Septentrion. Jaargang 42
(2013)– [tijdschrift] Septentrion–
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Le cent cinquantième anniversaire de la naissance de Louis CouperusCharles Baudelaire a écrit, dans son fameux poème Le Voyage, paru dans le recueil Les Fleurs du Mal: ‘(...) les vrais voyageurs sont ceux-là seuls qui partent pour partir; (...) de leur fatalité jamais ils ne s'écartent, (...)’. C'est à cette sorte de voyageurs tout à la fois idéels et véritables qu'appartient l'écrivain néerlandais Louis Couperus. On fêtera en 2013 les 150 ans de sa naissance, ce qui donnera lieu à quelques événements et festivités. Louis Couperus a d'abord grandi à La Haye, cadet d'une famille fortunée qui, de longue date, avait fait carrière dans la haute fonction publique de la colonie des Indes néerlandaises, l'actuelle Indonésie. Il y a lui-même vécu de l'âge de neuf ans à quinze ans, et il a par la suite visité à deux reprises l'immense archipel. Couperus apparaît comme une exception dans le paysage de la littérature de langue néerlandaise,![]() H.J. Haverman, Portrait de Louis Couperus, crayon, 1897, collection Letterkundig Museum, La Haye.
par l'esthétisme de sa langue et de son mode de vie, par son cosmopolitisme, par sa proximité avec les thèmes du décadentisme européen et en particulier français. Si l'on exclut sa poésie de style parnassien, fraîchement accueillie aux Pays-Bas, son oeuvre considérable se compose de romans au sens traditionnel et de morceaux de prose à caractère le plus souvent intimiste. Couperus décrit dans ses romans réalistes bourgeois le biotope qu'il connaissait par sa propre expérience vécue de la grande bourgeoisie de La Haye: Eline Vere, paru en 1889 et porté à l'écran en 1991Ga naar eind1; De boeken der kleine zielen (Les Livres des petites âmes), paru en 1901 et 1903. Ou le biotope des Indes néerlandaises et de leurs mystères (La Force des ténèbres, 1986Ga naar eind2; Vieilles gens et choses qui passent, 1973Ga naar eind3). Bien plus que le naturalisme doctrinaire d'Émile Zola, qu'il admirait par ailleurs, c'est ce que J.-K. Huysmans appelait ‘un naturalisme spiritualiste’ qui caractérise ses romans, lesquels, par leur | |
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thématique décadente, leur composition équilibrée et leur profondeur psychologique, évoquent Madame Bovary de Flaubert, Anna Karénine de Tolstoï, Les Buddenbrook de Thomas Mann et La Saga des Forsyte de Galsworthy. Pour des raisons financières - il était difficile de tenir sa position sociale à La Haye et il ne devint en fait jamais riche par sa littérature - mais surtout par une pulsion d'évasion voire une volonté de fuir à tout prix ‘loin de l'âpre Nord’, Couperus a voyagé et séjourné une grande partie de sa vie dans le Midi méditerranéen: la France, l'Espagne, l'Afrique du Nord, la Grèce et surtout l'Italie lui inspirèrent de brefs textes journalistiques qui parurent souvent en feuilleton aux Pays-Bas. Sa prédilection allait à la culture et à l'histoire de la Grèce antique et de l'Empire romain. Mais aussi loin que puissent aller les voyageurs en quête d'ailleurs, ‘de leur fatalité jamais ils ne s'écartent’ selon le vers de Baudelaire, car, dans les romans mythologiques (Dionysos; Herakles) aussi bien qu'historiques (De berg van licht - La Montagne de lumière: sur Heliogabale; De komedianten; Xerxes; Iskander: sur Alexandre le Grand), on ressent comme une caractéristique du décadentisme la présence forte de la noire appréhension du destin au travers des thèmes et des personnages de Couperus, et on décèle chez lui des affinités avec le Salammbô de Flaubert et surtout avec L'Agonie de Jean Lombard. Par contraste, une morale horatienne du ‘carpe diem’ et un humanisme chaleureux donnent le ‘la’ dans de nombreux récits antiques et modernes. Le thème du roman baigné de soleil Antiek toerisme et celui d'Aan de weg der vreugde (Sur le chemin de la joie, adapté au cinéma en 1999) semblent résumer cette option: pour Louis Couperus, sa vie (imaginée) était un voyage entre le rêve du soleil paradisiaque du Midi et l'acceptation sous-jacente de son moi, considéré dans son contexte de temps et de lieu. Il n'est en fait aucun genre littéraire traditionnel auquel Couperus ne se soit pas essayé. Parmi ceux que nous n'avons pas encore mentionnés, ce sont surtout les fantasmagories et les féeries à la manière d'un Maurice Maeterlinck qui méritent l'attention, tout comme le roman autobiographique Metamorfoze (1897), ainsi que, dans une moindre mesure, les romans qu'il est convenu de qualifier de ‘royaux’, destinés à un public beaucoup moins exigeant, et où l'auteur évoque souvent les grandes monarchies d'avant la Première Guerre mondiale. Louis Couperus mourut le 16 juillet 1923, de retour d'un dernier grand voyage aux Indes néerlandaises et au Japon, et quelques semaines après son soixantième anniversaire, célébré en grande pompe dans le pays. Sa renommée aux Pays-Bas et sa reconnaissance internationale n'ont jamais complètement disparu, mais ce n'est que dans le dernier quart du siècle dernier qu'elles connurent une véritable renaissance. En 1977 parurent la plus grande partie de sa correspondance et sa (déjà) quatrième biographie, mais la première véritablement ‘définitive’. Ces éditions, dues toutes deux à l'archéologue philologue néerlandais Frédéric L. Bastet, déclenchèrent une avalanche de publications scientifiques. Et lorsqu'en 1996 le dernier des cinquante tomes des Volledige Werken (OEuvres complètes, 1987-1996)Ga naar eind4 de Couperus fut présenté au prince héritier néerlandais Willem Alexander, tous les éléments qui permettent d'étudier l'écrivain devenaient disponibles. La Louis Couperus Genootschap (Association Louis Couperus), recréée en 1993, publie la revue Arabesken, qui informe tous les amoureux de Couperus des publications, des expositions, notamment de celles qui ont lieu dans le musée Couperus de La Haye, et bien évidemment de tous les événements prévus pour le jubilé de l'année 2013. luc dirikx |
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