Septentrion. Jaargang 42
(2013)– [tijdschrift] Septentrion–Le ‘Vooruit’: une salle des fêtes devenue centre d'art2013 est pour le Vooruit (littéralement En Avant) à Gand une année doublement festive. Il y a cent ans, la coopérative socialiste Vooruit fit construire une salle des fêtes, fleuron architectural qui devait donner corps à l'émancipation culturelle du prolétariat. Par la suite, au début des années 1980, la salle des fêtes se débarrassa de ses attributs rouges. Le Vooruit fut transformé en centre d'art indépendant, qui fête entre-temps sa trentième saison. Les deux jubilés - cent ans pour la salle des fêtes et trente ans pour le centre d'art - donnent lieu à un éventail de festivitésGa naar eind1. Au xixe siècle, Gand était une ville industrielle importante. Les exécrables conditions de vie et de travail des ouvriers donnèrent naissance à un puissant mouvement socialiste dont Edward Anseele (1856-1938), fils de cordonnier, fut le leader incontesté. Anseele prônait une forme de socialisme résolument tournée vers la pratique. Non pas par une révolution, mais par une participation au pouvoir et par un système coopératif destinés à améliorer la position du prolétariat. En échange de la fidélité à la coopérative, le Vooruit (fondé en 1881) proposa aux ouvriers gantois denrées alimentaires, charbon, vêtements et soins médicaux à un prix abordable. Le ‘modèle gantois’ fut largement suivi, entre autres dans le nord de la France grâce à des coopératives comme La Paix à Roubaix et l'Union à Lille. Le mouvement suscita à la fois une grande admiration et de sévères critiques. Les adversaires dénonçaient l'aspect capitaliste du système coopératif et accusèrent Anseele de mégalomanie. En outre, on désapprouva le fait que l'argent durement gagné des ouvriers était utilisé en projets architecturaux ostentatoires. De fait, l'évolution rapide de la coopérative à partir de 1895 avait mené à une politique explosive d'achats et de constructions au centre de la ville de Gand, ce qui avait culminé dans la construction de la salle des fêtes à la veille de la Première Guerre mondiale. Avec cette salle des fêtes, le Vooruit voulait démontrer qu'on ne se souciait pas seulement du sort matériel des ouvriers mais aussi de leur formation culturelle. Ferdinand Dierkens (1856-1936), l'architecte attitré de la coopérative, conçut un immeuble monumental de style éclectique. Sa construction, commencée en 1910, comportait à l'avant un magasin, un grand café-restaurant![]() Le Vooruit récemment rénové.
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![]() Cortège pour le suffrage universel, Gand, 1914. À l'arrière-plan l'on aperçoit la salle des fêtes Vooruit en construction, photo J. Beheydt © AMSAB, Gand.
populaire, divers espaces de réception, une bibliothèque avec cabinet de lecture, ainsi que des salles de réunion et de répétition pour les nombreuses associations culturelles socialistes de Gand. À l'arrière, il y avait deux grandes salles dont un théâtre portant l'inscription explicite Kunst veredelt (L'Art ennoblit). Dierkens fit honneur à son surnom de ‘grand décorateur’ dans un parachèvement intérieur richement décoré de sols en parquet, de vitraux, de dalles en céramique, de rampes d'escalier sculptées et d'ornements à la feuille d'or. Le défi d'achever la salle des fêtes pour l'Exposition universelle de 1913Ga naar eind2 ne fut cependant pas relevé. Seul le café fut ouvert au public. De même, il fallut renoncer aux festivités d'inauguration en 1914, mais cette fois pour cause d'invasion allemande. Toutefois, après sa réouverture solennelle en 1918, la salle des fêtes devint le point de rencontre par excellence des socialistes gantois. Au café-restaurant, on servait des repas à bon marché. Des associations culturelles - allant du cercle de philatélie à la ligue des femmes en passant par le club de gymnastique, la chorale, l'harmonie et les troupes de théâtre - y organisaient bals et banquets de fête. Le Cinema Vooruit offrait aux ouvriers des distractions cinématographiques accessibles et la bibliothèque leur permettait d'emprunter des romans et de consulter des ouvrages de référence. En outre, les meetings du parti, du syndicat et de la mutuelle alimentaient la nécessaire action politique. La crise économique des années 1930 et de la Seconde Guerre mondiale signifia la fin de l'âge d'or du Vooruit. Au début des années 1950, on y installa un grand magasin Super-Coop. Néanmoins, l'évolution sociale de l'après-guerre - la croissance économique généralisée et la naissance d'une nouvelle culture des loisirs, la dépilarisation progressive - minait le modèle coopératif. Le nombre de membres et les moyens financiers diminuaient et le Vooruit manquait de moyens pour entretenir convenablement sa salle des fêtes. Les associations se retiraient et, dans les années 1970, on commença à parler de ‘démolition’ et de ‘démantèlement’. Fort heureusement, il n'en fut rien. Au début des années 1980, un petit groupe de jeunes enthousiastes était tombé sous le charme de la beauté désuète du local des fêtes, désormais délabré, et ils réussirent à convaincre la coopérative d'en faire un centre d'art progressiste. | |
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Peu à peu, le bâtiment fut rénové et restauré. Un nouveau public de jeunes y trouva le chemin vers les fêtes et les concerts rock et on y organisa des spectacles expérimentaux de théâtre et de danse. Ainsi, le Vooruit rejoignait les centres d'art innovants et alternatifs qui ont été créés un peu partout en Flandre dans les années 1970 et 1980. Aujourd'hui, le Vooruit jouit d'une renommée internationale en tant que centre d'art professionnel et multidisciplinaire. Débarrassé de ses plumes rouges, il n'en reste pas moins que l'engagement social d'autrefois n'a nullement disparu. Ainsi le Vooruit a pris le parti de l'écologie et a introduit dans son large projet artistique une programmation dédiée à l'actualité et aux débats critiques. La salle des fêtes demeure en 2013 un lieu de rencontres, de culture et d'engagement. marleen brock |
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