Septentrion. Jaargang 42
(2013)– [tijdschrift] Septentrion–La ‘défrancisation’ dans la périphérie bruxelloiseLe néologisme ontfransing (défrancisation) figurera-t-il un jour dans le lexique officiel de la langue néerlandaise? La question demeure provisoirement sans réponse. ‘Défrancisation’ y serait pourtant parfaitement à sa place parmi les correspondants néerlandais de francisation, dénéerlandisation, internationalisation. Ces vocables servaient et servent non seulement à cerner les évolutions politiques dans la large ‘périphérie flamande’ autour de Bruxelles, mais tout autant le processus sociologique qui a conduit à ces changements. Par ‘défrancisation’ nous entendons le renversement de tendance constaté dans les résultats obtenus par des listes électorales francophones dans cette ‘périphérie flamande’. Lors des élections communales du 14 octobre 2012Ga naar eind1, et ce pour la première fois depuis la fixation de la frontière linguistique - dans les années 1962-1963Ga naar eind2 -, ces listes francophones ont enregistré presque partout un recul du nombre de voix et les listes flamandes ont progressé presque partout. Les médias flamands, toutefois, ne se sont pas aperçus de ce phénomène en ce 14 octobre. Voyons | |
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![]() d'abord les chiffres. La notion ‘périphérie flamande’ désigne les communes du Brabant flamand limitrophes de la Région de Bruxelles-capitale ou de l'une des six communes périphériques où les habitants francophones disposent de facilitésGa naar eind3: en tout, il s'agit de dix-neuf communes, nombre fortuitement égal à celui du nombre de communes que compte la Région de Bruxelles-capitale. Nous traiterons séparément les six communes à facilités. Considérons d'abord les treize autres communes de la ‘périphérie’. Dans certaines d'entre elles, aucune liste francophone ne se présentait. Dans sept des neuf communes où se présentaient des listes francophones, celles-ci ont enregistré un recul: de 20 à 13,9% à Beersel, de 13,1 à 10,95% à Grimbergen, de 16,3 à 9% à Hoeilaart, de 34,3 à 24,2% à Overijse, de 20,7 à 17% à Tervueren et de 14,4 à 10,7% à Vilvorde. Dans chacune de ces communes on s'attendait à ce que les listes francophones réalisent une avancée, comme ce fut le cas lors de chaque élection précédente. Sint-Pieters-Leeuw et Zaventem sont les seules communes où les listes francophones pouvaient se féliciter d'un léger progrès: de 21,2 à 22,1% à Sint-Pieters-Leeuw et de 19,73 à 19,98% à Zaventem. Il s'agit là davantage de communes où l'on se rend pour travailler que de communes résidentielles, avec un afflux d'immigrants différent de celui que connaissent les communes résidentielles traditionnelles. Regardons maintenant les six communes à facilités. La liste flamande a progressé à Wemmel, à Rhode-Saint-Genèse elle a enregistré un léger progrès et on note une avancée pour la liste bilingue à Drogenbos. À Wezembeek-Oppem, Kraainem et Linkebeek, on constate un statu quo, avec des pourcentages élevés obtenus par les francophones. Il s'agit là - et ce n'est pas un hasard - des trois communes où le bourgmestre n'avait pas été nommé et où les tensions communautaires restaient vives. Lorsque l'on considère le cadre élargi, on peut bel et bien faire état d'un renversement de tendance. Pourquoi, en dépit d'un communiqué | |
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en cette soirée électorale du 14 octobre 2012, émanant du conseil d'administration de l'association De Rand (La Périphérie), ainsi que d'une étude approfondie réalisée par VIVES (Vlaams Instituut voor Economie en Samenleving - Institut flamand pour l'économie et la société) de la KU Leuven, les médias flamands ne s'en sont-ils pas rendu compte? Le 14 octobre 2012 ainsi que les jours suivants, toute l'attention s'est pour ainsi dire focalisée sur la lutte pour l'hôtel de ville d'Anvers, sur un combat opposant Patrick Janssens et son challenger Bart De Wever. On avait parfois l'impression qu'il n'existait pas, en Flandre, d'autres villes ou communes. Ce rétrécissement est une conséquence de la manière dont la notion de ‘nouvelle’, d'actualité, se voit réduite à celle d' ‘incident’, évolution qui prédomine au sein des médias flamands. Presque chaque jour l'une ou l'autre information est montée en épingle et devient l'événement du jour. Les quotidiens et les innombrables panels de discussion à la radio et à la télévision s'en emparent, sans parler des commentateurs et chroniqueurs. De préférence sans trop de souci d'interprétation ni de contextualisation permettant d'approfondir ou d'expliciter l'actualité. Mais il y a une autre explication encore. L'actuelle génération de politiques et de journalistes est trop jeune pour avoir connu et vécu le début des grandes discussions portant sur la réforme de l'État en Belgique ou n'était pas encore née lorsque celle-ci a commencé. C'est ce qui explique en partie une absence effarante de connaissance élémentaire, et dans les médias les arbres semblent très souvent cacher la forêt. Prenons un exemple concret. Dans le quotidien flamand De Standaard, Ben Weyts, vice-président du parti nationaliste flamand N-VA, a eu le loisir, sur une page entière, de critiquer et de battre en brèche la Communauté métropolitaine de Bruxelles sans s'attarder le moins du monde à la notion elle-même. La Communauté métropolitaine de Bruxelles telle qu'elle a été inscrite dans la déclaration gouvernementale de Di Rupo I serait appelée à devenir un organe consultatif et de concertation entre la Région de Bruxelles-capitale et les vastes périphéries flamande et wallonne qui l'entourent (en fait presque l'ancienne province de Brabant dans son intégralité). Il s'agit d'une proposition qui fait songer à l'organe de concertation créé au niveau des villes de Lille, Courtrai et Tournai sous la forme d'une eurométropole. Elle vaut à tout le moins la peine d'être étudiée et évaluée. Ben Weyts a profité d'emblée de l'occasion qui lui était offerte de créer un incident. La ‘défrancisation’ de la ‘périphérie flamande’ autour de Bruxelles s'insère dans un processus sociologique. Nombre de francophones qui y habitent sont des francophones de la deuxième voire troisième génération qui s'adaptent petit à petit. À la maison ils parlent leur langue maternelle, mais les enfants et les petits-enfants suivent l'enseignement dans une école néerlandophone, sont membres d'un mouvement de jeunesse néerlandophone ou s'inscrivent dans des académies de musique ou des beaux-arts locales néerlandophones. Bruxelles même a par ailleurs considérablement évolué: d'une ville à prépondérance francophone, elle est devenue une ville principalement internationale. De plus en plus d'Européens - eurocrates ou non - et des gens originaires de tous les coins du monde quittent maintenant Bruxelles pour s'installer dans la périphérie. Leur propos n'est pas d'imposer leur langue ou leur culture, mais souvent ils ignorent le néerlandais ou le maîtrisent insuffisamment. L'association De Rand entend répondre constructivement à cet état de choses par la voie d'une ‘politique d'intégration intense et positive’. Cette internationalisation s'accroîtra encore dans la décennie à venir et se propagera jusque loin audelà de la ‘périphérie flamande’, mais celui qui, en Flandre, perçoit des sons d'une langue autre que le néerlandais ne pourra plus y déceler une forme de ‘francisation’. guido fonteyn |