Septentrion. Jaargang 42
(2013)– [tijdschrift] Septentrion–PolitiqueLa navette entre La Haye et Bruxelles: Jeroen DijsselbloemQuelques semaines à peine après sa nomination comme ministre des Finances dans le cabinet Rutte II, le nom de Jeroen Dijsselbloem était déjà cité parmi les candidats potentiels à la présidence de l'Eurogroupe, qui réunit les dix-sept ministres des Finances des pays qui utilisent l'euro. Une carrière éclair pour cet économiste agricole qui, hormis une brève interruption, a été de 2000 à 2012 un membre certes apprécié mais relativement discret du groupe parlementaire du parti social-démocrate PvdA. Jeroen Dijsselbloem (o 1966) a été le bras droit du nouveau chef de file du PvdA Diederik Samsom. Après un succès électoral assez inattendu, les sociaux-démocrates ont négocié un accord gouvernemental avec le parti libéral du Premier ministre Mark Rutte. D'après les standards néerlandais, le processus de formation du gouvernement a été très rapide. Surtout pour un gouvernement composé de libéraux et de sociaux-démocratesGa naar eind1. Pour le PvdA, il est rapidement devenu clair que le poste de ministre des Finances devait échoir à un social-démocrate. Ce sera Jeroen Dijsselbloem. Celui-ci a immédiatement donné à entendre qu'il maintiendrait la politique d'austérité financière initiée par son prédécesseur chrétien-démocrate Jan Kees de Jager. Une position qu'il a soutenue aux Pays-Bas et réitérée à Bruxelles. Or, tout en tenant des propos identiques à ceux de son prédécesseur, il a fait une impression positive sur ses collègues. Après que l'homme politique luxembourgeois Jean-Claude Juncker eut annoncé qu'après huit ans il souhaitait déposer son mandat à la présidence de l'Eurogroupe, Dijsselbloem a été nommé président jusque début 2013. Le voilà donc qui assume deux responsabilités. Un job qui prend beaucoup de temps à La Haye, où il doit veiller à la mise en oeuvre des mesures d'économies pour plusieurs milliards d'euros décidées par le gouvernement Rutte, et un job tout aussi absorbant à Bruxelles, où il doit aligner les | |
[pagina 84]
| |
![]() Jeroen Dijsselbloem entouré de Christine Lagarde, directrice générale du Fonds monétaire international, et d'Olli Rehn, commissaire européen aux Affaires économiques et monétaires.
politiques des pays de la zone euro. Aux Pays-Bas, Dijsselbloem doit prôner la rigueur budgétaire. En Europe, il doit adopter une attitude plus souple envers les autres pays. Peu après avoir été nommé président de l'Eurogroupe, il a indiqué apercevoir des ‘lueurs d'espoir’ allant ‘résolument’ dans le sens d'un redressement de l'économie européenne. Pendant les années à venir, l'Europe devra avant tout relever le défi du contrôle du déficit budgétaire maximal de 3% dans chacun des États membres. Ce pourcentage indique une ligne de conduite, il doit être atteint le plus rapidement possible, mais, dans certaines conditions économiques exceptionnelles, un pays doit pouvoir bénéficier de plus de temps, explique le nouveau président. Dans une interview accordée à une chaîne de télévision commerciale néerlandaise, il a affirmé que la zone euro lui semble sortie du creux de la vague. Mais il reste prudent, car le plus grand risque d'après Dijsselbloem est que des gouvernements vont ‘lâcher les rênes’ dès les premiers signes de redressement économique. D'après Dijsselbloem, sa double fonction n'a que des avantages pour les Pays-Bas. En tant que président, on se trouve au poste de conduite. Il est toujours dans le feu de l'action, au centre de la prise de décision et les pertes de temps qu'il doit subir sont, somme toute, gérables. Dijsselbloem n'est pas effrayé par la charge de travail. À l'époque où son parti se trouvait à son plus bas historique, il avait un emploi du temps plus chargé qu'aujourd'hui, dit-il maintenant. Il y a un certain nombre d'années, Dijsselbloem s'est livré à faire son autoportrait dans l'hebdomadaire HP / De Tijd. Ses réponses révèlent une tout autre image de l'homme politique que les portraits récemment publiés à son propos dans la presse internationale. Celle-ci met l'accent sur la prétendue insipidité de Dijsselbloem, alors que lui-même dans HP / De Tijd évoquait son style de vie bon vivant. Au début de sa carrière politique, Dijsselbloem avait un rapport quelque peu problématique à la caméra. Pour surmonter cette difficulté, il faut beaucoup pratiquer, dit-on, et les occasions de pratiquer n'ont pas manqué. Devant la caméra, il semble à présent ne plus ressentir la moindre gêne, ni verbale ni gestuelle. On a notamment pu s'en rendre compte lors de la conférence de presse sur les problèmes posés par la banque néerlandaise SNS Bank. Une intervention des autorités néerlandaises était nécessaire pour sauver la banque de la faillite. Au début de la conférence de presse, Dijsselbloem a dit les choses sans mettre de gants: ‘La SNS Bank | |
[pagina 85]
| |
sera nationalisée. Cela coûtera 3,7 milliards d'euros à l'État.’ Il avait déjà fait preuve de la même transparence en 2008 lorsqu'il présidait une Commission d'enquête parlementaire sur les réformes dans l'enseignement. Pendant les décennies antérieures, le poste de ministre de l'Enseignement avait souvent été occupé par un membre du parti de Dijsselbloem. Or, cette circonstance n'a pas poussé Dijsselbloem à adoucir sa conclusion: les ministres étaient atteints de la ‘vision de tunnel’. Trouver une assise politique pour la stratégie suivie paraissait à leurs yeux plus important que de trouver du soutien sur le terrain. Les réformes réalisées dans l'enseignement prenaient à peine en compte les réactions des parents, des élèves et des enseignants. Par ailleurs, la nouvelle méthode pédagogique, le nieuwe leren (nouvel apprentissage), manquait de fondement scientifique. En tant que président de la commission d'enquête, Dijsselbloem a occupé, un instant durant, le devant de la scène, mais jusqu'à sa nomination comme ministre des Finances il a surtout travaillé en coulisses. Ces dernières années, il a été le bras droit du président du groupe parlementaire du PvdA. D'abord, il a collaboré avec Job CohenGa naar eind2, mais, à la suite de l'échec de l'ancien maire d'Amsterdam à la tête du parti, le PvdA a décidé d'organiser de nouvelles élections internes. Diederik Samsom sortit vainqueur de ce scrutinGa naar eind3. Pour Dijsselbloem, la collaboration avec Samsom a marché comme sur des roulettes. Ils sont tous les deux ingénieurs, appartiennent à la même génération et, au début de ce siècle, ont fait campagne ensemble aux élections législatives. Dijsselbloem bénéficiait de la confiance de l'ancien chef de file et du nouveau et s'était fait peu d'ennemis au sein du groupe parlementaire. Son sens de la diplomatie lui sera certainement utile dans ses deux nouvelles fonctions. Pendant ses premiers mois à la présidence de l'Eurogroupe, Dijsselbloem a immédiatement été jeté dans la fosse aux lions quand il a été chargé de résoudre la crise financière chypriote. Il s'est retrouvé dans l'oeil du cyclone lorsque, dans un premier temps, il a été question de mettre à contribution les petits épargnants pour financer la solution. Dans sa version adaptée, l'accord précisait que seules les épargnes d'un montant supérieur à 100 000 euros seraient touchées par cette mesure. Par ailleurs, Dijsselbloem aurait affirmé que la solution trouvée pour Chypre allait servir de ‘modèle’ pour d'autres pays en difficultés. Voilà ce qu'il n'aurait pas dû dire. Lorsqu'il est devenu clair que ses mots avaient été mal interprétés, l'incendie naissant s'est éteint. Le ministre et président de l'Eurogroupe a du reste réagi avec stoïcisme à ces critiques, en demeurant parfaitement fidèle à sa réputation bien connue depuis plusieurs années aux Pays-Bas. joris van de kerkhof |