Pour en revenir aux têtes, il ne faut pas oublier qu'elles sont les premières que Dionyse a ‘vu’ de ses personnages sortant de terre, s'en extrayant et qui continuent leur lente tentative de libération, de respiration.
Est-ce un cri de suffocation qu'elle exprime à travers un silence violent (la seule violence de son langage)?. Sans doute, lorsque l'on constate qu'il s'agit d'adultes et non de nouveaux-nés qui essayent de naître, de se mettre au monde.
Nous atteignons, ici, un tel degré de communication secrète que nous sommes étrangement sécurisés par ces lamelles de protection qui entourent partiellement ces visages dont le regard fixe, à lui seul, creuse nos mémoires.
Puis, les torses se dégagèrent. Les poumons sont puissants, ils contiennent l'air. Plus Dionyse cerne avec précision l'enfermement de l'être, plus elle libère les formes qui en témoignent et plus elle va loin dans l'élaboration des multiples tons qui sont autant d'indications subtiles. Dont l'une d'elles justement est en rapport direct avec le présent.
Les tons sont soit imperceptibles, soit bien affirmés tout en restant, à la limite, insaisissables.
Ce ne sont pas des couleurs, de toute façon, pas ‘de base’; elles n'en demeurent pas moins (au contraire...) attachées au quotidien de l'artiste qui fait passer à travers cette grille aux infinies variations, la présence d'un ‘aujourd'-hui’ jamais gommé au profit du ‘passé’.
Le phénomène du temps, dans cette oeuvre, est indissociable des autres, du contenu au contenant par exemple.
Si Dionyse est captivée par une luminosité particulière ou un reflet, elle l'intègrera dans ce qu'elle construit parce que cela en fait partie, c'est tout.
Un tout qui peut paraître répétitif dans son langage.
Il l'est dans la mesure où chaque artiste intègre ne peut pas faire autrement. Qu'il ne peut pas être autre qu'artiste, qu'il ne peut s'en empêcher. Et qu'il ne peut rien dire d'autre, en fait, que ce qu'il est urgent de dire.
Ce serait, dès lors, dommage de ne pas sentir à quel point les ‘légers déplacements’ dans le travail de Dionyse, sont importants. Ces pas franchis chaque jour, à chaque fois, qui ne font aucun bruit et qui (en apparence!) ne révolutionnent pas sa création.
Visuellement, on n'en captera éventuellement que quelques millimètres. La trajectoire réelle exige des années.
Revenons simplement aux croisés de Dionyse qui ne sont jamais en partance: ils sont les défenseurs d'une citadelle qui est leur identité.
Les stylites sont apparus, accroupis sur leur colonne dans un désert de sable qui renvoit à nos déserts de connaissance. Ils ne sont plus sur la défensive, ils peuvent partir, eux, à la recherche de l'essentiel que l'on peut, en dehors de toute référence religieuse, appeler l'âme.
L'âme, le noyau, le centre.
Et si tout cela n'avait d'autre but que la beauté? et si celle-ci n'était que le résultat de la paix?, de toutes les paix?
Alors nous comprendrions aussi le sens des miniatures de Dionyse ces céramiques-sculptures d'animaux, de fleurs, d'objets qui parviennent à tisser entre chaque création monumentale des relais minimales qui nous offrent des zones d'ocygènes lorsque, fatigués, comme elle, nous n'avons plus aucun autre désir que celui d'aimer.
Là, le silence devient autre et Dionyse parvient également à nous le faire partager.
Faut-il l'écrire? Il s'agit d'une grande fresque.
Madeleine Van Oudenhove