Théâtre
Fons Jansen (1925-1991): chansonnier des humbles
Le 23 mars 1991 décédait à Hilversum, à l'âge de 65 ans, le chansonnier néerlandais Fons Jansen. Son décès fut annoncé en ces termes: ‘Des impondérables contraignent Fons Jansen à jouer “Qui rira le dernier” au paradis. Nous regrettons amèrement de ne pouvoir assister à son spectacle’. Un texte dont le style trahit son auteur au-delà même de la mort: un style sans la moindre lourdeur et dénué de tout cynisme, mais raffiné et laissant un arrière-goût indéfinissable. Quel aplomb ne lui fallut-il pas, tout de même, pour aborder avec un tel non-conformisme, alors qu'il était à l'article de la mort, un sujet aussi tabou de la foi catholique. Comme si Jansen était davantage chansonner dans la vie que sur scène, où il ne le devint jamais vraiment.
L'on peut, sans risque de se tromper, qualifier d'étonnante la carrière d'artiste de scène que mena Fons Jansen. Il fit ses débuts en 1964 avec De lachende kerk (L'Église rit aux anges), un programme dans lequel Jansen fustigea surtout la sclérose de la foi (catholique). Il était alors âgé de 39 ans. Wim Kan (1911-1986), Wim Sonneveld (1917-1974) et Toon Hermans (o1916) avaient récolté quant à eux leurs plus grands succès avec des one-man-show télévisés et des sketches de nouvel an radiodiffusés par la station nationale. Après Jansen déferla une vague de jeunes talents: Herman van Veen (o1945), Neerlands Hoop (L'espoir des Pays-Bas), Don Quishocking et Ivo de Wijs (o1945). Vu l'époque à laquelle il débuta sur les planches, Jansen s'apparentait plutôt à la première génération de chansonniers, ses spectacles évoquant davantage les leurs: Lorelei, Clichémannetjes (Les souverains poncifs), Zo is het toevallig ook nog eens een keer (C'est toujours la même chanson) et Pepijn. Toutefois, il n'y avait que peu de points communs entre Jansen et tous ces fantaisistes, si ce n'est que Jansen avait lui aussi un compte à régler, en l'occurence avec cette institution sclérosée qu'est l'Église (catholique). Et en bonne logique il s'attaquait allégrement à la foi, sujet tabou par excellence. Il faut dire que c'était les années 60, une époque où il y avait encore des sujets tabous, et un public qui s'esbaudissait devant leur déclin.
Jansen n'a jamais été un auteur dramatique novateur, il était trop peu homme de théâtre pour cela. Il creait ses spectacles suivant le canevas traditionnel chanson-sketchchanson, les chansons étant immanquablement accompagnées au piano. Il excellait dans le sketch, genre qu'il pratiquait surtout dans la tradition de Wim Kan, plaçant des jeux de mots à foison, maîtrisant ses sujets et tablant sur l'intelligence des spectateurs. A la fin de sa carrière, il ne se moqua plus seulement de l'Église, mais de toute autorité quelle qu'elle fût, et s'en prit également à la politique. Mais, tout comme Kan, il n'exprima jamais ses idées qu'implicitement. C'est sans doute à cette discrétion, qu'il alliait à un physique avenant et à une présentation extrêmement soignée, que Fons Jansen dut la fidélité de son public, lequel assista jusqu'en mars 1984, lorsqu'il mit lui-même un terme à sa carrière de chansonnier, à tous ses spectacles: De lachende kerk, Hoe meer zielen (Plus on est de fous), 3X andermaal (3 fois une autre foi), Kwartetten, Fons Jansen 5 et Zullen wij handhaven (Nous maintiendrons). Durant les vingt ans de carrière de Jansen, son public vint l'applaudir à plus de 3 600 reprises.