrême des danseurs dans leur propre savoir-faire et celui de leurs partenaires, tient les spectateurs en haleine.
Dans la production suivante, Les Porteuses de mauvaises Nouvelles, des ‘jeux’ physiques et psychiques, des trucs de prestidigitation, et des tours de force sont combinés avec des signes et des tableaux subtils et suggestifs. Les danseurs démontent les dalles de bois du plancher pour en construire des tours, nouveau terrain de jeu qu'ils escaladent et sur lequel ils bondissent. Mais en même temps le décor devient un élément chaleureux grâce à l'éclairage sublime. La sensibilité visuelle n'est pas étrangère à Vandekeybus (il a aussi été photographe). Les mouvements restent incisifs et dynamiques, mais il se crée aussi des passages particulièrement ‘dansants’ à deux, trois ou plusieurs partenaires. Sans jamais tomber dans l'anecdote, Vandekeybus évoque des tableaux suggestifs auxquels le spectateur donne sa propre interprétation. Ainsi se développe une sorte de ‘complicité’ dans le processus créatif, qui a un effet stimulant réciproque.
La musique fortement rythmée des compositeurs Thierry de Mey et Peter Vermeersch, déjà essentielle dans les oeuvres précédentes, a un impact encore plus marqué dans Le poids de la Main, une chorégraphie présentée pour la première fois au Théâtre de la Ville à Paris au printemps 1990. A côté des douze danseurs, il y a autant de musiciens sur la scène à se trouver en confrontation et en communication directe. Cette production est en fait basée sur les deux précédentes. C'est une nouvelle formulation, un approfondissement du matériel chorégraphique par la création de nouveaux contextes et de nouvelles structures, car sa propre oeuvre est la principale source d'inspiration de Vandekeybus. ■
Katie Verstockt
(Tr. Fl. Corbex-Buvens)