Septentrion. Jaargang 36
(2007)– [tijdschrift] Septentrion[p. 81] | |
Roger Raveel, toujours actuel?Le peintre flamand Roger Raveel (o 1921) compte assurément parmi la fine fleur des artistes plasticiens en Belgique. En témoignent le musée monographique de Machelen-sur-Lys en Flandre-Orientale1, qui offre un excellent aperçu de son oeuvre, ainsi que deux publications récentes: un beau livre d'art richement illustré2 et une biographie3. Et pourtant Raveel n'a connu que sporadiquement à l'étranger le rayonnement qu'il mérite. Il n'est pas fermé au monde, comme le prouvent ses nombreux voyages à l'étranger et son intérêt pour ce qui se passe ailleurs dans le monde de l'art. Il n'a jamais manqué non plus de faire parler de lui avec des happenings ludiques ou des oeuvres faisant sensation. Mais Raveel n'a guère dépassé les frontières nationales (si ce n'est aux Pays-Bas où le critique Hans Sizoo l'a soutenu sans faillir), même si, au début, il semblait devoir en aller autrement, quand, dans les années 1950 et 1960, l'avocat Karel J. Geirlandt a tenté à plusieurs reprises d'offrir une plate-forme aux artistes belges méritants, d'abord à Gand et plus tard à Bruxelles. Gand comme base d'opérations pour l'Europe, cela a réussi dans une certaine mesure grâce à des contacts avec le critique français Pierre Restany et le directeur de musée suisse René Berger. Mais Raveel n'a pas été du nombre, peut-être parce qu'il ne faisait pas partie du courant abstrait. Ou bien parce qu'il était trop attaché à son terroir ou parce que par hasard son art ne correspondait pas assez au goût des pontifes de l'art de l'époque? Un autre facteur a dû aussi jouer un rôle: l'esprit artistique de l'époque. Aujourd'hui, un jeune artiste tente d'entrer en contact avec des galeries entreprenantes qui cherchent l'expansion à l'étranger, mais il en allait autrement dans les années où Raveel a débuté. Les galeries de l'époque pensaient trop peu à nouer des contacts avec l'étranger et les musées d'art contemporain pouvant avoir un effet stimulant n'existaient pas encore. Ainsi Raveel ne pouvait compter que sur lui-même et sur la collaboration de tous les instants des poètes Roland Jooris et Hugo Claus, qui lui exprimaient leur appui partout où c'était possible. Pour le dire avec les mots du poète néerlandais![]() Roger Raveel, Zelfportret bij tegenlicht (Autoportrait à contre-jour), huile sur toile et mixed media, 100 × 80, 1990, collection privée © SABAM Belgique 2007.
J.W.F. Werumeus Buning (1891-1958), ‘et le paysan, lui, continuait à labourer’. Raveel a développé une énorme puissance de travail. Il prend en 1966 la direction de la décoration des couloirs des caves du château de Beervelde (près de Gand) et commence en 1967 l'imposante publication Genesis comprenant 33 lithographies et autant de poèmes de Hugo Claus. En 1968, il est invité à la biennale de Venise et aux Documenta 4 de Kassel. L'année suivante, une importante rétrospective de son oeuvre fait une tournée aux Pays-Bas. Pendant la même période, il force l'admiration avec des oeuvres remarquables comme Tuintje met karretje om de hemel te vervoeren (Jardin avec charrette pour transporter le ciel, 1968) et peint des cygnes en bois sur les canaux brugeois. Raveel est alors très en vue de par sa manière toute personnelle de développer La Nouvelle Vision, comme Roland Jooris appelle cela à l'époque, et du fait qu'il élabore un style qui, malgré les limitations anecdotiques, exprime pourtant un concept universel. Raveel s'est fixé, nous le savons maintenant, certaines limites concernant sa thématique. Mais le résultat de cette thématique est original et lié à la perception que l'artiste a de la réalité. Il utilise | |
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des taches ou des surfaces blanches, le plus souvent des carrés ou des arrangements de carrés colorés qui anonymisent le visage ou les mains d'un personnage. Caractéristiques de son art sont la surface blanche et, dans certains cas plus explicitement encore, le miroir que l'on retrouve dans un grand nombre de ses oeuvres. Ils suggèrent à la fois la présence (le spectateur peut s'y projeter mentalement) et l'absence (l'identité de l'objet perd quelque peu en visibilité, de sorte que ce qui n'est pas représenté acquiert une importante fonction plastique). Un autre élément important, parfois négligé, est l'aspect social de son art. Raveel a consciemment choisi des thèmes proches de ses origines: le monde est son village, mais l'artiste y a de ce fait trouvé tout ce dont il avait besoin pour élaborer un vocabulaire universel. Par ailleurs, il s'est parfois engagé avec des oeuvres et des happenings contre la pollution de la Lys ou des canaux brugeois, ou avec une commémoration originale du déclenchement de la seconde guerre mondiale en Belgique (le 10 mai 1990). La fresque qu'il a réalisée dans la station de métro Mérode à Bruxelles est un défi équivoque pour la capitale: Ensor. Vive la Sociale! Le clin d'oeil est de Raveel. Finalement, il y a aussi les dessins qui témoignent d'une maîtrise sublime dans l'esprit de toute son oeuvre. ludo bekkers |