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Arts graphiques
Faire des livres comme des peintures: Irma Boom
Aucun livre qu'elle n'ait conçu comme une oeuvre. Aucune commande qu'elle n'ait considérée comme une collaboration. Et aucun commanditaire qui ne se soit adressé à elle sans lui donner ‘carte blanche’, sachant que c'est le plus bel espace qu'on puisse allouer à l'imaginaire d'un artiste. À l'évidence, Irma Boom (o 1960) le serait, artiste, si la littérature sur le sujet ne faisait d'elle une graphiste ayant su imposer sa marque inventive au design du livre.
L'Institut Néerlandais de Paris nous introduit dans l'univers de cette graphiste née en 1960 et formée dans une école d'art - car elle souhaitait devenir peintre. Outre ses quelque deux cents livres réalisés depuis 1986, Irma Boom exhibe aussi les pépites de sa bibliothèque, dont elle a extrait cinq ouvrages. Notamment l'un consacré à Ellsworth Kelly, son ‘artiste préféré’, et l'autre du graphiste Jan Vermeulen, qui a ‘décidé’, confie-telle, ‘de sa vocation’. Tous les ouvrages qu'elle a conçus depuis près de trente ans montrent sa sensibilité plastique par leurs aplats de couleurs éclatantes, par la sobriété minimaliste de leur composition qui donne à la typographie toute sa place, par le goût des papiers dont Irma Boom choisit les textures avec exigence. ‘Je fais des livres comme des peintures’, avoue-t-elle, comme si le graphisme était devenu l'avatar de sa vocation première.
L'exposition recrée aussi l'atelier, à la faveur de vitrines qui illustrent les différentes étapes de la conception d'un livre, avec toutes ses alternatives de couleurs et de formats. Tout est révélé du doute et de la difficulté des choix qui sont des sacrifices. Là se situe le plus rare et le plus précieux, parce que le plus secret, de l'oeuvre, à savoir l'espace mental de la création, avec ses tâtonnements, ses ‘échecs’ selon la graphiste, mais aussi l'étincelle de génie surgie dans le désordre de notes, de photos et papiers divers. Ce sont là tous les chemins de la naissance d'un livre pensé comme un objet, à voir et à toucher, dans une sorte d'anticipation de la lecture.
Dans ce parcours livresque, la liberté féconde l'audace. Irma Boom en fait la démonstration en 1996 avec sa commande pour Chanel. À l'exception de la typographie imposée par Chanel, et qu'au demeurant elle ‘adore’, la prestigieuse maison de couture lui donne carte blanche pour concevoir No5 Culture Chanel. Ce sera le terreau d'un livre impossible parce que conçu sans encre. Elle ne renonce ni aux textes ni aux images, écrits et reproduits en relief, visibles donc mais avec la complicité de l'ombre, tels les livres en braille dont, de son propre aveu, elle s'est inspirée. Le pari était osé mais avait du sens puisqu'il faisait sien l'invisibilité du parfum. Irma Boom décuplait ainsi son pouvoir d'évocation en empruntant à Chanel No5 son incroyable et pourtant invisible présence.
En France, le graphisme d'auteur s'exprime presque exclusivement dans les secteurs culturels, par tradition plus ouverts à la créativité. La situation est différente aux Pays-Bas, où le graphisme fait partie du patrimoine esthétique et intellectuel. Nul besoin donc d'oeuvrer dans les secteurs de la culture pour jouir d'une complète indépendance qu'Irma Boom trouve auprès d'entreprises privées. Outre l'utilisation du logo Ferrari, Irma Boom a bénéficié d'une totale liberté pour concevoir un livre dont l'efficacité résulte précisément de sa différence. Vitra ne lui avait pas